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28/04/2022 | FRANCE | N°20/00121

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 28 avril 2022, 20/00121


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00121 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUR5.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Février 2020, enregistrée sous le n° F19/00059





ARRÊT DU 28 Avril 2022





APPELANTE :



Madame [C] [G] épouse [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté

e par Me LEVRON, avocat substituant Maître Pascal LAURENT de la SARL AVOCONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 180263







INTIMEE :



G.I.E. ANGERS LOIRE ECO

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00121 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUR5.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Février 2020, enregistrée sous le n° F19/00059

ARRÊT DU 28 Avril 2022

APPELANTE :

Madame [C] [G] épouse [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me LEVRON, avocat substituant Maître Pascal LAURENT de la SARL AVOCONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 180263

INTIMEE :

G.I.E. ANGERS LOIRE ECO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Samuel DE LOGIVIERE de la SELARL SULTAN - LUCAS - DE LOGIVIERE - PINIER - POIRIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 200136 et par Maître DEVOIZE, avocat plaidant au barreau de SAINT NAZAIRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 28 Avril 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [C] [G], épouse [X], a été embauchée le 20 avril 1999 en qualité de chargée de mission pour le district de l'agglomération angevine (DAA). Elle a ensuite été recrutée, le 1er novembre 2000, par l'Agence Angers Agglomération Développement (AAAD) devenue l'établissement public industriel et commercial Angers Loire Développement (l'ALDEV), en qualité de chargée de mission au développement économique.

A compter du 1er décembre 2003, Mme [G] a occupé le poste d'adjointe au directeur général, statut cadre. En dernier lieu, elle percevait un salaire de 4981,25 euros brut dans le cadre d'une convention de forfait annuel de 210 jours outre une indemnité mensuelle d'astreinte de 121 euros.

Au cours de l'année 2018, l'EPIC ALDEV a fait l'objet de modifications statutaires afin de créer une société publique locale (SPL) ainsi qu'un groupement d'intérêt économique (GIE) hébergeant des activités transversales et mixtes pouvant également être accomplies pour d'autres sociétés du territoire. L'EPIC a par ailleurs été dissout. Une unité économique et sociale a également été créée entre les deux entités afin de maintenir une représentation du personnel commune et un statut social identique, de sorte qu'à compter du 1er juillet 2018, 50 salariés ont été transférés au sein de la SPL et 17 salariés au sein du GIE.

Dans ce contexte, le contrat de travail de Mme [G] a été transféré au sein du GIE Angers Loire Eco et un avenant lui a été proposé le 29 juin 2018. Elle a précisé ne pas être en mesure de signer cet avenant.

Le 25 juillet 2018 un second projet d'avenant lui a alors été remis avec un nouvel intitulé de poste : Directrice Ingénierie de Projets et Patrimoine Economique. Par un mail du 27 juillet 2019, Mme [G] a indiqué refuser de le signer.

Le 11 octobre 2018, Mme [G] a été placée en arrêt maladie, arrêt qui sera prolongé de façon continue sans qu'elle ne reprenne le travail.

Le 24 janvier 2019, arguant de faits de harcèlement moral et d'une modification de ses fonctions, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers afin que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec les incidences pécuniaires subséquentes.

Dans le dernier état de ses prétentions, elle sollicitait subsidiairement que son licenciement pour inaptitude soit déclaré nul.

En effet, suite à une visite médicale de reprise, la salariée a été déclarée inapte à son poste, le 11 juin 2019. Le GIE Angers Loire Eco la recevait en entretien préalable le 2 juillet 2019, puis lui notifiait son licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à l'inaptitude au poste médicalement constatée, par correspondance du 5 juillet 2019.

Par jugement en date du 19 février 2020 le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- dit que le GIE Angers Loire Eco n'a pas manqué à ses obligations professionnelles ;

- dit que Mme [G] n'a été victime d'aucun fait de harcèlement moral de la part de son employeur et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une modification de ses fonctions ;

- débouté Mme [G] de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail, en nullité du licenciement pour inaptitude et de l'ensemble de ses demandes;

- dit qu'il n'y a pas lieu de la condamner au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [G] aux dépens.

Mme [G] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 3 mars 2020, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

Le GIE Angers Loire Eco a constitué avocat le 13 mars 2020.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 21 février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [G], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 1er décembre 2020 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que le GIE Angers Loire Eco n'a pas manqué à ses obligations professionnelles ;

- dit que Mme [G] n'a été victime d'aucun fait de harcèlement moral de la part de son employeur et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une modification de ses fonctions ;

- débouté Mme [G] de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail, en nullité du licenciement pour inaptitude et de l'ensemble de ses demandes.

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail du fait des actes relevant d'un harcèlement moral de l'employeur ayant eu des conséquences sur son état de santé et compromettant son avenir professionnel ;

-dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [G] s'analysera en un licenciement nul ;

- condamner Angers Loire Eco à lui payer les sommes suivantes :

* 65 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi en raison des faits de harcèlement moral ;

* 150 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

A titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du fait du manquement grave de l'employeur à ses obligations au motif d'une modification imposée de ses fonctions et d'une exécution déloyale du contrat de travail ;

-dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [G] s'analysera en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner Angers Loire Eco à lui payer la somme de 82 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire :

- dire que l'inaptitude de Mme [G] a pour cause les faits de harcèlement moral qu'elle a subis, et qu'en conséquence le licenciement pour inaptitude est nul ;

- condamner Angers Loire Eco au paiement de 150 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

En tout etat de cause :

- condamner Angers Loire Eco à lui payer les sommes suivantes :

* 15 306,75 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre une incidence pour congés payés de 1530,675 euros brut ;

* 3000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner Angers Loire Eco aux dépens.

Au soutien de son appel Mme [G] souligne que la cour devra préalablement statuer sur la résiliation judiciaire avant d'aborder le licenciement.

Sur la résiliation judiciaire, elle soutient qu'une modification de ses fonctions lui a été imposée dans le cadre du transfert de son contrat de travail, lui retirant une partie importante de ses missions.

Elle fait observer que sont ainsi caractérisés des manquements graves de l'employeur, à savoir le non-respect de la procédure applicable en cas de modification du contrat de travail, et en conséquence une exécution déloyale du contrat.

Mme [G] soutient que le comportement de l'employeur est constitutif de faits de harcèlement moral, caractérisés par la mise en place d'une stratégie d'exclusion, avec l'embauche d'un directeur général adjoint en novembre 2018, par un manque d'information quant à son avenir et son statut dans le cadre de la création du GIE Angers Loire Eco, et par une dégradation de son état de santé.

A titre subsidiaire elle fait valoir que son inaptitude est la conséquence du harcèlement moral subi, justifiant que son licenciement soit déclaré nul.

**

Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 22 juillet 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, le GIE Angers Loire Eco demande à la cour de :

- débouter Mme [G] de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le GIE Angers Loire Eco fait valoir qu'il n'a pas manqué à ses obligations contractuelles puisqu'aucune modification de contrat de travail n'a été imposée à la salariée et qu'aux termes des avenants, ses fonctions, sa rémunération, sa position hiérarchique et son secteur géographique demeuraient inchangés.

Il soutient que Mme [G] n'a été victime d'aucun fait de harcèlement de sa part, celle-ci ne produisant aucun élément de nature à faire la preuve qu'il aurait usé à son encontre de procédés déloyaux, vexatoires, humiliants, ou malveillants répétés, expliquant la dégradation de son état de santé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Le juge peut, à la demande du salarié, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur lorsqu'il est établi que celui-ci a commis des manquements suffisamment graves pour justifier une telle mesure, au regard notamment de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail résultant de l'article L. 1222-1 du code du travail.

Le juge est en droit de tenir compte, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation de la gravité des manquements de l'employeur, de toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de sa décision.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée et ce n'est que s'il estime cette demande non fondée qu'il doit alors se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail a été présentée le 24 janvier 2019, jour de la saisine du conseil de prud'hommes, et donc avant le licenciement pour inaptitude notifié le 5 juillet 2019. Elle doit par conséquent faire l'objet d'un examen préalable.

Mme [G] articule deux griefs au soutien de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, à savoir la modification imposée de ses fonctions s'analysant en une modification unilatérale de son contrat de travail, et des faits de harcèlement moral.

Il convient par conséquent d'aborder ces deux griefs successivement ainsi que les demandes qui y sont attachées.

1)Sur la modification du contrat de travail par l'employeur :

L'article L 1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

L'article L 1222-1 du code du travail précise que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il y a lieu de distinguer le changement des conditions de travail, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur et qui peut être décidé sans l'accord du salarié, de la modification du contrat de travail qui exige en revanche l'accord de ce dernier. Le simple changement d'attribution ou de tâche, dès lors qu'il ne remet pas en cause la qualification initiale du salarié, sa rémunération, son niveau de responsabilité ou la nature même de l'activité auparavant exercée, constitue une modification des conditions de travail et non une modification du contrat de travail.

L'article L 1224-1 du code du travail énonce: «lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise».

Enfin, l'article L 1224-2 du code du travail est ainsi rédigé énonce : «le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification (').

En l'espèce, Mme [G] fait état d'une modification unilatérale de ses fonctions et attributions, et de son niveau de responsabilité, sans pour autant contester le maintien de sa rémunération, de son statut ou de sa qualification.

L'employeur souligne que le contrat de travail de Mme [G] a été automatiquement transféré au GIE Angers Loire Eco le 1er juillet 2018, ce transfert, d'ordre public s'imposant aux salariés. Il indique que jusqu'à son arrêt maladie, la salariée a continué d'exécuter ses fonctions d'adjointe au directeur, aucune modification n'apparaissant dans ses missions.

Mme [G] produit les projets d'avenants prenant effet à compter du 1er juillet 2018, (ses pièces n 10 et n°12), le premier faisant état du changement d'employeur, et le second qui mentionne qu'elle est employée pour le compte d'[Localité 3] Loire développement en qualité de directrice ingénierie de projets et patrimoine économique.

Son poste est rattaché au groupe de fonctions Directeur et sous statut cadre.

Les principales missions du poste sont les suivantes :

- coordination des dossiers de développement ou d'implantation d'entreprise,

- pilotage de projets nécessitant la mise en place et le suivi de partenariat multiples,

- élaboration, mise en oeuvre et suivi de la politique d'investissement sur le bâti économique d'ALM.

 

Le GIE Angers Loire Eco produit la fiche de poste du 1er janvier 2015 de Mme [G] en qualité d'ajointe au directeur général d'Angers Loire Développement (sa pièce n 15) laquelle précise qu'elle a pour mission principale de : seconder le directeur général:

- suivi en lien avec le directeur général des dossiers directement rattachés à la direction générale ;

- participer à l'analyse des enjeux et besoins du tissu économique local et du territoire;

- entretenir et développer les liens et partenariats avec les acteurs locaux institutionnels et professionnels ainsi que les acteurs nationaux.

Ses fonctions consistent selon un premier axe à assister au quotidien le directeur général au suivi des grands comptes, à entretenir et développer les liens et partenariats avec les acteurs locaux institutionnels et professionnels, ainsi que les acteurs nationaux ainsi qu'à la représentation du directeur général.

Le second axe de ses fonctions vise la coordination et le suivi de dossiers et de missions transversales internes mais aussi avec les partenaires, le bon fonctionnement et la coordination des actions du territoire et 'amélioration de l'offre du territoire notamment foncier et immobilier.

Enfin le troisième axe lui confie le suivi de l'évolution du territoire et des tendances nationales, la captation de projets et leur l'intégration sur le territoire ainsi que la participation au rayonnement de l'agglomération.

Ainsi, contrairement à ce que Mme [G] soutient, aucune modification des éléments essentiels de son contrat de travail ne résulte de l'avenant du 1er Juillet 2018. Au contraire, la comparaison de celui-ci avec sa fiche de poste en qualité d'ajointe au directeur général d'[Localité 3] Loire Développement démontre que la structure de ses attributions demeurait inchangée.

Mme [G] n'établit pas que son niveau de responsabilité a été modifié, elle fait état de la qualité de son travail et de ses capacités qui ne sont toutefois pas déniées par le GIE Angers Loire Eco.

Dès lors le simple changement de la dénomination de son poste, et la simple modification sémantique sans impact réel sur sa qualification initiale, sa rémunération, son niveau de responsabilité ou la nature même de son activité, ne sauraientt caractériser une modification substantielle imposée de son contrat de travail.

L'employeur souligne au surplus à juste titre, que Mme [G] n'ayant jamais accepté de signer l'avenant, a donc continué de travailler sur la base de son contrat initial, ainsi que l'attestent les organigrammes produits, en date du mois de février 2018 et de janvier 2019.

2) Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n 2016-1088 du 8 août 2016, que lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer selon lui l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent effectivement de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [G] prétend que l'employeur, entre le mois de mai et le mois de décembre 2018, l'a délibérément laissée dans l'incertitude quant à son devenir au sein du GIE Angers Loire Eco, et a recruté un nouveau directeur général adjoint pour la remplacer, ces faits ayant eu pour conséquence une dégradation de son état de santé.

Sur l'absence ou la tardiveté d'informations concernant le transfert du contrat de travail de Mme [G]

La salariée reproche à l'employeur de lui avoir transmis tardivement et après plusieurs réclamations, les éléments lui permettant d'aborder sereinement sa situation professionnelle et l'évolution de son poste.

L'employeur estime avoir tenté de rassurer Mme [G] en répondant à ses interrogations, au regard d'un transfert légal de société et de l'absence de modifications des fonctions de la salariée.

La salariée produit un courriel adressé à l'employeur le 29 juin 2018 aux fins d'obtenir l'avenant établi dans le cadre de son transfert au sein du GIE Angers Loire Eco. Elle verse également les échanges de correspondances écrites, concernant son refus de signer l'avenant remis le 29 juin 2018 (ses pièces n 9 à 20).

La salariée ne produit toutefois aucun élément permettant de considérer que l'employeur ait usé à son encontre de procédés déloyaux ou vexatoires répétés concernant les conditions du transfert de son contrat de travail.

Sur la stratégie d'exclusion et de remplacement de Mme [G] :

Mme [G] fait référence aux pièces n 22 et 15 du GIE Angers Loire Eco.

Le contrat de travail de M. [Z] [K] (pièce n°22), recruté le 5 novembre 2018 au sein de la SPL ALDEV en qualité de directeur général adjoint précise qu'il a pour missions de participer à la mise en oeuvre des orientations stratégiques de l'agence et être le garant de la mise en oeuvre ; diriger le pôle front-office (...) assurer les fonctions de directeur de l'emploi, assurer une cohérence globale du management et fonctionnement du pôle, (...) représenter l'agence auprès des acteurs du territoire (élus, entreprises, partenaires,...).

La fiche de poste de Mme [G] (pièce n°15), en qualité d'adjointe au directeur général d'[Localité 3] Loire Développement, indique qu'elle a pour missions de : participer à l'analyse des enjeux et besoins du tissu économique local et du territoire ; entretenir et développer les liens et partenariats avec les acteurs locaux institutionnels et professionnels ainsi que les acteurs nationaux.

Il n'est pas contesté, qu'au cours de l'année 2018, l'EPIC ALDEV a dû faire l'objet de modifications statutaires lesquelles ont eu pour effet de créer une société publique locale (SPL) ainsi qu'un groupement d'intérêt économique (GIE).

M. [K] a été recruté au sein de la SPL, alors que Mme [G] occupait ses fonctions au sein du GIE.

L'employeur précise à juste titre, que M. [K] a pour mission de diriger le pôle accompagnement des entreprises, emploi et insertion, et plus particulièrement d'assurer en direct les fonctions de directeur de l'emploi, alors que Mme [G] avait des missions transversales sur l'ensemble des pôles de l'agence.

Les fonctions des deux salariés étaient différentes, et Mme [G] ne démontre pas en quoi le recrutement de M. [K] a obéi à une stratégie d'éviction la concernant.

Par conséquent ces éléments invoqués par la salariée ne permettent pas de caractériser la matérialité des agissements de harcèlement moral constituant en une stratégie d'éviction qu'elle impute à son employeur.

Mme [G] se réfère à ses arrêts de travail et à une attestation du docteur [D] du 16 janvier 2019 qui évoque un soutien psychologique depuis le 15 novembre 2017, pour épuisement professionnel (pièce n 33).

Si cette attestation fait état d'un contexte professionnel difficile pour la salariée, elle se réfère à une période antérieure à la restructuration de l'EPIC ALDEV. Ces pièces médicales ne sont pas constitutives d'éléments pouvant caractériser un harcèlement moral.

Il résulte de ce qui précède que Mme [G] n'établit la matérialité d'aucun fait ou agissement répétés au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, pour la période allant de mai à décembre 2018. Les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble ne permettent pas de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement ayant débouté Mme [G] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail est par conséquent confirmé.

II Sur la demande en nullité du licenciement pour inaptitude

L'article L. 1226-2-1 du code du travail, résultant de la loi n 2016-1088 du 8 août 2016, entré en vigueur le 1er janvier 2017 et qui était donc applicable au jour de l'avis d'inaptitude prononcé à l'égard de Mme [G], dispose:

Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

La lettre de licenciement du 5 juillet 2019 est ainsi motivée :

« Suite à notre entretien qui s'est tenu le 2 juillet dernier, nous vous informons de notre décision de vous licencier, en raison de votre inaptitude à occuper votre emploi et de l'impossibilité de vous reclasser.

En effet, le 11 juin 2019, le médecin du travail a constaté votre inaptitude à occuper votre emploi et a précisé que votre maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à votre santé.

Après consultation du CSE, nous vous avons informée de votre impossibilité de reclassement et vous avons convoquée à un entretien préalable par courrier du 21 juin dernier.

C'est dans ce contexte que nous sommes dans l'obligation de procéder à votre licenciement pour impossibilité de vous reclasser suite à votre inaptitude ».

Mme [G] a été placée en arrêt maladie à compter du 11 octobre 2018. Elle a été déclarée inapte à son poste par avis du médecin du travail du 11 juin 2019, qui précise: «inapte au poste adjoint au directeur général. Tout maintien de Mme [G] [C] dans un emploi dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé».

Mme [G] soutient que ce sont les manquements commis par l'employeur sur lesquels elle fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat, qui ont eu des répercussions néfastes sur son état de santé. Elle prétend que son arrêt de travail et l'inaptitude établie le 11 juin 2019, sont les conséquences directes de la situation vécue au travail durant l'été et l'automne 2018.

Elle fait enfin état du caractère erroné des courriers qui lui ont été adressés dans le cadre de la procédure de licenciement, au motif qu'ils sont établis avec l'entête ' ALDEV', alors que son employeur était Angers Loire Eco.

Or, ces courriers étant signés par M. [A], directeur général et supérieur hiérarchique de Mme [G], leur validité ne saurait être remise en cause.

La cour ne retenant pas l'existence d'un harcèlement moral, la demande en nullité du licenciement pour inaptitude fondée sur les manquements de l'employeur invoqués par la salariée est rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

Il ressort de ce qui précède que Mme [G] doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur l'indemnité de préavis :

Selon l'article L.1226-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi numéro 2012 ' 387 du 22 mars 2012, en cas de licenciement d'un salarié déclaré inapte, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L.1234-9. Par dérogation à l'article L.1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.

Mme [G] est déboutée de sa demande au titre d'une indemnité compensatrice de préavis, et d'indemnité au titre des congés payés y afférents.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Les demandes présentées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

Mme [G], partie perdante, est condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 19 février 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE le Gie Angers Loire Eco de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme [C] [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [C] [G] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINEstelle GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00121
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;20.00121 ?
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