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18/08/2022 | FRANCE | N°22/00030

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre des référés, 18 août 2022, 22/00030


COUR D'APPEL

D'ANGERS

REFERES







Ordonnance n°

du 18 Août 2022



AFFAIRE RG : N° RG 22/00030 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FA53



AFFAIRE : S.E.L.A.R.L. [V] [T], S.A.S. YEZZA C/ S.C.I. ASPENDOS



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 18 AOUT 2022





Le 18 août 2022, nous Estelle GENET, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, déléguée par le Premier Président de la cour d'appel d'Angers, assistée de Christine LEVEUF, greffier, avons prononcé l'ordonnance suivante dans

l'affaire :





ENTRE :



S.E.L.A.R.L. [V] [T] prise en la personne de Me [V] [T] en qualité de mandataire judiciaire de la SAS YEZZA

[Adresse 1]

[Localité 4]
...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

REFERES

Ordonnance n°

du 18 Août 2022

AFFAIRE RG : N° RG 22/00030 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FA53

AFFAIRE : S.E.L.A.R.L. [V] [T], S.A.S. YEZZA C/ S.C.I. ASPENDOS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 18 AOUT 2022

Le 18 août 2022, nous Estelle GENET, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, déléguée par le Premier Président de la cour d'appel d'Angers, assistée de Christine LEVEUF, greffier, avons prononcé l'ordonnance suivante dans l'affaire :

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. [V] [T] prise en la personne de Me [V] [T] en qualité de mandataire judiciaire de la SAS YEZZA

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.S. YEZZA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés de par Me Rémi HUBERT substituant Me Cyrille GUILLOU de la SELARL BOIZARD - GUILLOU SELARL, avocat au barreau d'ANGERS

ET :

S.C.I. ASPENDOS représentée par son gérant comparant en personne

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 5]

assisté de Me Aurélien GOGUET de la SELARL GOGUET AURELIEN AVOCAT, avocat au barreau d'ANGERS

Après débats à l'audience publique du 09 Août 2022 au cours de laquelle nous étions assisté de Christine LEVEUF, greffier, il a été indiqué que la décision erait prononcée le 18 Août 2022, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

Signée par Estelle GENET, Conseillère faisant fonction de Président, et Christine LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La SCI Aspendos est propriétaire de locaux à usage commercial situés [Adresse 3].

Faisant valoir que la SAS Yezza avait pris possession des lieux sans autorisation, elle a saisi le 27 mai 2019 le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angers d'une demande d'expulsion de cette société des locaux commerciaux et de condamnation à lui verser une indemnité d'occupation.

Par ordonnance du 21 novembre 2019, le juge des référés a ordonné la mise en 'uvre d'une expertise de vérification de la signature portée sur le contrat de bail produit par la société Yezza et attribuée au gérant de la SCI Aspendos.

L'expert a conclu à l'incompatibilité du graphisme personnel du gérant de la société Aspendos avec le paraphe présent sur le contrat de bail.

Par ordonnance du 20 mai 2021, le juge des référés a néanmoins rejeté les demandes présentées par la SCI Aspendos en raison de l'absence d'éclaircissements sur la nature juridique de la relation entre les 2 sociétés et de l'encaissement par le bailleur de sommes adressées par cette société, pouvant s'apparenter à des loyers.

Par jugement en date du 31 mai 2022, le tribunal judiciaire d'Angers saisi au fond a :

- déclaré la société Yezza sans droit ni titre à occuper le local appartenant à la SCI Aspendos du local commercial situé [Adresse 3] à défaut de preuve d'un contrat de bail ;

- prononcé l'expulsion de la société Yezza des lieux situés [Adresse 3] de ses effets ou de tous occupants de son chef dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;

- ordonné à la société Yezza de remettre l'ensemble des clés en sa possession ;

- dit que passé le délai d'expulsion, la SCI Aspendos est autorisée à séquestrer les effets mobiliers de la société Yezza pour sûreté des loyers échus et des charges locatives ;

- dit n'y avoir lieu à astreinte ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- dit qu'il appartiendra à la SCI Aspendos de prendre toutes dispositions afin d'établir un état des lieux de sortie par huissier de justice ;

- condamné la société Yezza à verser à la SCI Aspendos la somme de 50'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'occupation irrégulière des lieux propriété de la SCI Aspendos depuis le mois d'octobre 2017 ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société Yezza aux dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire en écriture ;

- condamné la société Yezza à verser à la SCI Aspendos la somme de 6000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Yezza a interjeté appel de cette décision le 13 juin 2022.

Par jugement du 29 juin 2022, le tribunal de commerce d'Angers prononçait l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS Yezza.

Un commandement de quitter les lieux avant le 18 juillet 2022 lui a été délivré.

Par acte d'huissier de justice en date du 18 juillet 2022, la SAS Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Yezza ont assigné la SCI Aspendos devant le premier président de la cour d'appel d'Angers aux fins d'arrêter l'exécution provisoire de la décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions reçues au greffe le 5 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SAS Yezza sollicite :

- que soit ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire d'Angers en date du 31 mai 2022 ;

- au rejet de la demande présentée par la SCI Aspendos sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.

Elle soutient sur le fondement des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile qu'il existe un moyen sérieux de réformation de la décision de première instance. Elle invoque l'existence d'un bail commercial et soutient, sans contester les conclusions de l'expertise judiciaire, que celui-ci n'a de toute façon pas à faire l'objet d'un écrit. Elle invoque l'existence de nombreux témoignages attestant de l'existence d'un bail, ainsi que ses relevés bancaires justifiant du paiement du loyer tous les mois à hauteur de 1256,20 euros. Elle souligne que la SCI Aspendos n'a exprimé son refus quant à l'occupation de ses locaux qu'à compter de son assignation en référé aux fins d'expulsion.

Elle prétend également que la condamnation à des dommages et intérêts n'est pas justifiée en l'absence d'indications sur la nature du préjudice réparé.

La SAS Yezza soutient ensuite que l'exécution aurait pour elle des conséquences manifestement excessives en mettant en péril son existence alors qu'elle exploite dans les locaux litigieux une activité de restauration rapide. Elle prétend quant à l'application des dispositions de l'article 514-3 précité que ce ne sont pas les conséquences manifestement excessives qui doivent être révélées postérieurement à la décision de première instance mais le risque que se produisent de telles conséquences. Elle invoque sa situation de fragilité en raison de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire mais aussi le bénéfice d'un accompagnement destiné à permettre la poursuite de son activité, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

Enfin, elle invoque le caractère excessif de la demande présentée par la SCI Aspendos au titre de l'article 700 du code de procédure civile au motif que l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision de première instance n'aura aucune incidence négative sur la situation financière de la SCI Aspendos.

Par conclusions en réponse reçues au greffe le 29 juillet 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SCI Aspendos conclut :

- qu'il soit jugé que la société Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités sont irrecevables en leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement ;

en conséquence :

- au rejet de l'ensemble des demandes présentées par la société Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités ;

- à la condamnation de la société Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la SCI Aspendos explique l'entrée frauduleuse dans les lieux par la société Yezza en entretenant une confusion avec la société Lambada Yezza, l'opération permettant de dissimuler une cession de fonds de commerce entre personnes appartenant à la même famille sous l'apparence d'une cession de droit au bail. Elle ajoute que la cession du fonds de commerce lui est inopposable, outre le fait qu'elle n'a jamais consenti à la transmission du droit au bail.

Elle soutient qu'il n'existe pas de moyens sérieux de réformation du jugement et que si elle a bien aperçu des versements de la société Yezza pour lesquels elle n'a d'ailleurs délivré aucune quittance, ces derniers ne peuvent pas être qualifiés de loyers. Elle prétend que M. [G] [O], président de la SAS Yezza, et sa s'ur Mme [N] [M] (gérante de la SARL Lambada Yezza, ont fomenté une opération de fraude reposant sur la confusion des dénominations sociales des deux sociétés, étant par ailleurs précisé que la SARL Lambada Yezza qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire était redevable de plusieurs mois de loyers et charges et du paiement de la cession de droit au bail à une autre société, la société Tab. Elle invoque par ailleurs un contrat de bail qui s'est révélé être un faux et conteste la totalité des témoignages produits par la partie adverse.

Enfin, elle fait valoir l'absence de conséquences manifestement excessives à l'exécution provisoire révélées postérieurement au jugement, précisant que l'expulsion est l'objet même de la procédure engagée et que le placement en redressement judiciaire est justifié en raison d'un état de cessation des paiements au 24 mai 2022, soit avant la date du jugement. Elle ajoute que le placement en redressement judiciaire est favorable à la SAS Yezza car il a pour conséquence directe d'interdire le paiement de toutes les créances antérieures à l'ouverture de la procédure, et notamment celle de l'indemnité d'occupation de 50'000 euros consacrée par le jugement du 31 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, 'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation liée à l'exécution provisoire de la décision de première instance ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.'

Il revient au débiteur de l'exécution provisoire de faire la double démonstration d'une part, qu'il existe des moyens sérieux d'infirmation et d'autre part, que l'exécution provisoire risque de produire des conséquences manifestement excessives à son égard. Il n'est pas discutable que les conditions énumérées par ce texte sont cumulatives de sorte que le défaut de justification d'une seule condition suffit à déclarer irrecevable la demande de suspension de l'exécution provisoire.

Lorsque comme en l'espèce, le débiteur de l'exécution provisoire a comparu devant le premier juge sans faire valoir aucun élément de défense sur l'exécution provisoire, il ne peut faire état que de conséquences manifestement excessives à son égard qui se sont révélées postérieurement au jugement de première instance.

Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que l'ouverture que la procédure de redressement judiciaire empêche la société Yezza de payer la condamnation de 50'000 euros décidée par le tribunal judiciaire d'Angers. Sur ce point, la société Yezza ne peut donc invoquer aucune conséquence manifestement excessive liée à l'exécution provisoire de la décision de première instance.

Quant à l'expulsion ordonnée par le tribunal, la société Yezza ne peut pas utilement soutenir qu'il s'agit là d'une conséquence manifestement excessive de l'exécution provisoire qui se serait révélée postérieurement au jugement de première instance puisque c'est l'objet même de l'action engagée au fond et qui a donné lieu au jugement du 31 mai 2022.

Il en résulte que l'appelant ne fait la preuve d'aucune circonstance de fait nouvelle, révélée postérieurement à la décision du premier juge, de nature à démontrer que la mise à exécution de la décision du tribunal judiciaire serait susceptible d'avoir des conséquences manifestement excessives qui n'auraient pas été envisagées par le tribunal lorsqu'il a statué en faisant application du principe de l'exécution provisoire de droit.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée à titre principal sera en conséquence déclarée irrecevable sans qu'il soit besoin d'examiner s'il existe un moyen d'annulation ou de réformation de la décision critiquée.

La somme qu'il convient de mettre à la charge de la société Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités au titre des frais exposés par la société Aspendos et non compris dans les dépens sera équitablement fixée à 1 000 euros.

La société Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités sont également condamnées au paiement des dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision mise à disposition, contradictoirement,

DECLARONS irrecevable la demande de la SAS Yezza et de la SELARL [V] [T] ès qualités d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire d'Angers du 31 mai 2022 ;

CONDAMNONS in solidum la SAS Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités à payer à la SCI Aspendos la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSONS les dépens de l'instance in solidum à la charge de la SAS Yezza et la SELARL [V] [T] ès qualités.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

C. LEVEUF E. GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre des référés
Numéro d'arrêt : 22/00030
Date de la décision : 18/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-18;22.00030 ?
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