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19/07/2022 | FRANCE | N°18/02392

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 19 juillet 2022, 18/02392


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







CC/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/02392 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENHW



Jugement du 02 Octobre 2018

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 18/00385





ARRET DU 19 JUILLET 2022





APPELANT :



Monsieur [S] [W]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5] (49)

[Adresse 6]

[Localité 3]



(bénéficie d'une aide juridictionn

elle Totale numéro 2019/001885 du 06/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)



Représenté par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS N° du dossier 18186, et Me Patrick...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/02392 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENHW

Jugement du 02 Octobre 2018

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 18/00385

ARRET DU 19 JUILLET 2022

APPELANT :

Monsieur [S] [W]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5] (49)

[Adresse 6]

[Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/001885 du 06/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Représenté par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS N° du dossier 18186, et Me Patrick DESCAMPS, avocat plaidant au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité à son siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Agnès EMERIAU de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20180681

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 02 Mai 2022 à 14 H, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 19 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé des 23 octobre et 18 novembre 2013, la SAS CNH Industrial Capital a consenti à M. [W] un crédit-bail pour le financement d'un tracteur agricole de marque Case, modèle Magnum 340, d'un prix de 132 000 euros H.T (157 872 euros TTC), moyennant une première échéance à la livraison, suivie de sept loyers annuels de 20 306,23 euros H.T. du 4 novembre 2014 au 4 novembre 2020 et un prix de vente final de 1 %, au terme de la location.

Par lettre recommandée du 21 mars 2016 avec avis de réception du 22 mars 2016, la SAS CNH Industrial Capital Europe a mis en demeure M. [W] de lui régler sous huit jours l'arriéré s'élevant à 24 749,08 euros comprenant l'annuité due au 4 novembre 2015.

Par lettre du 27 octobre 2016, la SAS CNH Industrial Capital a notifié à M. [W] la résiliation du contrat de crédit-bail et sollicité le paiement de la somme de 148 057,46 euros.

Par acte d'huissier du 1er décembre 2016, la SAS CNH Industrial Capital a assigné en référé M. [W] devant le président du tribunal de grande instance d'Angers afin d'obtenir la restitution du matériel objet du contrat de crédit-bail et le paiement de la somme de 148 057,46 euros TTC.

Par une ordonnance de référé du 16 février 2017, le président du tribunal de grande instance d'Angers constaté l'acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat de crédit-bail liant les parties et condamné M. [W] à restituer le tracteur agricole objet du crédit-bail, et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard à l'expiration du délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance.

A la suite de cette décision, M. [W] a restitué le tracteur agricole.

Le 30 janvier 2018, la SAS CNH Industrial Capital a assigné M. [W] devant le tribunal de grand instance d'Angers en paiement du solde restant dû.

Par un jugement réputé contradictoire du 2 octobre 2018, le tribunal de grande instance d'Angers a :

- condamné M. [W] à payer à la SAS CNH Industrial Capital la somme de 80 885,05 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2018 ;

- condamné M. [W] aux dépens et à verser à la SAS CNH industrial Capital une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 29 novembre 2018, M. [W] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement ; intimant la SAS CNH industrial Capital Europe.

Une ordonnance du 4 avril 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYEN ET PRÉTENTION DES PARTIES

M. [W] demande à la cour, au visa les articles 1147, 1134 du code civil (anciens), de':

- Déclarer tant irrecevables et que mal fondées l'action et les demandes de la société CNH Industrial Capital ;

- Débouter la société CNH Industrial Capital de l'ensemble de ses demandes,

- Déclarer responsable contractuellement la société CNH Industrial Capital à l'égard de M. [W] et la condamner à hauteur de toutes indemnités qui pourraient être prononcées en son encontre ;

- Infirmer le jugement dont appel en ce sens ;

- Subsidiairement, diminuer l'indemnité en fonction de la valeur réelle du tracteur restitué objet du contrat de crédit bail ;

- Infirmer le jugement dont appel en ce sens';

- Condamner la société CNH Industrial Capital à payer à M. [W] la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'instance d'appel.

La SAS CNH Industrial Capital demande à la cour de :

- dire et juger M. [W] mal fondé en son appel ;

- le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- dire et juger à l'inverse la SAS CNH Industrial Capital recevable et bien fondée en son action ;

en conséquence,

- confirmer le jugement rendu le 2 octobre 2018 par le tribunal de grande instance d'Angers en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner M. [W] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 18 février 2019 pour M. [W],

- le 14 mai 2019 pour la SAS CNH Industrial Capital.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du jugement :

M. [W] sollicite, sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, l'annulation du jugement qui a été prononcé sans qu'ait été prise en compte la constitution par lui d'un avocat.

La CNH Industrial Capital s'en rapporte à justice.

Le jugement mentionne que M. [W] n'a pas constitué avocat. Il a été qualifié de réputé contradictoire.

Pourtant, M. [W] justifie que son avocat a déposé, conformément aux prescriptions de l'article 756 du code de procédure civile dans sa version alors en vigueur, une copie de son acte de constitution au greffe du tribunal ainsi que cela apparaît à travers la mention de la date de la remise, du 13 février 2018, et du visa du greffier comme le prévoit l'article 822 du même code.

C'est donc par erreur que le tribunal a considéré que le défendeur n'avait pas constitué avocat et a rendu un jugement sans que l'avocat du défendeur soit informé de la mise en état du dossier ni averti de l'audience.

En conséquence, le jugement doit être annulé pour non-respect du principe du contradictoire.

Toutefois, en application de l'article 562 du code de procédure civile, dès lors que le vice n'affecte pas la saisine de la juridiction et que, de surcroît, l'appelant a conclu au fond à titre principal devant la cour, la dévolution s'opère pour le tout par l'effet de l'appel.

Sur la créance de la société CNH Industrial Capital

La société CNH Industrial Capital a déduit du montant total de la créance qu'elle réclame d'un montant de 148 057,46 euros comprenant un loyer impayé de 14 749,08 euros et une indemnité de résiliation de 133 308,38 TTC, le prix de vente du tracteur objet du financement, soit 84 000 euros TTC.

M. [W] conteste la valeur du tracteur restitué prise en compte pour venir en déduction de sa dette. Il prétend que cette valeur ne doit pas correspondre au prix de vente aux enchères du bien mais à sa valeur réelle correspondant au prix auquel il aurait pu être revendu, qu'il estime à 105 000 euros 'net départ H.T.'.

La société CNH Industrial Capital répond que l'appelant justifie la valeur qu'il invoque par une annonce relative à un tracteur d'un modèle plus récent que celui objet du contrat ; qu'elle n'a aucun intérêt à brader le matériel qu'elle reprend dont elle a confié la vente à prestataire spécialisé et que le débiteur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude dans la mesure où s'il avait restitué le tracteur dès qu'il en a été mis en demeure de le faire, le 7 avril 2016, ce bien aurait pu être vendu un an plus tôt à meilleur prix.

La société CNH Industrial Capital justifie que le tracteur, mis en circulation le 6 décembre 2013, a été vendu le 28 juillet 2017 au prix de 84 000 euros.

Selon les stipulations contractuelles, la valeur du bien repris par la société crédit-bailleresse est celle du produit net perçu par le bailleur de la vente du matériel restitué.

M. [W] ne précise pas le fondement juridique de sa prétention à voir déduire de l'indemnité due en exécution du contrat une somme différente de celle correspondant au prix de revente.

En outre, il n'est pas démontré par M. [W] qui ne produit qu'une annonce de vente d'un tracteur plus récent que celui qui est l'objet du contrat, que le prix de vente déduit par le créancier ne correspondrait pas à la valeur marchande du bien.

Au vu du décompte non contesté pour le surplus, la créance s'élève à la somme de 80 885,05 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 64 057,46 euros à compter du 17 janvier 2018.

Sur l'action en responsabilité de la M. [W] contre la M. [W] pour manquement à un devoir de conseil et de mise en garde

M. [W] expose que son chiffre d'affaires d'agriculteur a été divisé par deux entre 2012 et 2014, ce qui n'aurait pas dû échapper au crédit-bailleur qui aurait dû le mettre en garde contre un risque d'incident de paiement et lui proposer un financement en adéquation avec sa capacité financière.

Il estime que la société CNH Industrial Capital a engagé sa responsabilité, ce qui justifierait sa condamnation à lui payer une indemnité égale à celle qui pourrait être mise à sa charge.

La société CNH Industrial Capital répond que M. [W], qui bénéficiait à tout le moins d'une expérience de près de six ans en gestion de son entreprise agricole, ne peut revendiquer la qualité de profane, de sorte qu'elle n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à son égard. Elle ajoute qu'à la date de la souscription du contrat, seul le bilan de l'année 2012, établi seulement quelques mois plus tôt, était disponible, et que M. [W] ne démontre pas avoir fourni des éléments actualisés de son activité sur l'année 2013, permettant d'appréhender la baisse de chiffre d'affaires que le crédit bailleur ne pouvait anticiper.

Sur ce,

L'emprunteur non averti est celui qui n'est pas à même d'apprécier les risques de l'endettement pouvant découler de l'opération de crédit envisagée, qu'il soit ou non professionnel.

Le seul fait que M. [W] ait été exploitant agricole depuis six ans lors de la souscription du crédit-bail ne suffit pas à démontrer qu'il était averti en matière de financement et était en capacité de mesurer le poids financier que représentait pour son exploitation agricole un endettement d'un montant aussi important.

Pour autant, il appartient à M. [W] d'apporter la preuve de l'inadaptation, au jour du contrat, de son engagement par rapport à ses capacités financières ou les risques d'endettement nés de l'octroi du crédit.

M. [W] produit un dossier de gestion portant sur l'exercice comptable de l'année 2013 montrant qu'il exploitait 154 hectares dont 27,25 en propriété et que le résultat brut d'exploitation de l'année 2013 a été négatif de 650 euros contre un résultat positif de 131 311 euros l'année précédente, les produits d'exploitation passant de 344 896 euros à 187 307 euros, situation qui s'est encore dégradée en 2014 au vu des états financiers qu'il produit.

Cependant, M. [W] n'explique pas quelles sont les causes de la dégradation de son chiffre d'affaires ni à partir de quelle période de l'année 2013 cette dégradation a pu être constatée, étant relevé qu'il ne donne aucune précision sur la nature de son activité agricole. Par suite, il n'établit pas, ainsi que cela lui incombe, qu'au moment où il a souscrit le crédit-bail celui-ci aurait été inadapté à ses capacités financières.

En outre, les résultats financiers dont M. [W] fait état ont été connus comptablement à travers les états financiers établis après la souscription du crédit-bail. M. [W] ne prétend pas avoir disposé d'une situation comptable intercalaire au mois de novembre 2013 qui aurait permis au crédit-bailleur d'avoir connaissance de la situation financière de son exploitation à ce moment-là. A défaut, ce n'est qu'au regard du dossier de gestion de l'année 2012 que ses capacités financières ou les risques d'endettement pouvaient être appréciés. Or, sur la base de la situation financière de l'exploitation au 31 décembre 2012, il lui était aisément permis de faire face à la charge supplémentaire que représentait le crédit-bail.

Il s'ensuit que M. [W] ne démontre pas que la baisse du chiffre d'affaires de son exploitation agricole qui pouvait être constatée lors de souscription du crédit-bail était telle qu'elle devait conduire le crédit-bailleur à le mettre en garde sur le fait que la charge de remboursement du crédit-bail pouvait excéder sa capacité financière ni qu'au regard des éléments comptables qu'il était en mesure de pouvoir fournir lors de l'offre de crédit, le crédit-bailleur aurait pu avoir connaissance d'une dégradation du résultat brut d'exploitation.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché au crédit-bailleur une faute de sa part.

Sur les demandes accessoires

Il n'est pas inéquitable de laisser à la SAS CNH Industrial Capital la charge de ses frais irrépétibles.

M. [W] ne justifie pas supporter des frais irrépétibles non couverts par l'aide juridictionnelle, sa demande à ce titre est rejetée.

Le jugement étant annulé, les dépens de première instance seront mis à la charge de la SAS CNH Industrial Capital et les dépens d'appel seront partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Annule le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. [W] à payer à la SAS CNH Industrial Capital la somme de 80 885,05 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 64 057,46 euros à compter du 17 janvier 2018.

Rejette la demande de dommages et intérêts de M. [W] pour manquement à un devoir de mise en garde.

Condamne la SAS CNH Industrial Capital aux dépens de première instance.

Condamne M. [W] et la SAS CNH Industrial Capital, chacun, à payer la moitié des dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/02392
Date de la décision : 19/07/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-19;18.02392 ?
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