COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
NR/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 17/01593 - N° Portalis DBVP-V-B7B-EFCS
Jugement du 31 Mai 2017
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 16/01526
ARRET DU 21 JUIN 2022
APPELANTE :
Madame [K] [T]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 6] ([Localité 6])
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Thierry BOISNARD substitué par Me Sophie BEUCHER de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13702174, et Me Pierre-Lucas THIRION, avocat plaidant au barreau de RENNES
INTIMEE :
SOCIÉTÉ CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'ANJOU ET DU MAINE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71170362
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 22 Novembre 2021 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, Présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, Conseiller
M. BENMIMOUNE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 21 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Selon offre préalable du 26 janvier 2006 acceptée le 10 février 2006 et acte notarié du 22 avril 2006, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l'Anjou et du Maine (CRCAM de l'Anjou et du Maine) a consenti à Mme [K] [T] un prêt immobilier d'un montant de 125 408 euros, pour une durée de 180 mois, au taux fixe de 3,75 % et au taux effectif global (TEG) de 4,1009 %, remboursable en 179 échéances d'intérêts de 391,90 euros et une 180ème échéance en capital et intérêts de 125 799,90 euros.
Estimant au vu de l'analyse opérée le 3 septembre 2015 par Mme [U] mandatée par elle aux fins notamment de vérifier la conformité mathématique de l'offre de prêt, que la base de calcul des intérêts était de 360 jours au lieu de 365 jours et que le TEG mentionné dans l'offre de prêt était erroné faute d'intégration des coûts au titre des droits d'entrée sur les versements du contrat d'assurance vie, des frais de gestion du contrat assurance vie, des droits d'enregistrement de l'acte de nantissement du contrat assurance vie et des parts sociales, Mme [K] [T] a, par acte d'huissier du 1er avril 2016, fait assigner la CRCAM de l'Anjou et du Maine devant le tribunal de grande instance du Mans aux fins de voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts figurant dans l'offre du 26 janvier 2006 ou la déchéance des intérêts conventionnels du prêt, la condamnation de la CRCAM de l'Anjou et du Maine à lui payer la somme de 25 814,034 euros au titre des intérêts échus au 15 août 2015, sauf à parfaire, à établir et à communiquer un nouveau tableau d'amortissement du capital restant dû portant intérêts au taux légal, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, lequel ne saurait excéder le taux nominal du prêt, outre une indemnité de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 31 mai 2017, le tribunal de grande instance du Mans a :
- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir,
- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts et de l'action en déchéance du droit aux intérêts,
- rejeté les demandes,
- rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes prétentions contraires comme non recevables, en tous cas mal fondées,
- condamné Mme [K] [T] aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 2 août 2017, Mme [K] [T] a interjeté appel total de la décision.
Mme [K] [T] et la CRCAM de l'Anjou et du Mains ont conclu.
Une ordonnance du 25 octobre 2021 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,
- le 21 février 2018 pour Mme [T],
- le 19 octobre 2021 pour la CRCAM de l'Anjou et du Maine
aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :
Mme [K] [T] demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- constater que la base de calcul des intérêts conventionnels du prêt n° 54395 s'est faite sur 360 jours au lieu de 365 ou 366 jours ;
- constater que le TEG du prêt ne tient pas compte des frais liés à l'acquisition des parts sociales, du droit d'enregistrement du nantissement sur l'assurance vie, des droits d'entrée du contrat d'assurance vie, ainsi que des frais de gestion mensuels du contrat assurance vie ;
en conséquence,
- confirmer la décision du tribunal de grande instance du Mans du 31 mai 2017 en ce qu'elle a rejeté les fins de non recevoir fondées sur la prescription des actions en nullité et en déchéance et sur l'absence d'intérêt à agir ;
- infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel et sa substitution par l'intérêt au taux légal et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts figurant dans l'offre du 26 janvier 2006 ;
- à tout le moins, dire que la CRCAM de l'Anjou et du Maine sera déchue en totalité des intérêts au taux conventionnel ;
- dire et juger que le prêt portera intérêts au taux légal à compter de la date du prêt ;
- condamner la CRCAM de l'Anjou et du Maine à lui payer la somme de 25 814,034 euros au titre des intérêts échus au 15 août 2015, sauf à parfaire,
- condamner la CRCAM de l'Anjou et du Maine à établir et à communiquer un nouveau tableau d'amortissement du capital restant dû portant intérêts au taux légal, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- dire qu'elle ne sera tenue aux intérêts à échoir que sur la base du taux légal ;
- condamner la CRCAM de l'Anjou et du Maine à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens.
La CRCAM de l'Anjou et du Maine demande à la cour de :
- dire Mme [T] non fondée en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;
- la recevoir en son appel incident, ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions ;
A titre principal,
- infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, dire que l'action de Mme [T] est irrecevable comme dénuée d'intérêt à agir et prescrite ;
Subsidiairement,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [T], déclarées non fondées ;
En toute hypothèse,
- condamner Mme [T] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, il est précisé que les articles du code de la consommation et du code civil auxquels il sera fait référence sont ceux pris dans leur rédaction à la date de l'acceptation de l'offre de prêt litigieuse, à savoir le 10 février 2006.
- Sur l'irrecevabilité de l'action de Mme [T] pour défaut d'intérêt à agir
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.
En l'espèce, l'action de Mme [T] en nullité de l'intérêt conventionnel ou en déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels repose, d'une part, sur le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours et, d'autre part, sur le prétendu caractère erroné du TEG mentionné dans l'offre de prêt consenti par la CRCAM de l'Anjou et du Maine, soit 4,1009 %, en ce qu'il serait en réalité au regard des caractéristiques du prêt, de 4,6364 %.
L'exigence de la mention dans un contrat de prêt immobilier du TEG déterminé conformément aux dispositions légales applicables a pour objectif de permettre aux emprunteurs de comparer aisément et utilement, à partir de ce taux, les offres de crédits émanant de plusieurs banques pour le financement d'une même opération.
Contrairement à ce que soutient la CRCAM de l'Anjou et du Maine, l'erreur alléguée sur le TEG mentionné dans le contrat de prêt n'est pas de nature à lui profiter, dés lors qu'en acceptant le 10 février 2006 l'offre de prêt émise par la banque le 26 janvier 2006, elle a cru souscrire un prêt à un TEG de 4,1009 % et que s'il s'avérait, comme elle le prétend, qu'il est supérieur, il serait établi qu'elle aurait en réalité souscrit un prêt à des conditions moins avantageuses et qu'elle n'aurait pu utilement le comparer à des offres concurrentes.
En outre, le fait invoqué par la banque, que Mme [T] ne démontrerait pas au vu des pièces versées aux débats qu'elle aurait pu effectivement contracter à des conditions plus avantageuses et qu'elle aurait subi un quelconque préjudice du fait de l'erreur alléguée, n'est pas un motif d'irrecevabilité de son action, dés lors que l'existence d'un intérêt à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et que l'existence d'un préjudice subi par l'appelante du fait de l'erreur du TEG alléguée n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son succès.
Par ailleurs, indépendamment de la prétendue erreur du TEG mentionné dans le contrat de prêt, Mme [T] a un intérêt à agir à l'encontre de la CRCAM de l'Anjou et du Maine, dès lors qu'elle prétend que les intérêts versés par elle et à échoir n'auraient pas été calculés par la banque conformément aux dispositions applicables, laquelle aurait, selon elle, utilisé une base de 360 jours.
La décision critiquée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée d'un prétendu défaut d'intérêt de Mme [K] [T] à exercer à agir en nullité de l'intérêt conventionnel ou en déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels.
- Sur l'irrecevabilité de l'action de Mme [T] du fait de l'acquisition de la prescription
En application des articles 1304 et 1907 du code civil, l'action en nullité de la stipulation d'intérêt contenue dans un acte de prêt immobilier consenti à un consommateur ou à un non professionnel engagée par l'emprunteur, se prescrit par cinq ans à compter de l'acceptation de l'offre dés lors que la teneur de celle-ci permettait à l'emprunteur de se convaincre de la cause de nullité invoquée ou, à défaut, à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant la stipulation d'intérêt critiquée.
Et, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts fondée sur l'article L 312-33 du code de la consommation, pour un motif tiré de l'irrégularité de la clause d'intérêt contenue dans l'acte de prêt, est soumise à la prescription quinquennale prévue par l'article L 110-4 du code de commerce applicable notamment aux obligations contractées entre une banque, prêteur professionnel, et le souscripteur d'un crédit immobilier ; le point de départ du délai de prescription étant le moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité relative à la stipulation d'intérêt alléguée.
En l'espèce, la demande principale de nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et subsidiaire de déchéance totale des intérêts contractuels repose sur deux griefs, à savoir :
- le calcul des intérêts conventionnels sur une base de 360 jours,
- l'absence de prise en compte dans le calcul du TEG des droits d'entrée sur les versements du contrat d'assurance vie, des frais de gestion du contrat assurance vie, des droits d'enregistrement de l'acte de nantissement du contrat assurance vie et des parts sociales.
S'agissant du grief tiré de la base de calcul des intérêts conventionnels sur l'année de 360 jours, l'offre préalable de crédit, pas plus que l'acte notarié, ne précisent cette base de calcul.
En outre, le tableau d'amortissement remis en même temps que l'offre initiale a été établi sur la base d'échéances d'intérêts constantes 1 à 179 pour des mois entiers, d'un montant de 391,90 euros avec une dernière échéance en capital et intérêts.
Dans ces conditions, Mme [T], qui ne disposait pas de compétences techniques particulières en matière de crédit ou de mathématiques, n'était pas en mesure de déceler par la seule lecture de l'offre préalable de prêt, du prêt notarié et du tableau d'amortissement, voire par des calculs simples effectués à partir de ceux-ci, un éventuel problème de calcul des intérêts réclamés par la banque au regard du taux convenu entre les parties, de la périodicité des échéances et de la durée du prêt, de sorte qu'ils se trouvent majorés à son détriment.
S'agissant des erreurs alléguées affectant la détermination du TEG tenant à l'absence d'intégration des droits d'enregistrement de l'acte de nantissement du contrat assurance vie, des droits d'entrée dus sur les versements opérés sur ce contrat d'assurance vie, des frais de gestion de ce même contrat et des parts sociales souscrites dans la banque, il convient de relever que l'offre préalable et l'acte notarié font juste mention dans le coût total du crédit de 'frais de prise de garantie évalués à 2 648 euros', sans autre précision sur la nature de cette prise de garantie qui constituerait une condition d'octroi du prêt et sans détail de cette somme, alors qu'il ressort par ailleurs de ces mêmes documents qu'à la sûreté et au remboursement du prêt, Mme [T] a fourni à la banque deux types de garanties, à savoir un nantissement d'un contrat assurance vie souscrit auprès d'Axa et une hypothèque conventionnelle sur les biens et droits immobiliers portant sur l'appartement acquis par elle au moyen du prêt.
Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a considéré qu'au vu de la seule lecture de l'offre préalable de prêt et du prêt notarié, Mme [T] n'avait pas connaissance de la non prise en compte des frais sus indiqués dans le calcul du TEG mentionné, non compris dans la somme de 2 648 euros.
Au final, ce n'est qu'à compter de la remise le 3 septembre 2015 du rapport de Mme [U], expert spécialisé dans les métiers de la banque de la finance et de l'assurance-vie, que Mme [T] a pu se convaincre de l'existence des irrégularités ou erreurs alléguées dans le cadre de la procédure introduite devant le tribunal de grande instance du Mans le 1er avril 2016, tant concernant le calcul des intérêts conventionnels dus par l'emprunteur, que la détermination du TEG.
C'est donc à compter du 3 septembre 2015 que le délai de prescription a commencé à courir.
Par suite, l'action introduite par Mme [T] par assignation du 1er avril 2016 n'est pas prescrite.
La décision critiquée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [T] en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels ou déchéance totale des intérêts contractuels.
- Sur la demande de nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels et subsidiairement de déchéance totale du droit aux intérêts
Mme [T] prétend en premier lieu que l'analyse mathématique de son prêt a révélé que les intérêts conventionnels du prêt ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours, en méconnaissance des dispositions des articles L 313-1 et R 313-1 du code de la consommation.
Elle fait valoir que la non conformité du calcul des intérêts conventionnels ne saurait être confondue avec l'erreur de calcul du TEG et elle soutient qu'en cas d'utilisation d'une base de calcul de 360 jours au lieu de 365 ou 366 jours, c'est la nullité de la stipulation contractuelle des intérêts conventionnels qui est encourue, peu important le degré d'exactitude du TEG ou l'absence de préjudice pour l'emprunteur.
Elle prétend en second lieu qu'il ressort du rapport de Mme [U] que le TEG recalculé en tenant compte de l'ensemble des frais qui auraient dû être pris en compte et comme correspondant à des garanties conditionnant l'octroi du prêt et comme étant déterminables, est de 4,6364 % au lieu de 4,1009% mentionné dans le contrat de prêt, de sorte qu'elle est fondée à solliciter la nullité de la clause d'intérêt conventionnel à raison de l'irrégularité de calcul du TEG.
Subsidiairement, elle s'estime fondée à solliciter la déchéance en totalité des intérêts au taux conventionnel à raison des irrégularités démontrées tant dans le calcul des intérêts que dans la détermination du TEG conduisant à la mention d'un TEG erroné.
La CRCAM de l'Anjou et du Maine soutient que le calcul des intérêts conventionnels a bien été opéré sur la base d'une année civile de 365 jours et non d'une année lombarde de 360 jours, au moyen de douze mois normalisés de 30,41666 jours et que la preuve contraire n'est pas rapportée par Mme [T].
Elle prétend en outre que Mme [T] ne rapporte pas non plus la preuve d'une erreur dans le calcul du TEG, en contestant les prétendues omissions d'intégration de certains éléments tenant au nantissement du contrat assurance vie souscrit par Mme [T] auprès d'Axa ou à la souscription de parts sociales.
Elle soutient en outre que l'unique sanction en cas de mention d'un TEG erroné ou du calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours est exclusivement la déchéance du droit aux intérêts.
Sur ce :
Il résulte de la combinaison des articles L. 312-8, L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation que la mention dans l'offre de prêt immobilier adressée à un consommateur ou non-professionnel d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile et d'un TEG erroné, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation.
En l'espèce, le prêt litigieux souscrit par Mme [T], étant un prêt immobilier consenti à un consommateur, la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33 du code de la consommation est la seule sanction encourue à raison de la prétendue mention d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile et d'un TEG erroné, en méconnaissance de l'article L. 312-8 du même code.
Le jugement critiqué sera dés lors confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts figurant dans l'offre du 26 janvier 2006.
Reste à examiner sa demande tendant à voir sanctionner les prétendues erreurs de la banque, par la déchéance des intérêts au taux conventionnel.
* Sur la prétendue irrégularité de calcul des intérêts conventionnels
Il convient de rappeler que le taux de l'intérêt conventionnel est, par principe, librement déterminé entre les parties.
C'est à partir du taux d'intérêt convenu par écrit entre les parties que la banque calcule les échéances d'intérêts qui lui sont dues.
Il résulte de l'application combinée des articles 1907 alinéa 2 du code civil, L 313-1, L 313-2 et R 313-1 du code de la consommation, que les intérêts dus au titre d'un prêt immobilier consenti à un consommateur ou non professionnel, doivent être calculés au taux conventionnel mentionné par écrit dans l'offre de prêt, sur la base d'une année civile de 365 ou de 366 jours pour les années bissextiles, comme pour le TEG.
En outre, le mois normalisé d'une durée de 30,41666 jours prévu à l'annexe à l'article R 313-1 du code de la consommation, dans sa version issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 200, a vocation à s'appliquer au calcul des intérêts conventionnels d'un prêt remboursable mensuellement.
En l'espèce, il ressort du relevé de compte produit par Mme [T] que la première échéance d'intérêts réglée le 15 mai 2006, précision faite de ce que le 15 du mois est la date de paiement des échéances mensuelles fixée dans le contrat, suite au déblocage le 24 avril 2006 de la somme de 125 408 euros versée sur son compte correspondant au montant du capital emprunté, s'est élevée à 274,33 euros.
Sachant que le montant des intérêts est obtenu en multipliant le montant du capital débloqué, 125 408 euros, par le taux conventionnel mentionné dans le contrat, 3,75 % et par le nombre de jours écoulés entre la date de réalisation du prêt et celle de la première échéance, 21 jours, divisé par la base annuelle, la somme de 274,33 euros réglée par Mme [T] révèle que la base annuelle appliquée était de 360 jours.
En effet, rapporté à la base annuelle de 365 jours, le montant des intérêts dus au taux conventionnel de 3,75% aurait été de 270,57 euros.
Pour cette première échéance, il est donc démontré que les intérêts ont été calculés par référence à une année bancaire de 360 jours en contravention avec les dispositions de l'article R 313-1 du code de la consommation.
La différence entre les intérêts payés par Mme [T] et les intérêts qu'elle aurait dû payer s'élève à 3,76 euros.
Si dans un prêt avec amortissement sur toute la durée du prêt, remboursable par échéances mensuelles constantes incluant des intérêts au taux fixe, l'assiette de calcul des intérêts de chaque échéance est le capital restant dû qui garde en mémoire l'historique des intérêts précédents calculés sur la base de l'année de référence appliqué par le prêteur, en l'espèce, l'assiette de calcul reste la même jusqu'à la fin du prêt, dés lors qu'il s'agit d'un prêt remboursable in fine, c'est à dire avec un capital emprunté amorti en une seule fois sur la dernière échéance.
Dés lors, la différence d'intérêts sur la première échéance n'a pas eu d'effet sur la détermination des échéances d'intérêts suivantes dont la base de calcul a invariablement été le montant du capital emprunté, soit 125 408 euros.
S'agissant de la 2ème à la 180ème échéance, la banque prétend avoir effectué le calcul des intérêts en utilisant le mois normalisé et la base annuelle de 365 jours selon la formule suivante : 125 408 euros x 3,75 % x 30,41666/365 = 391,8999 arrondi à 391,90 euros conformément à la règle prévue dans l'annexe à l'article R 313-1 du code de la consommation.
Il est ainsi vérifié que le montant des intérêts calculés au taux conventionnel de 3,75 % sur une base de 365 jours est égal à celui qui figure dans le tableau d'amortissement et qui a été acquitté par Mme [T].
Mme [T] affirme néanmoins, en se fondant sur le rapport de Mme [U], que les intérêts ont été calculés sur une base de 360 jours et un mois de 30 jours, soit de la manière suivante : 125 408 euros x 3,75 % x 30/360 = 391,90 euros.
Il convient de constater que le résultat obtenu conduit à un montant d'échéance d'intérêts identique pour un mois entier lorsque la base utilisée est un mois normalisé et une année de 365 jours ou un mois de 30 jours et une année de 360 jours, pour un capital invariable de 125 408 euros.
S'il devait être admis au regard de la seule première échéance que, tel que soutenu par Mme [T], la banque a calculé le montant des intérêts conventionnels de 391,90 euros selon un mois de 30 jours et une année de 360 jours sur toute la durée du prêt, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge ne serait encourue que pour autant qu'il serait établi que ce calcul aurait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Or, en l'espèce, la seule erreur démontrée par Mme [T] affecte le montant de la seule première échéance qui a engendré un surcoût d'intérêts de 3,76 euros sur un total de 70 542 euros.
Et il ne résulte nullement de l'analyse de Mme [U], dans son rapport, que ce surcoût puisse conduire à un écart supérieur à la décimale entre le taux conventionnel mentionné dans le contrat de prêt et le taux correspondant aux montants des échéances réclamées par la banque pendant 180 mois.
A ce titre, si l'expert mandaté par Mme [T] a calculé que la première échéance d'intérêts réglée par celle-ci de 374,33 euros correspond à un taux de 3,802 % appliqué à 21 jours rapportés à une base annuelle de 365 jours, les 179 autres échéances mensuelles d'un montant de 391,90 euros correspondent bien au taux de 3,75 %.
Il ne peut dés lors qu'être constaté, tel que cela a été justement retenu par le tribunal, que Mme [T] ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe que le calcul des intérêts conventionnels a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R 313-1 du code de la consommation.
Par conséquent, Mme [T] n'est pas fondée à solliciter la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels pour sanctionner le calcul des intérêts conventionnels sur la base de 360 jours.
* Sur l'erreur de mention du TEG
Aux termes de l'article L 313-1 du code de la consommation, dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.
Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.
L'article R 313-1 II du code de la consommation prévoit que pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public ainsi que pour celles mentionnées à l'article L 312-2, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.
Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.
Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois.
En l'espèce, il résulte du rapport de Mme [U], que le TEG de 4,6364 % dont Mme [T] affirme qu'il s'agit du TEG réel comme étant calculé conformément aux dispositions des articles L 313-1 et R 313-1 sus citées, repose sur les caractéristiques suivantes :
- montant du prêt : 125 408 euros
- durée : 180 mois
- taux conventionnel : 3,75 %
- assurance décès invalidité: 17,55 euros
- frais de dossier instruction prêteur : 100 euros
- frais d'hypothèque conventionnel estimés à 2 468 euros
- frais liés au nantissement du contrat assurance vie souscrit par Mme [T] auprès d'Axa : 125 euros pour les droits d'enregistrement du contrat de nantissement, 22,50 euros de droits d'entrée sur chaque versement mensuel programmé de 500 euros pendante toute la durée du prêt, frais de gestion de 1% mensuels sur les sommes nettes investies
- coût des parts sociales : 150 euros.
Au regard de la comparaison des paramètres retenus par Mme [U], les divergences entre les parties quant aux éléments à prendre en compte dans le calcul du TEG sont les frais de souscription des parts sociales de 150 euros et les frais liés au nantissement du contrat Axa pour un montant global évalué par Mme [U] à 10 368,87 euros, étant précisé que le calcul du TEG selon les paramètres retenus par la CRCAM de l'Anjou et du Maine conduisant à un TEG de 4,1009 % n'est pas contesté.
Le contrat de prêt ne contient aucune clause concernant la souscription obligatoire de parts sociales de la banque.
En outre, il résulte du relevé de compte de Mme [T] qu'elle a souscrit les parts sociales de la banque pour 150 euros, le 10 mai 2006, soit postérieurement au déblocage des fonds dans leur globalité par la banque.
C'est dés lors justement que le tribunal a considéré que le coût de souscription des parts n'avait pas à être intégré dans le calcul du TEG, faute pour Mme [T] de démontrer au vu des seules pièces versées aux débats que cette souscription constituait une condition de l'octroi du prêt.
Concernant le nantissement du contrat assurance vie souscrit par Mme [T] auprès d'Axa, il résulte du document émis par Thema, Axa France Vie, annexé au contrat de nantissement de contrat assurance vie signé le 20 mars 2006 par Mme [T], que le contrat assurance vie 'Coralis Sélection' a été souscrit par cette dernière avec prise d'effet au 11 janvier 2006 avec un premier versement de 500 euros, dont 477,50 euros investis.
Compte tenu de la proximité de la souscription du contrat Axa avec la date d'émission de l'offre de prêt soit le 26 janvier 2011 et du mode de remboursement du prêt, soit avec un différé d'amortissement pendant 179 mois de nature à permettre à l'emprunteur qui ne s'acquitte pendant 179 mois que d'échéance d'intérêts, d'effectuer des versements sur son contrat assurance-vie pour se constituer une épargne pouvant servir de garantie au remboursement in fine du prêt, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, il doit être considéré que le nantissement du contrat assurance vie que Mme [T] s'engageait à souscrire auprès d'Axa juste avant la signature du contrat de prêt avec la CRCAM de l'Anjou et du Maine, était une condition d'octroi de celui-ci.
Les frais liés à la souscription et au nantissement de ce contrat assurance vie devaient donc entrer dans le calcul du TEG pour autant qu'ils soient bien à la charge de Mme [T] et qu'ils soient déterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt.
Or, alors que la banque affirme les avoir pris en charge, Mme [T] ne justifie pas du règlement des frais d'enregistrement du contrat de nantissement à hauteur de 125 euros.
S'agissant des droits d'entrée, il ressort du rapport de Mme [U] qu'ils ont été pris en compte dans le calcul du TEG à hauteur de 4 072,50 euros, soit 4,5% du montant des versements sur la base de 500 euros par mois pendant toute la durée du prêt.
Cependant l'examen des documents produits relatifs au contrat Axa, soit l'attestation du 11 janvier 2006 de l'assurance et le bulletin de souscription signé le 14 décembre 2005 par Mme [T], révèle qu'elle a effectué un premier versement de 500 euros et qu'elle n'a pas opté pour des versements programmés, mais pour des versements ultérieurs libres (minimum 500 euros), contrairement à ce qui a été retenu par Mme [U] dans les paramètres à intégrer pour le calcul du TEG.
Les seuls droits d'entrée déterminables à la date de l'émission de l'offre étaient donc de 22,50 euros au titre du versement initial de 500 euros qui pouvait s'avérer être le dernier faute d'obligation contractuelle pour celle-ci d'effectuer d'autres versements pendant la durée du contrat.
Mme [U] a également intégré dans son calcul des frais de gestion évalués à 6 171,37 euros sur la base de 1% de la somme nette investie calculée de façon mensuelle et durant la vie du contrat, en prenant pour hypothèse que Mme [T] verserait tous les mois 500 euros.
Toutefois, alors qu'il n'est nullement établi que Mme [T] se soit engagée à verser mensuellement la somme de 500 euros sur le contrat assurance vie pendant toute la durée du prêt, les frais de gestion de 1% par an (et non de 1% mensuel comme indiqué par erreur dans le rapport de Mme[T]) prélevés mensuellement ou à la date d'un désinvestissement, calculés sur l'encours géré qui dépend du montant investi, lui même sujet à fluctuation en fonction des supports d'investissement et des intérêts servis, n'étaient pas déterminables à la date de l'émission de l'offre.
Ainsi en définitive, le TEG de 4,6364% incluant l'incidence des parts sociales pour 0,108 %, des droits d'entrée du contrat assurance vie pour 0,2197 % et des frais de gestion du contrat assurance vie pour 0,2970 % n'a pas lieu d'être pris en considération.
Le TEG retenu par Mme [T] étant lui même erroné, il ne saurait être comparé à celui mentionné dans l'offre pour établir l'existence d'une erreur supérieure à la décimale prévue par l'article R 313-1 du code de la consommation.
Il en résulte que la preuve d'une erreur du TEG mentionné dans l'offre de prêt et dans l'acte de prêt, supérieure à la décimale prévue à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, n'est pas rapportée par Mme [T].
Ainsi en définitive le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de déchéance du droits aux intérêts.
Il sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de toutes ses demandes subséquentes.
- Sur les demandes accessoires
Le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Partie perdante Mme [T] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel et sera condamnée aux dépens d'appel.
Partie perdante, Mme [T] sera condamnée à payer à la CRCAM de l'Anjou et du Maine la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
- CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 31 mai 2017 ;
y ajoutant,
- CONDAMNE Mme [K] [T] aux dépens d'appel ;
- CONDAMNE Mme [K] [T] à payer à la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL