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31/05/2022 | FRANCE | N°18/01207

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 31 mai 2022, 18/01207


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/01207 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKLU



Jugement du 22 Mai 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 11-18-0003







ARRET DU 31 MAI 2022





APPELANTES :



S.A.S. INTRUM JUSTITIA

[Adresse 6]

[Localité 4]



S.A. INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG

Industriestrasse 13 C

[Adresse 3]

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Représentées par Me Anne-Marie VAUGELADE TAFANI, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2017-151





INTIME :



Monsieur [B] [Y]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7] (92)

[Adresse 1]'

[Localité 5]



Représenté ...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01207 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKLU

Jugement du 22 Mai 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 11-18-0003

ARRET DU 31 MAI 2022

APPELANTES :

S.A.S. INTRUM JUSTITIA

[Adresse 6]

[Localité 4]

S.A. INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG

Industriestrasse 13 C

[Adresse 3]

Représentées par Me Anne-Marie VAUGELADE TAFANI, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2017-151

INTIME :

Monsieur [B] [Y]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7] (92)

[Adresse 1]'

[Localité 5]

Représenté par Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20170276

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 28 Mars 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 31 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du tribunal d'instance de Mortagne-au-Perche rendu le 11 janvier 1995 signifié à personne par acte d'huissier en date du 2 février 1995, M. [B] [Y] a été condamné à payer à la société (SNC) BMW Lease la somme de 193.054,10 francs (29.430,91 euros), augmentée des intérêts au taux légal majoré de 4 points à compter du 26 octobre 1994.

Agissant sur le fondement de ce jugement, la société (SA) Intrum Justitia Debt Finance AG, indiquant venir aux droits de la société BMW a fait signifier le 04 septembre 2017 à M. [Y] une cession de créance du 19 février 2016 ainsi qu'un commandement de payer aux fins de saisie vente, lui enjoignant de régler la somme globale de 41.890,94 euros.

Suivant requête reçue au greffe le 15 novembre 2017, la société Intrum Justitia Debt Finance AG, représentée par la SAS Intrum Justitia, a saisi le tribunal d'instance du Mans d'une requête en saisies des rémunérations de M. [Y] pour un montant total de 42 498,32 euros, après déduction des acomptes versés pour une somme de 21 766,34 euros, en exécution du jugement précité.

Au vu du procès-verbal de non-conciliation du 29 janvier 2018, la saisie des rémunérations de M. [Y] a été autorisée pour paiement de la somme totale de 42 498,32 euros.

Par acte d'huissier délivré le 8 mars 2018, M. [Y] a fait assigner la SAS Intrum Justitia devant le tribunal d'instance du Mans, sur le fondement de l'article R. 3252-1 et suivants du code du travail, aux fins de voir, à titre principal, déclarer nul l'acte de saisie du 29 janvier 2018 et annuler la procédure de saisie des rémunérations engagée à son encontre. A l'audience du 23 mars 2018, M. [Y] a également sollicité la condamnation de la société Intrum Justitia Debt Finance AG à lui payer une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 25 mai 2018, le tribunal d'instance du Mans a :

- déclaré irrecevable la demande de saisie des rémunérations présentée par la société Intrum Justitia Debt Finance AG pour défaut de qualité à agir,

en conséquence,

- fait droit à la contestation de M. [Y],

- rejeté la demande de saisie des rémunérations présentée par la société Intrum Justitia Debt Finance AG,

- condamné la société Intrum Justitia Debt Finance AG à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la même à payer à M. [Y] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Pour rejeter la demande de saisie des rémunérations, le premier juge a retenu que la société Intrum Justitia Debt Finance AG ne justifiait pas de sa qualité à agir et devait par conséquent être déclarée irrecevable en son action. Il a relevé que le bordereau de cession de créances du 19 février 2016, dont se prévalait la défenderesse visant des créances cédées par la SNC BMW dans le cadre de son activité professionnelle, ne valait pas acte de cession de créances professionnelles dés lors qu'il ne comportait pas l'ensemble des énonciations prévue par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier et ne permettait pas une identification individualisée des créances cédées visées. Il en a déduit que cet acte était inopposable à M. [Y] en dépit de lui avoir été signifié.

Pour condamner la société Intrum Justitia Debt Finance AG à payer des dommages et intérêts, le tribunal a jugé que l'engagement de la procédure contestée a occasionné des désagréments à M. [Y].

Par déclaration reçue au greffe le 7 juin 2018, la SAS Intrum Justitia et la SA Intrum Justicia Debt Finance AG ont interjeté appel de ce jugement en critiquant l'ensemble des chefs de son dispositif, intimant M. [Y].

M. [Y] a formé un appel incident.

La SAS Intrum Justitia et la société Intrum Debt Finance AG, anciennement dénommée Intrum Justitia Debt Finance AG, demandent à la cour, sur le fondement des articles 1689 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, et des articles R. 3252-11 et R. 3252-13 du code du travail :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

à titre principal,

- de juger que le contrat de cession de créance du 19 février 2019 est un contrat de cession de créance civile opposable à M. [Y],

- de constater leur qualité à agir,

- de valider la demande de saisie des rémunérations de M. [Y],

à titre subsidiaire,

- de juger que l'acte est valable comme acte de cession de droit commun et opposable à M. [Y] pour lui avoir été régulièrement signifié,

- constater leur qualité à agir,

- de valider la demande de saisie des rémunérations de M. [Y],

en tout état de cause,

- de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [Y] à leur payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [B] [Y] prie la cour de :

- dire que la procédure de saisie des rémunérations était d'emblée irrégulière et nulle pour avoir été engagée par la SAS Intrum Justitia qui ne pouvait représenter la société Intrum Debt finance AG dans une instance judiciaire,

- constater qu'aucun titre exécutoire n'a été produit en original de sorte que la demande en saisie des rémunérations est irrecevable,

- constater que les intimées n'établissent pas être cessionnaires de la créance dont elles se prévalent,

- juger que l'opération de cession de créance est illicite au regard des dispositions des articles L. 511-9 à L. 511-20 du code monétaire et financier,

- constater la nullité de la cession et par voie de conséquence dire la cession inopposable à son égard,

en conséquence,

- déclarer nul et de nul effet l'acte de saisie du 29 janvier 2018 et écarter toutes demandes des appelantes tendant à la saisie de ses rémunérations,

- annuler en tout état de cause la procédure de saisie des rémunérations engagée à son encontre,

- confirmer le jugement rendu le 22 mai 2018 par le tribunal d'instance du Mans en toutes ses dispositions non contraires aux présentes,

à titre véritablement très subsidiaire,

- dire que la société Intrum Debt Finance AG ne saurait détenir plus de droits que la société BMW FINANCE,

- limiter alors toute saisie à une somme au plus de 8 776,12 euros,

- encore plus subsidiairement, sur la créance alléguée, faire application du délai de prescription prévu à l'article L. 218-2 du code de la consommation et expurger du compte les intérêts prescrits pour 33091,21 euros,

en toute hypothèse,

- ordonner la restitution par les appelantes de toutes sommes perçues sur ses rémunérations,

- constater que les poursuites engagées à son encontre par les appelantes sont fautives et ouvrent droit à réparation,

- condamner solidairement et à défaut in solidum ces dernières à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum les intimées à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe

- le 22 octobre 2019 pour la SAS Intrum Justitia et la société Intrum Debt Finance AG,

- le 22 octobre 2020, pour M. [Y].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient d'observer que la recevabilité de l'appel interjeté par la société Intrum Justitia Debt Finance AG, devenue Intrum Debt Finance AG, n'est pas contesté.

- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Intrum Debt Finance AG

La société Intrum Debt Finance AG et la SAS Intrum Justitia prétendent que l'acte de cession de créance du 19 février 2016 et sa signification faite à M. [Y] le 4 septembre 2017 suffisent à établir leur qualité à agir, en tant que cessionnaire de la créance qui était détenue par la société BMW Lease à l'encontre de M. [Y], en exécution forcée du jugement du tribunal d'instance de Mortagne-au-Perche en date du 11 janvier 1995.

Elles reprochent au premier juge d'avoir qualifié la cession de créance intervenue le 19 février 2016 de cession de créances professionnelles soumises aux dispositions des articles L 313-23 et suivants du code monétaire et financier, alors que l'acte dont s'agit constitue un acte de cession de créance civile soumis aux dispositions des articles 1689 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. A cet égard, elles font valoir que le fait que la cession de créance soit intervenue entre deux professionnels ne suffit pas à qualifier l'opération de cession de créances professionnelles et que pour entrer dans le cadre des cessions soumises à l'article L 313- 23 du code monétaire et financier, la créance cédée détenue sur une personne physique doit avoir été consentie par celle-ci dans l'exercice de son activité professionnelle, ce qui n'est pas, selon elle, le cas en l'espèce dés lors que M. [Y] a été condamné à payer des sommes dues au titre de la location d'un véhicule automobile conclue à titre personnel.

A titre subsidiaire, elles observent que, quand bien même la qualification de cession de créances professionnelles serait retenue, le non respect des conditions de forme prévues par l'article L. 313-23 ne pourrait être sanctionné que par l'inopposabilité de cette cession aux tiers, ce qui serait inopérant dans le cas présent puisque celle-ci été signifiée à M. [Y] par acte d'huissier du 4 septembre 2017, conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil. Elles en concluent que la cession est par conséquent nécessairement opposable à ce dernier.

En réponse, M. [Y] soutient que les appelantes ne rapportent pas la preuve de la réalité de la cession de créance qu'elles allèguent précisant qu'il ne ressort pas des seules pièces versées aux débats que la créance détenue par la société BMW à son égard ait fait partie des créances cédées en vertu du bordereau produit.

Il fait notamment observer à ce titre que le document intitulé 'Annexe 3", 'Bordereau de cession de créance' ne contient aucune référence à sa situation et ne permet pas d'identifier ou d'individualiser les créances cédées directement ou par références. Il relève en outre des incohérences sur ce bordereau concernant l'identité, du cédant et du cessionnaire en affirmant que rien ne permet de le rattacher à la société BMW Finance. Il souligne que le feuillet produit à la suite du bordereau mentionne un montant de créance dont le montant n'est pas cohérent avec celui de sa dette en vertu du jugement du 11 janvier 1995. Il ajoute que les appelantes devraient justifier d'un écrit conformément aux dispositions des articles 1363 et suivants du code civil.

En outre, M. [Y] estime que la motivation de l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour de céans, dans le cadre d'une instance en contestation d'une saisie-attribution pratiquée en exécution du jugement rendu par le tribunal d'instance de Mortagne-au-Perche en date du 11 janvier 1995 l'opposant à la société Intrum Justitia Debt Finance AG, en ce qu'il a retenu que celle-ci ne justifiait pas de sa qualité de cessionnaire et ne se trouvait dès lors pas munie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible permettant d'en poursuivre l'exécution forcée à son encontre, a autorité de la chose jugée de sorte qu'elle s'impose aux appelantes qui doivent en conséquence être déboutées de leur appel.

En outre, à supposer que la cour retienne l'existence d'une cession de la créance que la société BMW détenait à son encontre, au profit de la société Intrum Debt Finance AG, il soutient qu'elle lui serait inopposable faute de comporter les mentions obligatoires prévues par le code monétaire et financier et que, quand bien même la cession relèverait du droit commun, elle ne lui serait pas davantage opposable en ce qu'elle ne lui a pas été régulièrement signifiée en l'absence de toute indication du titre de créance.

Il en déduit que la société Intrum Debt Finance AG est dépourvue de tout droit d'agir à son encontre au titre de la créance constatée dans le jugement du 11 janvier 1995.

En vertu de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier, muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

L'article R. 3252-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose que le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.

En l'espèce, la société Intrum Debt Finance AG, anciennement dénommée Intrum Justicia Debt Finance AG, a, par requête reçue au greffe le 15 novembre 2017, sollicité la mise en place d'une saisie des rémunérations de M. [Y], en exécution du jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal d'instance de Mortagne au Perche le 11 janvier 1995, signifié à personne en date du 2 février 1995. Le 29 janvier 2018, il a été fait droit à cette requête et la saisie a été autorisée pour un montant total de 42 498,32 euros.

Toutefois, il ressort de la lecture du jugement rendu par le tribunal d'instance de Mortagne au Perche en date du 11 janvier 1995 que, dans l'instance l'opposant à la société BMW Lease, M. [B] [Y] a été condamné à payer à la société BMW Lease la somme de 193.054,10 francs (29.430,91 euros), augmentée des intérêts au taux légal majoré de 4 points à compter du 26 octobre 1994.

Il n'est donc pas contesté que le titre exécutoire visé dans l'acte de saisie dont l'anéantissement est sollicité a été pris au bénéfice d'une personne qui n'est pas celle à la requête de laquelle l'acte de saisie litigieux a été établi.

Pour néanmoins justifier de sa qualité à agir, la société Intrum Debt Finance AG, se prévalant d'un bordereau de cession de créances du 19 février 2016, prétend être cessionnaire de la créance détenue par la société BMW Lease à l'encontre de M. [Y] en vertu du jugement précité dont le caractère irrévocable n'est pas contesté.

Préalablement à l'examen du régime juridique applicable à la cession alléguée, sur lequel les parties s'opposent, permettant d'apprécier la validité ou l'opposabilité de la celle-ci, il appartient aux appelantes de démontrer la réalité de l'étendue de la cession alléguée en rapportant la preuve que la créance que détenait la société BMW Lease à l'encontre de M. [Y], en vertu du jugement rendu le 11 janvier 1995, fait partie des créances qui lui ont été cédées le 19 février 2016.

Estimant que cette question a été tranchée par l'arrêt rendu par cette cour le 29 septembre 2020, M. [Y] soutient que l'autorité de la chose jugée de cette décision s'impose aux appelantes.

Toutefois, outre que M. [Y] ne soulève pas cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses dernières conclusions de nature à en saisir la cour d'appel en application de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, il convient de rappeler que l'autorité de la chose jugée s'attache exclusivement aux chefs du dispositif et non aux motifs de sorte que seuls sont dotés de cette autorité les chefs du jugement rendu le 25 février 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Mans, lesquels ont été intégralement confirmés par l'arrêt précité. Or, aux termes de ce dispositif, le juge de l'exécution a annulé le commandement de payer valant saisie-vente signifiée le 4 septembre 2017 à M. [Y] et ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de ce dernier le 13 septembre 2017. Dès lors, l'objet de la présente instance portant sur la contestation d'une autre mesure d'exécution forcée, aucune autorité de la chose jugée au sens des dispositions des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ne peut être tirée de l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour de céans.

Afin de justifier de sa qualité de cessionnaire, la société Intrum Debt Finance AG et la SAS Intrum Justitia versent aux débats le document annexé à l'acte signifié à M. [Y] le 4 septembre 2017, composé de deux feuillets : le premier intitulé 'Annexe 3" ; 'Bordereau de cession de créance' et le second, sans titre, présenté comme un extrait des créances cédées, composé d'un unique encadré comportant notamment une référence dossier, un montant de dette en principal (8776,12 euros), un montant de dette (13 183,10 euros) et les nom et prénom de l'intimé.

Pour autant, il convient de relever que, s'il ressort du premier feuillet du document, très difficilement lisible, présenté comme une annexe d'une convention portant sur la cession consentie le 19 février 2016 par la société BMW Finance à la société Intrum Justitia Debt Finance AG de 3676 créances pour un montant global de 48 519 561 euros, laquelle n'est pas versée aux débats, la société Intrum Justitia Debt Finance AG y est clairement désignée avec tous ses éléments d'identification sous la mention 'cessionnaire', c'est la société BMW Finance qui est mentionnée en qualité de cédant et non la société BMW Lease au profit de laquelle le titre exécutoire, sur le fondement duquel la saisie a été ordonnée, a été rendu. Surtout, comme l'a pertinemment relevé le premier juge, le bordereau, qui ne contient aucune référence à la dette de M. [Y], ne permet pas une identification individualisée des créances cédées de sorte que rien ne le rattache de manière évidente à la créance de la société BMW Lease à l'encontre de ce dernier.

S'agissant du second feuillet, outre que le montant de la dette qui y est mentionné ne correspond aucunement à celui au paiement duquel M. [Y] a été condamné ni à celui figurant dans le décompte produit par les appelantes, il y a lieu de constater qu'il ne comporte aucun titre, aucun numéro de page, aucune signature ou aucune référence permettant d'établir qu'il se trouvait intégré dans l'annexe 3 précitée et donc de le rattacher avec certitude à la convention de cession.

Ainsi, en l'état des pièces produites, les appelantes échouent à rapporter la preuve, qui leur incombe, de la qualité de cessionnaire de la société Intrum Debt Finance AG s'agissant de la créance détenue par la société BMW Lease sur M. [Y] en vertu du jugement rendu le 11 janvier 1995 et, partant qu'elles sont munies d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible leur permettant d'en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de ce dernier au sens des dispositions précitées.

Par suite, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en saisie des rémunérations de M. [Y] présentée par la société Intrum Justitia Debt Finance AG, devenue Intrum Debt Finance AG.

- Sur la saisie des rémunérations autorisée le 29 janvier 2018

Il découle des motifs qui précèdent que l'acte de saisie des rémunérations du 29 janvier 2018 doit être annulé.

En revanche, M. [Y] ne démontre pas que l'acte de saisie ait commencé à produire des effets de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes perçues en exécution de ce dernier.

- Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts

Pour reprocher au premier juge d'avoir alloué à M. [Y] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, les appelantes soutiennent d'une part qu'il n'a été caractérisé aucune faute à leur égard et, d'autre part, que M. [Y] ne justifie ni du principe ni du quantum du préjudice qu'il allègue au soutien de sa demande de dommages intérêts.

M. [Y] s'estime fondé à solliciter l'allocation de dommages intérêts à raison de la faute de la société Intrum Debt Finance AG qui a engagé des poursuites à son encontre, avec une légèreté blâmable dés lors qu'elle était dépourvue de droits pour agir, ce qui lui a causé un préjudice évident puisque la saisie a été mise à exécution et le fonctionnement de son compte bancaire a été entravé durant plusieurs semaines. A titre incident, il demande à ce que la condamnation prononcée par le tribunal d'instance du Mans soit portée à la somme de 5 000 euros.

Il découle de la combinaison des articles L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution et R. 3252-11 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, que le juge d'instance, qui exerce les pouvoirs du juge de l'exécution lorsqu'il connaît d'une saisie des sommes dues à titre de rémunération, a le pouvoir de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

Néanmoins, M. [Y], dont la charge lui incombe, ne démontre pas que les appelantes auraient commis un tel abus en engageant la saisie contestée, étant observé que la seule erreur commise sur l'existence de ses droits ne peut suffire à le caractériser.

Surtout, en l'état des pièces produites, l'intimé ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il aurait subi par la mise en oeuvre de cette mesure d'exécution de nature à fonder sa demande de dommages et intérêts d'autant plus que la saisie des rémunérations ne peut avoir pour effet d'entraver le fonctionnement d'un compte bancaire.

Par suite, il convient de débouter M. [Y] de sa demande de voir condamner in solidum les appelantes à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur les demandes accessoires

La société Intrum Debt Finance AG et la SAS Intrum Justitia échouant en leurs demandes seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, le jugement critiqué étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

La société Intrum Debt Finance AG et la SAS Intrum Justitia seront en outre condamnées in solidum à payer à M. [Y] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ces dernières seront par conséquent déboutées de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en saisie des rémunérations présentée par la société Intrum Justitia Debt Finance AG pour défaut de qualité à agir et en ce qu'il a condamné la même à payer à M. [Y] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

INFIRME le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau des chefs infirmés,

ANNULE l'acte de saisie des rémunérations de M. [B] [Y] du 29 janvier 2018,

DEBOUTE M. [B] [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

DEBOUTE la SA Intrum Debt Finance AG et la SAS Intrum Justitia de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SA Intrum Debt Finance AG et la SAS Intrum Justitia à payer à M. [B] [Y] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE M. [B] [Y] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE in solidum la SA Intrum Debt Finance AG et la SAS Intrum Justitia aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01207
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;18.01207 ?
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