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05/07/2022 | FRANCE | N°19/00737

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 05 juillet 2022, 19/00737


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







YB/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/00737 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPSK



jugement du 02 Avril 2019

Tribunal de Grande Instance de SAUMUR

n° d'inscription au RG de première instance 17/00367







ARRET DU 05 JUILLET 2022





APPELANTS :



Monsieur [G] [V]

né le 03 Décembre 1971 à [Localité 6] (49)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Madame [K] [E] épouse [V]

née

le 27 Septembre 1974 à [Localité 6] (49)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentés par Me Guillaume BOIZARD de la SELARL BOIZARD - GUILLOU SELARL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 140193





INTIMES :



Monsieur [C]...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

YB/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/00737 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPSK

jugement du 02 Avril 2019

Tribunal de Grande Instance de SAUMUR

n° d'inscription au RG de première instance 17/00367

ARRET DU 05 JUILLET 2022

APPELANTS :

Monsieur [G] [V]

né le 03 Décembre 1971 à [Localité 6] (49)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Madame [K] [E] épouse [V]

née le 27 Septembre 1974 à [Localité 6] (49)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Me Guillaume BOIZARD de la SELARL BOIZARD - GUILLOU SELARL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 140193

INTIMES :

Monsieur [C] [H]

né le 02 Juillet 1971 à [Localité 7] (25)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Madame [S] [W] épouse [H]

née le 14 Janvier 1973 à [Localité 6] (49)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentés par Me Patrick BARRET de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 140118

-2-

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 25 Avril 2022 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur BRISQUET, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport et devant Madame ELYAHYIOUI, Vice Présidente placée,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Monsieur BRISQUET, Conseiller

Mme ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 05 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 septembre 2013, M. [C] [H] et son épouse Mme [S] [W] ont acheté pour un prix TTC de 14 900 euros à M. [G] [V] un véhicule automobile de marque BMW, modèle X3, immatriculé [Immatriculation 5], mis en circulation pour la première fois le 23 mai 2007.

Invoquant l'existence de désordres, les acquéreurs ont sollicité l'organisation d'une expertise amiable qui s'est déroulée le 29 octobre 2013.

Le cabinet [I], mandaté par l'assureur de protection juridique de M. et Mme [H], a conclu à l'existence d'un vice caché pour un coût de réparation s'élevant à environ 6 000 euros, sous réserve de démontage du moteur.

Le cabinet REA, mandaté par l'assureur de protection juridique de M. [V], a admis que l'existence d'un vice caché lors de la vente du véhicule a été

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démontrée par la partie adverse mais que les dysfonctionnements ne sont pas liés à un défaut d'entretien ou d'utilisation par le vendeur mais à un défaut de conception du véhicule justifiant que la responsabilité du constructeur puisse être recherchée. Il a également estimé qu'il existait une possibilité de tenter une réparation pour un coût inférieur à 1 000 euros.

Par ordonnance du 4 septembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angers, saisi par les époux [H], a désigné M. [U] en qualité d'expert judiciaire et celui-ci a déposé son rapport le 17 février 2017 en concluant au fait que le véhicule était affecté de vices cachés avant la vente.

Par acte d'huissier de justice du 26 avril 2017, M. et Mme [H] ont fait assigner M. [V] devant le tribunal de grande instance de Saumur aux fins de solliciter la résolution de la vente intervenue entre les parties, en application des articles 1641 et suivants du code civil, et la condamnation du défendeur au paiement de diverses sommes.

Mme [K] [E] épouse [V] est intervenue volontairement à l'instance.

M. et Mme [V] se sont opposés aux demandes en proposant de verser une somme de 1 382,08 euros au titre des réparations et ont subsidiairement sollicité un complément d'expertise.

Par jugement du 2 avril 2019, le tribunal de grande instance a :

- ordonné la résolution judiciaire de la vente du véhicule BMW type X3, immatriculé AN-446- DR intervenue entre les consorts [H] et les consorts [V] ;

- condamné M. [G] [V] et Mme [K] [V] née [E] à rembourser à M. et Mme [H] la somme de 11 500 euros, majorée des intérêts de retard, à compter du jugement ;

- dit que M. et Mme [H] doivent restituer le véhicule aux consorts [V] à charge pour ces derniers de le reprendre à leurs frais ;

- condamné les consorts [V] à prendre possession du véhicule ;

- condamné les consorts [V] à payer aux consorts [H] une somme de 800 euros au titre du préjudice de jouissance à compter du 21 décembre 2016 ;

- condamné les consorts [V] à payer aux consorts [H] la somme de 69,97 euros au titre du diagnostic opéré par le concessionnaire BMW ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné les consorts [V] à payer aux consorts [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les consorts [V] à payer les entiers dépens comprenant les frais de la procédure de référé et d'expertise.

Par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 16 avril 2019, M. et Mme [V] ont interjeté appel de ce jugement, intimant M. et Mme [H].

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L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2022, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé aux parties le 17 janvier 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 18 mars 2020 pour M. et Mme [V] ;

- le 22 mars 2022 pour M. et Mme [H].

*

Au visa des articles 1641 et suivants du code civil, du rapport d'expertise amiable du cabinet [I] du 22 Janvier 2014 et du rapport d'expertise judiciaire de M. [M] [U], M. et Mme [V] sollicitent l'infirmation, en ses dispositions frappées d'appel, du jugement entrepris et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire et juger irrecevable comme prescrite, l'action en garantie des vices cachés engagée par M. et Mme [H] ;

- débouter en conséquence M. et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

À titre subsidiaire, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

- dire et juger que les désordres affectant le véhicule litigieux sont insuffisants à établir le caractère rédhibitoire du vice ;

- déclarer en conséquence les époux [H] mal fondés en l'ensemble de leurs prétentions et les débouter de leurs demandes ;

- leur donner acte de ce qu'ils sont offrants de verser aux époux [H] la somme de 1 382,08 euros correspondant au coût de la réparation des désordres ;

- débouter les époux [H] de leurs demandes tendant à les voir condamner au paiement de dommages et intérêts en réparation de leur trouble de jouissance, en réparation de la perte totale de jouissance, aux frais de gardiennage du véhicule, ainsi qu'aux frais de déplacement et d'assistance aux opérations d'expertise.

À titre infiniment subsidiaire, M. et Mme [V] sollicitent :

- qu'il soit ordonné un complément d'expertise en vue de vérifier l'efficacité de la solution « Hy-Calamine » dont la mise en 'uvre est susceptible d'exclure le prononcé de la résolution de la vente du véhicule en cause ;

- qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils sont offrants de prendre à leur charge les frais liés à la mise en 'uvre de la solution de nettoyage de la culasse par la technologie dite « Hy-Calamine » ;

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- de surseoir à statuer sur les demandes des parties dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Pour dire l'action prescrite, M. et Mme [V] font valoir que M. et Mme [H] ont attendu plus de deux ans pour agir après le dépôt le 22 janvier 2014 d'un rapport d'expertise amiable indiquant que la responsabilité du vendeur devait être recherchée au titre de la garantie des vices cachés.

Sur le fond, ils admettent que les rapports d'expertise amiable et judiciaire concluent à l'existence de vices cachés au moment de la vente du véhicule mais soutiennent que la seule preuve de l'existence d'un vice ne suffit pas à établir son caractère rédhibitoire qui doit être démontré par l'acquéreur. Ils considèrent que ce caractère ne ressort pas des éléments du dossier et notamment pas de l'expertise judiciaire qui a fait sienne une solution coûteuse préconisée par le concessionnaire BMW consistant à remplacer la conduite d'admission, alors qu'une solution alternative simple et peu onéreuse de nettoyage de la culasse a été écartée. Ils estiment que le recours à cette solution, qu'ils proposent de financer, permet de considérer que le vice n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation de la vente.

Pour s'opposer aux dommages et intérêts sollicités, ils font valoir que M. [V] a cédé le véhicule en qualité de vendeur non professionnel et que la preuve selon laquelle il avait connaissance des vices cachés au moment de la vente n'est pas rapportée.

*

Au visa du rapport d'expertise établi par M. [M] [U] le 17 février 2017, des articles 1641 et suivants du code civil et des articles 1130 et suivants du même code, M. et Mme [H] demandent que les consorts [V] soient déboutés de leur appel et qu'il soit fait droit à leur appel incident.

À titre principal, ils demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la résolution judiciaire de la vente du véhicule BMW type X3, immatriculé [Immatriculation 5] intervenue entre eux et les consorts [V].

À titre subsidiaire, ils demandent que soit prononcée la nullité de la vente.

En tout état de cause, sur les conséquences indemnitaires, ils demandent à la cour :

- d'infirmer la décision en ce qu'elle a limité la condamnation des consorts [V] au paiement de la seule somme de 11 500 euros, majorée des intérêts de retard à compter du jugement ;

- de condamner M. et Mme [V] à leur rembourser la somme de 14 900 euros, majorée des intérêts de retard à compter du 26 avril 2017;

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- d'infirmer la décision en ce qu'elle a condamné les consorts [V] à leur payer la seule somme de 800 euros au titre du préjudice de jouissance à compter du 21 décembre 2016 et faisant droit à leur appel incident :

* de condamner les consorts [V] au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en réparation des troubles de jouissance subis jusqu'au 21 décembre 2016 ;

* de les condamner au paiement d'une somme journalière de 20 euros par jour à compter du 21 décembre 2016 au titre de la perte totale de jouissance du véhicule, soit la somme, sauf à parfaire, de 39 020 euros TTC (1 951 jours, jusqu'à la date de l'audience, x 20 euros) ;

- d'infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté leur demande au titre des frais de gardiennage et faisant droit à leur appel incident, de condamner les consorts [V] au paiement des frais de gardiennage, soit la somme de 3 250 euros, et des frais de remorquage, soit la somme de 100 euros ;

- d'infirmer la décision qui a rejeté la demande de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des frais de déplacement et du temps perdu pour l'assistance aux opérations d'expertise amiable et judiciaire et condamner M. et Mme [V] au paiement d'une somme à ce titre ;

- de confirmer le jugement entrepris pour les autres dispositions et notamment en ce qu'il a condamné les consorts [V] à leur payer la somme de 69,97 euros au titre du diagnostic opéré par le concessionnaire BMW et au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais des procédures de référé et d'expertise ;

- y ajoutant, de condamner les consorts [V] à leur verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

- de condamner les consorts [V] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et de référé.

Pour s'opposer à la fin de non-recevoir, M. et Mme [H] soutiennent que le délai de forclusion de deux ans résultant des vices rédhibitoires ne commence à courir que lorsque l'acquéreur a découvert le vice dans toute son ampleur et ses conséquences et que c'est le rapport d'expertise judiciaire du 17 février 2017 qui a permis une détermination complète et suffisante par chacune des parties de la gravité du vice.

Sur le fond, ils soutiennent que l'acquéreur dispose d'une liberté de choix pour exercer l'action rédhibitoire ou l'action estimatoire et qu'en l'occurrence, ils optent pour la résolution de la vente, compte tenu des conclusions de l'expertise judiciaire. Ils estiment que la gravité des vices cachés mise en évidence par cette expertise justifie la résolution de la vente et qu'un simple nettoyage du moteur serait insuffisant à remédier aux désordres. Ils considèrent que la pertinence de

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la solution alternative proposée par les appelants n'est pas démontrée.

Sur leur appel incident au titre de la dépréciation du véhicule, M. et Mme [H] font valoir qu'en matière de vices cachés, le vendeur est tenu de restituer le prix reçu à l'acquéreur qui exerce l'action rédhibitoire et que le tribunal a retenu à tort une dépréciation de la valeur du véhicule pour minorer le remboursement du prix, ajoutant que la preuve des dégradations de la carrosserie n'est pas rapportée par M. et Mme [V].

Au soutien de leur demande subsidiaire en nullité de la vente du véhicule sur le fondement du dol, M. et Mme [H] font valoir que les défauts mis en évidence par le contrôle technique n'ont pas été corrigés mais que le témoin lumineux a simplement été effacé, alors que M. [V] ne pouvait ignorer que l'anomalie avait été simplement dissimulée et qu'il se montre dans l'incapacité de fournir une facture d'intervention d'un garagiste.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur le moyen tiré de la forclusion de l'action :

Selon l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

L'assurance de protection juridique de M. et Mme [H] a mandaté le cabinet d'expertise automobile [I] et une réunion contradictoire a été organisée le 29 octobre 2013 à laquelle a également participé le cabinet d'expertise automobile REA mandaté par l'assurance de M. et Mme [V].

Dans son rapport du 22 janvier 2014, le cabinet [I] a retenu l'existence d'un encrassement important du moteur au niveau des soupapes d'admission dont la cause est une utilisation répétée du véhicule sur des petits parcours, principalement en ville. Il a aussi noté que la concession BMW considérait que la seule solution pour garantir une bonne remise en état du véhicule était le remplacement du filtre à particules, du turbocompresseur et la dépose de la culasse pour nettoyage complet. Il a considéré que M. [V] était informé de l'anomalie sur son véhicule dans la mesure où le contrôle technique mentionnait un 'défaut de diagnostic embarqué : témoin allumé', que ce défaut préexistait à la vente mais que M. [V] l'avait fait effacer. Sur la base d'un devis, il a estimé le coût de la remise en état à 6 000 euros, sous réserve de démontage, et a écarté une solution de nettoyage du moteur moins coûteuse en raison des doutes sur son efficacité et du refus de M. [V] de participer aux frais.

Les parties n'étant pas parvenues à s'accorder, M. et Mme [H] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angers et le rapport d'expertise déposé par M. [U] le 17 février 2017 comporte les conclusions suivantes : « Avant la vente, le véhicule était affecté de vices cachés constitués

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par :

- La dégradation du damper générant des vibrations et à-coups au moteur au lieu de les absorber ;

- Un filtre à particules demandant à être régénéré (ou remplacé) ;

- Un circuit d'admission demandant le remplacement du turbocompresseur et de la pipe d'admission ou (de) leur nettoyage ;

- Un nettoyage des conduits d'admission dans la culasse ».

Il ressort de ces éléments que c'est le rapport d'expertise judiciaire qui a permis à M. et Mme [H] de connaître la nature et l'étendue du vice caché puisque le rapport d'expertise amiable ne mentionnait pas la totalité des désordres, notamment pas celui concernant le damper. En outre, si le rapport d'expertise amiable évoquait déjà la nécessité de procéder au remplacement du filtre à particules et du turbocompresseur ainsi qu'à la dépose de la culasse pour nettoyage complet, il s'agissait avant tout d'un rappel de l'avis de la concession BMW sans qu'il ressorte clairement du rapport que ce diagnostic était admis par l'expert amiable. Ce rapport d'expertise amiable admettait l'existence de vices cachés mais ses conclusions étaient imprécises à propos des éléments retenus pour les caractériser, de sorte que l'expertise judiciaire était indispensable.

Le délai pour agir sur le fondement de la garantie des vices rédhibitoires n'a donc commencé à courir que le 17 février 2017 et n'était pas expiré à la date de la saisine du tribunal de grande instance de Saumur le 26 avril 2017.

La fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action résultant des vices rédhibitoires doit être rejetée.

- Sur la demande en résolution de la vente pour vices cachés :

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il résulte des conclusions du rapport d'expertise judiciaire rappelées ci-dessus que le véhicule était affecté de vices cachés qui préexistaient à la vente.

Sur la base de plusieurs devis d'un concessionnaire BMW, l'expert judiciaire a chiffré le coût du remplacement de la poulie damper à 560,76 euros et celui du remplacement de la conduite d'air d'admission à 611,32 euros. La dépose et repose de la culasse pour nettoyage complet a fait l'objet d'un devis d'un montant de 2 069,34 euros. En réponse à un dire du conseil de M. et Mme [H], l'expert a considéré que la régénération du filtre à particule peut s'avérer inefficace et que son remplacement sera alors nécessaire, sans toutefois chiffrer cette dépense. Il a aussi estimé que le compresseur de climatisation devait être remplacé pour un coût d'environ 1 500 euros. Il n'a pas répondu précisément à la question portant sur le coût de l'ensemble des travaux mais a cependant indiqué qu'il serait 'très difficile et très coûteux de remettre le véhicule dans l'état où il aurait dû être au moment de son achat par M. [H]'. L'estimation du coût global

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de la remise en état entre 5 000 et 6 000 euros figurant dans le rapport d'expertise amiable peut donc être retenue comme correspondant au coût approximatif de l'ensemble des travaux.

L'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur une éventuelle solution alternative consistant dans le nettoyage du moteur par ajout d'un produit et donc sans démontage complet de la culasse. Le cabinet [I] a en revanche écarté dans son rapport d'expertise amiable une solution prévoyant la dépose et le nettoyage du collecteur d'admission et des cylindres par ajout d'un produit nettoyant l'injection et l'échappement, en notant que le devis obtenu de 737,42 euros est 'sans garantie de résultat' dans la mesure où ce nettoyage peut solutionner définitivement le défaut ou bien seulement pendant une courte période. Il a en outre indiqué que cette solution avait été refusée par M. [V] qui ne souhaitait pas participer aux frais de remise en état. Le cabinet REA, mandaté par l'assurance de M. et Mme [V], a admis que le nettoyage avec des produits ajoutés donne 'plus ou moins satisfaction', tout en estimant qu'un essai pouvait être tenté, pour un coût inférieur à 1 000 euros.

S'agissant de la solution nouvelle, dite Hy-Calamine, qui n'a été évoquée que postérieurement au rapport d'expertise et qui consiste en un nettoyage par injection d'hydrogène dans l'admission d'air, les éléments recueillis qui consistent pour l'essentiel en un article de la revue 'Auto Plus' présentant cette technique, sont trop imprécis pour considérer qu'elle serait de nature à remédier aux désordres constatés sur le véhicule. De surcroît, M. et Mme [H] communiquent des avis recueillis sur internet au sujet de cette nouvelle technique qui mettent en doute son efficacité. Il n'y a pas lieu d'ordonner un complément d'expertise en vue de vérifier l'efficacité de la technique dite Hy-Calamine, d'autant qu'elle n'apporterait pas de solution à tous les désordres existant au moment de la vente, notamment à la dégradation du damper engendrant des vibrations et des à-coups au moteur au lieu de les absorber.

En tout état de cause, il n'existe aucune certitude concernant le fait que les solutions alternatives seraient de nature à remédier efficacement aux désordres liés à l'encrassement anormal du moteur.

Il apparaît donc que le véhicule est affecté de vices cachés qui préexistaient à la vente et que le coût pour remédier à ces désordres est d'au moins 5 000 euros, ce qui représente plus du tiers du prix d'acquisition s'élevant à 14 900 euros. Il est certain que ces défauts cachés du véhicule vendu diminuent tellement son usage que M. et Mme [H] ne l'auraient pas acquis, ou n'en auraient donné qu'un moindre prix, s'ils les avaient connus. M. et Mme [V] ne peuvent s'opposer à l'action rédhibitoire en exigeant de lui substituer une action estimatoire par laquelle ne serait mis à leur charge que le coût de la prétendue solution alternative qu'ils proposent, d'autant qu'il résulte de l'article 1644 du code civil que le choix entre ces deux actions appartient à l'acheteur dès lors que la restitution du bien acquis est encore possible.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la résolution de la vente.

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M. et Mme [V] ne rapportent pas la preuve selon laquelle la carrosserie du véhicule aurait été endommagée par les acquéreurs alors qu'il résulte au contraire du paragraphe 32 du rapport d'expertise judiciaire que l'état de la carrosserie n'appelait pas de remarques particulières.

Après avoir considéré que la preuve de dégradations sur la carrosserie n'était pas rapportée, le tribunal n'a toutefois ordonné la restitution que d'une partie du prix, soit 11 500 euros, en considérant que M. et Mme [H] avaient parcouru 33 452 kilomètres et que cette distance a incontestablement entraîné une dépréciation de la valeur du véhicule.

Mais en matière de vices cachés, lorsque l'acheteur exerce l'action rédhibitoire, le vendeur, tenu de restituer le prix qu'il a reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation.

Il en résulte que M. et Mme [V] doivent être condamnés à payer à M. et Mme [H] la somme de 14 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que M. et Mme [H] doivent restituer le véhicule à M. et Mme [V], à charge pour ces derniers de le reprendre à leurs frais, et en ce qu'il a condamné M. et Mme [V] à prendre possession du véhicule. Il est également confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [V] de leur demande subsidiaire offrant de verser le coût de la réparation des désordres et de leur demande à titre infiniment subsidiaire tendant à ordonner un complément d'expertise.

- Sur les préjudices annexes subis par M. et Mme [H] :

Selon l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Selon l'article 1646, si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.

Selon le procès-verbal de contrôle technique du 7 septembre 2013, il existait deux défauts à corriger sans contre-visite, à savoir une course importante du frein de stationnement et le fait que le témoin du dispositif de diagnostic embarqué (OBD) restait allumé. Le kilométrage inscrit au compteur du véhicule était à ce moment de 152 782 km.

Il ressort des expertises amiables et judiciaire, sans que cela soit contesté par les appelants, que M. [V] a déposé le véhicule chez son réparateur, le garage RS Automobile, qui a effectué une régénération du filtre à particules et a effacé les défauts du tableau de bord, sans que cela ait donné lieu à une facture. Selon les déclarations non contredites de M. [H] reprises dans le rapport d'expertise judiciaire, il a constaté l'allumage du voyant OBD le jour de la vente,

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après avoir parcouru environ 60 kilomètres, et s'est rendu deux jours après au garage RS Automobile qui l'a informé que l'allumage du voyant était dû à un encrassement du moteur. Le 27 septembre 2013, soit 9 jours après la vente, M. [H] a fait établir un diagnostic par le concessionnaire BMW Dynamism Automobile qui a donné lieu à une facture de 69,97 euros pour 'détection des avaries de l'installation électrique/électronique' qui comporte aussi l'indication suivante : 'prévoir remplacement du filtre à particules/du turbocompresseur et déculassage pour nettoyage culasse'. Le kilométrage inscrit au compteur du véhicule était à ce moment de 154 023 km.

A partir du même historique non contesté, le cabinet [I] a estimé que M. [V] avait fait effacer le défaut au tableau de bord par son garagiste avant la vente sans avoir solutionné la panne mécanique liée à l'encrassement du moteur, de sorte que le signal s'est très vite rallumé. L'expert judiciaire a également conclu que M. [V] n'ignorait pas l'état de son véhicule lorsqu'il l'a mis en vente.

Il ressort de ces éléments que le vendeur avait connaissance du problème lié à l'encrassement anormal du moteur en raison de l'allumage du voyant d'alerte sur le tableau de bord mais qu'il a tenté de dissimuler ce problème en faisant faire par son garagiste une remise à zéro du signal. Cette manipulation électronique n'a toutefois apporté aucune solution à la difficulté et n'a eu pour effet que de la cacher au moment de la vente.

Même si M. [V] n'est pas un vendeur professionnel, il est démontré qu'il avait connaissance du vice lié à l'encrassement anormal du moteur, lui-même à l'origine des problèmes affectant le circuit d'admission, le turbocompresseur et le filtre à particules, et qu'il a omis d'en informer l'acquéreur.

Les vendeurs sont par conséquent tenus au paiement de tous les dommages et intérêts résultant de la vente.

- Sur le préjudice de jouissance subi jusqu'au 21 décembre 2016 :

L'expert a estimé qu'il existait un important trouble de jouissance en retenant que les acquéreurs ont parcouru une moyenne kilométrique annuelle de 10 292 km alors que celle des vendeurs était de 21 471 km.

S'agissant du trouble de jouissance subi jusqu'au 21 décembre 2016, M. et Mme [H] ne rapportent pas la preuve selon laquelle ils ont été contraints de limiter leurs déplacements à de courts trajets et ont dû renoncer à partir en vacances sur de longues distances. Le tribunal a exactement retenu qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que M. et Mme [H] ont parcouru 33 452 km entre la date de l'achat le 18 septembre 2013 et celle de la deuxième réunion d'expertise le 21 décembre 2016, qu'une telle distance n'est pas négligeable et que l'immobilisation du véhicule n'était pas totale. En outre, la réalité d'un trouble de jouissance résultant d'une immobilisation seulement partielle au cours de cette période n'est pas non plus démontrée. Il y a lieu de confirmer le jugement ayant débouté M. et Mme [H] de leur demande au titre du préjudice de jouissance

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jusqu'au 21 décembre 2016.

- Sur le préjudice de jouissance subi après le 21 décembre 2016 :

Lors de la réunion d'expertise du 21 décembre 2016, l'expert a conseillé l'immobilisation du véhicule chez le concessionnaire BMW afin de ne pas entraîner une destruction du moteur par le bris de la poulie damper. Le préjudice de jouissance est donc établi depuis cette date.

La somme réclamée arrêtée à 39 020 euros au jour de l'audience, en prenant pour base de calcul un préjudice de jouissance de 20 euros par jour, est totalement disproportionnée au regard de la réalité du préjudice compte tenu, par exemple, des prix de location de longue durée pratiqués par certains constructeurs automobiles, d'autant que cette somme représenterait en l'espèce plus de deux fois et demi le prix d'achat du véhicule d'occasion.

Si la réalité de leur préjudice de jouissance ne peut être contestée, M. et Mme [H] sont silencieux à propos des solutions alternatives auxquelles ils ont dû recourir pour pallier l'immobilisation totale du véhicule.

Compte tenu de la durée d'immobilisation, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer le préjudice de jouissance à la somme de 5 000 euros. Le jugement ayant condamné les vendeurs au paiement de la somme de 800 euros est infirmé de ce chef.

- Sur les frais de gardiennage et de remorquage :

L'immobilisation du véhicule chez le concessionnaire ayant été préconisée par l'expert en raison du risque de destruction du moteur, il a logiquement considéré que les frais de gardiennage faisaient partie du préjudice subi par les acheteurs, en estimant leur montant à 15 euros TTC par jour. Compte tenu de la position très claire exprimée par l'expert et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ne peut être fait grief à M. et Mme [H] de ne pas avoir envisagé dans un premier temps de remiser le véhicule à leur domicile ou à un autre endroit et les frais de gardiennage doivent par conséquent être considérés comme des conséquences de la vente.

M. et Mme [H] produisent devant la cour d'appel une facture de la société Dynamism Automobile du 17 octobre 2019 d'un montant de 3 250 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule et cette facture fait également état d'un geste commercial de 3 750 euros, avec un arrêt des frais depuis avril 2019. Le coût réel de 3 250 euros, qui correspond approximativement à 100 euros par mois compte tenu d'une immobilisation de près de trois ans, est raisonnable. Il est justifié en conséquence de condamner M. et Mme [V] au paiement de la somme de 3 250 euros et d'infirmer le jugement de ce chef.

Il est également justifié de condamner les vendeurs au paiement de la facture de remorquage de 100 euros du 18 octobre 2019, les acquéreurs ayant apparemment fait le choix, compte tenu du temps écoulé, de remiser le véhicule

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à un autre endroit que chez le concessionnaire, ce qui limite les frais de gardiennage.

- Sur les frais de diagnostic :

La facture du 27 septembre 2013 de 69,97 euros pour 'détection des avaries de l'installation électrique/électronique' est une conséquence directe des vices cachés affectant le véhicule. Le jugement ayant mis cette facture à la charge des vendeurs doit être confirmé.

- Sur les dommages et intérêts au titre du temps passé aux opérations d'expertise et des frais engagés pour s'y rendre :

Ces frais entrent en réalité dans l'appréciation de la somme susceptible d'être allouée au titre des frais irrépétibles et il y a lieu de confirmer le jugement ayant rejeté cette demande.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par M. et Mme [H] et de condamner M. et Mme [V] au paiement de la somme de 1 500 euros sur ce fondement.

M. et Mme [V], partie perdante, doivent être condamnés aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par M. [G] [V] et Mme [K] [E] épouse [V] tirée de la forclusion de l'action résultant des vices rédhibitoires ;

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Saumur du 2 avril 2019, sauf en ce qu'il a :

- condamné M. [G] [V] et Mme [K] [E] épouse [V] à rembourser à M. et Mme [H] la somme de 11 500 euros, majorée des intérêts de retard, à compter du jugement ;

- condamné M. [G] [V] et Mme [K] [E] épouse [V] à payer à M. et Mme [H] une somme de 800 euros au titre du préjudice de jouissance

à compter du 21 décembre 2016 ;

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- débouté M. et Mme [H] au titre des frais de gardiennage du véhicule ;

Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées, et y ajoutant :

CONDAMNE M. [G] [V] et Mme [K] [E] épouse [V] à payer à M. [C] [H] et Mme [S] [W] épouse [H] les sommes de :

- 14 900 euros (quatorze mille neuf cents euros) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre de la restitution du prix du véhicule ;

- 5 000 euros (cinq mille euros) au titre du préjudice de jouissance à compter du 21 décembre 2016 ;

- 3 250 euros (trois mille deux cent cinquante euros) au titre des frais de gardiennage du véhicule ;

- 100 euros (cent euros) au titre des frais de remorquage du véhicule ;

- 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel ;

CONDAMNE M. [G] [V] et Mme [K] [E] épouse [V] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 19/00737
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;19.00737 ?
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