COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/00259 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EIGY
Jugement du 05 Décembre 2017
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance 14/04460
ARRET DU 14 JUIN 2022
APPELANT :
Monsieur [I] [X]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 5]
Chateau de la Génaiserie
[Localité 3]
Représenté par Me Cyrille GUILLOU de la SELARL BOIZARD - GUILLOU, substitué par Me Rémi HUBERT, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 140022
INTIMEE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE CHALONNES SAINT GEORGES SUR LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Dany DELAHAIE substituée par Me Guillaume QUILICHINI de la SCP CHANTEUX DELAHAIE QUILICHINI BARBE, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2013658
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 14 Mars 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, Présidente de chambre
M. RIEUNEAU, Conseiller
M. BENMIMOUNE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 14 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé du 20 juin 2003, le Crédit mutuel a consenti à la société civile d'exploitation agricole Château de la Genaiserie un prêt professionnel n° 03138441609 05 d'un montant de 63 600 euros remboursable en 15 annuités de 6 435,98 euros chacune, au taux nominal de 5,10 % l'an.
Par acte séparé du même jour, M. [X], associé de la société Château de la Genaiserie, s'est porté caution solidaire à hauteur de 76 320 euros incluant le principal, intérêts, commissions, frais et accessoires.
Suivant acte sous seing privé du 11 septembre 2003, la Caisse de crédit mutuel Chalonnes Saint-Georges sur Loire (ci-après, le Crédit mutuel) a consenti à la société civile Château de la Genaiserie :
- un prêt professionnel n° 03148441609 03 d'un montant de 29 800 euros, remboursable en sept échéances annuelles de 5 090,13 euros chacune (assurance comprise), au taux nominal de 4,00 %.
Par acte séparé du même jour, M. [X] s'est porté caution solidaire à hauteur de 29 800 euros incluant le principal, intérêts, commissions, frais et accessoires.
- un prêt professionnel n° 03148441609 04 d'un montant de 19 760 euros, remboursable en neuf annuités de 2 188,46 euros suivies de trois annuités de 2 251,51 euros, au taux nominal de 4 % sur les neuf premières années puis de 5,57 % révisable sur les trois dernières années.
Par acte séparé du même jour, M. [X] s'est porté caution solidaire de cet engagement à hauteur de 19 760 euros incluant le principal, intérêts, commissions, frais et accessoires.
Suivant acte sous seing privé du 9 octobre 2004, le Crédit mutuel a consenti à la société civile Château de la Genaiserie un prêt professionnel n° 03138441609 09 d'un montant de 22 900 euros remboursable en quinze annuités (1 annuité de 916 euros, 8 annuités de 2 167,92 euros et 6 annuités de 2 201,20 euros), au taux nominal de 4 % sur 7 ans et de 4,47 % sur 6 ans.
Par acte séparé du même jour, M. [X] s'est porté caution solidaire de cet engagement à hauteur de 27 480 euros incluant le principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, pour la durée de 204 mois.
Suivant acte sous seing privé non daté, le Crédit mutuel a consenti à la société civile Château de la Genaiserie un prêt professionnel n° 03138441609 23 d'un montant de 90 000 euros remboursable au bout de huit mois par une échéance de 93 010 euros, au taux nominal de 5 %.
Par acte séparé non daté, M. [X] s'est porté caution solidaire de cet engagement dans la limité de 108 000 euros incluant le principal, intérêts, le cas échéant les pénalités et intérêts de retard et pour la durée de 13 mois.
Par lettre recommandée du 17 avril 2009, le Crédit mutuel a mis en demeure M. [X] de lui payer la somme totale de 341 702 euros, arrêtée au 15 avril 2009, au titre de ses engagements de caution.
La société Château de la Genaiserie a été placée en redressement judiciaire par jugement du 9 novembre 2010.
Le 11 janvier 2011, le Crédit mutuel a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire comme suit :
prêt n° 03138441609 05 : 47 697,74 euros (dont capital de 42 697,74 euros) avec intérêts au taux de 8,10 % à compter du 10 novembre 2011,
prêt n° 03148441609 03 : 27 147,47 euros (dont capital de 22 103,14 euros) avec intérêts au taux de 7 % à compter du 10 novembre 2011,
prêt n° 03148441609 04 : 23 075, 05 euros (dont capital de 17 077,26 euros) avec intérêts au taux de 7 % à compter du 10 novembre 2011,
prêt n° 03138441609 09 : 30 369,89 euros (dont capital de 22 900 euros) avec intérêts au taux de 7 % à compter du 10 novembre 2011,
prêt n° 03138441609 23 : 102 984,79 euros (dont capital de 74 405,50 euros) avec intérêts taux de 8 % à compter du 10 novembre 2011.
Ces créances ont été admises sur l'état des créances.
Par jugement du 23 avril 2013, la liquidation judiciaire de la SCEA Château de la Genaiserie a été prononcée.
Le 19 décembre 2013, le Crédit mutuel a assigné M. [X] en paiement de sommes au titre de ses engagements de caution.
Par jugement du 5 décembre 2017, le tribunal de grande instance d'Angers a :
- déclaré recevable l'action formée par le Crédit mutuel ;
- condamné M. [X] à payer au Crédit mutuel les sommes de :
* 57 647,61 euros avec intérêts taux de 8,10 % à compter du 19 janvier 2016 sur la somme de 42 697,74 euros, et ce, dans la limite de 63 600 euros, au titre du cautionnement du prêt n° 03138441609 05 ;
* 29 800 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 03 ;
* 19 760 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 04 ;
* 27 480 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 05 ;
* 108 000 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 23 ;
- dit que les intérêts échus, dus pour une année au moins entière, produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154, ancien, du code civil ;
- débouté le Crédit mutuel de sa demande d'exécution provisoire ;
- condamné M. [X] aux dépens ;
- condamné M. [X] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été signifié à M. [X] le 12 janvier 2018.
M. [X] a formé, le 8 février 2018, soit dans le délai d'appel, lequel expirait le 12 février 2018, une première déclaration d'appel contre ce jugement, sans que cette déclaration ne comporte les chefs du jugement attaqués, ne comportant que la mention 'appel total'.
Il a formé, le 13 février 2018, une seconde déclaration qui mentionne 'appel partiel' et a, sur une annexe à cette déclaration, précisé les chefs du jugement critiqués comme suit :
- déclaré recevable l'action formée par le Crédit mutuel ;
- condamné M. [X] à payer au Crédit mutuel les sommes de :
* 57 647,61 euros avec intérêts taux de 8,10 % à compter du 19 janvier 2016 sur la somme de 42 697,74 euros, et ce, dans la limite de 63 600 euros, au titre du cautionnement du prêt n° 03138441609 05 ;
* 29 800 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 03 ;
* 19 760 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 04 ;
* 27 480 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 05 ;
* 108 000 euros avec intérêts taux légal à compter du 19 décembre 2013, au titre du cautionnement du prêt n° 03148441609 23 ;
- dit que les intérêts échus, dus pour une année au moins entière, produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154, ancien, du code civil ;
- condamné M. [X] aux dépens ;
-condamné M. [X] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 6 décembre 2018, le magistrat de la mise en état a accueilli l'incident du Crédit mutuel tendant à voir déclarer l'appel formé le 13 février 2018 irrecevable comme tardif et a dit que l'affaire se poursuivait sous le même numéro pour qu'il soit statué sur les mérites de l'appel interjeté par déclaration au greffe du 8 février 2018.
Par ses dernières conclusions remises le 9 septembre 2020, auquel il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, M. [X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :
- débouter le Crédit mutuel de toutes ses demandes ;
- déclarer irrecevable comme prescrite l'action du Crédit mutuel au titre des cautionnements des 11 septembre 2003 et 20 juin 2003 ;
- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement de 19 760 euros du 11 septembre 2003 pour défaut de signature et irrégularité des mentions manuscrites ;
- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement de 22 900 euros du 9 octobre 2004 pour absence de mention du débiteur principal ;
- débouter le Crédit mutuel de ses demandes au titre de l'acte de cautionnement non daté de 90 000 euros ;
- condamner le Crédit mutuel à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions remises le 11 janvier 2022, le Crédit mutuel prie la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a fixé les points de départ des intérêts des sommes dues en exécution des cautionnements, en demandant de les fixer au 17 avril 2009, date de la mise en demeure et, y ajoutant, de condamner de M. [X] à lui payer une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2022.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 14 mars 2022.
En cours de délibéré, la cour a invité les parties à s'expliquer sur l'irrégularité de la déclaration d'appel formée le 8 février 2018 au regard des prescriptions de l'article 901 4° du code de procédure civile dans sa version issue du décret du 6 mai 2017, applicable en l'espèce, en ce qu'elle ne comportait pas les chefs du jugement expressément critiqués et, en conséquence, sur l'absence d'effet dévolutif de cet appel en application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile.
Par conclusions du 26 avril 2022, M. [X] a fait valoir que si la déclaration rectificative d'appel a été jugée irrecevable en tant que déclaration d'appel, ayant été formée après l'expiration du délai d'appel, elle n'en constitue pas moins une régularisation du vice affectant la première déclaration dès lors qu'elle a été déposée dans le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure au fond. Il souligne que c'est au regard de cette possibilité de régularisation que la Cour de cassation (2ème Civ., 30 janvier 2020, n° 18-22.528) a jugé que l'exigence de l'indication des chefs expressément critiqués dans la déclaration d'appel ne porte pas atteinte, en elle-même, à la substance du droit fondamental d'accès au juge d'appel.
Le Crédit mutuel, par notes transmises par RPVA les 26 et 27 avril 2022, a répondu que par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 décembre 2018, qui n'a pas été attaquée, la déclaration d'appel du 13 février 2018 a été déclarée irrecevable et qu'elle ne peut donc être jugée recevable en tant qu'acte valant régularisation de la procédure d'appel du 8 février 2018. Il soutient qu'un acte 'irrecevable' ne peut en régulariser un autre. Il considère, en conséquence de ce que la déclaration d'appel du 8 février 2018 ne comporte pas les chefs de jugement expressément critiqué, que la cour d'appel n'est pas saisie en l'absence de dévolution.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'effet dévolutif de l'appel
L'article 901 4° du code de procédure civile dispose qu'à peine de nullité, la déclaration d'appel doit comporter les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet est indivisible.
En vertu des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il en résulte que, seule une déclaration d'appel opère dévolution du litige et que, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été prononcée.
En l'absence de forclusion, la déclaration d'appel qui ne mentionne pas les chefs critiqués du jugement peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel formée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, prévu à l'article 908 du code de procédure civile.
En l'espèce, la déclaration d'appel formée le 8 février 2018 ne comporte pas la mention des chefs du jugement expressément critiqués par l'appel. Elle est donc affectée d'un vice de forme pour défaut de conformité aux prescriptions de l'article 901 4° du code de procédure civile précitées.
Ainsi, elle est susceptible d'être annulée dans les conditions prévues à l'article 114 du code de procédure civile.
Dès lors, elle pouvait être régularisée conformément aux dispositions de l'article 115 du code de procédure civile aux termes desquelles la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
M. [X] a formé une seconde déclaration d'appel le 13 février 2018 qui comporte les chefs du jugement expressément critiqués dans une annexe.
Il est, d'abord, relevé que cette seconde déclaration est irrégulière en ce qu'elle ne comporte pas en elle-même l'énonciation des chefs critiqués du jugement, lesquels ne figurent que dans une annexe alors que ce n'est qu'en cas d'empêchement d'ordre technique, non invoqué en l'espèce, que l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.
Mais surtout, ce second appel a été déclaré irrecevable pour tardiveté par ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 6 décembre 2018, laquelle n'a pas été déférée à la cour.
En application de l'article 914 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de la chose jugée au principal.
Il a donc été définitivement jugé que la seconde déclaration d'appel a été formée après l'expiration du délai d'appel.
Il en résulte que, de ce fait, cette seconde déclaration n'a pu valablement régulariser le vice de forme affectant la première déclaration même si elle est intervenue dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile des trois mois de la première déclaration dès lors qu'elle est intervenue après la forclusion.
Il s'ensuit que la déclaration d'appel du 8 février 2018, en raison de son irrégularité qui n'a pas été couverte, ne fait pas produire à l'appel son effet dévolutif, de sorte que la cour n'est pas saisie du litige.
M. [X] sera condamné à payer au Crédit mutuel la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Dit que la cour n'est pas saisie du litige à la suite de l'appel formé par déclaration de M. [X] du 8 février 2018.
Condamne M. [X] à payer au Crédit mutuel la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL