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26/04/2022 | FRANCE | N°19/00568

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 26 avril 2022, 19/00568


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







NR/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/00568 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPG2



jugement du 06 Mars 2019

Tribunal de Commerce d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2018/00949







ARRET DU 26 AVRIL 2022





APPELANTE :



S.A.S.U. TRANSPORTS [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Arnaud BARBE, substituant Me Dominique BOUCHERON de la SELARL DOMINIQUE

BOUCHERON, avocats postulants au barreau d'ANGERS - N° du dossier 180188 et par Me Guillaume PUIG, avocat plaidant au barreau de CHAMBERY



INTIMEE :



SAS SCANIA FRANCE Prise en la personne de son représent...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

NR/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/00568 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPG2

jugement du 06 Mars 2019

Tribunal de Commerce d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2018/00949

ARRET DU 26 AVRIL 2022

APPELANTE :

S.A.S.U. TRANSPORTS [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Arnaud BARBE, substituant Me Dominique BOUCHERON de la SELARL DOMINIQUE BOUCHERON, avocats postulants au barreau d'ANGERS - N° du dossier 180188 et par Me Guillaume PUIG, avocat plaidant au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

SAS SCANIA FRANCE Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Bertrand BRECHETEAU de la SARL AVOCONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 170419

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 08 Novembre 2021 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseillère

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 26 avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [V] a exercé en son nom personnel, la profession de transporteur routier de fret interurbain à compter de février 2007.

Il a créé la société Transports [V] qui a été immatriculée au RCS de Chambéry en septembre 2014, pour exercer la même activité.

La société Scania France a donné en location à M. [N] [V] puis à la société Transports [V] plusieurs véhicules.

Après avoir vainement mis en demeure la société Transports [V] de lui régler les sommes restant dues au titre de factures de location et d'entretien divers, la société Scania France a, par acte d'huissier du 18 janvier 2018, fait assigner la société Transports [V] devant le tribunal de commerce d'Angers, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme principale de 22 581,58 euros.

Par jugement du 6 mars 2019, le tribunal de commerce d'Angers a :

- débouté la société Transports [V] de sa demande avant dire droit relative à la production par la société Scania France de pièces,

- débouté la société Transports [V] de toutes ses autres demandes,

- condamné la société Transports [V] à payer à la société Scania France la somme de 20 150,15 euros et débouté la société Scania France du surplus de sa demande,

- condamné la société Transports [V] à payer la somme de 1 000 euros à la société Scania France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté l'exécution provisoire,

- condamné la société Transports [V] aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 26 mars 2019, la société Transports [V] a fait appel de cette décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande avant dire droit et de toutes ses autres demandes et l'a condamnée à payer à la société Scania France la somme de 20 150,15 euros au titre des factures non payées, la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, intimant la société Scania France.

La société Transports [V] a conclu, ainsi que la société Scania France qui a formé appel incident.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions déposées au greffe:

- le 17 décembre 2019 pour la société Transports [V],

- le 26 août 2021 pour la société Scania France,

aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :

La société Transports [V] demande à la cour de :

Avant dire droit,

- faire sommation à la société Scania France d'avoir à produire:

* l'ensemble des factures éditées et adressées à la société Transports [V] de septembre 2014 à mars 2018,

* l'ensemble des relevés de compte de la société Scania France de septembre 2014 à mars 2018,

* les différents contrats la liant à M. [N] [V] puis à la société Transports [V] depuis 2011,

* le manuel d'utilisation et/ou d'entretien du véhicule loué afin de déterminer la capacité de son réservoir en AdBlue,

Au fond,

- débouter la société Scania France de son appel incident,

- constater que la société Transports [V] a résilié le contrat liant les parties,

- dire et juger que la société Scania France est défaillante dans la preuve de ses demandes,

- en conséquence, débouter la société Scania France de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- reconventionnellement, condamner la société Scania France à payer à la société Transports [V] la somme de 11 590 euros au titre du préjudice matériel subi du fait du compresseur retenu ou à tout le moins la somme de 9 480 euros,

- constatant que la société Scania France reconnaît être en possession d'un compresseur lui appartenant, la condamner à lui restituer ledit compresseur sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Scania France à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, tracasseries judiciaires,

- condamner la société Scania France à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Scania France aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Dominique Boucheron et Associés.

La société Scania France demande à la cour de:

- déclarer irrecevable la demande de condamnation en restitution sous astreinte du compresseur à la charge de la société Scania France,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Transports [V],

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la société Transports [V] et l'a condamnée à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée pour le surplus de sa demande en paiement,

statuant à nouveau,

- condamner la société Transports [V] à lui payer la somme de 22 581,58 euros au titre de factures impayées,

- condamner la société Transports [V] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Transports [V] aux dépens.

MOTIFS :

- Sur la demande avant dire droit de production de pièces par la société Scania:

La société Transports [V] reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande tendant à ce que la société Scania France soit sommée de verser aux débats l'ensemble des factures émises de septembre 2014 à mars 2018, l'ensemble de ses relevés de compte bancaire de septembre 2014 à mars 2018, les différents contrats la liant à M. [V] puis à la société Tranports [V], en considérant que les pièces produites étaient suffisantes pour lui permettre de statuer sur les prétentions des parties.

Elle reprend sa demande en appel en faisant valoir que la communication de l'ensemble des factures est nécessaire pour justifier de la réalité des prestations servies et des sommes réclamées dans la mesure où il y a eu des avoirs émis et où il y aurait selon elle des doublons, en rappelant que nul ne peut se constituer une preuve à soi même.

Au soutien de sa demande de production des relevés bancaires, elle fait observer que le contrat qui la liait à la société Scania France prévoyait un règlement par prélèvement bancaire et que la société Scania France n'a jamais justifié de rejets de prélèvements.

Elle ajoute que les relevés sont nécessaires pour démontrer l'ensemble des sommes réglées à la société Scania France et pour les comparer à l'attestation de son expert comptable.

S'agissant des contrats, elle relève qu'un seul contrat a été produit alors que les sommes réclamées couvrent deux périodes.

La société Scania France affirme que la société Transports [V] est nécessairement déjà en possession de l'ensemble des factures qui lui ont été adressées et des contrats dont elle était signataire.

Elle soutient avoir versé aux débats tous les éléments utiles pour établir sa créance, en particulier le détail du compte client et le contrat de location d'un véhicule.

Elle précise que sa demande concerne uniquement le règlement de prestations effectuées au profit de la société Transports [V].

Sur ce:

Il convient d'examiner la demande au regard de son intérêt à la solution du litige et des règles relatives à la charge de la preuve, en rappelant que selon l'article 1315 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu depuis lors l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver; réciproquement celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui produit l'extinction de son obligation.

Il ressort des écritures de la société Scania France qu'elle sollicite le paiement de la somme de 22 581,58 euros au titre du solde restant dû par la société Transports [V] sur 12 factures pour frais d'entretien et produits d'entretien divers, émises entre le 15 octobre 2014 et le 31 mars 2015, ainsi que sur 9 factures de location de véhicules émises entre le 2 avril 2015 et le 30 août 2017, dont à déduire le montant de factures d'avoirs se rapportant à ces factures.

Aucune demande au titre de prestations postérieures au mois d'août 2017 n'est réclamée, de sorte que toutes demandes concernant la production de pièces afférentes à une période postérieure ne sont pas justifiées, étant observé au surplus que la société Transports [V] a restitué le 18 août 2017 à la société Scania France le véhicule objet du contrat de location qui la liait encore à ladite société.

Les vingt et une factures dont le paiement est réclamé ont été produites par la société Scania France.

Elles ont toutes été émises au titre de prestations effectuées au profit de la société Transports [V] à compter d'octobre 2014, de sorte que toutes les demandes de pièces concernant les relations de la société Scania France avec M. [V] exerçant à titre personnel, ne sont pas justifiées.

S'agissant des factures de locations, elles contiennent le détail des prestations, la période concernée, les montants, les références des contrats, ainsi que l'immatriculation du ou des véhicule(s) loué(s) ; toutes mentions de nature à permettre à la société Transports [V] de vérifier l'absence de doublons et qu'il s'agit bien de véhicules qu'elle a loués à la société Scania France, étant précisé que le contrat relatif au véhicule loué qui a été restitué en dernier, en août 2017, a été versé aux débats.

La société Transports [V] ne justifie pas en quoi la production des factures dont le paiement lui est réclamé serait insuffisante à lui permettre de vérifier au regard des autres pièces produites, le bien fondé des sommes qui lui sont réclamées et en quoi la production de toutes les autres factures émises par la société Scania France à son égard depuis l'origine de ses liens avec celle-ci, serait utile à sa défense et nécessaire pour permettre au tribunal de statuer.

Il y a lieu de relever que la société Transports [V] a été en mesure de produire d'autres factures non concernées par la demande en paiement, qui lui avaient été adressées par la société Scania France, pour la période de septembre 2014 à décembre 2014.

En outre, la société Transports [V] ne saurait exiger la production des relevés bancaires de la société Scania France en vue de prouver l'ensemble des sommes réglées par elle à la société Scania France, alors que la preuve du paiement lui incombe et que sur ce point elle était en mesure de produire ses propres relevés de compte bancaire, ce qu'elle a d'ailleurs fait sur une période limitée.

Enfin, la société Transports [V] ne justifie d'aucun intérêt à voir produire le manuel d'entretien du camion loué, alors que le tribunal de commerce d'Angers a fait droit à sa contestation relative à une facture d'additif d'un montant de 252,49 euros au vu des seules pièces produites.

Le jugement du tribunal de commerce d'Angers sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande avant dire droit de communication de pièces.

- Sur la demande en paiement de la somme de 22 581,58 euros :

La société Transports [V] conclut au rejet de la demande en soutenant que la société Scania ne rapporte pas la preuve d'une créance de ce montant.

Elle fait notamment observer :

- que le montant sollicité dans les mises en demeure a varié,

- que ce montant inclut des factures d'avoirs qui n'ont pas à être comptabilisés dans les impayés et dont certains concernent plusieurs factures,

- qu'il n'y a pas concordance entre les demandes formulées dans un courriel du 3 mai 2017 justifiées par un extrait de compte client et les demandes formulées dans les écritures,

- qu'un avoir a été émis le 29 août 2017 au moment de la résiliation du contrat de location, démontrant que la société Scania France s'estimait alors débitrice à son égard,

- qu'il n'y a jamais eu de rejet de prélèvement des loyers,

- que dès le mois d'avril 2017, elle a rencontré des difficultés pour faire le point sur la facturation et a alerté le service recouvrement de la société Scania France de doublons,

- que son expert comptable atteste que toutes les factures ont été honorées en 2015,

- qu'elle ne peut avoir acheté sur un mois et demi près de 495 litres d'AdBlue dont 280 litres pour le seul jour du 21 novembre 2014,

- que les paiements figurant sur ses relevés bancaires sont corroborés par le Grand Livre fournisseur versé aux débats,

- qu'elle justifie du règlement de certaines factures visées par la demande de la société Scania France.

La société Scania France soutient que les prestations concernées de réparation, d'entretien et de location de véhicules n'ont fait l'objet d'aucune contestation qui soit fondée et qu'il ressort du relevé de compte client société Transports [V] versé aux débats, que les factures dont le paiement est réclamé sont restées impayées.

Elle fait ainsi valoir que le relevé de compte client de la société Transports [V] reprend l'intégralité des mouvements intervenus sur ce compte, permettant une traçabilité complète de tous les paiements opérés, en précisant que sont mentionnés les virements effectués par la débitrice avec leur affectation par le numéro de facture concernée, la remise de chèques et les prélèvements. .

Elle explique que le mail du 3 mai 2017 ne valait que pour une réclamation ciblée et ne contenait qu'une extraction de neuf écritures comptables, précisant que postérieurement à ce message, il y a eu une ventilation des paiements en fonction des demandes de M. [V], aboutissant au relevé de compte client arrêté au 19 septembre 2019 faisant état d'un solde débiteur d'un montant de 22 581,58 euros.

Elle ajoute que dans son attestation, l'expert comptable de la société Transports [V] ne fait que constater qu'il n'a pas pu faire un rapprochement avec les états fournis par la société Scania France, ce qui ne signifie pas que ces états ne peuvent pas être pris en compte, dés lors que la société Transports [V] , tel que cela ressort de sa comptabilité, n'a pas enregistré dans celle-ci toutes les factures qui ont été émises à son égard.

Sur ce:

En application de l'article L 110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.

En l'espèce, au soutien de sa demande en paiement de la somme de 22 581,58 euros, la société Scania France verse aux débats le contrat de location portant sur le véhicule qui lui a été restitué le 18 août 2017, les factures dont elle affirme ne pas avoir reçu le paiement intégral, ainsi que les factures d'avoirs venant, contrairement aux affirmations non fondées de l'appelante, en déduction des montants réclamés et le relevé du compte client de la société Transports [V] comportant l'intégralité des écritures enregistrées chronologiquement dans celui-ci, depuis son ouverture en septembre 2016 jusqu'à sa clôture le 19 septembre 2019, faisant apparaître un solde débiteur de 22 581,58 euros.

Les vingt et une factures produites par la société Scania France sont en cohérence avec les écritures au débit du compte client de la société Transports [V].

Il convient de relever qu'il en est de même avec les factures de loyers sur la période du 10 septembre 2014 au 31 décembre 2014 produites par la société Transports [V], non réclamées par la société Scania France.

Au regard des mentions dans les factures objets de la réclamation et des références des factures portées en compte client, aucun doublon n'est établi.

L'examen comparatif des relevés bancaires de la société Transports [V] versés aux débats pour la seule période du premier septembre 2015 au 31 décembre 2016 révèle que tous les paiements effectués au profit de la société Scania France figurant sur les relevés de compte bancaire de la société Transports [V] ont été enregistrés dans la comptabilité de la société Scania France et qu'aucun règlement n'apparaît au débit du compte bancaire de la société Transports [V] pour les prélèvements mentionnés dans la comptabilité de la société Scania France comme ayant été rejetés.

La société Transports [V] ne justifie d'aucun paiement qu'elle aurait effectué et qui n'aurait pas été pris en compte par la société Scania France.

La différence relevée par la société Transports [V] entre l'extrait d'écritures qui lui a été adressé par la société Scania France par courriel le 3 mai 2017, qui mentionnait le solde pour chaque facture réclamée et les sommes dont le paiement est sollicitée par la société Scania dans le cadre de cette procédure, s'explique par l'imputation des sommes réglées par la débitrice qui a été reprise postérieurement en fonction des observations de M. [V] et par l'émission d'avoirs, étant précisé que certains règlements étaient partiels et que d'autres concernaient plusieurs factures.

Le détail de toutes les écritures figurant sur le relevé de compte client conduit bien au solde final débiteur de 22 581,58 euros.

En outre, l'attestation de l'expert comptable de la société Transports [V], aux termes de laquelle il indique que dans les livres comptables de sa cliente, le solde du compte fournisseur de la société Scania France est créditeur de 2 981,99 euros, est insuffisante à établir l'absence de créance de la société Transports [V] à l'égard de la société Scania France, alors que ce solde dépend de l'enregistrement par la société Transport [V] de toutes les factures émises à son égard par la société Scania France et que l'examen du grand livre fournisseur de la société Transports [V] versé aux débats révèle, outre au premier juillet 2015 une écriture 'à nouveau' au débit d'un montant de 7 159,96 euros inexpliquée, que plusieurs factures enregistrées au compte client Transports [V] de la société Scania France ne figurent pas dans la comptabilité de la société Transports [V], dont six sur les vingt et une factures objets de la demande en paiement.

Par ailleurs, s'agissant des prestations dont le paiement est réclamé, l'existence de périodes facturées alors que les camions auraient été rendus, évoquée par l'expert comptable dans son attestation, qui prend néanmoins soin de rédiger celle-ci en indiquant : 'il semblerait que' et de préciser que cette explication ressort d'un point fait avec sa cliente sur le nombre de véhicules loués sur chaque période, n'est corroborée par aucune pièce.

Il sera relevé qu'au contraire, le dernier avoir émis en août 2017 par la société Scania France, que la société Transports [V] présente comme une preuve de l'incohérence des comptes de la société Scania France, correspond à un avoir sur la facture n°G69F1708-0016 du premier août relative à la location d'un véhicule pour un mois entier, suite à la restitution le 18 août 2017 dudit véhicule, qui est bien enregistré tant au compte client de la société Scania France, qu'au compte fournisseur de la société Transports [V].

S'agissant en revanche de la facture n°2463795 du 21 novembre 2015 d'un montant de 252,49 euros correspondant à un approvisionnement total de 283 litres d'additif AdBlue, contestée par la société Transports [V], c'est à juste titre que le tribunal de commerce a souligné que selon la documentation technique fournie par cette dernière, un réservoir de camion ne peut contenir cette quantité d'additif et a relevé que les autres factures relatives aux approvisionnements des véhicules utilisés par la société Transports [V] montrent une fourniture récurrente et régulière de l'ordre de 90 litres en moyenne par passage pour deux véhicules, tandis que la société Scania France n'a fourni aucune explication pour justifier la quantité d'additif facturé.

En appel, la société Scania France qui inclut dans sa demande en paiement la facture litigieuse, n'a toujours pas fourni d'explications en réponse à l'argumentation de l'appelante retenue en première instance pour considérer que le montant de cette facture n'était pas justifié et l'exclure en conséquence du compte des sommes dues.

Il convient dès lors de considérer, au vu des pièces produites, comme les premiers juges, que la société Scania France ne justifie pas d'une créance d'un montant de 252,49 euros au titre d'un approvisionnement de 283 litres d'additif le 21 novembre 2015.

Ainsi en définitive, au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Scania justifie d'une créance d'un montant de 22 329,09 euros = 22 581,58 euros - 252,49 euros, à l'égard de la société Transports [V].

Le jugement du tribunal de commerce d'Angers sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société Transports [V] à la société Scania la somme de 20 150,15 euros et statuant à nouveau, la société Transports [V] sera condamnée à payer à la société Scania France la somme de 22 329,09 euros.

- Sur les demandes reconventionnelles de la sociétéTransports [V] :

- Sur les demandes relatives au compresseur :

La société Transports [V] fait valoir qu'elle avait installé sur le véhicule qu'elle a restitué à la société Scania France le 18 août 2017, un compresseur d'une valeur de 9 480 euros.

Elle indique que la société Scania France n'a jamais souhaité le lui rendre, de sorte que ne pouvant attendre plus longtemps de récupérer son compresseur, elle a été contrainte d'investir en 2018 dans un nouveau compresseur d'une valeur de 11 590 euros.

Elle souligne que la société Scania France ne lui a jamais écrit pour lui indiquer que le compresseur était à sa disposition en vue de sa récupération en un lieu déterminé.

Elle soutient que la non restitution délibérée du compresseur par la société Scania France lui a causé un préjudice dont elle est fondée à solliciter réparation à hauteur de 11 590 euros, à tout le moins de 9 480 euros, en précisant qu'aujourd'hui son compresseur dont elle ne sait pas dans quelles conditions il a été stocké ou utilisé n'a plus aucune valeur.

Aux termes du dispositif de ses conclusions elle sollicite en sus la condamnation de la société Scania France qui reconnaît être en possession du compresseur lui appartenant, à le lui restituer sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.

La société Scania France explique que souhaitant mettre fin au contrat de location, la société Transports [V] lui a restitué le véhicule loué le 18 août 2017.

Elle relève que le courriel de l'appelante adressé le jour de la restitution, faisait état d'un compresseur installé sur le véhicule restitué d'une valeur de 7 500 euros HT, sans autre précision.

Elle affirme avoir procédé à la dépose du compresseur, en soutenant qu'en application des dispositions contractuelles, il appartenait à la société Transports [V] de retirer le compresseur lui appartenant et de rendre le véhicule sans cet équipement, au lieu mentionné dans le contrat.

Elle fait encore valoir que la société Transports [V] ne lui a jamais réclamé le compresseur avant de prendre la décision d'en acquérir un nouveau en septembre 2018, soit neuf mois après la délivrance de l'assignation mentionnant que celui-ci était démonté.

Elle soutient qu'il appartient à la société Transports [V] de venir retirer son matériel dans les locaux de la société Scania France à [Localité 3] où le véhicule a été déposé.

Elle conclut par ailleurs à l'irrecevabilité de la demande de restitution sous astreinte du compresseur comme étant nouvelle en cause d'appel et subsidiairement à son mal fondé, tant au regard des dispositions contractuelles qui imposent au locataire de retirer les accessoires lui appartenant, qu'au regard du fait que l'appelante ne saurait réclamer à la fois le dédommagement du fait de la perte du compresseur et sa restitution.

Sur ce :

Il ressort du courriel de M. [V] du 18 août 2017, que le véhicule loué à la société Scania France lui a été restitué à cette date, avec un équipement ajouté en cours de contrat par la société Transports [V], à savoir un compresseur dont il a précisé qu'il avait une valeur de 7 500 euros HT.

Suite à la restitution du véhicule, la société Scania France a mis en demeure la société Transports [V] de lui payer la somme de 22 581,58 euros, sans aucune déduction au titre de la valeur du compresseur installé par la locataire.

Il appartient à la société Transports [V] qui prétend obtenir l'indemnisation du préjudice matériel tenant au fait que la société Scania France ait conservé le compresseur, de démontrer un manquement de cette dernière à ses obligations de loueur.

L'article 2.01 des conditions générales du contrat de location relatif au véhicule concerné prévoit que les éventuelles modifications mécaniques, électriques, de carrosserie, de peinture, la pose ou la dépose d'accessoires, ne pourront être exécutées qu'après l'accord écrit du loueur et ceci à la charge du locataire.

L'article 9.02 prévoit la restitution du véhicule aux frais du locataire et sous sa responsabilité, au lieu de sa livraison ou en tout autre lieu convenu par écrit avec le loueur.

Il précise que le véhicule doit être restitué en bon état de marche, d'entretien et de présentation (...) et doit être muni de tous les organes et accessoires le composant ainsi que ceux ajoutés en cours de location avec l'accord du loueur, à l'exclusion de la carrosserie si elle est la propriété du locataire.

Il convient de relever que le contrat ne prévoit pas expressément d'indemnisation au locataire à la restitution du véhicule loué en cas d'ajout sur le véhicule avec l'accord du loueur.

Dans le même article, le contrat prévoit que si le véhicule a été modifié sans l'accord du loueur, celui-ci peut exiger la remise en état d'origine.

Il ne prévoit pas non plus expressément d'indemnisation au locataire si le loueur décide de ne pas exiger la remise en état d'origine, mais de conserver les ajouts effectués sans son accord.

Les conditions dans lesquelles ce compresseur a été installé sur le véhicule loué à la société Scania France ne sont pas précisées.

Il convient de constater que la société Transports [V] ne produit aucun écrit concernant l'accord du propriétaire du véhicule pour voir installer le compresseur.

Dans l'assignation qu'elle a fait délivrer le 18 janvier 2018 à la société Transports [V], la société Scania France a indiqué avoir démonté le compresseur du véhicule appartenant à la débitrice qui n'est jamais venue le retirer.

La société Transports [V] a ainsi été informée de ce que la société Scania France n'a pas entendu conserver ledit équipement sur le véhicule.

Dès lors que le contrat prévoit que si le véhicule a été modifié sans l'accord du loueur, celui-ci peut exiger la remise en état d'origine, il appartenait à la société Transports [V], tel que retenu par le tribunal de commerce, de récupérer son matériel.

Il y a lieu en outre de relever que la société Transports [V] a fait le choix d'acquérir un nouveau matériel neuf en juillet 2018, soit postérieurement à l'assignation, sans qu'elle justifie qu'ayant offert de venir récupérer le compresseur démonté, cela lui aurait été refusé sans motif légitime par la société Scania France ou même , si elle considérait qu'il appartenait à la société Scania France de lui restituer son équipement, sans l'avoir mise en demeure préalablement de le faire.

A défaut d'établir un manquement de la société Scania France à ses obligations contractuelles qui serait à l'origine du préjudice matériel allégué, il convient de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de dommages intérêts formée par la société Transports [V].

La demande reconventionnelle de condamnation de la société Scania France à lui restituer le compresseur sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, présentée pour la première fois en appel, sera déclarée recevable en application des dispositions de l'article 567 du code de procédure civile.

Les dispositions du contrat de location sus rappelées prévoient , à défaut d'accord écrit du loueur sur les modifications du véhicule loué, la remise en état d'origine par le locataire, dès lors que le loueur ne souhaiterait pas conserver le véhicule en l'état modifié.

Il en résulte que la société Transports [V] qui ne justifie pas d'un accord écrit pour ajouter un compresseur sur le véhicule loué, n'est pas fondée à exiger la restitution entre ses mains de ce matériel par la société Scania France, aux frais de celle-ci ; elle peut seulement venir récupérer elle même le matériel à ses frais.

Sa demande de condamnation de la société Scania France à lui restituer le compresseur sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir sera en conséquence rejetée.

- Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive :

La société Transport [V] ne démontrant pas le prétendu caractère abusif de la procédure diligentée à son encontre par la société Scania France, il convient de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

Le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Partie perdante, la société Transports [V] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société Scania France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 6 mars 2019 en ce qu'il a :

* débouté la société Transports [V] de sa demande avant dire droit,

* débouté la société Transports [V] de ses demandes reconventionnelles,

* condamné la société Transports [V] aux dépens et à payer à la société Scania France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- CONDAMNE la société Transports [V] à payer à la société Scania France la somme de 22 329,09 euros ;

- DECLARE RECEVABLE la demande reconventionnelle formée par la société Transports [V] de condamnation de la société Scania France à lui restituer le compresseur installé sur le véhicule loué à cette dernière restitué le 18 août 2017, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

- DEBOUTE la société Transports [V] de sa demande reconventionnelle de condamnation de la société Scania France à lui restituer le compresseur installé sur le véhicule loué à cette dernière ;

- CONDAMNE la société Transports [V] aux dépens d'appel et à payer à la société Scania France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 19/00568
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;19.00568 ?
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