COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00089 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EOMQ.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 17 Octobre 2014, enregistrée sous le n° F 13/00037
ARRÊT DU 30 Juin 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. KAMALEON
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Henri LETROUIT, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
Madame [W] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître MURILLO, avocat substituant Me Alain PIGEAU de la SCP PIGEAU - CONTE - MURILLO - VIGIN, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 30 Juin 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Mme [W] [Y] a été engagée par la société à responsabilité Kamaléon en qualité d'assistante de direction suivant un contrat unique d'insertion à temps partiel de 20 heures hebdomadaires du 3 mai 2010 au 30 septembre 2010.
À compter du 1er octobre 2010, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 28 heures par semaine.
Par un avenant du 6 septembre 2011, la durée de travail de Mme [Y], à sa demande, a été réduite à 17h50 hebdomadaires moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 000 euros.
Par courrier du 27 octobre 2011, la société Kamaléon a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 7 novembre 2011. Par lettre recommandée du 18 novembre 2011, la société Kamaléon a notifié à Mme [Y] son licenciement pour motif économique avec dispense de préavis.
Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 20 avril 2012 pour obtenir la condamnation de la société Kamaléon à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaires du 3 mai 2010 au 7 septembre 2011, des dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de la perte de ses droits à la retraite, une indemnité pour travail dissimulé ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Kamaléon s'est opposée aux prétentions de Mme [Y] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision du bureau de jugement du 22 octobre 2012, la radiation de l'affaire a été ordonnée pour défaut de diligences.
Par courrier du 8 janvier 2013, Mme [Y] a sollicité la réinscription du dossier au rôle.
Le conseil s'est déclaré en partage de voix suivant procès-verbal du 27 janvier 2014.
Par jugement de départage en date du 17 octobre 2014, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- débouté Mme [Y] de ses demandes de rappels de salaire, d'indemnité au titre du travail dissimulé, de dommages et intérêts du fait de la perte de ses droits à la retraite, et de complément de préavis ;
- dit que le licenciement pour motif économique de Mme [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement.
En conséquence,
- condamné la société Kamaléon à lui verser la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- dit que la société Kamaléon conservera à sa charge les frais irrépétibles ;
- condamné la société Kamaléon aux entiers dépens incluant la contribution à l'aide juridique de 35 euros.
La société Kamaléon a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 30 octobre 2014 et reçue au greffe le 3 novembre 2014. L'affaire a été enregistrée sous le numéro de répertoire général (RG) 14/2815.
Mme [S]
[L] a également relevé appel de cette décision par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 4 décembre 2014 et reçue au greffe le 5 décembre 2014, l'affaire étant enregistrée sous le numéro de RG14/3100.
Lors de l'audience du 9 février 2017, les deux affaires ont fait l'objet d'une jonction et se sont poursuivies sous le numéro de RG 14/2815.
Par ordonnance du 23 mars 2017, le magistrat en charge de l'instruction de ce dossier a ordonné le retrait du rôle de l'affaire et a dit que l'affaire sera rétablie à la demande de l'une des parties.
À la suite du dépôt de conclusions par la société Kamaleon le 28 janvier 2019, l'affaire a été réinscrite au rôle.
Par ordonnance en date du 13 juin 2019, une mesure de médiation a été ordonnée par le magistrat chargé d'instruire l'affaire. La caducité de la médiation a été constatée par ordonnance du 2 décembre 2019.
Le dossier a été initialement convoqué à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale du 1er juin 2021. Il a donné lieu à plusieurs renvois, le dernier à l'audience du 25 avril 2022, lors de laquelle toutes les parties étaient présentes ou représentées.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Kamaléon, dans ses dernières conclusions adressées au greffe le 25 avril 2022, régulièrement communiquées, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 17 octobre 2014 en ce qu'il a retenu qu'elle n'était pas redevable d'arriérés de salaires au profit de Mme [Y] et que celle-ci n'avait pas démontré avoir été victime de travail dissimulé et de harcèlement moral ;
Statuer à nouveau et y ajoutant,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement de Mme [Y] était dénué de cause réelle et sérieuse, pour non-respect de l'obligation de reclassement ;
Au principal,
- dire que la demande de Mme [Y], aux fins de contester le licenciement économique qui a été prononcé à son encontre, est prescrite en application de l'article L. 1235-7 du code du travail ;
À titre subsidiaire,
- dire que le licenciement de Mme [Y] repose, effectivement, sur une cause réelle et sérieuse ;
- dire que, en ce qui concerne l'obligation de reclassement, elle ne disposait d'aucun emploi disponible en rapport avec les compétences de Mme [Y], même en lui faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ;
À titre reconventionnel,
- condamner Mme [Y] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner également au règlement des entiers dépens de la présente procédure.
Au soutien de ses intérêts, la société Kamaléon affirme que Mme [Y], contrairement à ce qu'elle soutient, ne travaillait pas à temps complet. Elle fait observer que ses salariés n'étaient pas astreints à des horaires fixes. Elle ajoute que Mme [Y] avait accepté de développer une activité commerciale pour laquelle elle percevrait des commissions, à charge pour elle de gérer son temps comme elle le souhaitait.
Enfin, la société Kamaléon relève que Mme [Y] ne démontre pas que l'employeur ait pu agir intentionnellement de sorte que le travail dissimulé n'est pas caractérisé.
Par ailleurs, la société Kamaléon soulève la prescription de l'action de Mme [Y] en contestation de son licenciement ce, en application de l'article L. 1237-5 du code du travail. Subsidiairement, elle assure que le licenciement de Mme [Y] était justifié puisqu'elle a dû décider d'une nouvelle stratégie face à la crise économique et mettre en place une organisation l'obligeant à supprimer le poste d'assistante de direction occupé par la salariée.
Enfin, la société Kamaléon indique qu'elle a respecté son obligation de reclassement en proposant un poste de vendeuse à Mme [Y] qui l'a refusé, puis en tentant ce, en vain, de reclasser la salariée auprès de la franchise Siméo.
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Mme [Y], dans ses dernières conclusions adressées au greffe le 16 septembre 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
Sur l'appel à titre principal de la société Kamaléon :
- dire et juger que son action n'est pas prescrite ;
- débouter la société Kamaléon de ses demandes, fins et conclusions ;
Sur son appel incident :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse en l'absence de respect par l'employeur de l'obligation de reclassement;
- infirmer le jugement pour le surplus ;
En conséquence,
- condamner la société Kamaléon à lui verser :
- 10 090 euros de rappels de salaire pour la période du 3 mai 2010 au 7 septembre 2011 outre 1090,06 euros de congés payés ;
- 12 000 euros en réparation du préjudice résultant du travail dissimulé ;
- 6 000 euros en réparation du préjudice consécutif à la perte des droits à la retraite;
- 24 000 euros en raison d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
- condamner la société Kamaléon à lui verser une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Kamaléon en tous les dépens d'appel.
Au soutien de ses intérêts, Mme [Y] fait valoir que l'action en contestation de la cause du licenciement pour motif économique n'est pas soumise au délai prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail de sorte que son action n'est pas prescrite. Elle précise que la jurisprudence citée par la société Kamaléon ne lui est pas applicable puisqu'elle n'a pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle. Elle souligne en tout état de cause que son licenciement lui a été notifié par lettre du 18 novembre 2011 et qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 20 avril 2012 soit dans le délai imparti.
Mme [Y] conteste le motif économique de son licenciement, lequel ne s'explique que par le souhait de l'entreprise de libérer son poste au profit de Mme [I], la fille d'un des dirigeants, laquelle l'a remplacée dès le 17 octobre 2011. Elle soutient que la dénomination différente des deux contrats de travail n'est pas suffisante pour démontrer l'absence de suppression de son poste. Elle rappelle qu'il appartient à son employeur d'apporter la preuve de la réalité des fonctions exécutées par Mme [I] et de la mise en place d'une nouvelle organisation au sein de la société.
Mme [Y] soutient par ailleurs que la société Kamaléon n'a pas respecté son obligation de reclassement puisqu'elle n'a jamais reçu la moindre proposition en ce sens. Elle ajoute que son employeur ne démontre pas une recherche sérieuse et loyale de reclassement.
Mme [Y] prétend enfin qu'elle a réalisé un nombre d'heures de travail supérieur à la durée hebdomadaire contractuellement prévue et produit des courriels pour étayer sa demande, ainsi que l'attestation de Mme [X], cliente de la société.
MOTIVATION
- Sur le rappel de salaires et le travail dissimulé du 3 mai 2010 au 7 septembre 2011:
Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 octobre 2010 stipulait que Mme [Y] accomplissait 28 heures de travail par semaine du lundi au vendredi de 9H à 12H et de 14H à 17H à l'exception du mercredi où la salariée travaillait de 9H à 13H.
L'avenant signé le 6 septembre 2011 à la demande de la salariée a réduit son temps de travail à 17,5 heures par semaine, la durée du travail étant répartie comme suit sur les jours de la semaine : du lundi au vendredi de 14 heures à 17H30.
Mme [Y], qui estime qu'il lui est dû un rappel de salaire à hauteur de 10 090 euros au titre d'heures complémentaires et supplémentaires effectuées entre le 3 mai 2010 et le 7 septembre 2011, présente au soutien de sa demande les éléments suivants :
- des courriels adressés dans le cadre de son activité d'assistante de direction de la société Kamaléon en dehors des horaires de travail stipulés aux contrats précités ;
- l'attestation de Mme [G] [A], cliente de la société Kamaléon, affirmant avoir eu des contacts professionnels avec Mme [Y] pour la rénovation de son appartement en ajoutant que celle-ci était 'constamment présente dès qu'elle avait besoin de la joindre'. Elle indique qu'il est 'arrivé qu'elle m'accompagne après 17H30 jusqu'à 19H pour des choix de tissu notamment';
- un décompte reprenant uniquement les durées de temps de travail contractuellement prévues (pièce 56) sans rapport avec les sommes réclamées en page 7 de ses conclusions.
Ces éléments ne sont pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que Mme [Y] prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Au surplus, la société Kamaléon produit plusieurs attestations, en particulier de Mme [N] [E] et de Mme [F] [M], autres salariées, témoignant de manière générale de la grande autonomie d'organisation du travail laissée à chacun et en particulier à Mme [Y], laquelle pouvait 'faire des choses personnelles' ou sortir 'pour un rendez-vous personnel', le temps étant 'rattrapé par ailleurs à un autre moment'.
Enfin, la relation intime ayant uni Mme [Y] avec le gérant de la société Kamaléon jusqu'en juillet 2010 permet également d'expliquer la souplesse dont a pu bénéficier en particulier la salariée dans l'organisation de son travail.
Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de rappel de salaire à titre d'heures complémentaires ou d'heures supplémentaires présentée par Mme [Y].
La demande d'indemnité forfaire au titre du travail dissimulé sera également rejetée tout comme la demande de complément de préavis et le jugement sera confirmé sur ces points.
Enfin, il sera relevé que c'est à la suite d'une erreur de plume que la société Kamaléon a pu solliciter la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que Mme [Y] n'avait pas démontré de harcèlement moral ce, en l'absence de toute demande d'indemnisation présentée par la salariée sur ce point tant en première instance qu'en cause d'appel.
-Sur le licenciement pour motif économique :
- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Aux termes de l'article L. 1235-7 al 2 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement.
Même à considérer ce texte applicable au cas d'espèce, il doit être relevé que Mme [Y] a saisi la juridiction prud'homale le 20 avril 2012, soit dans le délai de 12 mois de son licenciement notifié le 18 novembre 2011.
Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la salariée sera rejetée.
- Sur le motif économique :
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.
Le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.
La lettre de licenciement, du 18 novembre 2012, fixant le cadre du litige est ainsi libellée: '[...] Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique. Celui-ci est justifié par les éléments suivants : dans le cadre de sa nouvelle organisation, la nouvelle stratégie mise en place, nous amène à supprimer le poste d'assistante de direction au niveau I position 1 au coefficient 200.
La nouvelle organisation permet à chacun des architectes d'intérieur de travailler en totale autonomie grâce aux nouvelles technologies et le poste d'assistante de direction n'est plus justifié.'
Il sera rappelé que l'employeur qui n'est pas tenu de préciser la cause de la réorganisation de l'entreprise dans la lettre de licenciement est libre de justifier devant la juridiction, soit de difficultés économiques, soit de la nécessité de sauvegarder la compétitivité pour justifier de la réorganisation de l'entreprise.
Dans ses conclusions, la société Kamaleon indique que 'compte tenu de la crise économique, il a été décidé par le gérant une nouvelle organisation et une nouvelle stratégie a été mise en place, ce qui a amené l'employeur à supprimer le poste d'assistante de direction qu'occupait Mme [Y]'.
Au de-là de la 'la crise économique' ainsi évoquée, la société Kamaléon n'invoque pas de difficultés économiques plus précises et n'en justifie pas en tout état de cause.
Il reste que le licenciement économique de Mme [Y] apparaît résulter de mutations technologiques permettant une autonomisation des architectes d'intérieur, et se traduisant par une nouvelle organisation nécessitant la suppression du poste occupé par la salariée.
Mme [Y] ne conteste pas réellement les mutations technologiques alléguées sauf à soutenir qu'en réalité son poste n'aurait pas été supprimé puisqu'avant son licenciement, le 21 décembre 2011, elle aurait été remplacée par la fille du directeur d'agence Mme [V] [O] en qualité de responsable de boutique à compter du 17 octobre 2011.
Néanmoins, il est constant que Mme [V] [O] a été engagée en qualité de responsable de boutique à compter du 17 octobre 2011 et le conseil a justement relevé l'absence de fonctions exercées par cette salariée dans les dossiers administratifs en lien avec l'activité d'architecture de la société Kamaléon de sorte que les postes des deux salariées ne sont nullement identiques.
Concernant l'obligation de reclassement, il sera rappelé qu'en application de l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.
C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen et doit être exécutée de bonne foi.
L'employeur peut justifier de son respect en établissant l'absence de poste disponible à l'époque du licenciement.
En l'espèce, la société Kamaléon ne démontre pas avoir proposé à Mme [Y] le poste occupé par Mme [V] [O], poste que la salariée aurait refusé, ni d'avoir tenté en vain un reclassement auprès de la franchise Simeo ce, alors que Mme [Y] conteste ces allégations.
Enfin, contrairement à ce que soutient l'employeur, celui-ci ne justifie aucunement de l'absence de poste disponible au sein de la société et ne produit pas, notamment, le registre des entrées et des sorties du personnel.
Pour l'ensemble de ces motifs, il sera considéré que le licenciement de Mme [Y] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé sur ce point.
Par suite, dans la mesure où Mme [Y] bénéficiait d'une ancienneté inférieure à deux ans, celle-ci ne peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins égale à six mois de salaire, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, mais seulement à une indemnité correspondant au préjudice subi en raison de son licenciement abusif, en application de l'article L. 1235-5, dans sa rédaction applicable aux ruptures du contrat de travail prononcées antérieurement à la publication de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, étant rappelé que le conseil de prud'hommes a été saisi le 20 avril 2012.
La cour estime que le préjudice subi par Mme [Y] du fait de son licenciement, compte tenu notamment de son âge au moment de la rupture (45 ans) mais aussi de l'absence d'élément d'information sur la situation professionnelle de la salariée depuis lors, sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 4 000 euros. Le jugement ayant fixé une somme de 8000 euros doit être infirmé de ce chef.
En revanche, Mme [Y] ne développe aucun moyen concernant sa demande de dommages et intérêts du fait de la perte de ses droits à la retraite, de sorte que cette demande sera rejetée.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.
La société Kamaléon doit en outre être condamnée au paiement d'une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel par Mme [Y].
La société Kamaléon, partie perdante, doit être déboutée de sa demande présentée à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement prononcé le 17 octobre 2014 par le conseil de prud'hommes du Mans, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à Mme [W] [Y] pour licenciement abusif ;
Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées, et y ajoutant :
CONDAMNE la société Kamaléon à payer à Mme [W] [Y] la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
CONDAMNE la société Kamaléon à payer à Mme [W] [Y] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DÉBOUTE la société Kamaléon de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Kamaléon aux dépens.
LE GREFFIER,P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODINM-C. DELAUBIER