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17/05/2022 | FRANCE | N°19/00145

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 17 mai 2022, 19/00145


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







YB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/00145 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EOIR



Jugement du 25 Septembre 2018

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 12/02204







ARRET DU 17 MAI 2022





APPELANT :



Monsieur [B] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'exploitant sous l'enseigne BZ AUTOMOBILES

né le 04 Mars 1972 à SIDI KACEM (MAROC)
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[Adresse 4]



Représenté par Me Morgane DAZIN, avocat au barreau d'ANGERS





INTIMES :



Monsieur [X] [F]

né le 26 Mai 1970 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]



Madame [P]...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

YB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/00145 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EOIR

Jugement du 25 Septembre 2018

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 12/02204

ARRET DU 17 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [B] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'exploitant sous l'enseigne BZ AUTOMOBILES

né le 04 Mars 1972 à SIDI KACEM (MAROC)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Morgane DAZIN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Monsieur [X] [F]

né le 26 Mai 1970 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Madame [P] [M]

née le 19 Juin 1973 à BAUGE (49)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Pierre LAUGERY de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13203015

Monsieur [L] [U]

né le 23 Juin 1977 à LAMSALLA EL KSIBA (MAROC)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Sonia MAUDEMAIN de la SELARL AVOLUTION, avocat au barreau d'ANGERS

Monsieur [I] [U]

né le 02 Juin 1975 à EL KSIBA (MAROC)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Assigné, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 21 Février 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur BRISQUET, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur BRISQUET, Conseiller

Madame ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 17 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, Conseiller faisant fonction de Président, et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [P] [M] et M. [X] [F] ont souhaité faire l'acquisition d'un véhicule spacieux permettant de transporter leurs trois enfants parmi lesquels leur fils [E] en situation de handicap moteur et se déplaçant en fauteuil roulant.

À l'occasion d'une visite dans les locaux de l'entreprise de négoce automobile à l'enseigne BZ Automobiles, exploitée en nom propre par M. [B] [S], ils ont repéré un véhicule Mercedes Benz modèle Vito correspondant à leurs attentes et dont ils ont souhaité se porter acquéreurs.

Ils ont signé le 19 décembre 2009 un bon de commande par lequel l'entreprise BZ Automobiles leur vendait ce véhicule moyennant le prix de 7 000 euros. Mme [M] et M. [F] ont finalement convenu de céder leur véhicule Peugeot Boxer à M. [L] [U], en échange du véhicule Mercedes Benz modèle Vito dont le certificat d'immatriculation était établi au nom de M. [I] [U], frère de M. [L] [U].

Le 9 février 2010, M. [F] n'a pu faire établir une carte grise du véhicule à son nom en raison d'une opposition au transfert du certificat d'immatriculation remontant au 14 juillet 2008.

Mme [M] et M. [F] ont mis en demeure M. [S] de leur rembourser la somme de 7 000 euros ainsi que celle de 460,57 euros correspondant à des frais engagés sur le véhicule.

En l'absence de réponse de M. [S], ils ont déposé une plainte auprès du procureur de la République d'Angers.

Par jugement du 25 mars 2013, le tribunal correctionnel d'Angers a relaxé M. [S] des chefs de tromperie et de publicité mensongère. Il a en revanche déclaré M. [I] [U] coupable des faits de non déclaration de cession de véhicule dans un délai de 15 jours. Le tribunal a aussi déclaré M. [L] [U] coupable des faits de mise en circulation d'un véhicule à moteur sans certificat d'immatriculation et de maintien en circulation d'un véhicule cédé et déjà immatriculé sans certificat d'immatriculation établi au nom du nouveau propriétaire. Mme [M] et M. [F] ont été déboutés de leur constitution de partie civile.

Entre temps et par assignation du 31 mai 2012, Mme [M] et M. [F] avaient saisi le tribunal de grande instance d'Angers de demandes dirigées contre M. [S] et M. [I] [U] tendant à l'annulation de la vente et à la condamnation de ces derniers au paiement de diverses sommes en réparation de leur préjudice. Par acte du 7 août 2014, ils ont fait assigner M. [L] [U] en intervention forcée et aux mêmes fins. Mme [M] et M. [F] étant finalement parvenus à faire immatriculer le véhicule à leur nom en janvier 2013, ils ont renoncé en cours de procédure à solliciter l'annulation de la vente mais ont maintenu leurs autres demandes.

Par jugement contradictoire du 25 septembre 2018, le tribunal de grande instance a :

- condamné in solidum M. [B] [S] exerçant sous l'enseigne BZ Automobiles, M. [L] [U] et M. [I] [U] à verser à M. [X] [F] et Mme [P] [M] la somme de 2 969,09 euros au titre de leur préjudice matériel et celle de 1 500 euros en réparation du préjudice moral ;

- condamné in solidum M. [B] [S] exerçant sous l'enseigne BZ Automobiles, M. [L] [U] et M. [I] [U] à verser à M. [X] [F] et Mme [P] [M] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [B] [S] exerçant sous l'enseigne BZ Automobiles, M. [L] [U] et M. [I] [U] aux dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 24 janvier 2019, son appel portant sur toutes les dispositions lui faisant grief et qu'il énonce dans la déclaration, intimant M. [X] [F], Mme [P] [M], M. [L] [U] et M. [I] [U].

Mme [M] et M. [F] ont constitué avocat le 12 février 2019.

M. [L] [U] a constitué avocat le 26 mars 2019.

Le 25 avril 2019, M. [S] a fait signifier sa déclaration d'appel par acte remis à la personne de M. [I] [U] mais celui-ci n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2022, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé aux parties le 8 octobre 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties ayant comparu, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 27 septembre 2019 pour M. [S] et signifiées le 9 octobre 2019 à M. [I] [U] ;

- le 23 septembre 2019 pour Mme [M] et M. [F] et signifiées le 2 octobre 2019 à M. [I] [U] ;

- le 18 juillet 2019 pour M. [L] [U] et signifiées le 29 juillet 2019 à M. [I] [U] ;

*

M. [S] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- déclarer Mme [M] et M. [F] irrecevables et en tout cas mal fondés en leur action ;

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

À titre subsidiaire,

- condamner M. [I] [U] et M. [L] [U] à le garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;

À titre infiniment subsidiaire,

- limiter à un tiers sa responsabilité dans la réalisation des préjudices subis par Mme [M] et M. [F] ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum Mme [M] et M. [F], M. [I] [U] et M. [L] [U] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum Mme [M] et M. [F], M. [I] [U] et M. [L] [U] aux entiers dépens ;

Y ajoutant,

- déclarer M. [L] [U] irrecevable et mal fondé en ses demandes nouvelles, analysées soit comme telles, soit comme appel incident.

M. [S] expose que dans le cadre de l'activité de garagiste qu'il exploitait sous l'enseigne BZ Automobiles, M. [L] [U] lui a déposé un véhicule Mercedes qui n'était pas en principe destiné à la vente et dont il pensait que ce dernier était le propriétaire. Il précise que M. [F] ayant remarqué ce véhicule et ayant proposé de l'échanger avec son Peugeot Boxer, M. [L] [U] a refusé cet échange dans un premier temps, de sorte qu'il a proposé à M. [F] de lui acheter son véhicule pour permettre à ce dernier d'acheter ensuite directement à M. [L] [U] le véhicule convoité. Il fait valoir que c'est pour faciliter cette démarche qu'il a accepté, à la demande de M. [F] et de M. [L] [U], d'établir un bon de commande et de présenter le véhicule au contrôle technique mais il soutient que ce bon de commande est devenu nul et non avenu dès lors que M. [L] [U] a changé d'avis et a souhaité en définitive échanger son véhicule contre celui de M. [F]. Il affirme donc être étranger à la vente ou à l'échange du véhicule et n'avoir jamais été mandaté pour une telle opération.

L'appelant soutient que les demandes de Mme [M] et M. [F] sont irrecevables en raison de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, compte tenu du jugement du tribunal correctionnel d'Angers, en raison de l'identité de parties, de cause et d'objet entre les demandes présentées devant la juridiction pénale et celles soumises à la juridiction civile. Il souligne que les dispositions de l'article 4-1 du code de procédure pénale, qui permettent dans certains cas d'agir au civil en cas de relaxe, n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors que Mme [M] et M. [F] n'agissent pas sur le fondement de la faute non intentionnelle délictuelle mais sur celui des articles 1134, 1147 et 1626 du code civil.

Sur le fond, M. [S] fait valoir que le tribunal a retenu à tort qu'il était vendeur du véhicule alors qu'il n'a pas participé à la vente, qu'il ne pouvait en conséquence être tenu à une obligation de livraison et qu'il ne pouvait pas non plus engager sa responsabilité professionnelle en ne s'assurant pas que le véhicule était libre de tout gage. Il soutient qu'il n'était tenu à aucune obligation relative à la situation administrative du véhicule dès lors qu'il n'était ni vendeur ni mandataire et qu'il n'a perçu aucune somme au titre de cette transaction à laquelle il était étranger.

À titre subsidiaire, sur l'appel en garantie, il souligne que M. [L] [U] ne pouvait ignorer que son frère était le propriétaire du véhicule, ce dont il n'avait lui-même pas été informé, et qu'il ignorait de bonne foi que le certificat d'immatriculation du véhicule était indisponible, ce dont M. [I] [U] aurait dû informer son frère.

À titre infiniment subsidiaire, si en dépit de sa qualité de tiers à l'échange et de sa bonne foi, sa responsabilité devait être engagée, il considère qu'elle ne pourrait l'être qu'à hauteur d'un tiers.

*

Au visa des anciens articles 1134, 1147 et 1383 du code civil, 1626 et suivants du code civil et notamment l'article 1630, Mme [M] et M. [F] demandent à la cour de :

- dire et juger M. [S] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel et ses demandes et les dire au contraire recevables et bien fondés en leurs demandes ;

En conséquence,

- rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité l'indemnisation de leur préjudice de jouissance et moral à la somme de 1 500 euros ;

- statuant à nouveau de ce seul chef, condamner in solidum M. [L] [U], M. [I] [U] et M. [S] à leur payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et moral ;

- condamner M. [L] [U], M. [I] [U] et M. [S] à leur payer une somme de 5 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. [L] [U], M. [I] [U] et M. [S] aux entiers dépens qui seront recouvrés par la Selarl LEXCAP, Me Thierry Boisnard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [M] et M. [F] soutiennent qu'après la signature le 19 décembre 2009 d'un bon de commande avec la société BZ Automobiles moyennant un prix de 7 000 euros et le versement d'un acompte de 200 euros, il a été convenu que la livraison serait effectuée après la réalisation par le professionnel du contrôle technique obligatoire, ce qui a été fait le 24 décembre 2009 avec obligation d'une contre-visite. Ils ajoutent qu'après les réparations et la contre-visite, la vente a pu être définitivement formalisée le 16 janvier 2010 et qu'un certificat de cession du véhicule a été rempli par la société BZ Automobiles, au nom de M. [I] [U], présenté comme propriétaire, et signé par M. [L] [U], son frère en possession du véhicule. Ils précisent que M. [F] a cédé le même jour son véhicule Peugeot Boxer, de sorte que les véhicules ont en réalité été purement et simplement échangés.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ils considèrent qu'elle ne s'attache qu'à l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification et sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé mais qu'elle n'ôte pas au juge civil tout pouvoir d'appréciation sur les suites à donner à une demande de réparation sur le terrain civil. Ils estiment que si M. [S] a été relaxé, faute d'élément intentionnel, des faits de tromperie et de pratique commerciale trompeuse, cela ne les prive pas de la possibilité de poursuivre leur action civile engagée sur le fondement des dispositions du code civil.

Sur le fond, ils considèrent que le jugement doit être confirmé dès lors qu'en sa qualité de professionnel exploitant une activité de négoce automobile, M. [S] ne pouvait ignorer les démarches propres à la vente d'un véhicule, que ce soit entre un professionnel et un particulier ou entre deux particuliers. Ils estiment que M. [S] ne s'est pas contenté de mettre en relation M. [L] [U] et M. [F] puisqu'il a fait remplir à ce dernier un bon de commande le 19 décembre 2019, qu'il a signé le procès-verbal de contrôle technique du 24 décembre 2009, qu'il a réceptionné la facture du contrôle technique et qu'il a fourni et rempli le certificat de cession du véhicule. Ils soutiennent que M. [S] a joué un rôle essentiel et actif dans la cession et qu'en tant que professionnel du négoce automobile, il a engagé sa responsabilité contractuelle, et à tout le moins délictuelle, en manquant à son obligation de conseil et en adoptant un comportement négligent. Ils considèrent qu'il devait solliciter du vendeur la présentation d'un certificat de non-gage ou, à tout le moins, attirer leur attention sur son absence et qu'en s'abstenant de le faire, il a permis la réalisation du préjudice et engagé sa responsabilité.

Mme [M] et M. [F] considèrent aussi que M. [I] [U] a engagé sa responsabilité délictuelle à leur égard en ayant permis la vente d'un véhicule immatriculé à son nom et qui était gagé.

Ils soutiennent que M. [L] [U] a de son côté engagé sa responsabilité contractuelle en étant le bénéficiaire de la cession de leur véhicule dans le cadre de l'échange.

*

Au visa des articles 1147, 1355 et 1382 du code civil, M. [L] [U] demande à la cour de :

- déclarer M. [S] irrecevable et en tous les cas mal fondé en son appel ayant pour objet sa condamnation à le garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- le déclarer recevable et fondé en son appel incident et y faisant droit :

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 25 septembre 2018 en toutes ses dispositions ;

- déclarer Mme [M] et M. [F] irrecevables et en tous les cas mal fondés en leur appel incident ;

- les en débouter ;

- déclarer Mme [M] et M. [F] irrecevables et en tous les cas mal fondés en leur demandes, fins et conclusions ;

- les en débouter ;

- condamner in solidum M. [S] et M. [I] [U] à le garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

- condamner in solidum Mme [M] et M. [F], et à défaut in solidum M. [S] et M. [I] [U] à lui payer une indemnité de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et une somme de 1 600 euros pour ses frais irrépétibles en cause d'appel ;

- condamner in solidum Mme [M] et M. [F], et à défaut in solidum M. [S] et M. [I] [U] aux dépens de première instance et d'appel.

M. [L] [U] expose que Mme [M] et M. [F] se sont portés acquéreurs du véhicule qui appartenait à son frère, lequel était à l'étranger au moment de la vente, et qu'il a fait effectuer, à ses frais, des travaux de réparation pour un montant de 1 840,37 euros, outre les frais de contrôle technique.

Il reprend à son compte la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

Sur le fond, M. [L] [U] entend former appel incident afin de demander sa mise hors de cause en faisant valoir qu'il résulte du propre aveu de Mme [M] et M. [F] qu'il ignorait que le véhicule de son frère faisait l'objet d'une saisie. Il ajoute que les demandes de Mme [M] et M. [F] méconnaissent le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Il fait valoir également que Mme [M] et M. [F] ne justifient pas de la réalité de leur préjudice en invoquant notamment des frais qui sont inhérents à tout véhicule d'occasion.

Au soutien de son appel en garantie, M. [L] [U] considère que M. [I] [U] a commis une faute en dissimulant le gage qui grevait le véhicule depuis juillet 2008. Il estime également que M. [S] a manqué à son obligation de diligence en sa qualité de vendeur professionnel en ne demandant pas un certificat de situation administrative qui aurait révélé la mention d'opposition au transfert du certificat d'immatriculation du Trésor public. Il affirme que M. [S] n'a pas eu un rôle de simple intermédiaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [I] [U], non comparant, ayant été assigné par acte délivré à sa personne le 9 mai 2019, le présent arrêt est réputé contradictoire en application de l'article 473 du code de procédure civile.

- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil

M. [S] invoque le principe selon lequel la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale. Il convient dès lors de rechercher si les faits pour lesquels M. [S] ainsi que M. [L] [U] ont été relaxés par le tribunal correctionnel d'Angers le 25 mars 2013 sont identiques à ceux allégués par Mme [M] et M. [F] au soutien de leurs demandes présentées dans la présente instance.

M. [S] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour avoir à Saint-Jean de Linières, le 16 janvier 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription :

- trompé M. [X] [F] sur l'aptitude à l'emploi du véhicule Mercedes, faits prévus par l'article L. 213-1 du code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 et L. 216-8 alinéa 5 du même code ;

- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'aptitude à l'emploi du véhicule Mercedes, faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-1-1 du code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4 et L. 213-1 alinéa 1er du même code.

Mme [M] et M. [F] ne sollicitent pas la condamnation de M. [S] pour des faits de tromperie ni pour des faits de pratique commerciale trompeuse mais pour des manquements à son devoir de conseil en ayant omis de les informer d'une opposition au transfert du certificat d'immatriculation, ce qui ne recouvre pas exactement la tromperie sur les qualités substantielles du véhicule.

M. [L] [U] a aussi été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour les faits de tromperie et pour les faits de pratique commerciale trompeuse, énoncés dans les mêmes termes que précédemment. Il a été relaxé pour ces faits, de même que pour avoir à [Localité 7], le 16 janvier 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription :

- frauduleusement altéré la vérité par tout moyen dans un document délivré par une administration publique, en l'espèce en établissant le certificat de cession du véhicule Mercedes [Immatriculation 1], faits prévus par les articles 441-2 alinéa 1er, 441-1 alinéa 1er du code pénal et réprimés par les articles 441-2 alinéa 1er, 441-10 et 441-11 du même code ;

- fait usage d'un document délivré par l'administration en vue de constater un droit, une identité, une qualité ou d'accorder une autorisation, et qu'il savait être une altération frauduleuse de la vérité, faits prévus par les articles 441-2 alinéa 2, 441-1 alinéa 1er du code pénal et réprimés par les articles 441-2 alinéas 1 et 2, 441-10 et 441-11 du même code.

La relaxe ainsi prononcée au bénéfice de M. [L] [U] ne porte pas non plus sur les mêmes faits que ceux invoqués par Mme [M] et M. [F] qui considèrent en substance qu'il a engagé sa responsabilité contractuelle en omettant de les informer d'une opposition au transfert du certificat d'immatriculation, tout en profitant d'un échange de véhicules, ce qui ne recouvre ni la tromperie sur les qualités substantielles du véhicule cédé ni le faux et usage de faux puisqu'il n'est pas soutenu que de faux documents ont été présentés pour parvenir à la transaction.

Les faits étant différents, les relaxes prononcées au bénéfice de M. [S] et de M. [L] [U] par le tribunal correctionnel d'Angers le 25 septembre 2018 n'interdisent pas à Mme [M] et M. [F] de poursuivre leur action civile sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, de sorte que la fin de non-recevoir doit être écartée.

- Sur le fond

Il ressort des explications concordantes des parties ainsi que des pièces produites que le bon de commande d'un véhicule d'occasion signé par M. [S] le 19 décembre 2009, revêtu du cachet de l'entreprise BZ Automobiles, par lequel cet établissement vendait le véhicule Mercedes à M. [F] moyennant le prix de 7 000 euros, n'a en réalité pas été suivi d'effet puisque M. [L] [U] a en définitive accepté de procéder à l'échange du véhicule immatriculé au nom de son frère contre le véhicule Peugeot Boxer de M. [F].

Il apparaît que s'il a été envisagé en décembre 2009 que M. [S] puisse acquérir le véhicule immatriculé au nom de M. [I] [U] pour le revendre ensuite à M. [F], et si certaines démarches ont été entreprises dans ce but (présentation du véhicule au contrôle technique le 24 décembre 2009, date à laquelle la carte grise était toujours au nom de M. [I] [U]), ce projet n'a cependant pas abouti et M. [S] n'a jamais été propriétaire du véhicule.

Dès lors que M. [F] a accepté de procéder directement à l'échange de son véhicule avec M. [L] [U], celui-ci agissant apparemment pour le compte de son frère, il a nécessairement renoncé à se prévaloir du bon de commande signé avec M. [S] le 19 décembre 2019. Ce contrat est donc devenu caduc et si le bon de commande prévoyait le versement par chèque d'un acompte de 200 euros à la charge de l'acheteur, il n'est pas soutenu que ce chèque a été encaissé par M. [S] ni que la somme a été conservée par ce dernier.

Mme [M] et M. [F] ne peuvent par conséquent agir sur le fondement d'un contrat de vente avec M. [S] auquel ils ont nécessairement renoncé.

Ils entendent cependant mettre en cause M. [S] en sa qualité d'intermédiaire en mettant en avant le fait que le certificat de cession du véhicule du 16 janvier 2010 a été rempli par l'entreprise BZ Automobiles. Aucun cachet de l'entreprise ne figure toutefois sur ce certificat et il n'est pas contesté que les signatures figurant sur ce document sont bien celles de M. [L] [U] et de M. [F].

Il n'est pas non plus soutenu que M. [S] ait été rétribué d'une quelconque façon au titre de son intervention dans la transaction et quand bien même il exercerait une activité de dépôt-vente de véhicules d'occasion, ce qui ne ressort pas clairement des pièces communiquées, il n'est pas démontré qu'il ait perçu une quelconque somme en qualité d'intermédiaire.

Dans ces conditions, la responsabilité contractuelle de M. [S] ne peut être recherchée ni au titre d'un contrat de vente devenu caduc, ni au titre d'un contrat de prestation de service en qualité d'intermédiaire dont la preuve n'est pas rapportée.

Si le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle, il n'interdit pas à Mme [M] et M. [F] d'invoquer subsidiairement, en l'absence de contrat les liant à M. [S], sa responsabilité délictuelle.

Toutefois, dès lors que l'échange des véhicules s'est effectué directement entre M. [L] [U] et M. [F], M. [S] n'avait plus de rôle particulier à jouer dans cette transaction et il n'était pas spécialement tenu d'alerter M. [F] sur la nécessité de vérifier au préalable l'existence d'une opposition au transfert du certificat d'immatriculation ni tenu d'accomplir d'autres diligences particulières.

C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu que M. [S] avait vendu à M. [F] un véhicule qui faisait l'objet d'un gage, de sorte qu'il avait manqué à son obligation de livraison de l'objet de la vente et qu'il avait engagé sa responsabilité professionnelle en s'abstenant de s'assurer de l'absence de gage.

Mme [M] et M. [F] doivent par conséquent être déboutés de leur demandes dirigées contre M. [S] et le jugement est infirmé de ce chef.

La responsabilité de M. [L] [U] est en revanche engagée sur le terrain contractuel dans la mesure où il est intervenu à la fois comme mandataire apparent de son frère pour la cession du véhicule Mercedes, pour laquelle il aurait dû s'assurer au préalable de l'absence d'une opposition au transfert du certificat d'immatriculation, et comme bénéficiaire de l'échange de véhicules puisque la cession du véhicule Peugeot Boxer immatriculé 898 ACA 49 est intervenue à son profit. Les deux certificats de cession du 16 janvier 2010 ont été signés par M. [L] [U], l'un comme vendeur (et donc pour le compte de son frère même si cela n'est pas précisé) et l'autre comme acquéreur.

La responsabilité de M. [I] [U] est également engagée sur le fondement de la garantie d'éviction au sens de l'article 1626 du code civil puisqu'il savait nécessairement que le véhicule dont il était propriétaire et que son frère était chargé de vendre pour son compte faisait l'objet d'une opposition au transfert du certificat d'immatriculation. Il en est résulté pour Mme [M] et M. [F] un trouble avéré dans la possession paisible de la chose vendue trouvant sa cause dans des circonstances antérieures à la vente puisqu'il n'ont pas été en mesure d'immatriculer le véhicule à leur nom pendant trois ans.

- Sur le préjudice matériel

Les premiers juges ont accordé une somme de 2 969,09 euros au titre de frais engagés, mais sans s'expliquer précisément sur ce montant, tandis que Mme [M] et M. [F] reprennent celui-ci à leur compte dans leurs écritures en appel mais sans plus avant détailler leur calcul.

Mme [M] et M. [F] expliquent avoir dû faire réparer dès le 5 février 2010 une panne des vitres avant électriques pour un montant de 460,57 euros. Si cette panne est survenue peu de temps après la cession, elle ne présente cependant aucun lien avec l'indisponibilité du certificat d'immatriculation engageant la responsabilité de M. [I] [U] et de M. [L] [U]. Et s'agissant de la cession d'un véhicule d'occasion dont la date de première immatriculation était le 15 mai 1997, qui ne faisait l'objet d'aucune garantie spécifique de la part du vendeur, hors la garantie légale des vices cachés qui n'est toutefois pas ici invoquée, il n'existe aucun fondement permettant de mettre cette réparation à la charge du précédent propriétaire.

Le véhicule ayant été immobilisé par la faute des consorts [U], Mme [M] et M. [F] ont été contraints de refaire un contrôle technique le 28 décembre 2012 (65 euros) sans avoir pu l'utiliser pendant trois ans et ils ont dû changer la batterie le 5 février 2013 (143,52 euros), ce qui peut être retenu comme étant la conséquence d'une absence d'utilisation du véhicule pendant une longue période. Ces deux dépenses étant en lien de causalité avec les fautes reprochées aux consorts [U], il y a lieu de les condamner au paiement de la somme de 208,56 euros au titre du préjudice matériel et d'infirmer le jugement de ce chef.

- Sur le préjudice moral et de jouissance

Mme [M] et M. [F] ont été privés de leur véhicule pendant trois ans et ont dû emprunter un autre véhicule à un membre de leur famille pour leur usage quotidien et se rendre au travail.

Ce prêt de véhicule n'a pas empêché qu'ils ont subi une gêne importante dans leur vie familiale en étant privés de pouvoir transporter leur fils gravement handicapé au moyen d'un véhicule adapté, alors que l'échange des véhicules était précisément destiné à cela. Ils ont également subi des troubles et tracas d'une ampleur significative en restant longtemps dans l'incertitude de pouvoir un jour obtenir un certificat d'immatriculation conforme.

Ce préjudice sera réparé par une somme de 4 500 euros au paiement de laquelle M. [I] [U] et M. [L] [U] doivent être condamnés in solidum. Le jugement ayant accordé une somme de 1 500 euros est infirmé de ce chef.

- Sur l'appel en garantie de M. [L] [U] contre M. [S] et contre M. [I] [U]

La responsabilité de M. [S] n'étant pas retenue, M. [L] [U] doit être débouté de son appel en garantie contre celui-ci.

M. [L] [U] ayant lui-même commis une faute dans le cadre d'une opération à laquelle il était de surcroît personnellement intéressé en tant que bénéficiaire de l'échange des véhicules, il y a lieu de dire que, dans les rapports entre co-obligés, il conservera à sa charge la moitié du montant des condamnations prononcées au profit de Mme [M] et M. [F] et qu'il pourra exercer son recours en contribution contre M. [I] [U] pour l'autre moitié.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [S] au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il est justifié de condamner in solidum M. [L] [U] et M. [I] [U], qui ont provoqué par leur faute la mise en cause de M. [S] dans le présent litige, à payer à celui-ci la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] [U] et M. [I] [U] doivent également être condamnés in solidum à payer à Mme [M] et M. [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles exposés en première instance ainsi que la somme de 1 500 euros pour leurs frais irrépétibles exposés en appel.

M. [L] [U] doit être débouté de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] [U] et M. [I] [U], parties perdantes, doivent être condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec autorisation pour la Selarl Lexcap (Me Thierry Boisnard) de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 25 septembre 2018 ;

Statuant à nouveau :

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

DÉBOUTE Mme [P] [M] et M. [X] [F] de leurs demandes dirigées contre M. [B] [S], exerçant sous l'enseigne BZ Automobiles ;

CONDAMNE in solidum M. [I] [U] et M. [L] [U] à payer à Mme [P] [M] et M. [X] [F] les sommes de :

- 208,56 euros (deux cent huit euros cinquante-six centimes) en réparation de leur préjudice matériel ;

- 4 500 euros (quatre mille cinq cents euros) en réparation de leur préjudice moral et de jouissance ;

- 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles exposés en première instance ;

- 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles exposés en appel ;

DÉBOUTE M. [L] [U] de sa demande en garantie dirigée contre M. [B] [S], exerçant sous l'enseigne BZ Automobiles ;

DIT que, dans les rapports entre co-obligés, M. [L] [U] conservera à sa charge la moitié du montant des condamnations prononcées au profit de Mme [P] [M] et M. [X] [F] et qu'il pourra exercer son recours en contribution contre M. [I] [U] pour l'autre moitié ;

CONDAMNE in solidum M. [I] [U] et M. [L] [U] à payer à M. [B] [S] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [L] [U] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [I] [U] et M. [L] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec autorisation pour la Selarl Lexcap (Me Thierry Boisnard) de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 19/00145
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;19.00145 ?
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