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30/06/2022 | FRANCE | N°20/00044

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 30 juin 2022, 20/00044


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00044 - N° Portalis DBVP-V-B7E-ET47.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Décembre 2019, enregistrée sous le n° F19/00305





ARRÊT DU 30 Juin 2022





APPELANTES :



Madame [G] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Syndicat NATIONAL DES

PROFESSIONS DE L'ARCHITECTURE ET DE L'URBANISME - SYNAPTAU CFDT

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentés par Me Claire EON de la SCP A.C.A., avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier A20/0015 et par ...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00044 - N° Portalis DBVP-V-B7E-ET47.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Décembre 2019, enregistrée sous le n° F19/00305

ARRÊT DU 30 Juin 2022

APPELANTES :

Madame [G] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Syndicat NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'ARCHITECTURE ET DE L'URBANISME - SYNAPTAU CFDT

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentés par Me Claire EON de la SCP A.C.A., avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier A20/0015 et par Maître JULIENNE, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMEE :

L'ORDRE REGIONAL DES ARCHITECTES DES PAYS DE LA LOIRE (CROA PDL) pris en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 1]

représenté par Maître Sophie DUFOURGBURG, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20010 et par Maître RETIF, avocat plaidant au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 30 Juin 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [G] [B] a été embauchée par le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes des Pays de la Loire (ci-après dénommé le CROA PDL) suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour une durée hebdomadaire de 28 heures en date du 14 mars 2011, en qualité de secrétaire administrative.

Le CROA PDL emploie moins de onze salariés et applique la convention collective nationale des entreprises d'architecture du 27 février 2003.

Suivant un avenant n°1 à son contrat de travail en date du 20 décembre 2011, la durée hebdomadaire du travail de Mme [B] a été portée à 32 heures.

Puis par avenant n°2 signé entre les parties le 28 août 2014, Mme [B] a été confirmée au poste de secrétaire administrative au coefficient 320, niveau 3, position 1, à compter du 1er septembre 2014.

Le 11 décembre 2015, Mme [B] s'est vue notifier un avertissement pour insubordination et mauvaise exécution du contrat de travail. Elle a été placée en arrêt de travail à compter de cette date.

Le 11 janvier 2016, Mme [B] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude qui a été confirmé par un second avis du médecin du travail du 29 janvier suivant.

Par courrier du 5 février 2016, Mme [B] a été convoquée pour un entretien préalable de licenciement fixé au 22 février suivant auquel elle ne s'est pas rendue.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 février 2016, le CROA PDL a notifié à Mme [B] son licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à l'inaptitude au poste médicalement constatée.

Le 15 septembre 2017, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes d'une contestation de son licenciement.

Par lettre du 12 février 2019, le CROA PDL a sollicité le dépaysement du dossier et par jugement en date du 4 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Nantes a renvoyé l'affaire devant la juridiction prud'homale d'Angers.

Mme [B] demandait à titre principal l'annulation de l'avertissement notifié à son encontre le 11 décembre 2015 et celle de son licenciement en raison des actes de harcèlement moral managerial dont elle avait été victime de la part de sa responsable hiérarchique et à l'origine de l'inaptitude constatée ce, avec toutes les conséquences pécuniaires.

Subsidiairement elle demandait à ce que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et que sa procédure soit déclarée irrégulière.

Le syndicat National des Professions de l'Architecture et de l'Urbanisme (SYNAPTAU) CFDT est intervenu volontairement à l'instance.

Le CROA PDL s'est opposé à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Mme [B] à lui verser une indemnité pour procédure abusive.

Par jugement en date du 19 décembre 2019, le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- constaté la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat SYNAPTAU ;

- débouté Mme [B] de sa demande d'annulation d'avertissement du 11 décembre 2015;

- jugé que la salariée n'a pas été victime d'actes de harcèlement moral managerial ;

- jugé que le licenciement de Mme [B] pour inaptitude à tout poste dans l'entreprise et impossibilité de reclassement est réel et sérieux ;

- constaté une irrégularité dans la procédure de licenciement sans pouvoir en tirer de conséquence, 'aucune demande n'étant liée à celle-ci';

- débouté le syndicat SYNAPTAU de toutes ses demandes ;

- débouté le CROA PDL de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- dit que chacune des parties conservera par devers elle ses frais irrépétibles et ses dépens;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Mme [B] et le syndicat SYNAPTAU CFDT ont interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 22 janvier 2020, leur appel portant sur l'ensemble des dispositions leur faisant grief, énoncées dans leur déclaration.

Le CROA PDL a constitué avocat le 30 janvier 2020.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 novembre 2022 et l'affaire initialement fixée à l'audience du 25 novembre 2021 a été convoquée à l'audience du conseiller rapporteur du 5 avril 2022.

*

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [B] et le syndicat SYNAPTAU CFDT, dans leurs dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 10 avril 2020 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demandent à la cour d'infirmer les chefs du jugement critiqués et, statuant à nouveau, de :

- fixer la moyenne mensuelle brute de rémunération de Mme [B] à la somme de 2410,98 euros brut, et le préciser dans la décision ;

- juger que Mme [B] a été victime d'actes de harcèlement moral managerial de la part de sa responsable hiérarchique ;

- annuler l'avertissement notifié à Mme [B] le 11 décembre 2015 ;

- juger que l'inaptitude de Mme [B] résulte du harcèlement moral managerial dont elle a été la victime ;

- annuler le licenciement de Mme [B] ;

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement de Mme [B] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner l 'Ordre des Architectes de la Région des Pays de la Loire à lui verser les sommes suivantes :

A titre principal,

- 5.000 euros net au titre du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle a été victime sur le fondement de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

- 28.931,71 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture nulle du contrat de travail ;

- 4.821,96 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2.410,98 euros x 2 mois), outre 482,20 euros brut à titre de congés payés y afférents ;

A titre subsidiaire,

- 15.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail ;

- 4.821,96 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2.410,98 euros x 2 mois), outre 482,20 euros brut à titre de congés payés y afférents ;

- condamner l'Ordre des Architectes de la Région des Pays de la Loire à remettre à Mme [B] des bulletins de paie, une attestation Pôle Emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes à la décision, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision à intervenir et sans limite de durée;

- condamner l'Ordre des Architectes de la Région des Pays de la Loire à payer au syndicat SYNAPTAU la somme de 2000 euros en réparation du préjudice indirect causé à l'intérêt collectif des salariés que celui-ci représente ;

- ordonner dans la décision que les sommes porteront intérêts de droit à compter de la mise en demeure pour celles ayant le caractère de salaire en application de l'article 1231-6 du code civil et à compter de la décision pour les autres sommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner l'Ordre des Architectes de la Région des Pays de la Loire à verser à Mme [B] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Ordre des Architectes de la Région des Pays de la Loire à verser au syndicat SYNAPTAU une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Ordre des Architectes de la Région des Pays de la Loire aux entiers dépens.

Les appelants font valoir en substance que le licenciement est nul en raison des faits de harcèlement moral subis par Mme [B] de la part de sa supérieure hiérarchique qu'ils prétendent établir par les pièces et documents médicaux versés aux débats. Ils reprochent à la juridiction prud'homale de ne pas avoir examiné les faits matériellement établis présentés dans leur ensemble contrairement au régime probatoire applicable en ce domaine.

Ils évoquent le climat de tension régnant à cette époque au sein de l'ordre des architectes à l'origine du licenciement d'une directrice pour inaptitude liée à un conflit avec son président, et la concomitance de la dégradation des conditions de travail de Mme [B] avec la prise de fonction de Mme [C] en qualité de déléguée générale, en mars 2015. La salariée relate l'isolement progressif des salariés vis à vis du président et des membres du conseil de l'ordre, la suppression unilatérale des jours et/ heures de récupération et diverses décisions vexatoires.

Mme [B] considère que l'avertissement subitement délivré ne repose sur aucun grief caractérisé et insiste sur la dégradation de son état de santé en lien avec celle de ses conditions de travail.

Enfin, la salariée constate que l'employeur échoue à démontrer qu'au vu des éléments présentés, les agissements dénoncés au demeurant par plusieurs autres salariés qui se sont succédé après son départ, reposeraient sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Elle souligne qu'au contraire, l'audit que l'employeur a diligenté et confié au cabinet Cogito ne fait que conforter ses dires et confirmer les difficultés d'ordre managerial éprouvées ainsi qu'une posture manageriale inadaptée.

Subsidiairement, Mme [B] invoque l'insuffisance des recherches de reclassement entreprises par l'ordre des architectes ainsi que ses manquements à l'obligation de sécurité de sorte que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Enfin, le syndicat SYNAPTAU CFDT fait valoir en substance que la situation de harcèlement moral qui a perduré est de nature à justifier l'existence d'une atteinte aux intérêts de la profession.

*

Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 6 juillet 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, l'Ordre Régional des Architectes des Pays de la Loire demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris et de dire que :

- la lettre d'avertissement adressée à Mme [B] le 11 janvier 2015 était justifiée; en conséquence la débouter de toute demande à ce titre ;

- le licenciement de Mme [B] pour inaptitude à tout poste dans l'entreprise et impossibilité de reclassement est réel et sérieux ; En conséquence, la débouter de toutes ses demandes ;

- subsidiairement réduire dans de larges proportions la demande indemnitaire de Mme [B];

- débouter le SYNATPAU CFDT de ses demandes ;

- d'infirmer le jugement entrepris et de :

- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner à lui payer la somme de 6000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Le CROA PDL fait valoir en substance que des recherches sérieuses de reclassement ont été menées tant en interne qu'en externe et que la procédure de licenciement a été parfaitement respectée.

Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement, il soutient pour l'essentiel que les pièces et allégations de la salariée contiennent très peu de faits précis et que les appelants se contentent essentiellement d'affirmations d'ordre général, qu'il estime contredire utilement par les diverses attestations qui démontrent l'absence de tout harcèlement moral.

Concernant le surmenage allégué par la salariée, le CROA PDL souligne que Mme [B] prenait sur son temps de travail un temps très important pour gérer tant ses affaires personnelles, que celle de l'entreprise de son mari, de sorte qu'on peut comprendre qu'il ait pu résulter un surmenage et un stress de cette situation.

Sur l'intervention du SYNAPTAU CFDT, le CROA PDL fait observer qu'il ignore le but poursuivi par le syndicat dans ce dossier, mais en toutes hypothèses certainement pas la défense de l'intérêt collectif qu'il est censé représenter.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur le harcèlement moral et sur la nullité du licenciement fondée sur l'existence d'un harcèlement :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Mme [B] a été licenciée le 25 février 2016 et les faits allégués de harcèlement moral commis pendant l'exécution de son contrat de travail sont nécessairement antérieurs à cette date. Les règles relatives à la charge de la preuve ne constituant pas des règles de procédure applicables aux instances en cours mais touchant le fond du droit, le harcèlement moral allégué doit être examiné au regard de la rédaction de l'article L. 1154-1 du code du travail antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, même si l'instance a été engagée devant le conseil de prud'hommes après l'entrée en vigueur de cette loi.

En vertu de l'article L. 1154-1 précité, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code civil. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il y a lieu d'examiner les éléments de fait invoqués par Mme [B] et de vérifier s'ils sont matériellement établis dès lors qu'ils sont clairement énoncés dans ses conclusions et étayés par des pièces auxquelles ces conclusions renvoient.

1) Sur les éléments de contexte :

Liminairement, Mme [B] soutient qu'elle n'a pas été la première salariée de l'ordre des architectes ni la dernière à voir son contrat de travail rompu en raison de ses conditions de travail.

Il est ainsi invoqué la situation de Mme [W], précédente directrice, licenciée en janvier 2015 après un long arrêt de travail qui serait consécutif à un conflit l'ayant opposé à M. [M], président du conseil de l'ordre. Un protocole transactionnel aurait été conclu entre Mme [W] et son employeur.

Mme [B] produit uniquement une attestation de Mme [GV] [A], architecte membre du conseil de l'ordre, se limitant à évoquer l'existence d'un 'climat de tension et de relations humaines difficiles en janvier 2015" (pièce 18).

Toutefois, cet élément ne concerne nullement Mme [B], totalement étrangère à ce conflit, étant précisé que la salariée ne remet pas en cause les méthodes de gestion manageriale de Mme [W] et ne précise aucunement les raisons pour lesquelles les conditions de travail de celle-ci l'auraient conduite à un arrêt maladie.

Mme [B] établit ainsi uniquement l'existence d'une tension au sein du conseil de l'ordre en janvier 2015 opposant Mme [W] et M. [M] mais qui ne la concerne pas.

Mme [B] invoque ensuite une dégradation de ses conditions de travail concomitante à la prise de fonction de Mme [C] en qualité de directrice remplaçant Mme [W] en arrêt-maladie, puis de déléguée générale.

Mme [F] [D], architecte, évoque uniquement un changement de présidence en septembre 2014 avec l'arrivée de nouvelles méthodes de management, sans autre précision. Elle ne cite pas Mme [C] et ne parle pas de son arrivée en mars 2015.

Mme [K] [L] épouse [R], juriste salariée engagée par le conseil de l'ordre de mars 2007 à mai 2016, témoigne dans sa première attestation du dévouement de Mme [B], très appréciée des architectes, acceptant des tâches supplémentaires durant l'arrêt de travail de Mme [W] de septembre 2014 à mars 2015, de nouvelles missions confiées à la salariée en mars 2015 à l'arrivée de Mme [C] sans qu'une nouvelle fiche de poste ne soit toutefois établie, des points de divergence avec la direction concernant le calcul des congés payés, la demande faite à Mme [B] de prendre une pause déjeuner plus longue pour tenir compte des contraintes de l'alarme nouvellement posée, et enfin du reproche fait à Mme [B] d'avoir mangé des gâteaux appartenant au conseil de l'ordre. Un procès-verbal de réunion du conseil de l'ordre du 12 septembre 2014 versé aux débats indique qu'en l'absence de Mme [W], Mme [B] assurera le secrétariat de séance et la prise de compte-rendu de réunion.

Le surcroît de travail allégué de manière générale n'est pas précisé, quantifié ni véritablement identifié et la seule prise de notes par Mme [B] à l'occasion d'une réunion du conseil de l'ordre en septembre 2014 en l'absence de la directrice arrêtée ne permet aucunement de mesurer l'ampleur de la surcharge de travail évoquée par la juriste de l'ordre.

Trois points de divergence sont relevés en revanche à l'occasion de l'arrivée de Mme [C], qui seront développés dans la deuxième attestation produite par Mme [R] en cause d'appel.

2)- Sur les agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail et de santé de Mme [B] :

- la suppression unilatérale de jours / et heures de récupération :

Mme [B] soutient que Mme [C] a remis en cause un usage permettant aux salariés de compenser les heures réalisées au-delà de leurs horaires habituels par la prise de congés payés et ce, sous prétexte que les deux salariées auraient abusé de ce système. Mme [R] décrit ce point de désaccord avec Mme [C] et invoque 'une manoeuvre destinée à nous mettre en difficulté en nous soupçonnant d'avoir délibérément posé plus de congés que de droit'.

La remise en cause d'une pratique instaurée concernant la compensation d'heures complémentaires ou supplémentaires sera considérée comme établie.

- des décisions qualifiées de 'vexatoires' :

Mme [R] affirme également dans son attestation que Mme [B] s'est vue :

- allonger la durée de sa pause déjeuner et interdire de déjeuner dans les locaux de l'ordre ;

- imposer la résiliation de son abonnement de transport à compter du 31 janvier 2016 pris en charge à 100% depuis le transfert du siège à [Localité 7] ;

- reprocher de manger des gâteaux appartenant au CROA PDL, propos qualifiés par Mme [R] d'humiliants.

La matérialité de ces faits est établie.

3) - Un isolement progressif des salariés vis à vis du président et des membres du conseil de l'ordre:

Mme [B] s'appuie encore principalement sur la deuxième attestation de sa collègue Mme [R] produite en cause d'appel de 12 pages. Cette dernière évoque la relation de confiance qui régnait entre les salariés et les élus, relation qui se serait progressivement distendue avec l'arrivée de Mme [C], surtout un mois après la signature par la directrice 'd'un nouveau contrat de travail dans lequel elle a (eu) pour mission le management de l'équipe de salariés du CROA DL. Petit à petit, M. [M] ne s'adressera plus qu'à elle, s'enfermant systématiquement dans son bureau...'.

Elle ajoute que Mme [B] a été mise de côté très rapidement, qu'elle s'est vue confier des tâches complexes et a été isolée de manière volontaire'. Elle précise ainsi qu'elle n'aurait pas été invitée à déjeuner lors d'une réunion au CROA concernant le service juridique centre ouest 'alors même que l'ensemble des personnes présentes dans les locaux y participaient'.

Cette seule attestation révèle des propos d'ordre général ne mentionnant pas d'exemples précis et concrets, à l'exception de ce déjeuner dont Mme [B] aurait été la seule exclue.

Par ailleurs, Mme [B] produit les attestations de trois salariées ayant travaillé au sein de l'ordre mais ce, postérieurement au départ de Mme [B], à savoir Mme [T] [Z], engagée en qualité de juriste d'affaires en remplacement de Mme [R] de mai à octobre 2016, Mme [J] [N] en remplacement de Mme [B] du 15 janvier 2016 au 31 mars 2018 et Mme [Y] [U] engagée en qualité de juriste en remplacement de Mme [Z] en novembre 2016.

Celles-ci révèlent une ambiance délétère ayant obligé le président alors alerté à recevoir les salariées collectivement et individuellement en juillet 2016 pour 'comprendre le mal-être ambiant'. Son évoqués l'insuffisance de l'encadrement, des surcharges de travail, l'absence de réunion d'équipe avant juillet 2017, tout à la fois un défaut de directive mais aussi un contrôle rigoureux par la déléguée régionale des congés et horaires, le fait de ne pas être invitée à une journée annuelle et nationale des ordres des architectes, puis une nouvelle crise en juillet 2017 gérée par le président et ayant donné lieu à la venue du médecin du travail pointant une organisation pouvant gérer du stress, un audit diligenté par l'ordre faisant apparaître un défaut d'organisation et de management auquel il n'aurait pas été remédié, l'arrêt maladie de Mme [C] en janvier 2018, l'arrêt maladie de Mme [N] elle-même et enfin sa démission.

Mme [U], juriste ayant intégré le CROA PDL en novembre 2016 en remplacement de Mme [Z], dans une attestation de 6 pages, évoque à son tour les difficultés organisationnelles et de répartition des tâches subies en particulier en cas d'arrêt maladie de collègues, l'aspect infantilisant des termes inadaptés employés de 'maman et papa', des remarques agressives du président l'ayant conduite à être arrêtée médicalement.

Enfin, Mme [B] se réfère au rapport du cabinet Cogito diligenté par l'employeur et qui ferait état d'un management infantilisant et dépourvu de marque de reconnaissance de la part du président et de Mme [C] (pièce 42 de l'employeur p 20).

De fait, ce rapport non daté énonce que :

- le terme de direction est employé avec des représentations différentes, le rôle et la place de la déléguée générale ne sont pas clairement identifiés ;

- il apparaît que 'le président attribue à Mme [C] une mission visant à répartir le travail et le contrôler, le secrétaire générale évoque 'un poste de DG dans un cadre non hiérarchique', et Mme [C] elle-même parle de 'RH mais la mission de manager dans sa partie former, animer motiver l'équipe est absente' ;

- 'le langage relève plus de la sphère familiale avec un aspect infantilisant 'papa, maman' sont à proscrire' ;

- 'le cadre relatif aux horaires et heures supplémentaires identique pour tous n'est pas assez défini';

- 'la notion de reconnaissance est souvent revenue et les salariées ne sont pas toujours conviées pour suivre les dossiers à [Localité 8] ou aux colloques traitant un thème intéressant en particulier la juriste'.

Il reste que ces éléments sont bien postérieurs au départ tant de Mme [B] que de sa collègue Mme [R] qui n'ont pas été entendues par ce cabinet d'audit ; le renouvellement de personnel ne saurait autoriser une extrapolation des événements ou ressentis relatés par les nouvelles salariées qui ne peuvent pas attester concernant Mme [B] qu'elles n'ont pas connue. Tout au plus, il peut être relevé que plusieurs éléments recueillis par le cabinet Cogito, en particulier concernant certaines défaillances organisationnelles, sont également évoqués par Mmes [B] et [R] tels que des problèmes relationnels et tensions liés à l'évidence à une organisation insuffisamment structurée où les missions et niveaux de responsabilité des uns et des autres n'avaient pas été suffisamment clarifiés.

En tout état de cause, l'isolement allégué par Mme [B], Mme [R], -puis par les autres salariées les ayant succédé- ne concerne pas les salariées entre elles mais bien les salariées vis à vis de la direction et des élus. Il devra surtout être tenu compte du sentiment d'isolement ressenti par Mme [B] particulièrement à l'occasion d'un déjeuner organisé par le CROA PDL auquel elle n'a pas été conviée, seul élément véritablement caractérisé.

4) -Un avertissement notifié à Mme [B] le 11 décembre 2015 dans le contexte précité :

Il est constant qu'un avertissement a été notifié à Mme [B] le 11 décembre 2015 par lequel l'employeur lui reprochait en substance des 'faits d'insubordination à l'égard de la déléguée générale Mme [I] [C]', se manifestant comme suit :

'Lorsque Mme [I] [C] vous formule des demandes, comme par exemple la communication d'un courrier ou d'un document, vous ne répondez pas ou, au bout de plusieurs minutes toujours de manière nonchalante et vous exécutez son instruction très souvent au bout de plusieurs heures même si la tâche qui vous est demandée ne prend que quelques minutes.

En effet, vous omettez, en dépit de ces demandes, de l'informer des commandes de fourniture que vous passez. Par ailleurs, vous avez fait une commande de fourniture sans tenir compte de la demande qui vous était faite par Mme [I] [C] de commander du papier blanc, 250 grammes ainsi qu'une agrafeuse permettant de relier des impressions format brochure. Nous vous demandons à l'avenir de vous conformer à faire valider par votre supérieure toute future commande.

Par ailleurs, alors que nous vous avions demandé d'effectuer les virements de salaires à effet du vendredi 27 novembre pour des raisons de trésorerie, le temps d'attendre le versement d'une somme par le conseil national de l'ordre des architectes, vous avez effectué ces virements sans tenir compte de cette demande créant ainsi un incident de trésorerie.

En outre, vous avez conservé plus de 4 000 euros de chèques dans votre tiroir correspondant à des inscriptions au tableau de l'ordre alors que notre conseil régional avait des difficultés de trésorerie.

Vous avez fait remarquer à votre supérieure et en ma présence que sa rémunération était trop élevée. Le fait que vos fonctions vous aient conduit à connaître le niveau de rémunération de votre supérieure hiérarchique ne vous autorise pas à exprimer un jugement de valeur sur ce dernier. Nous vous rappelons que vous êtes soumise à une certaine confidentialité concernant les informations que vous pourriez avoir dans l'exercice de vos fonctions. Nous déplorons que vous vous permettiez de faire de telles remarques tout à fait inadmissibles.

L'ensemble de ces faits nous conduit à vous adresser un avertissement.'

Cet avertissement a été critiqué par Mme [B] par l'intermédiaire de son conseil par courrier du 18 janvier 2016.

A l'appui de sa critique, la salariée produit trois attestations soulignant son sérieux et ses qualités professionnelles de manière générale. Elle conteste le grief tenant à l'insubordination dès lors qu'il repose sur les seules déclarations de Mme [C], sa supérieure hiérarchique, représentante de l'employeur et mise en cause personnellement dans le cadre de la présente procédure. Elle dénonce 'un encadrement abusif' en ce qu'il lui est reproché de ne pas avoir fait valider expressément par Mme [C] les commandes pour l'ordre, tâche qu'elle avait l'habitude jusqu'alors de réaliser seule. Enfin, elle invoque aussi une surcharge de travail pour expliquer les erreurs commises avec la gestion des payes et encaissement des cotisations, erreurs qu'elle ne conteste pas réellement.

5) - Sur les éléments médicaux :

Mme [B] produit un courriel adressé par Mme [H], infirmière santé travail du SSTRN au médecin du travail en date du 10 décembre 2015 faisant suite à un entretien durant lequel la salariée a décrit 'une surcharge de travail, des problèmes relationnels avec responsable direct', l'entretien sollicité par la salariée en septembre 2015 avec le président qui n'a rien apaisé bien au contraire. Son courrier du 18 décembre 2015 adressé au médecin du travail, le docteur [X], médecin-psychiatre, relate que Mme [B] 'se sentait bien dans son travail jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle responsable', laquelle aurait 'imposé un management' qui 'bouscule les habitudes de la patiente et de sa collègue sans qu'elles en comprennent le bien-fondé...insidieusement, Mme [B] a glissé dans une souffrance anxio-dépressive, qui a justifié un arrêt de travail d'un mois en septembre'. Enfin, dans un courrier du 4 janvier 2016 adressé au conseil de l'ordre à la suite de la visite 'occasionnelle' de Mme [B] le 11 décembre 2015, le docteur [V] [P], médecin du service de santé au travail, interroge l'employeur sur l'opportunité d'un changement dans l'organisation du travail, lui faisant part de l'état de santé altéré de Mme [B] suite à un changement de management.

Il doit être considéré cependant que l'infirmière et le médecin du service de santé au travail comme le psychiatre traitant de Mme [B] ne font que rapporter les propos de la patiente et ils ne sont pas suffisants pour établir un lien entre l'état de santé de la salariée et des faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral.

En définitive, Mme [B] établit la matérialité de plusieurs faits constitutifs selon elle de harcèlement même si d'autres faits ne sont pas démontrés et qu'elle évoque aussi des éléments qui ne la concernent pas directement.

Les faits matériellement établis, tels qu'un changement de prise en compte du système d'heures de récupération, la résiliation de l'abonnement de transport, l'allongement de la durée de la pause méridienne, la délivrance d'un avertissement ainsi qu'une mise à l'écart pour un déjeuner avec l'ensemble des salariés, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il est donc nécessaire d'examiner les moyens de défense de l'employeur.

Il revient ainsi à l'ordre des architectes de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ces décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

- Sur les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement :

S'agissant de l'avertissement du 11 décembre 2015, il est d'évidence que la seule production d'attestations soulignant de manière générale le sérieux et les qualités professionnelles de Mme [B] sont insuffisantes pour remettre en cause les griefs précis dénoncés à son encontre.

Ensuite, l'attitude d'insubordination reprochée à la salariée est établie par le courrier remis en main propre au président du conseil régional de l'ordre par Mme [C] à l'employeur le 30 novembre 2015 débutant en ces termes : 'Depuis presque neuf mois de présence au sein de l'institution auprès de laquelle j'exerce les missions de déléguée générale, je tenais à vous exprimer mon épuisement face au comportement de l'une de mes collaboratrices : Mme [G] [B].

Je suis sciemment ignorée tant dans les instructions que je lui donne que dans la vie de l'institution. Ainsi, parmi la multitude de petites mesquineries que je me vois supporter chaque jour, et qui m'affaiblissent au point que cela impacte clairement ma façon de travailler (je procède aux travaux de secrétariat sans même les lui transmettre car je sais que toute tâche venant à moi va être discutée, repoussée, ou faire l'objet d'un comportement qui me bloque dans mes échanges). J'en arrive à ne plus savoir distinguer les actes de rabaissement volontaire de ceux qui ne le seraient pas(...)'. Et Mme [C] de citer tous les exemples précis repris dans la lettre de notification de l'avertissement (réception de papier bleu et crème au lieu du papier blanc demandé, absence de ramette de papier blanc 250 g malgré une demande formulée l'été 2015 et renouvelée en assemblée générale le 2 octobre 2015, virement des salaires en dépit de sa consigne de reporter de deux jours les payes ce, sans en aviser le trésorier, conservation de plusieurs chèques pour un montant de 4 000 euros environ qui auraient permis d'éviter les difficultés dans les virements de salaire).

Mme [C] conclut ainsi sa lettre : 'mon accueil par mes collègues a été pour moi difficile et je ne compte que sur ma capacité à positiver et à ma patience d'avoir tenu bon. J'ai dû subir bon nombre de coups bas. J'ai dû faire appel à votre intervention en avril (mon contrat a débuté le 9 mars) car Mme [B] persistait et ce, malgré mes demandes à me présenter comme votre 'assistante' quand elle me transmettait une communication téléphonique ou que je recevais des personnes dans mon bureau. A ce moment, je vous ai demandé de clarifier mon positionnement dans l'institution, ce que vous avez fait en me nommant déléguée générale. Cet été vous m'avez proposé de nouvelles missions, qui imposaient encore plus, si besoin était , mon statut hiérarchique vis à vis de cette personne. Elle a été reçue par vos soins pour un rappel à l'ordre. Malgré mon titre, et malgré mes fonctions, je vous sollicite à nouveau pour que vous puissiez faire cesser ces comportements qui m'affectent à la fois dans mon travail mais également dans mon équilibre psychique. Je me sens dévaluée, incapable de mener à bien les missions confiées et le caractère tant personnel que persistant de cette attitude met à mal mes capacités à tenir mon poste.'

Le CROA PDL produit le mail adressé immédiatement par son président auprès de son avocat afin de solliciter conseil pour la mise en place de sanctions proportionnelles à l'encontre de Mme [B], étant rappelé l'obligation de sécurité à laquelle est tenue tout employeur à l'égard de tous ses salariés.

Dans son attestation, Mme [C] confirme l'attitude de Mme [B], 'laquelle rendait l'ambiance très tendue et les relations de travail compliquées'. Elle indique combien 'cela a été compliqué pour moi de passer à l'étape du courrier officiel transmis à mes employeurs et nous avons décidé en bureau que pour tenter d'apaiser les choses, nous allions juste lui faire une lettre d'avertissement'. Elle relate qu'après un nouvel épisode tendu le 10 décembre 2015 l'obligeant à l'informer de la nécessité d'une amélioration de la situation et de l'annonce de l'avertissement délivré, celle-ci 'est partie furieuse' et 'nous avons appris par la suite qu'elle était allée voir le médecin du travail avant même de prendre connaissance de la lettre.'

Par ailleurs il sera rappelé qu'en matière prud'homale, la preuve est libre, que rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal examine une attestation établie par un salarié, et il appartient seulement au juge d'en apprécier souverainement la valeur et la portée.

Si Mme [C] est mise en cause par Mme [B] dans le cadre du présent litige, il reste que l'essentiel des faits reprochés au titre de l'avertissement délivré est confirmé par le secrétaire et le trésorier du conseil de l'ordre.

Ainsi, M. [E] [S], secrétaire du conseil de l'ordre, confirme que Mme [B] a été sanctionnée par un avertissement pour ses manquements à encaisser les chèques entraînant un déficit bancaire coûteux et inutile et M. [OL] [O], trésorier, explique dans son attestation le contexte dans lequel il a demandé à Mme [B] de retarder les virements des salaires afin de ne pas engendrer de découvert ou d'incidents bancaires précisant que ' Mme [B] a, malgré ma demande, effectué le virement des salaires au 25 novembre 2015 en contradiction avec consigne passée (...) Cette attitude a naturellement provoqué de facto un incident bancaire. Le comble de cette situation est qu'au jour de l'enregistrement des débits correspondant aux salaires, Mme [B] avait en dépôt dans son tiroir une somme en chèques qu'il suffisait de déposer.

La surcharge de travail alléguée par Mme [B] n'a pas été considérée comme caractérisée et la demande de commande de papier avec certaines caractéristiques à une secrétaire administrative par sa supérieure hiérarchique ce, alors qu'aucun mépris n'est allégué ni a fortiori démontré quant au ton employé par Mme [C], ne saurait porter atteinte à la dignité de la salariée.

En conséquence, l'employeur démontre le bien fondé de l'avertissement délivré à l'encontre de Mme [B], en caractérisant les griefs allégués à son encontre et ce, par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

S'agissant de l'abonnement de transport résilié, le CROA PDL verse aux débats la lettre adressée à Mme [B] le 13 janvier 2016 par laquelle il accuse réception du premier avis d'inaptitude rendu par la médecine du travail, rappelle que le paiement de son abonnement collectif est lié à l'exécution de son contrat de travail suspendu depuis le 11 décembre 2015 en raison de son arrêt de travail, ce qui l'a dispensé de prendre en charge le titre de transport. L'employeur conclut en prévenant la salariée d'une résiliation à effet au 31 janvier suivant, invitant celle-ci à se manifester auprès de la Semitan si elle souhaitait modifier le payeur de l'abonnement. M. [O], trésorier, explique dans son attestation le contexte de la prise en charge directe des titres de transport, au-delà de l'obligation légale de l'employeur en la matière, et les démarches entreprises pour arrêter l'abonnement dès l'information de la non-intégration de Mme [B] au sein du conseil de l'ordre.

La décision critiquée est donc justifiée par l'employeur par des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement.

Il en est de même concernant l'allongement de la durée de la pause méridienne, celle-ci se justifiant par la volonté de l'employeur d'imposer des conditions de travail respectant la convention collective et le droit applicable en matière de temps partiel mais aussi par le souci de placer le local sous alarme durant le déjeuner des salariés. En outre, il sera relevé que dans sa lettre du 18 janvier 2016, le conseil de Mme [B] a indiqué que sa cliente ne s'opposait pas à ce que la pause méridienne soit fixée à une durée d'une heure. En tout état de cause, la modification des horaires de travail relève davantage d'un changement des conditions de travail plutôt qu'une véritable modification du contrat de travail soumise à l'acceptation de la salariée.

De la même manière, le CROA PDL justifie des erreurs et anomalies relevées à l'occasion d'un audit s'agissant de la prise des congés payés nécessitant un recalcul des droits à congés payés et prise de congé et ce, auprès de l'ensemble des salariés. M. [O], trésorier, précise sur ce point dans son attestation qu'à travers la mise en place du poste de Mme [C], 'nous souhaitions un suivi plus clair de jours de travail et de congés, car nous avions relevé en l'absence d'une délégation, que la gestion des jours d'absence laissait à désirer. En effet, alors que Mme [B] partait une semaine complète en congé, (sur) les bulletins de paie ne figuraient que 3 jours de congés payés posés. Nous avons demandé à l'intéressée des explications et il s'avérait qu'elle s'attribuait d'elle-même des heures de récupération sans aucune validation préalable ni visibilité des élus (...). Il nous ait apparu essentiel qu'une personne présente au sein de l'institution puisse nous rendre des comptes et cette mission a été confiée à Mme [C] dont le profit était plus adapté pour le suivi de cette tâche.'

La décision de remédier aux anomalies concernant le calcul des congés payés et des récupérations des heures supplémentaires est justifiée par l'employeur par des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement.

Pour les gâteaux, il est relaté par l'employeur, sans être critiqué, une situation où celui-ci n'avait plus de gâteaux à offrir aux visiteurs de sorte qu'il en avait fait la remarque à la salariée sans aller au-delà de cette observation.

Enfin, concernant le ressenti de Mme [B] d'avoir été isolée ou mise à l'écart, il ressort des éléments du dossier que celui-ci relève davantage d'un manque de reconnaissance en ce que les salariées n'étaient pas toujours associées dans les actions extérieures menées par le conseil de l'ordre. Mais le repas auquel Mme [B] n'a pas été conviée ne concernait pas sa spécialité mais les juristes et, somme toute, la distance apparue entre les instances dirigeantes et Mme [B], en dépit du changement qu'elle impliquait, ne constitue qu'une manifestation normale du pouvoir hiérarchique et disciplinaire d'un employeur.

Surtout, il est manifeste que Mme [C] arrivée dans un premier temps en simple remplacement de Mme [W] alors en arrêt maladie puis, à sa demande au bénéfice d'un nouveau contrat de travail lui donnant le titre de déléguée régionale, a néanmoins pâti en première ligne d'un manque de définition de ses missions. Son positionnement au sein de l'organigramme du conseil et sa qualité de supérieure hiérarchique n'ont pas été exposés manifestement avec suffisamment de clarté et d'autorité auprès des salariées déjà en place et ayant bénéficié jusqu'alors d'une certaine liberté d'action et acceptant difficilement la remise en cause.

La difficulté de Mme [B] à accepter le changement voire sa résistance à toute volonté de l'employeur de structurer davantage les relations de travail au sein du conseil ont participé à l'ambiance peu sereine dénoncée mais ne caractérise pas une manifestation de harcèlement moral qu'elle aurait subi. Le positionnement de Mme [C], même mal compris par Mme [B] faute d'être suffisamment clairement défini et expliqué, ne constitue pas davantage un tel harcèlement, compte tenu des éléments objectifs apportés par ailleurs par l'employeur pour justifier les décisions prises concernant la salariée.

Du tout, il sera considéré que l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que Mme [B] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée au titre du préjudice moral subi du fait d'un harcèlement moral et de sa demande d'annulation de l'avertissement délivré le 11 décembre 2015.

- Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :

- L'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :

Le licenciement pour inaptitude médicale à l'emploi d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré qu'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est à l'origine de l'inaptitude.

Il revient toutefois au salarié de démontrer à la fois l'existence d'un manquement de l'employeur et le lien de causalité entre ce manquement établi et l'inaptitude ayant entraîné le licenciement.

Il résulte de l'analyse qui précède qu'aucun élément objectif ne permet d'affirmer que l'inaptitude définitive de Mme [B], est la conséquence d'un harcèlement moral.

Mme [B] invoque les mêmes éléments de fait que ceux présentés au titre du harcèlement moral en particulier quant à un management pathogène, la dégradation de son état psychique en résultant et les constatations des services de santé.

Toutefois, il n'est pas établi que les défauts organisationnels constituent des manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Mme [B] et partant de son inaptitude.

Le licenciement ne peut en conséquence être déclaré sans cause réelle et sérieuse en raison de l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

- L'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement :

L'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er janvier 2017, applicable au litige, était ainsi rédigé : 'Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail'.

Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises du groupe auquel elle appartient dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le conseil de l'ordre s'est mis en lien avec le médecin du travail pour rechercher une solution de reclassement ce en vain, au regard de ses conclusions.

Par ailleurs, l'employeur justifie avoir écrit par courriers du 2 février 2016 au conseil national de l'ordre des architectes et à tous les conseils régionaux de l'ordre des architectes de France afin de les solliciter pour une solution de reclassement en apportant les informations précises sur le profil de Mme [B] et les fonctions exercées. Il produit également les 16 réponses reçues en retour toutes négatives.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur justifie du respect de son obligation de reclassement mise en oeuvre dès réception de l'avis d'inaptitude de Mme [B].

La demande tenant à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement et ses demandes subséquentes seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

-Sur les dommages et intérêts du syndicat des SYNAPTAU CFDT à l'encontre du conseil de l'ordre-

Il ressort de l'article L. 2132-3 du code du travail que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions y compris civiles, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

En l'espèce, au regard de la solution apportée au présent litige et de l'absence de reconnaissance d'une situation de harcèlement moral subie par Mme [B], le syndicat SYNAPTAU sera débouté de sa demande de dommages et intérêts présentée en réparation du préjudice indirect causé par l'intérêt collectif des salariés représentés.

- Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l'espèce, il n'est pas démontré que Mme [B] ait abusé de son droit d'ester en justice. En effet, le seul fait que cette dernière soit déboutée de l'intégralité de ses demandes ne suffit à caractériser cet abus dans la procédure soumise à la cour.

Partant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par le conseil de l'ordre.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et s'agissant des dépens.

Aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux demandes présentées par chaque partie au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

***

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement prononcé le 19 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Angers en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [G] [B] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER,P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODINM-C. DELAUBIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00044
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;20.00044 ?
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