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28/04/2022 | FRANCE | N°20/00119

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 28 avril 2022, 20/00119


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00119 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EURS.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Février 2020, enregistrée sous le n° 19/00296





ARRÊT DU 28 Avril 2022





APPELANT :



Monsieur [W] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Gw

enaela PARENT de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocat au barreau de NANTES







INTIMEE :



Société LE HEAT CLUB 49

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Maître Catherine PENEAU, avocat au barreau de NANTES...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00119 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EURS.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Février 2020, enregistrée sous le n° 19/00296

ARRÊT DU 28 Avril 2022

APPELANT :

Monsieur [W] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Gwenaela PARENT de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

Société LE HEAT CLUB 49

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Maître Catherine PENEAU, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 28 Avril 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Le Heat Club 49 a embauché M. [W] [X] en qualité d'agent de sécurité, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (14 heures hebdomadaires du samedi au dimanche) à effet au 7 juillet 2018.

La société Le Heat Club 49 qui exploite une discothèque à [Localité 3] dans le Maine-et-Loire sous l'enseigne 'Le Club Privilège', emploie moins de onze salariés et applique la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attraction et culturels.

Par courrier du 9 janvier 2019, la société Le Heat Club 49 a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique, fixé au 17 janvier suivant.

Par une seconde correspondance du 22 janvier 2019, la société Le Heat Club 49 a de nouveau convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 janvier 2019.

Par missive du 1er février 2019, l'employeur a informé M. [X] de l'absence de poste de reclassement dans l'entreprise puis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 février 2019, il lui a notifié son licenciement pour motif économique.

En avril 2019, contestant la régularité de la procédure et le bien fondé de son licenciement, M. [X] a alors saisi le conseil de prud'hommes d'Angers aux fins de le faire déclarer sans cause réelle et sérieuse et se voir subséquemment allouer des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis outre une contrepartie au travail de nuit, des remboursements de frais, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Subsidiairement il contestait les critères d'ordre du licenciement sollicitant une indemnité à ce titre. La société Le Heat Club 49 s'est opposée aux demandes du salarié sollicitant qu'il en soit débouté outre sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 3 février 2020 le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- jugé que le licenciement pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse;

- débouté M. [X] de toutes ses demandes ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à délivrance de documents sociaux ;

- condamné M. [X] à payer à la SARL Le Heat Club 49 la somme de 100 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à intérêts ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;

- condamné M. [X] aux dépens.

M. [X] a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 27 février 2020 et reçue au greffe de la cour d'appel le 28 février suivant, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

Par acte d'huissier du 3 juillet 2020, M. [X] a fait signifier sa déclaration d'appel ainsi que ses pièces et conclusions à la société Le Heat Club 49 qui a constitué avocat par courrier du 21 septembre 2020, reçu au greffe de la cour d'appel le 28 septembre suivant.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 21 février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [X], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 30 décembre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de déclarer son appel recevable et d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ainsi de :

- juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- juger que la société Le Heat Club 49 n'a pas respecté ses obligations relatives aux critères d'ordre du licenciement ;

- juger que la société Le Heat Club 49 n'a pas respecté la procédure de licenciement ;

- juger que la société Le Heat Club 49 n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail ;

- la condamner à lui verser les sommes suivantes :

*127,05 euros net à titre de contrepartie liée au travail de nuit ;

* 355 euros net au titre de remboursement de frais ;

* 1500 euros net au titre de dommages et intérêts pour non -respect de la procédure de licenciement ;

* 5000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 2669,49 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1334,74 euros brut à titre d'indemnité de préavis ;

* 133,47 euros brut de congés payés afférents ;

* subsidiairement : 2669,49 euros net à titre de dommages et intérêts pour non- respect des critères d'ordre du licenciement ;

- fixer son salaire de référence à la somme de 1334,74 euros ;

- assortir les sommes de l'intérêt légal outre le bénéfice de l'anatocisme ;

- ordonner la remise de documents sociaux (bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle Emploi conforme à la décision sous astreinte de 80 euros par jour de retard suivant sa notification ;

- condamner la société Le Heat Club 49 à lui verser la somme de 2500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Sur l'exécution du contrat de travail M. [X] fait valoir ne pas avoir bénéficié de toutes les contreparties à son travail de nuit notamment en matière de repos compensateur.

M. [X] soutient également que la société Le Heat Club aurait dû procéder aux démarches nécessaires et assumer les frais inhérents aux formations liées à sa carte professionnelle d'agent de sécurité.

Sur le licenciement, M. [X] estime pour l'essentiel que le motif tel qu'énoncé dans la lettre de licenciement n'est pas caractérisé par la société Le Heat Club 49, que par ailleurs cette dernière ne justifie pas de la suppression de son poste, ni d'une recherche de reclassement.

Sur la procédure de licenciement, selon M. [X] le délai entre la convocation et la tenue de l'entretien préalable prévu par l'article L.1233-11 du code du travail n'a pas été respecté.

Subsidiairement, M. [X] entend faire observer que la lettre de licenciement n'évoque aucun critère d'ordre et que la société a estimé ne pas devoir en appliquer, ce en violation de l'article L.1233-5 du code du travail.

Enfin, le salarié prétend que concomitamment à la procédure de licenciement l'employeur a fait pression sur une de ses collègues pour qu'elle fasse un faux témoignage l'incriminant de fait de harcèlement et d'attouchements, ce qu'elle a refusé. Cela caractérise selon lui une volonté de lui nuire et une exécution déloyale du contrat de travail.

Par conclusions, régulièrement communiquées, transmise par voie postale et reçues au greffe le 28 septembre 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société Le Heat Club 49 sollicite de la cour de :

-débouter M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers en toutes ses dispositions ;

y ajoutant :

-condamner M. [X] à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner M. [X] aux dépens.

A l'appui de ses prétentions la société Le Heat Club 49 fait valoir que faute d'activité florissante, M. [X] a été amené à de nombreuses reprises à ne pas faire de nuits complètes, mais que ces heures de nuit ont été majorées. Elle souligne par ailleurs que M. [X] ne peut pas solliciter un rappel de salaire pour une problématique de temps de repos mais d'éventuels dommages et intérêts et qu'en tout état de cause, au vu de ses nombreux retards, il n'effectuait pas la totalité de ses horaires.

Sur le remboursement de frais, la société Le Heat Club 49 estime que la formation visée ne concernait pas l'activité du salarié, et que ce dernier n'a pas effectué les démarches qui auraient éventuellement pu permettre une prise en charge de ces frais par l'employeur.

Sur la procédure de licenciement, la société Le Heat Club 49 fait observer que M. [X] ne s'est pas présenté à l'entretien préalable du 17 janvier de sorte qu'elle a notifié une nouvelle convocation par courrier du 22 janvier 2019, reçu par le salarié le 24 janvier 2019, alors que cela n'était pas nécessaire.

Sur le licenciement, elle estime que le motif économique n'est pas contestable.

Sur la demande subsidiaire de M. [X] relative aux critères d'ordre, la société fait essentiellement observer qu'elle n'avait pas de choix à opérer puisqu'il était le seul agent de sécurité au sein de l'entreprise.

Enfin, la société Le Heat Club 49 prétend que la demande au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail repose sur l'attestation d'une salariée ayant démissionné en novembre 2018 et qui n'est pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur les contreparties liées au travail de nuit :

L'article 3 de l'avenant n 18 du 26 septembre 2003 de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attraction et culturels prévoit :

Contreparties sous forme de repos :

Les travailleurs de nuit, tels que définis à l'article 2 du présent avenant, bénéficient d'une contrepartie sous forme de repos. Pour chaque semaine de nuit travaillée, sur la base d'un horaire hebdomadaire de nuit de 35 heures effectives, la durée de ce repos est de 25 minutes.

Ces 25 minutes seront proratisées en fonction du nombre d'heures réellement effectuées.

1. L'acquisition du repos se fait sur une base mensuelle et les heures de repos acquises au titre du travail de nuit devront être prises au maximum dans les 3 mois suivants.

2. Les travailleurs de nuit, selon un horaire de travail non habituel, bénéficieront d'un repos d'une demi-journée, s'ils effectuent au moins 270 heures de travail effectif de nuit sur une période calendaire de 12 mois consécutifs. Ce repos devra impérativement être pris dans le trimestre qui suit la fin de la période calendaire d'acquisition.

En tout état de cause, cette contrepartie ne pourra se cumuler avec une autre contrepartie de même type accordée aux travailleurs de nuit.(1)

Il est précisé que le repos acquis jusqu'à la publication de l'arrêté d'extension du présent accord, devra être impérativement pris dans le trimestre suivant l'entrée en vigueur du présent accord. Ceci s'applique aux salariés encore présents dans l'entreprise.

Toutefois, si le salarié en fait la demande, le repos ainsi acquis pourra lui être rémunéré.

- Contreparties financières :

Les heures effectives de nuit ouvrent droit à une majoration du salaire horaire réel égale à 1 euro brut à condition qu'au moins 6 heures soient réalisées chaque nuit travaillée.

Cette majoration du salaire horaire réel pourra prendre la forme d'une prime.

En tout état de cause, cette contrepartie ne pourra se cumuler avec une autre contrepartie de même type accordée aux travailleurs de nuit.(2)

Il est constant que le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a le droit à indemnisation, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés.

En l'espèce, les parties reconnaissent que M. [X] a perçu une contrepartie financière à son travail de nuit, ce qui est par ailleurs établi par les bulletins de salaire de ce dernier.

Il n'est pas plus contesté que le travail de M. [X] était un travail de nuit soumis aux dispositions précitées.

Afin de s'opposer aux prétentions de M. [X] la société Le Heat Club prétend que la discothèque n'ouvrait pas tous les soirs prévus, sans toutefois le démontrer. Elle argue de retards récurrents du salarié, versant au soutien de ses affirmations des sms adressés par ce dernier à un dénommé 'Sidy' et faisant état de quatre retards de 15 ou 30 minutes. Toutefois ces seuls éléments sporadiques sont insuffisants à démontrer que M. [X] arrivait en retard chaque soir travaillé, et n'accomplissait pas l'intégralité de ses heures de travail.

Dès lors, la société ne rapporte pas la preuve de ce que le temps de travail effectif prévu au contrat de travail de M. [X] n'a pas été respecté.

Par conséquent M. [X], au regard de son activité de nuit et de son temps de travail effectif de 14 heures était en droit de bénéficier, en application de l'article 3 de l'avenant n 18 du 26 septembre 2003 susvisé, de 25 minutes de repos proratisées en fonction du nombre d'heures réellement effectuées, soit 10 minutes hebdomadaires.

La société Le Heat Club et M. [X] s'accordent sur 350 minutes ou 5,50 heures de repos compensateurs sur l'ensemble de la période de la relation de travail. Ainsi, la société doit être condamnée à lui verser la somme de 127 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef correspondant à l'indemnité et les congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande.

- Sur le remboursement de frais :

Il est constant que les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur. Ainsi les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire

En l'espèce, M. [X] produit des attestations de formations pour le maintien et l'actualisation de ses compétences (SST) ainsi que le maintien et l'actualisation de ses compétences d'agent de sécurité privée, les 21 et 24 janvier 2019, et les factures afférentes d'un montant de 85 et 270 euros. Le salarié produit par ailleurs les contrats d'engagement de ces formations, signés le 12 décembre 2018.

M. [X] devait posséder une carte professionnelle d'agent de sécurité et la maintenir valide et à jour pour ses fonctions. L'employeur affirme néanmoins que ce dernier avait une autre activité et que son travail au sein de la discothèque n'était qu'annexe. Cependant, la société Le Heat Club ne rapporte pas la preuve que cette activité principale concernait un poste d'agent de sécurité, ni ne produit d'éléments de nature à démontrer que les formations ont été suivies pour son autre poste.

Dès lors, la société Le Heat Club était tenue de rembourser la totalité des frais de formation liés au statut d'agent de sécurité de M. [X], peu importe que le contrat de travail ou que la convention collective nationale ne prévoient rien à ce sujet. En outre l'engagement de la procédure de licenciement en janvier 2019 ne saurait faire obstacle à ce remboursement, étant établi que l'inscription à ces formations est intervenue antérieurement. Enfin, il n'est justifié d'aucune démarche de l'employeur, pourtant obligatoire et conditionnant ce remboursement.

Par conséquent, la société Le Heat Club est condamnée à verser à M. [X] la somme de 355 euros au titre du remboursement de ses frais de formation professionnelle et le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

- Sur le licenciement pour motif économique :

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, sa seule existence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.

Le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.

La lettre de licenciement, du 26 février 2019, fixant le cadre du litige, est ainsi libellée:

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du 29 janvier 2019 auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Ainsi nous n'avons pas pu recueillir vos explications.

Nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs économiques suivants, dans les conditions posées à l'article L.1233-3 du code du travail: difficultés financières importantes liées au démarrage de notre activité, beaucoup moins rapide que prévu, nécessitant le réajustement de nos charges, la mise en adéquation de nos effectifs avec notre niveau d'activité réel et la suppression durable de votre poste.

En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre entreprise conformément à l'article L.1233-4 du code du travail nous n'avons pas trouvé de poste de reclassement.

Par courrier du 1er février 2019, nous vous avons proposé le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle.

N'ayant pas reçu dans un délai de 21 jours, votre décision d'adhérer ou non au contrat de sécurisation professionnelle, vous êtes considéré comme ayant refusé le bénéfice du dispositif.

Vous restez néanmoins tenu d'effectuer votre préavis d'une durée d'un mois qui débutera à la date de première présentation de cette lettre [...]

* Sur le motif invoqué dans la lettre de licenciement et la suppression du poste de M. [X] :

Pour preuve de ses difficultés économiques, la SARL Le Heat Club produit des documents comptables pour l'exercice clos au 31 décembre 2018, notamment le compte de résultat affichant un résultat négatif, constitué par une perte de 52 376,81 euros. Il y apparaît également que le résultat avant impôt est de - 77 377 euros et que les charges d'exploitation d'un montant de 123 781 euros, sont nettement supérieures aux produits d'exploitation d'un montant de 46 404 euros.

Ainsi, résulte de ces éléments, l'existence d'importantes difficultés financières pour la société Le Heat Club en fin d'année 2018.

Par ailleurs, M. [X] se contente d'affirmer que l'entreprise a été gérée avec une légèreté blâmable sans toutefois en rapporter la preuve, et a contrario, l'employeur démontre la réalité et le sérieux des difficultés économiques invoquées, rencontrées à la date du licenciement, et qui l'ont amené à se réorganiser en mettant ''en adéquation [ses] effectifs avec [son] niveau d'activité réel.

Ces éléments constituent dès lors un motif économique légitime de licenciement.

*Sur l'obligation de reclassement :

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen.

Il ressort du registre du personnel de la société Le Heat Club, qu'il n'existait aucun poste de reclassement au sein de l'entreprise, qui n'appartient par ailleurs à aucun groupe. Il doit être considéré que l'employeur a, en l'espèce, satisfait à son obligation de recherche de reclassement.

Il découle de ce qui précède que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement est par conséquent confirmé sur ce point et en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les critères d'ordre :

L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Il appartient donc au salarié qui, non seulement entend contester le caractère réel et sérieux du motif économique de son licenciement, mais aussi invoquer le non-respect des critères de l'ordre des licenciements, de présenter une demande subsidiaire en dommages et intérêts, pour le cas où les moyens invoqués au soutien de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement seraient écartés.

Selon l'article L.1233-7 du code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L.1233-5 du même code, à savoir :

1 Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ;

2 l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3 la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4 Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Toutefois, l'employeur n'a pas d'obligation d'établir l'ordre des licenciements quand tous les emplois d'une même catégorie professionnelle sont supprimés. La catégorie professionnelle ne se réduit pas à un emploi déterminé avec des missions spécifiques mais s'entend comme un groupe de salariés exerçant au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

En l'espèce, M. [X] ne rapporte pas la preuve que la société Le Heat Club a méconnu les critères de l'ordre des licenciements dans la mesure où il était le seul salarié relevant de la catégorie des agents de sécurité.

L'allégation de l'employeur selon laquelle le second salarié à ce poste, M. [Y] [R], ne s'est plus présenté à son poste depuis fin 2018 n'est pas contredite, et est en outre confirmée par les bulletins de salaire ainsi que l'attestation Pôle emploi de ce dernier.

Par ailleurs, M. [Z] occupait le poste de responsable d'accueil.

Par conséquent, tous les emplois de la même catégorie professionnelle étant supprimés, la société Le Heat Club n'avait pas à mettre en place de critères d'ordre de licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

- Sur la procédure de licenciement :

Aux termes de l'article L.1233-11 du code du travail, dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique, l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation ou remise en main propre de la lettre de convocation au dit entretien. L'appréciation du délai suffisant se fait à partir de la date de remise de la lettre de convocation. Le jour de la remise n'est pas pris en compte dans le délai, ni le dimanche.

Au regard des pièces versées aux débats par les parties, il est établi que la société Le Heat Club a adressé une première lettre datée du 9 janvier 2019 et reçue le 10 janvier suivant aux fins de convocation de M. [X] à un entretien préalable fixé au 17 janvier 2019.

Elle lui en a adressé une seconde datée du 22 janvier 2019, pour le convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique prévu le 29 janvier 2019.

Ainsi, il apparaît que la société a souhaité recommencer la procédure de licenciement par l'envoi d'un second courrier de convocation à un entretien préalable.

La date de présentation du courrier du 22 janvier 2019, est le 24 janvier 2019.

Il est donc établi que l'employeur n'a pas respecté la procédure de licenciement.

Le salarié ne démontre cependant pas avoir subi un préjudice justifiant une indemnisation.

Il convient dès lors de rejeter la demande de M. [X].

Le jugement est confirmé sur ce point.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

M. [X] prétend s'être tenu à la disposition de l'employeur durant les week-ends du mois de mars 2019, sollicite une indemnité de préavis et de congés payés afférents.

La société le Heat Club soutient que M. [X] était absent lors du mois de mars et travaillait au sein d'un autre établissement de nuit à [Localité 4]. Elle verse le bulletin de salaire de M. [X] du mois de mars 2019 faisant apparaitre les absences non rémunérées, pour les quatre week-ends. En conséquence, la demande du salarié est rejetée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

- Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:

Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Il en résulte qu'un salarié peut engager la responsabilité contractuelle de son employeur lorsque ce dernier a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail. La bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de rapporter la preuve que les faits qu'il allègue sont exclusifs de la bonne foi contractuelle.

M. [X] soutient que son employeur a fait une exécution déloyale du contrat de travail les liant ayant fait pression sur une de ses collègues pour qu'elle fasse un faux témoignage l'incriminant aux fins de justifier un licenciement pour faute grave.

Il produit l'attestation de Mme [G] [B], salariée de la société jusqu'en novembre 2018,dans laquelle elle indique que M. [E] [L],son supérieur hiérarchique, lui aurait demandé de porter plainte contre M. [X], et de faire un faux témoignage contre lui pour des faits de harcèlement et d'attouchements sur sa personne, afin de le licencier.

Il convient de rappeler que les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas édictées à peine de nullité,de sorte qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter le témoignage ainsi produit au motif qu'il n'est pas conforme aux conditions exigées par ce texte.

Le témoignage de Mme [J] démontre l'absence de bonne foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, mais doit être mis en perspective avec son départ en novembre 2018, soit bien avant le licenciement pour motif économique de M. [X].

Au surplus, il doit être observé qu'aucune faute grave n'a été reprochée à M. [X] et que ce dernier ne fait la démonstration d'aucun préjudice qui justifierait l'allocation de dommages et intérêts.

M. [X] est débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement confirmé de ce chef.

- Sur les intérêts et l'anatocisme :

Il doit être rappelé que les condamnations au paiement de sommes de nature salariale doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation valant citation en justice.

Les condamnations au paiement de sommes de nature indemnitaire doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.

Il est justifié d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2.

- Sur la remise de documents sociaux :

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre à M. [X] une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de salaire rectificatif conformes aux dispositions du présent arrêt, ainsi que le certificat prévu par l'article D. 3141-34 du code du travail, ce dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir la remise de ces documents d'une astreinte.

Le jugement doit être infirmé en ses dispositions ayant débouté M. [X] de cette demande.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La demande de la SARL Le Heat Club des parties relatives aux frais irrépétibles est rejetée

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par M. [X] et de condamner l'employeur au paiement de la somme de 1 000 euros sur ce fondement.

La SARL Le Heat Club, partie perdante, doit être condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 3 février 2020 en ce qu'il a :

-débouté M. [W] [X] de ses demandes d'indemnité de repos compensateur, de remboursement de ses frais professionnels ;

-débouté M. [W] [X] de sa demande de remise de documents de fin de contrat ;

- condamné M. [W] [X] à verser à la SARL Le Heat Club 100 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Le Heat Club à verser à M. [W] [X] les sommes suivantes:

* 127 euros à titre de dommages et intérêts pour non prise des repos compensateurs,

* 355 euros au titre du remboursement de ses frais de formation professionnelle,

DIT que les condamnations doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation valant citation en justice, à l'exception des sommes de nature indemnitaire allouées au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil, anciennement l'article 1154 ;

ORDONNE à la SARL Le Heat Club de remettre à M. [W] [X] une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de salaire rectificatif conformes aux dispositions du présent arrêt, ainsi que le certificat prévu par l'article D. 3141-34 du code du travail, ce dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir la remise de ces documents d'une astreinte ;

DÉBOUTE M. [W] [X] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

CONDAMNE la SARL Le Heat Club à payer à M. [W] [X] la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles exposés en appel ;

DÉBOUTE la SARL Le Heat Club de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

CONDAMNE la SARL Le Heat Club aux entiers dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINEstelle GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00119
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;20.00119 ?
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