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26/04/2022 | FRANCE | N°18/01769

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 26 avril 2022, 18/01769


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







CC/IM

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 18/01769 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EL33



Jugement du 25 Juillet 2018

Tribunal de Commerce du MANS

n° d'inscription au RG de première instance : 2015012037







ARRÊT DU 26 AVRIL 2022





APPELANTE :



S.A.S. SPIE BATIGNOLLES FONDATIONS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]
>[Localité 11]



Représentée par Me Benoît JOUSSE de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 2117691





INTIMES :



Maître Hubert LAVALLART, en qualité de liquida...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 18/01769 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EL33

Jugement du 25 Juillet 2018

Tribunal de Commerce du MANS

n° d'inscription au RG de première instance : 2015012037

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022

APPELANTE :

S.A.S. SPIE BATIGNOLLES FONDATIONS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Benoît JOUSSE de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 2117691

INTIMES :

Maître Hubert LAVALLART, en qualité de liquidateur de la SAS ENTREPRISE BORDEAUX

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Christian NOTTE-FORZY, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Sandrine MARTIN-SOL, avocat plaidant au barreau de CHARTRES

S.A.S. FIFERDIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 15]

[Localité 13]

Représentée par Me David SIMON de la SCP LALANNE - GODARD - HERON BOUTARD - SIMON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20101023

S.A.R.L. BRUNERIE & IRISSOU, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Vanina LAURIEN, avocat au barreau d'ANGERS

S.A.S. COORDINATION CONCEPTION INGENIERIE IMMOBILIER - 2CZI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Dominique BOUCHERON de la SELARL DOMINIQUE BOUCHERON, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 180168, et Me Frédérick ORION, avocat plaidant au barreau de CHARTRES

SA GAN ASSURANCES représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 1380229, substitué à l'audience par Me Sophie BEUCHER et Me Emmanuelle MENARD, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 01 Février 2022 à 14 H 00, Mme CORBEL, Présidente de chambre, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 26 avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Courant 2009, dans le cadre d'une opération de construction d'un centre commercial sous l'enseigne Edouard Leclerc, [Adresse 6] à [Localité 14] (actuellement [Localité 13]) (72), la société (SAS) Fiferdis a confié à la société (SARL) Brunerie & Irissou, en qualité d'architecte, la maîtrise d'oeuvre de conception, et à la société (SARL) 2CZI (assurée par la société (SA) GAN Assurances IARD entre le 1er janvier 2009 et le 1er janvier 2014), la maîtrise d'oeuvre d'exécution.

Le 26 décembre 2009, un contrat de marchés de travaux 'n°CHE/BOR/FIF/04-OS09.05-09/11/09", passé pour un 'prix global forfaitaire ferme et définitif non actualisable' (article 6.1), s'élevant à 3.707.600 euros TTC (3.100.000 euros HT), a été conclu entre la SAS Fiferdis et la société (SAS) Entreprise Bordeaux, cette dernière se voyant confier le lot n°2 'gros oeuvre', comprenant, d'une part, la réalisation du gros oeuvre général (ensemble des terrassements, maçonnerie, réseaux pour le bâtiment commercial), selon devis n°20091014 du 21 octobre 2009, pour un montant de 3.300.113,72 euros TTC, d'autre part, la construction d'un mur de soutènement en partie arrière du magasin, selon devis n°20090910 du 16 septembre 2009, pour un montant de 407.486,29 euros TTC prévoyant la réalisation de 'parois en béton projeté compris cloutage'.

Selon l'article 17 de ce marché de travaux, il était rappelé qu''un dossier de demande d'agrément devra être établi conformément à la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ; cette demande devra être acceptée par le maître d'ouvrage, avant tout démarrage de travaux par le sous-traitant.'

La SAS Entreprise Bordeaux avait aussi à sa charge le compte inter-entreprises.

En cours de chantier, par lettre du 22 avril 2010 adressée à la SARL 2CZI, la SAS Entreprise Bordeaux a indiqué que le mur de soutènement à réaliser ne correspondait plus au profil du mur décrit sur les plans d'appels d'offres, qu'eu égard à la technique à mettre en oeuvre et aux dimensions de l'ouvrage, elle n'avait pas la compétence pour le réaliser, qu'une étude devait être réalisée par un bureau d'études spécialisé après étude géotechnique complémentaire et qu'elle lui demandait son appui.

C'est ainsi qu'à la demande de la SAS Entreprise Bordeaux, le cabinet d'études Ginger CEBTP a établi une étude géotechnique, le 10 mai 2010, mettant en exergue la présence de sols de faible cohésion nécessitant un renforcement par clouage avec des parois en béton projeté dont elle a préconisé les caractéristiques.

Courant mai 2010, la SAS Entreprise Bordeaux a confié à la société SPIE Batignolles Fondations, en sous-traitance, l'édification du mur de soutènement entre la cour de service de l'hypermarché et le chemin rural n°4, tenant compte du fait que de nouvelles contraintes, tel que le respect des emprises de la cour de service, avaient abouti à généraliser l'ensemble du soutènement en parois clouées.

La SA SPIE Batignolles Fondations a établi un premier devis, le 18 mai 2010, pour un prix de 431.000 euros HT pour un soutènement constitué d'un scellement dans le sol de 180 clous de 8 à 11 m de longueur et d'un voile de béton projeté sur un treillis métallique de 800 m², dans le cadre d'un marché à bordereau de prix unitaires. Ce devis a été adapté compte tenu de l'établissement du plan d'implantation du mur de soutènement à créer et porté à la somme de 519.650 euros HT.

Selon nouveau devis actualisé du 15 juin 2010 pour tenir compte de la nécessité de conserver une bande de 3 m entre la tête de paroi et la limite de propriété, et pour préserver le gabarit de passage des camions entre l'immeuble à usage commercial et le mur, impliquant un redressement de la pente du mur avec réalisation de 260 clous et d'un voile en béton de 855 m², le coût des travaux a été fixé à 539.545 euros HT pour ce mur de soutènement en parois cloués dit 'paroi 1".

Par lettre du 1er juillet 2010, le cabinet 2CZI a demandé à la SAS Entreprise Bordeaux de régulariser la situation de son sous-traitant en lui retournant les documents nécessaire à son agrément.

Le 5 juillet 2010, à la demande du maître d'oeuvre d'exécution 2CZI d'un prolongement de la paroi côtés sud et nord, un deuxième mur de soutènement a été envisagé et la société SPIE Batignolles Fondations a établi, pour ce mur dit 'paroi 2", un devis d'un montant de 275.747,50 euros HT pour l'édification d'un mur de soutènement avec paroi de 62 m de longueur entre la cour de réception et les propriétés voisines avec dénivelé pouvant atteindre jusqu'à 7m de hauteur et pente de talus très raide, avec, eu égard au faible recul possible avec la proximité de la limite de propriété avec le voisinage, micropieux en complément des clous et voile en béton projeté de 430 m². En cours de construction, la 'paroi 2" a été prolongée pour atteindre 98,41m de longueur.

Après le commencement des travaux du mur de soutènement mi-juillet 2010, la SA SPIE Batignolles Fondations a adressé à la SAS Entreprise Bordeaux une première situation le 20 juillet 2010 de 366.865 euros HT avec notamment en annexe une demande d'agrément de sous-traitant, et de plan particulier de sécurité et de protection de la santé, une deuxième situation le 31 août 2010 pour la somme de 345.059,50 euros HT, et une troisième situation le 22 octobre 2010 pour la somme de 217.358,65 euros HT avec un décompte définitif pour une somme de 893.662,50 euros HT.

Le 26 juillet 2010, la SAS Entreprise Bordeaux a transmis à la SARL 2CZI la demande d'agrément de la SA SPIE Batignolles Fondations accompagnée de documents que la SARL 2CZI lui a demandés, le 28 juillet suivant, de compléter pour obtenir l'agrément définitif.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 août 2010, la SAS Fiferdis a fait savoir à la SARL 2CZI que la maîtrise d'oeuvre ne comportait pas le pouvoir d'apporter des modifications aux travaux convenus à forfait entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur en collaboration avec le maître d'oeuvre d'exécution, et qu'en cours de travaux, sauf urgence ou nécessité grave, toute décision entraînant un supplément de dépenses, devrait donc faire l'objet d'un accord du maître d'ouvrage.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, la SAS Fiferdis a écrit à la SAS Entreprise Bordeaux, 'vous nous confirmez que les travaux sont en cours d'élaboration par la sté SPIE sans que vous ayez régularisé le moindre document relatif à la majoration du prix ; s'agissant d'un marché à forfait, le prix que vous avez régularisé est ferme et définitif ; je suis très surpris que le SPIE intervienne sans avoir obtenu préalablement un document faisant état de l'acceptation du nouveau prix', sollicitant un nouvelle réunion en septembre avec ladite société, et les maîtres d'oeuvre.

Le 19 octobre 2010, la SAS Entreprise Bordeaux a adressé au maître d'oeuvre sa proposition de décompte, se présentant ainsi :

'1/ Marché de base... total TTC : 3.707.600 euros TTC,

Plus-value ayant fait l'objet d'un accord sur le chantier :

devis 20100517 - parfumerie + 7.500 euros HT

devis 20091129 - remplacement carrelage par quartz + 5.498,02 euros HT

devis 20100936 - portail extérieur + 6.158,79 euros HT,

... total TTC + 22.911,54 euros TTC,

Déduction pour travaux non effectués :

mur maçonnerie, ascenseur, réseaux (facture 20100716) - 49.903,49 euros HT,

34 m² non réalisés en parpaings pleins - 2.025,72 euros HT

... total TTC - 62.107,33 euros TTC

Plus-value sur la facture n°20100716 du 26 juillet 2010 et acceptées par le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage :

... total TTC + 92.579,63 euros TTC

Plus-value demandée sur devis n°201001004 du 8 octobre 2010 (facture n°20110210) du 16 février 2011) et acceptées par le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage :

... total TTC + 6.425,46 euros TTC

soit un sous-total de... 3.767.409,30 euros TTC

2/ Coût supplémentaire des travaux pour le lot n°2 gros oeuvre mur de soutènement en raison du changement de nature des ouvrages (de ce lot) :

étude de sol Ginger-CEBTP + 12.200 euros HT

travaux SPIE 1ère phase + 539.545 euros HT

travaux SPIE 2ème phase + 275.747,50 euros HT

frais de géomètre + 3.233 euros HT

terrassement 1ère phase + 58.000 euros HT

terrassement 2ème phase + 34.000 euros HT

... total TTC + 1.103.579,70 euros TTC

3/ Compte inter entreprise :

... total TTC - 4.174,16 euros TTC

4/ soit un total TTC du marché de : 4.866.814,84 euros TTC.'

Le 19 novembre 2010, la réception du chantier a eu lieu.

Par lette du 19 novembre 2010 dénoncé le même jour à la SAS Fiferdis, la SA SPIE Batignolles Fondations a mis en demeure la SAS Entreprise Bordeaux de lui régler la somme de 893.662,50 euros HT (1.068.820,25 euros TTC), informant également le maître d'ouvrage, qu'elle ferait valoir son action directe de sous-traitant à son encontre si la SAS Entreprise Bordeaux ne s'acquittait pas de cette somme dans le délai imparti.

Le 6 janvier 2011, la SA SPIE Batignolles Fondations a adressé une nouvelle mise en demeure à la SAS Entreprise Bordeaux.

Le même jour, la SA SPIE Batignolles Fondations a sollicité de la SAS Fiferdis le règlement des deux premières situations pour un total de 851.461,70 euros TTC.

Le 29 janvier 2011, la SAS Fiferdis a répondu qu'elle ignorait tout des modalités de l'intervention de la SA SPIE Batignolles Fondations et qu'au surplus, les sommes facturées étaient manifestement sans rapport avec le marché forfaitaire signé avec la SAS Entreprise Bordeaux.

Le 31 mars 2011, la SA SPIE Batignolles Fondations a mis en demeure la SAS Fiferdis de lui payer la situation n°3 valant décompte final, s'élevant à 217.358,65 euros TTC.

Par courriel du 20 mai 2011, valant notification de décompte général définitif (DGD), la SAS Fiferdis a avisé la SAS Entreprise Bordeaux que son projet de décompte était accepté pour la somme de 3.767.409,30 euros TTC, refusé pour la somme de 1.103.579,70 euros TTC, en faisant valoir, à nouveau, que le marché initial passé avec elle était un marché forfaitaire et que l'éventuel surcoût du mur de soutènement ne pouvait pas être pris en compte, et refusé pour la moins-value de 4.174,16 euros TTC (cette dernière étant finalement accepté le 27 juin 2011).

Le 22 juillet 2011, la SAS Entreprise Bordeaux a saisi le juge des référés du tribunal de commerce du Mans, aux fins de voir condamner la SAS Fiferdis à lui régler le solde non contesté du marché de base et aux fins d'expertise.

Le 5 octobre 2011, la SAS Fiferdis s'est acquittée auprès de la société Entreprise Bordeaux d'une somme de 454.426,73 euros au titre du solde dû pour le marché de base et le compte inter-entreprises.

La SA SPIE Batignolles Fondations s'est associée à la demande d'expertise, réclamant que l'expert fasse le compte entre les parties notamment au titre des travaux qu'elle avait réalisés, sollicitant reconventionnellement la condamnation de la SAS Entreprise Bordeaux, sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, à lui payer une provision de 789.823,93 euros outre intérêts de retard, et la condamnation de la SAS Fiferdis à régler une somme de 327.093,11 euros TTC.

Par ordonnance de référé du 22 mai 2012, le président du tribunal de commerce du Mans a ordonné une expertise confiée à M. [T] [U], au contradictoire de la SAS Fiferdis, de la SARL Brunerie & Irissou Architectes, de la SARL 2CZI, et de la SA SPIE Batignolles Fondations, et a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Par ordonnance du 1er juin 2012, M. [Y] [C] a été désigné en remplacement de M. [U].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 20 novembre 2014.

Il a noté que sur le montant qui lui avait réclamé par la SA SPIE Batignolles Fondations, la SAS Entreprise Bordeaux avait réglé une somme de 278.996,42 euros TTC, de sorte que le préjudice invoqué par la SA SPIE Batignolles Fondations au titre du non-paiement de ses travaux s'élevait à la somme de 789.823,93 euros TTC.

Par acte d'huissier du 16 octobre 2015, la SAS Entreprise Bordeaux a assigné la SAS Fiferdis devant le tribunal de commerce du Mans en paiement, sur le fondement de l'article 1134 du code civil, et au vu de la norme NF P03-001 applicable au marché, de la somme de 1.103.579,70 euros TTC plus intérêts au titre du coût des travaux du lot n°2 gros oeuvre - mur de soutènement qu'elle considère avoir été rendus nécessaires pour pallier le changement de nature des ouvrages dudit lot, et qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle acceptait le paiement de la somme de 454.426,73 euros effectué par la SAS Fiferdis au titre du marché de base et du compte inter-entreprises.

La SA Spie Batignolles Fondations a assigné, devant le même tribunal, la SAS Entreprise Bordeaux et la SAS Fiferdis, sollicitant, à titre principal, la condamnation de ces dernières à lui régler la somme de 789.823,93 euros, outre intérêts et pénalités de retard pour la SAS Entreprise Bordeaux, et outre intérêts pour la SAS Fiferdis.

Par actes d'huissier du 8 avril 2016, la SAS Fiferdis a fait assigner la SARL Brunerie & Irissou et la SARL 2CZI devant le même tribunal, aux fins de les voir condamner in solidum à la relever indemne et à la garantir intégralement de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Par jugement du tribunal de commerce de Blois du 13 mai 2016, la SAS Entreprise Bordeaux a fait l'objet d'un placement en liquidation judiciaire par conversion de la procédure de redressement judiciaire, M. Lavallart étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte d'huissier du 2 août 2016, la SAS Spie Batignolles Fondations a assigné M. Lavallart ès qualités, afin de voir fixer sa créance au passif de la SAS Entreprise Bordeaux en liquidation, pour des quantum identiques à ceux indiqués dans l'assignation du 23 décembre 2015.

Par acte d'huissier du 3 mars 2017, la SARL 2CZI a fait assigner la SA GAN Assurances, son assureur, aux fins de la voir condamner, le cas échéant, à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Toutes ces instances ont été jointes.

Par jugement avant dire droit du 27 novembre 2017, le tribunal de commerce du Mans a débouté la SA GAN Assurances de ses demandes de communication de pièces par les sociétés Entreprise Bordeaux, Spie Batignolles Fondations et Fiferdis.

Par jugement du 25 juillet 2018, le tribunal de commerce du Mans a :

- déclaré irrecevable l'action de la SARL 2CZI à l'encontre de la SA GAN Assurances,

- fixé la créance de la SAS Spie Fondations au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Bordeaux à la somme de 789.823,93 euros en paiement du solde des travaux réalisés,

- fixé la créance de la SAS Spie Fondations au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Bordeaux à la somme de 496.537,52 euros au titre des pénalités de retard,

- débouté la SAS Spie Fondations de ses demandes à l'encontre de la SAS Fiferdis, de la SARL Brunerie & Irissou, de la SARL 2CZI et de la SA GAN Assurances,

- condamné M. Lavallart, pris en qualité de liquidateur de la SAS Bordeaux, à payer à la SA GAN Assurances la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans constitution de garantie,

- condamné M. Lavallart, ès qualités, aux dépens de l'instance, en ce non compris les frais de l'expertise judiciaire qui resteront à la charge des parties qui les ont avancés,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Le tribunal a fixé la créance de la SAS SPIE Batignolles Fondations au titre de ses travaux au passif de la SAS Entreprise Bordeaux. Il a retenu que l'entreprise Bordeaux était responsable du préjudice subi par la société Spie Batignolles fondations tenant à l'absence de paiement de ses travaux et estimé qu'il n'y avait pas lieu de chercher d'autres responsabilités.

Par déclaration du 27 août 2018, la SAS SPIE Batignolles Fondations a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de la SAS Fiferdis, de la SARL Brunerie & Irissou, de la SARL 2CZI et de la SA GAN Assurances ; intimant la SAS Fiferdis, la SARL Brunerie & Irissou, la SAS Coordination Ingénierie Immobilier (2CZI), la SA GAN Assurances, Maître Hubert Lavallart pris en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Entreprise Bordeaux.

La SAS Coordination Ingénierie Immobilier (2CZI) a formé appel incident.

M. Lavallart ès qualités a régularisé un appel incident.

Toutes les parties à la cause ont conclu.

Une ordonnance du 24 janvier 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA Spie Batignolles fondations demande à la cour de :

- rejeter le moyen d'irrecevabilité de la SARL Brunerie Irissou Architectes et la fin de non-recevoir de la société 2CZI,

- confirmer la fixation de la créance de la SA SPIE Batignolles fondations au passif de la liquidation judiciaire de la société Entreprise Bordeaux à la somme de 789.823,93 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2011, date de la première mise en demeure,

- confirmer la fixation de la créance de la SA SPIE Batignolles fondations au passif de la liquidation judiciaire de la société Entreprise Bordeaux à la somme de 496.537,52 euros TTC au titre des pénalités de retard,

- infirmer pour le surplus le jugement et :

- condamner in solidum la SAS Fiferdis, la SAS Coordination Conception Ingénierie Immobilier, la SA GAN Assurances et la SARL Brunerie et Irissou à payer à la SA SPIE Batignolles fondations la somme de 789.823,93 euros à compter du 6 janvier 2011,

- subsidiairement, condamner la SAS Fiferdis à payer à la SA SPIE Batignolles fondations la somme de 789.823,93 euros, en réparation de son préjudice lié aux manquements aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,

- encore plus subsidiairement, condamner la SAS Fiferdis à payer à la SA SPIE Batignolles fondations la somme de 327.093.11 euros en réparation de son préjudice lié aux manquements aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, outre intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2011,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la SAS Fiferdis à payer à la SA SPIE Batignolles fondations la somme de 10 000 euros au titre de la première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la SAS Fiferdis, la SAS Coodination Conception Ingénierie Immobilier, la SA GAN Assurances et la SARL Brunerie et Irissou à payer à la SA SPIE Batignolles fondations la somme de 10 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la SAS Fiferdis, la SAS Coodination Conception Ingénierie Immobilier, la SA GAN Assurances et la SARL Brunerie et Irissou aux entiers dépens de première instance et d'appel, le droit prévu par l'article 699 du code de procédure civile étant accordé à M. [O] [X].

La SAS Bordeaux, prise en la personne de son mandataire liquidateur, M. Lavallart demande à la cour de :

concernant le marché de base (pour le lot n°2 gros oeuvre + pour le lot n°2 gros oeuvre mur de soutènement) et le compte inter-entreprise,

- confirmer le jugement en ce qu'il a été pris acte que la société Fiferdis a versé au titre du marché de base et du compte inter-entreprise la somme de 454.426,73 euros TTC à la société Bordeaux,

- confirmer le jugement en ce qu'il a été pris acte que la société Bordeaux prise en la personne de son mandataire liquidateur accepte ce paiement,

concernant le coût des travaux du lot n°2 gros oeuvre mur de soutènement rendus nécessaires pour pallier le changement de nature des ouvrages dudit lot,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Bordeaux,

et statuant de nouveau,

- condamner la société Fiferdis à payer à la société Bordeaux prise en la personne de son mandataire liquidateur la somme de 1.103.579,70 euros TTC, laquelle sera augmentée des intérêts calculés sur la base du taux légal augmenté de sept points (article 20.8 de la norme NF P 036001) depuis le 19 octobre 2010 et jusqu'à l'intervention d'une décision définitive,

- condamner la société Fiferdis à payer ces intérêts à la société Bordeaux prise en la personne de son mandataire liquidateur,

et en tout état de cause,

- condamner la société Fiferdis à payer à la société Bordeaux prise en la personne de son mandataire liquidateur la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Fiferdis aux entiers dépens lesquels comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire et les frais d'expert privé.

La SAS Fiferdis entend voir la cour :

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SPIE Batignolles fondations et la SAS Bordeaux de leurs demandes à son encontre,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la société Fiferdis ne sauraient dépasser le cadre forfaitaire du marché principal, conclu avec la société Bordeaux soit 407.486,29 euros TTC,

- déduire le règlement que la société SPIE Fondations reconnaît avoir perçu de la société Bordeaux d'un montant de 278.996,42€ TTC,

- condamner les sociétés Brunerie & Irissou Architectes et 2CZI, in solidum, à relever indemne et garantir totalement la société Fiferdis de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge,

statuant de nouveau,

- condamner les parties succombantes in solidum à payer à la SAS Fiferdis la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner les parties succombantes aux entiers dépens de l'instance.

La SARL Brunerie & Irissou prie la cour de :

- déclarer l'appel de la société SPIE Batignolles fondations partiellement irrecevable en ce qu'il tend à remettre en cause le sort des dépens de première instance,

pour le reste,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SPIE Batignolles fondations de ses demandes à l'encontre de la SARL Brunerie & Irissou,

- déclarer irrecevable la demande de la société Bordeaux et de M. Lavallart ès qualités tendant à dire et juger que le cabinet Brunerie & Irissou aurait commis une faute qui serait à l'origine du changement dans la nature des ouvrages litigieux,

- condamner la société SPIE Batignolles fondations au paiement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de l'instance d'appel.

La SAS Coordination Conception Ingénierie Immobilier (2CZI) demande à la cour de :

à titre principal,

- déclarer irrecevable la société SPIE Batignolles fondations en son appel et ses demandes à l'égard de 2CZI, sur le fondement du principe d'estoppel ;

à titre subsidiaire,

- débouter les sociétés Fiferdis et SPIE Batignolles Fondations ainsi que M. Lavallart, ès qualités, de toutes leurs demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés SPIE Batignolles fondations, Fiferdis et M. Lavallart, ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes à l'égard de 2CZI ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable 2CZI en sa demande de garantie vis-à-vis du GAN ;

- juger la société 2CZI recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles ;

dans l'hypothèse où C2ZI verrait sa responsabilité engagée et serait condamnée,

- condamner le GAN Assurances à garantir 2CZI de l'ensemble des condamnations prononcées à son égard ;

- condamner l'ensemble des autres parties succombantes à garantir 2 CZI,

- condamner intégralement et in solidum les parties succombantes à payer à la société 2CZI la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 20.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- condamner intégralement et in solidum les parties succombantes aux entiers dépens, dont les frais d'expertise.

La SA GAN Assurances prie la cour de :

- déclarer la société SPIE fondations mal fondée en son appel,

- déclarer la société 2CZI irrecevable à contester la prescription de son recours à l'encontre de la compagnie GAN Assurances faute par elle d'avoir formulé une telle prétention dès ses premières conclusions du 20 février 2019,

- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

subsidiairement,

- dire et juger que les garanties de la compagnie GAN Assurances ne sont pas mobilisables,

- débouter la société SPIE fondations, la société 2CZI ou toutes autres parties, de toute demande formée à l'encontre de la concluante,

infiniment subsidiairement, si la cour devait retenir une quelconque garantie de la compagnie GAN Assurances,

- infirmer le jugement dont appel du chef du quantum de la créance,

statuant à nouveau sur ce point,

- réduire le montant de la créance à de plus justes proportions ;

en tout état de cause,

- rejeter toutes demandes, fins, conclusions et appels incident plus amples ou contraires aux présentes,

- condamner la société SPIE fondations ou toute partie adverse succombante au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SPIE fondations à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Thierry Boisnard conformément aux articles 695, 696 et 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 17 août 2021 pour la SA SPIE Batignolles fondations,

- le 27 mai 2019 pour la SAS Fiferdis,

- le 15 mai 2019 pour la SARL Brunerie & Irissou,

- le 7 janvier 2022 pour la SAS Coordination Conception Ingénierie Immobilier (2CZI),

- le 10 janvier 2020 pour la SA GAN Assurances IARD,

- le 20 janvier 2022 pour la SAS Bordeaux, prise en la personne de son mandataire liquidateur, M. Lavallart.

MOTIFS DE LA DECISION

L'expert a constaté que seul avait été réalisé en béton banché (T inversé), tel que préconisé par le cabinet Brunerie-Irissou architectes, le soutènement linéaire reliant le mur situé en partie nord de la parcelle et parallèle au chemin rural n°4, dit paroi n°1, avec le soutènement linéaire de la cour de service, dit paroi n° 2, ces deux parois étant des parois clouées (que l'expert explique être des parois constituées d'une peau en béton destinée à contenir le front d'un talus instable, retenue grâce à des tirants fichés dans le sol) qui ont été exécutées par la société Spie Batignolles fondations.

L'expert a retenu que l'excavation qui a été faite côté bâtiment interdisait toute mise en oeuvre des parois moulées telle que prévu à l'origine, lesquelles nécessitent que le déblai soit réalisé après construction du mur ; que, de plus, s'est confirmée en cours de chantier, au vu de la hauteur de terres à maintenir, l'impossibilité de mettre en oeuvre le soutènement prescrit par le maître d'oeuvre conception.

Cette difficulté a été signalée par écrit par l'entreprise [Localité 12] à 2CZI le 22 avril 2010 et à la société Brunerie & Irissou le 21 juin suivant.

Le rapport de l'étude géothechnique complémentaire remis le 17 mai 2010 par Ginger CEBTP à la demande de la société Entreprise Bordeaux met en évidence la présence de sols de faible cohésion, non compatibles avec des talutages à 45° tel que prévu par le cabinet Brunerie-Irissou dans l'additif au CCTP phase 2.

L'expert retient que si les ouvrages mal définis par le maître d'oeuvre conception se sont révélés inappropriés aux caractéristiques du terrain, c'est parce que la phase de conception n'a pas pris en compte dans ses études l'implantation des ouvrages, l'empiétement des talus et la nature des sols, ce qui est dû à une absence d'étude des sols et une absence d'étude particulière quant aux hauteurs des terres à soutenir.

Il constate que les ouvrages de soutènement ont été redéfinis avec Ginger CEBTP par la société SPI Batignolles fondations, à un coût dépassant substantiellement celui du marché initial.

Il considère que la non qualification et l'incompétence avouées de la SAS Bordeaux dans l'étude et mise en oeuvre de soutènements aussi particuliers que spécifiques que sont les parois clouées, auxquelles est venu s'ajouter un manque de rigueur dont elle a fait preuve en faisant fi du §5 du cahier des clauses administratives particulières phase 2, a eu pour effet sur les maîtres d'oeuvre et le maître de l'ouvrage, et ce, malgré leur parfaite connaissance du coût que représentait l'intervention de Spie Fondations quant aux soutènements en parois clouées, de les laisser imaginer qu'un marché convenu à prix global forfaitaire ferme et définitif non actualisable ne pouvait être, quel qu'en soient les raisons et/ou motifs, contesté.

Il retient les manquements suivants :

* pour la SAS Entreprise Bordeaux : avoir défini et estimé des travaux de soutènement sans déplacement sur le site, bien que la nécessité d'un tel déplacement était rappelée dans le CCTP phase 2 ; ne pas avoir, avant toute estimation des ouvrages de soutènement, exigé du maître d'oeuvre conception, une étude de sol ; avoir sans compétences requises, estimé un soutènement en parois clouées ; ne pas avoir exigé des maîtres d'oeuvre ainsi que du maître de l'ouvrage lors d'une réunion de chantier, d'une part, la validation du sous-traitant Spie Fondations, et d'autre part, la validation de leur accord quant au surcoût financier engendré par un soutènement d'étude différente ; ne pas avoir, concernant lesdits ouvrages de soutènement, communiqué au sous-traitant Spie Fondations, pour information, le montant du marché signé ; ne pas avoir, au vu des difficultés rencontrées et dénoncées dans une lettre du 21 juin 2010 adressée au cabinet Brunerie & Irissou Architectes, mis à exécution l'abandon des ouvrages de soutènement ; avoir, faute d'avenant(s), laissé supposer voire croire tant pour les maîtres d'oeuvre que pour le maître de l'ouvrage, que le sous-traitant Spie Fondations pouvait, quant à son coût d'intervention, s'inscrire dans un 'marché passé à prix global, forfaitaire, ferme et définitif non actualisable' ;

* pour la SAS Fiferdis : informée de l'intervention du sous-traitant SPIE Fondations, ne pas avoir exiger de régularisation de la situation de ce dernier ;

* pour la SAS Spie Batignolles Fondations : avoir, en tant qu'entreprise structurée, engagé et réalisé des travaux spécifiques de soutènement onéreux sans le consentement du maître de l'ouvrage et des maîtres d'oeuvre, sans acte de sous traitance, sans ordre de service, sans avenant chiffré et signé par les deux parties, sans mise en place d'une délégation de paiement ; ne pas avoir exigé de la SAS Bordeaux avant toute intervention, une régularisation contractuelle immédiate (§5 du CCAP phase 2) ; ne pas avoir, faute d'être régularisée, et ce malgré plusieurs rappels, cessé toutes interventions voire quitter le chantier.

* pour la SARL 2CZI : avoir fait fi du §5 du CCAP phase 2 en laissant dans l'irrégularité le sous-traitant Spie Fondations intégré au chantier et reconnu tant par les maîtres d'oeuvre conception et exécution que par le maître de l'ouvrage ; mis en oeuvre sans dossier validé de demande d'agrément de sous-traitance, l'ensemble des travaux de soutènement ; avoir omis, dans le cas des ouvrages de soutènement préconisés par le maître d'oeuvre conception, de fournir au maître de l'ouvrage, les 'informations nécessaires à la compréhension et à l'approbation des prestations qu'il a mission de faire exécuter' ; ne pas s'être assuré lors des réunions de chantier, d'une bonne compréhension du maître d'oeuvre conception quant à l'incompatibilité des soutènements qu'il avait préconisés avec les caractéristiques géologiques du sol et impondérables contraintes du site (gabarit de passage) ;

* pour la SARL Brunerie & Irissou Architectes : ne pas avoir, comme pour l'immeuble à usage commercial, joint au dossier de consultation, l'étude géotechnique propre aux ouvrages de soutènement ; avoir assurément mis en difficulté la SA Bordeaux, en ajoutant au lot n°2 gros oeuvre - murs de soutènement, lesquels étaient initialement prévus au lot voirie réseaux divers (VRD) ; avoir omis d'exiger de la SAS Bordeaux, et ce avant toute(s) intervention(s) du sous-traitant Spie Fondations l'apport pour validation du dossier demande d'agrément de sous-traitance ; avoir, en toute connaissance de cause, validé jusqu'à la réception des travaux, l'intervention en tant que sous-traitant de la SAS Spie Fondations, et ce, malgré son absence d'agrément ; avoir omis, avant confirmation du choix, de vérifier si en matière de prérequis la SAS Bordeaux correspondait aux critères d'exigences professionnelles ; avoir, malgré les faiblesses non dissimulées de la SAS Bordeaux dans le domaine du soutènement, validé son estimation des ouvrages ; ne pas avoir, pour des talus de hauteur supérieure à quatre mètres tenu compte des spécifications concises contenues dans le rapport géotechnique dressé par le CEBTP le 16 mai 2008.

1- Sur les demandes du liquidateur judiciaire de la SAS Entreprise Bordeaux

Le liquidateur judiciaire de la société Entreprise Bordeaux s'appuie sur un prétendu changement dans la nature des ouvrages de soutènement pour fonder sa demande de paiement du prix de ces travaux au-delà du montant fixé au marché. Il se fonde sur les dispositions de l'article 11.1.3 de la norme NF P 03-001 selon lesquelles en cas de changement dans la nature des ouvrages ordonnés par le maître de l'ouvrage, l'entrepreneur est en droit de demander une indemnité le dédommageant des frais supplémentaires résultant pour lui de ces modifications, pour demander une indemnité dédommageant la société Bordeaux des frais supplémentaires résultant pour elle de ces modifications. Aussi, demande-t-il en application de ce texte, édition décembre 2000, la condamnation de la société Fiferdis à lui payer la somme de 1.103.579,70 euros TTC, correspondant au coût des travaux rendus nécessaires selon lui au regard du changement de nature des ouvrages du lot 2.

Il expose que les documents contractuels prévoyaient le long du chemin rural un soutènement en parois moulées, ce que l'entreprise Bordeaux avait initialement chiffré. Il précise qu'à l'origine, lorsque l'entreprise Bordeaux a établi son devis, le terrain était plat n'ayant pas encore été excavé.

L'obligation étant apparue de réaliser des parois clouées et l'entreprise [Localité 12] n'en ayant pas la compétence technique, il indique que la décision de faire exécuter ces travaux par la société SPIE Fondations a été prise en concertation avec le maître d'oeuvre d'exécution, en parfaite connaissance du maître de l'ouvrage, ce que rappelle l'expert judiciaire.

Estimant que le maître de l'ouvrage ne peut forfaitiser le montant d'un ouvrage dépendant de la nature des sols en place dont les caractéristiques n'ont pas été étudiées en phase de conception, il soutient qu'il appartient à ce dernier, propriétaire des sols, d'assumer les impondérables qui y sont attachés.

Il considère que le fait qu'il s'agisse toujours de murs de soutènement n'exclut pas une modification de la nature des travaux et que la société Fiferdis ne peut raisonnablement affirmer qu'il n'y a pas eu de changement dans la nature des ouvrages du lot n° 2 gros oeuvre mur de soutènement par rapport à ceux initialement prévus au marché, contrairement à ce que démontrent une étude technique établie unilatéralement et l'expertise judiciaire.

Il fait valoir que le changement de nature de l'ouvrage résulte d'une faute du maître d'oeuvre de conception, le cabinet Brunerie & Irissou, lors de la conception du mur de soutènement en ne commandant pas une étude géotechnique préalable adaptée au mur de soutènement et en ne concevant pas un talutage compatible avec la nature du sol, et d'une faute du maître d'oeuvre d'exécution lors de la conduite du chantier en ce qu'il ne s'est pas assuré que le terrain ne soit pas entièrement excavé à l'arrivée sur site de la société Bordeaux et que le maître d'oeuvre de conception ait une bonne compréhension de la situation du chantier.

En particulier, il souligne que l'exécution de parois moulées n'était plus techniquement possible du fait que les terres en aval avaient déjà été décaissées avant son intervention, de sorte que la société Fiferdis prétendrait à tort que le litige ne résulterait que d'une sous-estimation par l'entreprise du coût des travaux de soutènement en parois cloutées.

Il en tire la conclusion que le changement de nature des ouvrages du lot n°2 n'est pas imputable à une imprévision ou incompétence de la part de la société entreprise [Localité 12] mais aux fautes des maîtres d'oeuvre.

En outre, dès lors que le maître de l'ouvrage était parfaitement informé au travers des réunions de chantier du changement de nature desdits ouvrages et de la présence de la société SPIE Fondations, il fait valoir que le maître de l'ouvrage se devait d'exiger la régularisation de la présence de cette dernière comme sous-traitante et régler le coût des travaux rendus nécessaires pour pallier le changement dans la nature des ouvrages du lot n°2 gros oeuvre mur de soutènement.

La société Fiferdis, après avoir indiqué qu'il existe un doute quant au montant des demandes telles que formées par SAS Bordeaux et la société SPIE Batignolles Fondations à son endroit, répond que le marché de travaux est à forfait, qu'il appartenait donc à l'entreprise Bordeaux de prévoir, dans le montant du forfait, tous les travaux nécessaires à l'exécution de l'ouvrage selon les règles de l'art ; qu'en outre, les conditions prévues à l'article 11.1.3 de la norme NFP 03-001 ne sont pas remplies dès lors qu'il n'y a pas eu de changement dans la nature des ouvrages ni même de changement de nature des techniques de construction entre celles prévues par l'entreprise dans son devis et celles qui ont été employées et que la sous-estimation des ouvrages de soutènement est de la faute de l'entreprise [Localité 12] qui ne s'est pas rendue sur les lieux et n'a pas exigé une étude de sol avant de s'engager.

Sur ce,

Il convient, d'abord, de constater que si le dispositif des conclusions de la société Bordeaux comporte de nombreux 'dire et juger' visant la faute des maîtres d'oeuvre, il n'y a, pour autant, aucune prétention émise à leur endroit. II n'y a donc pas lieu de se prononcer, comme le demande la société Brunerie & Irissou, sur l'irrecevabilité d'une demande inexistante.

La demande de l'entreprise Bordeaux est exclusivement dirigée contre le maître de l'ouvrage avec laquelle elle est contractuellement liée.

L'additif 1 du CCTP phase 2 du 10 septembre 2009 prévoit que les murs de soutènement situés autour de la cour de service et de l'accès à celle-ci le long du CR n°4 devaient être réalisés en béton banché (en T) et qu'au voisinage du CR n°4 'compte tenu de l'importance de l'excavation à réaliser, l'entreprise du présent lot devra envisager dans ce cas une solution adaptée permettant la conservation du chemin (CR4), telle que la réalisation de parois moulées en béton armé'. Il était indiqué que la 'prestation comprend les travaux de terrassement et de mise en place de fondations en semelles rigoles suivant études au cas par cas en tenant compte des conclusions d'étude géotechnique'.

A la suite d'un mail que lui a transmis la société Brunerie & Irissou en réponse à un premier devis, l'entreprise Bordeaux a établi, le 16 septembre 2009, un devis n°20090910 ramenant le montant des travaux du lot soutènement à 340 707,60 euros HT, soit 407.486,29 euros TTC, prévoyant la 'réalisation de parois en béton projeté compris cloutage'.

Le marché a ensuite été signé et un ordre de service a été établi.

Le caractère à forfait du marché ne fait pas discussion. Il est expressément stipulé à l'article 5 de ce marché et l'article 6-1 précise que le marché est passé à prix global forfaitaire ferme et définitif, non actualisable.

Selon l'article 11 de ce marché de travaux, il est prévu que 'les travaux en supplément ou en modification du marché initial seront l'objet d'avenant chiffrés et signés par les deux parties (prix et délais) ; sur présentation d'un devis provisoire qui sera validé ou non en réunion de chantier, c'est seulement après validation qu'il sera établi l'OS' (ordre de service).

Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) qui est visé au marché précise, également, en son article 10.4 que 'les prix du présent marché seront fermes, non actualisables et non révisables jusqu'à la terminaison des travaux (réception des travaux)'.

Ce marché à forfait englobe les travaux de soutènement spécialement prévus et dont le prix a été globalement fixé.

Aux termes de l'article 1793 du code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

Dès lors, en cas de marché à forfait, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s'ils sont nécessaires à la réalisation de l'ouvrage et doivent être supportés par l'entrepreneur.

C'est donc à bon droit que le maître de l'ouvrage fait valoir que l'entreprise, qui s'est engagée à réaliser des murs de soutènement, avait l'obligation de prévoir dans le montant de son forfait tous les travaux nécessaires à l'exécution de ses ouvrages selon les règles de l'art.

Il souligne à juste titre que l'expert judiciaire a retenu contre l'entreprise [Localité 12] le fait de ne pas s'être rendue sur les lieux avant d'avoir répondu à l'appel d'offres, préalable dont la nécessité est pourtant rappelée au CCAP, de s'être engagée à réaliser des parois clouées sans en avoir les compétences, ce qu'elle a admis dans les deux lettres précitées du 22 avril et 21 juin 2010 adressées respectivement au maître d'ouvrage d'exécution et maître d'ouvrage de conception, et alors qu'aucune étude géotechnique n'avait été réalisée pour vérifier la faisabilité des techniques envisagées. L'expert judiciaire pointe d'ailleurs de la part de l'entreprise [Localité 12] 'un chiffrage irréaliste' des ouvrages de soutènement, et observe que 'compte tenu de la technicité qu'impose la mise en oeuvre d'un soutènement en parois clouées, lequel chiffrage sous-estimé, est rapidement devenu problématique'.

Or, le manque de prévision de l'entrepreneur n'est pas de nature à modifier le caractère forfaitaire du contrat. Ainsi, peu importe à cet égard que les obstacles que l'entrepreneur a rencontrés aient constitué des facteurs l'obligeant à modifier les travaux initialement envisagés.

En l'absence d'autorisation écrite préalable du maître de l'ouvrage ou de ratification a posteriori par celui-ci des travaux supplémentaires exécutés par l'entreprise, seul un bouleversement de l'économie du contrat permet de sortir du forfait.

Dans le cas présent, il n'existe aucune autorisation écrite du maître de l'ouvrage ni la preuve qu'il ait ratifié des travaux supplémentaires, ce qui ne peut s'induire du seul fait qu'il ait eu connaissance du problème technique rencontré pour la construction des murs de soutènement et ait su que l'entreprise Bordeaux avait sous-traité lesdits travaux. Si les travaux supplémentaires ont été exécutés avec l'aval des maîtres d'oeuvre, ceux-ci, à la lecture de leurs contrats, n'avaient pas pouvoir pour les accepter à la place du maître de l'ouvrage.

Pour être pris en compte, le bouleversement de l'économie du contrat, caractérisé par un déséquilibre financier de l'opération et/ou par une différence excessive entre la nature des prestations initiales et celles qui ont été finalement exécutées, doit être provoqué par des modifications émanant du maître de l'ouvrage.

Dans le cas présent, l'expert judiciaire a constaté que les murs de soutènement qui ont été exécutés en parois clouées ne correspondent pas à ceux prévus par le maître d'ouvrage de conception. Ni la technique qu'il fallait adopter ni l'ampleur des travaux n'avaient été prévues par le maître d'oeuvre de conception.

Les moyens qui ont dû être déployés par la sous-traitante de l'entreprise Bordeaux ont bouleversé l'économie du contrat puisque le coût des travaux s'est élevé à 1 068 820,34 euros TTC selon l'expert alors que le prix était fixé à 407.486,29 euros TTC, d'où un dépassement de 661 334,05 euros TTC.

Même s'il ressort du devis finalement établi par l'entreprise Bordeaux qu'elle avait prévu de réaliser des parois en 'béton projeté compris cloutage', s'écartant ainsi de l'additif 1 au CCPT qui prévoit des parois en béton banché et envisage au voisinage du chemin rural n°4 des parois moulées, il n'en reste pas moins que le CCPT est un document contractuel et qu'aucun des documents techniques n'envisageait ni même ne permettait de mesurer les travaux qui ont dû finalement être exécutés ni même les contraintes auxquelles le constructeur allait devoir faire face. Or, il s'est avéré, d'une part, que la technique de construction de parois en béton banché ou moulée pour des hauteurs de plus de quatre mètres était exclue en raison de la nature des sols et, d'autre part, que les contraintes tenant à la plus forte pente du talus que celle prévue, due à la distance à respecter avec le chemin n°4 et à la largeur de l'allée de service prévue pour le passage de camions ont conduit à un renforcement des ancrages à ces niveaux et que la technique employée a dû être adaptée à l'impératif de ne pas empiéter sur la propriété privée voisine par l'utilisation de micropieux pour le mur longeant cette propriété.

En outre, l'excavation des terres avant le commencement des travaux de soutènement excluait la possibilité d'exécuter les parois comme l'avait initialement projeté le maître d'oeuvre de conception, même si elle n'est pas déterminante dans les difficultés rencontrées par l'entreprise [Localité 12] sur tous les murs puisqu'il résulte de l'étude géotechnique établie en cours de chantier que la composition des sols ne permettait pas, de toute façon, de retenir cette solution du moins pour les murs devant maintenir une hauteur de terre supérieure à quatre mètres.

Il doit donc être considéré qu'il y a eu un changement de la nature des travaux de soutènement par rapport à ce qui était contractuellement prévu au regard de la modification des techniques de construction et du re-dimensionnement des ouvrages.

Pour autant, si la société Entreprise Bordeaux affirme que les maîtres d'oeuvre (de conception et d'exécution) ont décidé des nouveaux travaux de soutènement en accord avec le maître d'ouvrage, elle ne démontre pas que soit remplie la condition tenant à ce que les changements en cause aient été provoqués par des modifications émanant du maître de l'ouvrage. Il ressort, au contraire, des éléments du dossier que face aux difficultés techniques rencontrées tenant notamment à la hauteur et la pente des talus, au regard de la faiblesse des sols, l'entreprise [Localité 12], après s'être vue obligée de faire réaliser un diagnostic géotechnique, a dû, d'elle-même, adapter la technique de réalisation des murs aux contraintes du terrain pour pouvoir assurer le soutènement des terres. Par suite, à défaut d'établir que le bouleversement de l'économie du contrat résulte de modifications voulues par le maître de l'ouvrage, le changement opéré ne peut faire perdre au marché son caractère forfaitaire.

Par ailleurs, une entreprise qui s'est chargée de la construction à forfait d'un bâtiment ne peut valablement invoquer les règles établies par la norme NF P 03.001 pour échapper au caractère forfaitaire du marché édicté à l'article 1793 du code civil, cette norme ne pouvant prévaloir sur les dispositions légales d'ordre public.

Enfin, il ne peut être fait grief à la société Fiferdis de ne pas avoir accepté la société SPI Batignolles fondation comme sous-traitante alors qu'elle n'avait pas donné son autorisation à l'exécution de travaux supplémentaires en dehors du forfait, et, qu'en tout état de cause, le droit du maître de l'ouvrage de refuser ou d'accepter un sous-traitant est un droit discrétionnaire.

Il résulte de ce qui précède que l'entreprise Bordeaux ne peut valablement réclamer à la société Fiferdis le surcoût des travaux occasionné par la mise en oeuvre d'une technique complexe pour faire face aux contraintes qu'elle n'avait pas appréhendées lors de la conclusion du marché à forfait.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2- Sur les demandes de la société SPIE Batignolles Fondations

2-1 effet dévolutif de l'appel concernant les dépens de premi instance

La société Brunerie & Irissou fait valoir qu'en limitant son appel au seul chef du jugement indiqué dans la déclaration d'appel, l'appelante a définitivement renoncé à remettre en cause ce que le tribunal a décidé pour le reste, et notamment au titre des dépens.

La société Spie Batignolles fondations répond que, n'ayant pas été condamnée aux dépens, elle n'avait pas à interjeter appel de ce chef.

Mais force est de constater que la société Spie Batignolles fondations demande dans ses conclusions de condamner in solidum la SAS Fiferdis, la SAS Coodination Conception Ingénierie Immobilier, la SA GAN Assurances et la SARL Brunerie et Irissou aux entiers dépens de première instance, ce qui vaut appel de ce chef.

Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Cette critique doit être portée dans la déclaration d'appel comme l'exige l'article 901 du code de procédure civile. A défaut, l'effet dévolutif de l'appel n'opère pas.

Il s'ensuit que le chef mettant les dépens de première instance à la charge de Maître Lavallart, pris en qualité de liquidateur de la SAS Bordeaux n'ayant pas été expressément critiqué par la société Spie Batignolles fondations dans sa déclaration d'appel, l'appel n'opère pas dévolution du litige sur ce point.

2-2 Sur les autres chefs de demande de la société SPIE Batignolles fondations

La société SPIE Batignolles fondations demande la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la société Bordeaux, ce qui n'est pas critiqué par le liquidateur judiciaire de cette société.

Elle critique le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes sur le terrain de la responsabilité délictuelle contre le maître de l'ouvrage et les maîtres d'oeuvre, étant précisé qu'elle recherche la responsabilité du maître de l'ouvrage sur deux fondements différents. Elle conteste avoir, de son côté, commis une faute exclusive qui serait exonératoire de responsabilité.

La société SPIE Batignolles fondations recherche, en premier lieu, la responsabilité quasi délictuelle du maître de l'ouvrage et des maîtres d'oeuvre pour lui avoir, chacun, causé un dommage en exécutant prétendument fautivement un contrat auquel elle est tiers.

2-2-1 Sur la responsabilité du maître de l'ouvrage pour manquement à ses obligations contractuelles à l'égard de l'entreprise principale

La société SPIE Batignolles fondations reproche au maître de l'ouvrage d'avoir commis à l'égard de l'entreprise [Localité 12] les fautes contractuelles suivantes :

- de ne pas avoir fait réaliser préalablement à l'engagement de l'entreprise une étude de sol, seul document permettant de déterminer la nature des ouvrages à réaliser, l'expert judiciaire ayant retenu que le maître de l'ouvrage savait qu'elle était nécessaire ;

- de ne pas s'être préoccupée ensuite de la faisabilité des ouvrages prévus au CCTP et de sa conséquence au regard du coût réel des travaux réalisables concernant les deux murs, celui côté chemin rural (paroi 1) et celui côté cour de service (paroi 2).

- d'avoir exigé la poursuite des travaux par le sous-traitant de l'entreprise [Localité 12] sans donner suite aux réunions qu'elle prétendait vouloir organiser pour clarifier la situation et d'avoir, ainsi, en toute connaissance de cause, laissé se dérouler les travaux par la société Spie Batignolles Fondations en sachant qu'elle était la seule à apporter la réponse technique aux caractéristiques du site, en connaissant l'augmentation importante du coût en résultant, en espérant n'avoir à régler que le prix du marché en s'abritant derrière le caractère forfaitaire ferme et définitif du marché signé avec l'entreprise [Localité 12], tout en omettant bien d'indiquer durant les travaux qu'elle refuserait d'en régler le coût.

Elle soutient que ces prétendus manquements sont directement à l'origine du non-paiement par l'entreprise Bordeaux des travaux que cette dernière lui a confiés en exposant que la réalisation préalable d'une étude de sol pour les murs de soutènement aurait déterminé le maître d'oeuvre de conception à prévoir des travaux d'une autre nature que ceux prévus, que les termes du marché relatif aux murs de soutènement auraient été sans commune mesure avec ceux prévus et les travaux réalisés par elle auraient été payés classiquement par le maître de l'ouvrage dans le cadre de l'action directe prévue à l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

La société Fiferdis conteste avoir commis une faute dans l'exécution du marché la liant à l'entreprise et conteste tout lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice invoqué qui, selon elle ne résulte que du défaut de paiement du prix des travaux par la société entreprise Bordeaux conformément au contrat la liant à son sous-traitant et à l'imprudence de la société Spie Batignolles fondations qui a exécuté les travaux sans garantie d'être payée, ce qui serait la cause exclusive de son préjudice.

C'est en effet à juste titre que la société Fiferdis répond à la société SPIE Batignolles fondations que c'est l'entrepreneur qui est débiteur d'un devoir de conseil à l'égard du maître d'ouvrage qui s'étend, notamment, aux risques présentés par la réalisation de l'ouvrage envisagé et qui doit, éventuellement le conduire à refuser l'exécution de travaux dépassant ses capacités, d'autant plus dans le cas présent où le CCAP qui le liait contractuellement au maître de l'ouvrage mettait expressément à la charge de l'entrepreneur l'obligation de compléter au besoin son information et qu'en tout état de cause, s'agissant d'un marché à forfait, c'était à l'entrepreneur de proposer au maître de l'ouvrage les solutions techniques nécessaires à la réalisation de l'ouvrage, et non pas au maître de l'ouvrage de palier les imprévisions de l'entreprise, étant rappelé comme indiqué ci-avant, que l'entrepreneur s'était engagé à réaliser des parois clouées dès son devis et qu'il lui appartenait d'exiger, le cas échéant, la réalisation d'une étude géotechnique au regard des difficultés techniques d'exécution auxquelles il aurait dû savoir qu'il pouvait être confronté. Le décaissement des terres avant le commencement des travaux de soutènement n'est pas déterminant dans les difficultés rencontrées par l'entreprise [Localité 12], l'étude géotechnique établie en cours de chantier démontrant que la composition des sols ne permettait pas, de toute façon, l'édification de murs en béton banché ; en outre, la société Fiferdis relève à juste titre que l'entreprise Bordeaux avait elle-même prévu dans son devis de construire des parois 'en béton projeté compris cloutage', de sorte que le décaissement des terres avant l'intervention de l'entreprise ne peut être considéré comme une faute contractuelle du maître de l'ouvrage.

Par ailleurs, la société Fiferdis n'ayant pas accepté la société SPIE Batignolles fondations comme sous-traitant, ce qui n'est pas constitutif d'une faute, et n'ayant pas donné son autorisation pour un dépassement du prix du marché fixé forfaitairement, il ne peut lui être valablement reproché d'avoir voulu que le chantier se poursuive aux conditions financières prévues avec la société Entreprise Bordeaux.

Enfin, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que la société entreprise Bordeaux aurait soumis au maître de l'ouvrage les devis de la société SPIE Batignolles fondations pour recueillir son accord ou même que le maître de l'ouvrage lui aurait laissé croire qu'il accepterait de payer un surcoût de l'ordre de 660 000 euros, ce qui ne ressort pas de sa lettre du 26 juin 2010

Il s'ensuit qu'aucun manquement n'est établi de la société Fiferdis dans l'exécution du contrat d'entreprise.

2-2-2 Sur les fautes contractuelles de la société Brunerie & Irissou

La société SPIE Batignolles fondations soutient que la société Brunerie & Irissou a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard :

- pour le mur parallèle au chemin rural n°4, en ayant exigé une paroi moulée irréalisable compte tenu des travaux d'excavation côté bâtiment déjà réalisés par le lot VRD, de l'absence de commande d'une étude de sol indispensable nécessaire et de la nécessité de prévoir une pente de talus très verticale.

- pour les autres murs, en ayant exigé des murs en béton banché impossibles à réaliser,

en soulignant que ces manquements n'ont été «rattrapés» que grâce à la compétence et au professionnalisme de la société Spie Batignolles fondations,

- en ayant omis d'exiger de la société entreprise Bordeaux, avant toute intervention de son sous-traitant, la validation du dossier de demande d'agrément et d'avoir laissé perdurer la non-régularisation de la Spie Batignolles fondations pendant tout le chantier.

- en s'abstenant de tout conseil donné au maître de l'ouvrage de régulariser la situation en établissant un avenant au marché de la société Bordeaux au titre de travaux supplémentaires indispensables

Elle ajoute que le cabinet d'architecture ne peut tenter de masquer son incompétence derrière celle de l'entreprise [Localité 12] et d'utiliser le marché à forfait comme paravent pour espérer masquer le préjudice causé par ses fautes commises notamment celles ayant conduit l'entrepreneur à établir un devis sous-évalué d'autant qu'il avait une parfaite connaissance du coût que représentait l'intervention de Spie fondations.

Elle soutient que, conjuguées, ces lacunes sont directement à l'origine de l'impossibilité pour elle d'être payée normalement par le maître de l'ouvrage dans le cadre de l'action directe dont bénéficie le sous-traitant. Elle s'appuie sur l'avis de l'expert judiciaire selon lequel les ouvrages de soutènement mal définis au stade de la conception par le maître d''uvre de conception ont dû être redéfinis et que c'est cette redéfinition aboutissant à la mise en 'uvre d'ouvrages de soutènement dont le coût dépasse substantiellement celui du marché initial qui est à l'origine de points d'achoppements entre le maître d'ouvrage et la société Entreprise Bordeaux quant à leur paiement.

La société Brunerie & Irissou conteste avoir commis une faute dans l'exécution de son contrat en faisant valoir :

- qu'elle a prescrit des murs de soutènement, sans avoir exigé une paroi moulée et des murs en béton banché et qu'il suffit de lire les pièces contractuelles pour constater qu'en rédigeant le CCTP elle n'a fait que déterminer un objectif technique : assurer le soutènement des terres et du chemin rural n°4, en laissant à l'entreprise la responsabilité de définir et mettre en 'uvre la solution technique à même de remplir cet objectif ; que l'entreprise Bordeaux a établi son devis quantitatif estimatif le 16 septembre 2009, soit postérieurement à cet additif, et n'envisage aucune paroi moulée mais des voiles banchés. Elle en déduit que n'ayant rien exigé, aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- que sa mission était limitée et qu'elle ne s'étendait, en ce qui concerne la phase de réalisation, qu'au suivi architectural, de sorte que l'agrément d'un sous-traitant ne relevait pas de sa mission.

Elle oppose l'absence de lien causal entre les fautes alléguées et le préjudice dont il est demandé la réparation.

Le premier reproche tenant à avoir "exigé" une "paroi moulée irréalisable" et "des murs en béton banchés impossibles à réaliser", à supposer qu'il soit établi, ne saurait, selon elle, pour autant expliquer que la société Spie fondations se soit trouvée dans l'impossibilité d'être payée normalement par le maître d'ouvrage dans le cadre de l'action directe dont bénéficie le sous-traitant.

Quant au second reproche, à savoir d'avoir "omis d'exiger de la société entreprise Bordeaux, avant toute intervention de son sous-traitant, la validation du dossier de demande d'agrément et d'avoir laissé perdurer la non-régularisation de la société SPIE Batignolles Fondations pendant tout le chantier", elle reconnaît que la question peut effectivement se poser mais que l'incontestable faute commise par la société SPIE Batignolles Fondations elle-même est venue s'interposer au niveau causal entre cette prétendue faute de la maîtrise d''uvre et le dommage allégué, ce qu'a justement retenu le tribunal en relevant que la société SPIE Batignolles Fondations a accepté de mettre en 'uvre des travaux beaucoup plus onéreux que ceux du marché forfaitaire de son propre donneur d'ordres, sans contrat de sous-traitance ni ordre de service, sans vérifier le consentement du maître d'ouvrage sur le montant qu'elle entendait exiger, et sans mise en place d'une quelconque garantie de paiement. Elle estime que cette faute explique à elle seule le préjudice subi.

Sur ce,

Le contrat d'architecte conclu entre la société Fiferdis et la société Brunerie et Irissou confie à celle-ci la phase de conception comprenant un avant-projet sommaire, un projet comportant les plans, coupes et élévations, les devis descriptifs par corps d'états, un dossier de consultation des entreprises et, pour la phase de réalisation, un suivi architectural servant d'appui au maître d'oeuvre (la société 2CZI), en lui apportant un appui pour lui permettre une bonne compréhension des plans, ainsi que la bonne finition architecturale.

Il en ressort que la société Brunerie et Irissou n'était pas chargée de la surveillance du chantier et de l'application des règles de sous-traitance, de sorte qu'il ne peut lui être reproché par la société Spi Batignolles de ne pas avoir fait régulariser sa situation par le maître de l'ouvrage et de ne pas avoir réagi à son intervention sur le chantier.

Si la société Brunerie et Irissou n'a pas exigé l'édification de parois moulées puisque le devis prévoyant des 'parois en béton projeté compris cloutage''a finalement été retenu, l'expert judiciaire néanmoins a mis en évidence des manquements de sa part à ses obligations découlant du contrat d'architecte dans la conception des ouvrages de soutènement inadaptés aux contraintes du terrain du fait de l'absence d'étude géotechnique propre aux ouvrages de soutènement et de l'absence de prise en compte pour les talus de hauteur supérieure à 4 mètres des spécifications contenues dans le rapport géotechnique du 16 mai 2008, dans la validation d'une estimation du coût des ouvrages irréaliste et dans le choix d'une entreprise qui ne disposait pas des compétences requises pour mettre en oeuvre une technique aussi spécifique que celle des parois clouées.

La société Spie Batignoles fondations, tiers au contrat d'architecte, peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ces manquements contractuel dès lors qu'ils lui ont causé un dommage.

La question est de savoir s'il existe un lien de causalité entre ces fautes de l'architecte et le préjudice que subit la société Spie Batignolles fondations tenant au fait qu'elle n'a été payée de ses travaux par l'entreprise [Localité 12] qu'à hauteur de 278.996,42 euros TTC, de sorte qu'il lui reste due la somme de 789.823,93 euros TTC.

Si cette somme ne lui a pas été payée, c'est parce que l'entreprise Bordeaux a été placée en liquidation judiciaire et parce que cette somme dépasse le forfait, de sorte qu'elle n'a pas de recours contre le maître de l'ouvrage au-delà du forfait, étant précisé que n'ayant pas été acceptée par le maître de l'ouvrage, elle ne dispose pas d'action directe contre lui.

Certes, si l'architecte avait mieux défini les travaux de soutènement notamment sur la base d'une étude géotechnique qui était indispensable pour déterminer la technique à employer et l'ampleur des travaux à réaliser pour tenir compte de toutes les contraintes, l'entreprise Bordeaux n'aurait pas autant sous-estimé le coût des travaux dont la complexité lui aurait alors été révélée. Pour autant, rien ne permet d'affirmer que les travaux lui auraient été confiés alors qu'elle n'en avait pas les compétences ni que le maître d'oeuvre aurait accepté d'augmenter le forfait dans une proportion aussi importante (de plus de 660 000 euros) et qu'il n'aurait pas souhaité une adaptation du projet pour éviter ce surcoût ou même y renoncer.

Il apparaît ainsi que les fautes de conception de la société Brunerie et Irissou ne sont pas en lien direct avec le préjudice subi lequel est dû à la propre imprudence de la société Spie Batignolles fondations qui a accepté de réaliser des travaux d'une telle envergure sans délégation de paiement ou caution, sans vérifier le montant du marché de travaux et sans avoir d'assurance que le maître de l'ouvrage accepte de les lui payer en cas de défaillance de l'entreprise [Localité 12].

2-2-3 Sur les fautes contractuelles de la société 2CZI

La société Spie Batignolles fondations rappelle que suivant contrat de maîtrise d''uvre conclu le 18 juin 2009, la SARL 2 CZI avait notamment pour mission d'assister techniquement aux négociations des dossiers d'appels d'offres des entreprises, de la coordination et du suivi du chantier, du suivi de l'avancement du chantier et des règlements s'y rapportant et de la tenue des réunions de chantier et des comptes rendus afférents.

Elle considère que les fautes de la société 2CZI consistent:

- en l'absence de toute réaction à la présence sur le chantier de la société Spie Batignolles dont elle avait connaissance avant l'arrivée de celle-ci sur le chantier, le 28 juin 2010, au regard des dispositions légales concernant la protection des sous-traitants.

- à n'avoir rien fait pour conseiller le maître de l'ouvrage, comme elle en a l'obligation contractuelle, de la nécessité de faire agréer le sous traitant présent sur le chantier et au contraire, de l'avoir dissuadé de le faire alors qu'en même temps, elle pressait l'entreprise [Localité 12] de démarrer les travaux, lui demandait le chiffrage des « variantes mur de soutènement cour de réception » ce qui, de manière très elliptique, revient à reconnaître que les prévisions initiales des travaux de la paroi 2 étaient erronées, validait les travaux, acceptait, en dépit de l'absence d'agrément, de laisser le libre accès au chantier à la société Spie fondations, lui reprochant ainsi d'avoir poussé l'art du double jeu poussé à l'extrême.

- à ne pas avoir, au stade de la passation du marché, informé de l'impossibilité de réalisation des ouvrages de soutènement tel que prévu et d'avoir maintenu cette attitude lors des réunions de chantier et selon l'expert de «(') ne pas s'être également assuré lors des réunions de chantier, d'une bonne compréhension du maître d''uvre conception quant à l'incompatibilité de ses soutènements préconisés avec les caractéristiques géologiques du sol et impondérables contraintes du site».

Elle estime que tous ces manquements graves ont entraîné l'impossibilité pour elle d'être payée normalement pendant le chantier par le maître de l'ouvrage dans le cadre de l'action directe du sous-traitant, de sorte que la société 2CZI serait à l'origine du préjudice qu'elle subit correspondant au solde des travaux dus, soit 789 823,93 euros.

La société 2CZI soulève l'irrecevabilité de la société Spie Batignolles Fondations en son appel et de ses demandes à son égard sur le fondement du principe d'estoppel en prétendant que la société Spie Batignolles Fondations se contredit sur ses conditions d'intervention au chantier, la réalisation des travaux et sa demande en paiement à l'égard de 2CZI et qu'elle n'est pas de bonne foi dans ses développements et sa demande en paiement vis-à-vis de 2CZI.

Outre qu'elle demande à la cour de juger que le marché de travaux a été conclu à titre global, forfaitaire, définitif, non réactualisable ni évolutif, qu'il n'y a eu aucun changement de nature de l'ouvrage construit (mur de soutènement) mais seulement un changement de la technique mise en oeuvre pour le réaliser, la société 2CZI fait valoir qu'elle n'est pas maître d'oeuvre de conception mais simplement maître d'oeuvre d'exécution et considère n'avoir commis aucune faute dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution. En tout état de cause, elle soutient que le préjudice financier argué par la société Spie Batignolles Fondations trouve son unique cause et origine dans le propre comportement fautif de cette dernière et dans le comportement fautif de la SAS Entreprise Bordeaux.

La société GAN assurances considère également que la société Spie Batignolles ne peut pas se prévaloir de se sa propre turpitude s'étant engagée de façon inconsidérée, sans le consentement du maître de l'ouvrage et des maîtres d'oeuvre, sans contrat d'acte de sous-traitance ni ordre de service, sans avenant chiffré et signé par les deux parties, sans mise en place de délégation de paiement, sans avoir exigé de la société Entreprise Bordeaux avant toute intervention une régularisation contractuelle et sans avoir quitté le chantier à défaut d'être régularisée. Elle écarte toute faute de son assurée.

Sur ce,

Une prétendue contradiction entre le comportement d'une partie en dehors d'une instance et l'argumentation qu'elle développe dans le cadre d'une instance ne constitue pas une contradiction au détriment d'autrui faisant obstacle à la recevabilité d'une demande.

Ainsi la circonstance que la société Spie Batignolles fondations ait exécuté les travaux sans être agréée, sans que les conditions de son intervention ne soient le cas échéant acceptées, sans bénéficier d'une garantie ni d'une délégation de paiement et sans ordre de service ne fait pas obstacle à la recevabilité de sa demande en justice en paiement de ses travaux même si elle n'a pas suspendu l'exécution de ses prestations alors qu'elle aurait pu le faire ou solliciter la résiliation de son contrat avec l'entreprise [Localité 12].

Selon l'article 3.3, du contrat liant le maître de l'ouvrage à la société C2ZI, le premier a confié à la seconde la mission de surveillance des travaux qui l'obligeait à :

'- rédiger et viser les ordres de service avant le début des travaux pour signature des entreprises et du maître d'ouvrage

- donner toute directive pour assurer le respect des dispositions prévues au marché

- effectuer les inspections périodiques du chantier, donner son accord sur les documents d'exécution des entreprises avant réalisation

- vérifier l'avancement des travaux

- vérifier les situations et décomptes mensuels des entreprises

- vérifier les mémoires des entreprises

(...)'

Compte tenu de cette mission, elle ne pouvait pas ignorer que la valeur des travaux exécutés par Spie Batignolles fondation dépassait le forfait et que la nature des travaux était différente de celle prévue par l'architecte. Pour autant, elle n'avait pas vis à vis du maître d'ouvrage à lui proposer d'augmenter le prix du marché dès lors que les travaux en cause s'intégraient dans le marché à forfait comme il a été dit ci-avant.

Par ailleurs, l'article 3.4 du contrat stipule que la mission du maître d'oeuvre d'exécution consiste essentiellement à suivre les travaux mais elle ne comporte pas le pouvoir d'apporter des modifications aux travaux convenus à forfait entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur.

S'agissant du respect des règles applicables en matière de sous-traitance, la société 2CZI n'est pas restée sans réagir puisqu'elle a, par lettre du 1er juillet 2010, alors même que la société Spie n'était arrivée sur le chantier que le 28 juin, demandé à la SAS Entreprise Bordeaux de régulariser la situation de son sous-traitant en lui retournant les documents nécessaire à son agrément.

Toutefois, le maître d'oeuvre chargé d'une mission de surveillance des travaux a pour obligation non seulement d'informer le maître de l'ouvrage de la présence d'un sous-traitant mais aussi de lui conseiller de se le faire présenter, et, le cas échéant, de l'agréer et de définir les modalités de règlement de ses situations. Or la société 2CZI ne prétend pas ni encore moins ne justifie avoir respecté cette obligation à l'égard du maître de l'ouvrage, lequel n'a pas mis en demeure l'entreprise Bordeaux de respecter les dispositions prévues à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, comme cela sera vu plus loin. Elle a donc commis une faute dans l'exécution de son contrat en acceptant l'intervention de la société Spie Batignolles fondations sans demander préalablement de la société Entreprise Bordeaux la régularisation de celle-ci par une demande d'agrément.

Mais pour les mêmes motifs que ceux qui sont retenus, ci-après, à l'égard du maître de l'ouvrage, le préjudice qui en découle pour le sous-traitant est limité à ce qu'il aurait pu obtenir du maître de l'ouvrage, à savoir un prix ne pouvant excéder le forfait à défaut par celui-ci d'avoir accepté des travaux supplémentaires.

La faute de la société Entreprise Bordeaux qui n'a pas respecté les obligations que lui imposait l'article 3 de la loi du 21 décembre 1975 en ne présentant pas son sous-traitant à l'agrément du maître de l'ouvrage n'exonère pas la société 2CZI de sa propre responsabilité qui était de s'assurer que le maître de l'ouvrage l'exige.

De même la société 2CZI ne peut, à cet égard, se retrancher derrière l'imprudence de la société Spie Batignolles fondations dès lors qu'un sous-traitant n'a pas l'obligation de susciter son acceptation et l'agrément de ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage.

En revanche, il ne peut être retenu que la société 2CZI aurait commis une faute en ne conseillant pas le maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant s'il s'agissait de l'engager à accepter un dépassement du forfait de plus de 660 000 euros, dépassement imputable à l'imprévision de l'entreprise et du maître d'oeuvre de conception.

Dans le dispositif de ses conclusions, la société 2CZI demande à être garantie des condamnations pouvant être prononcées contre elle par les 'autres parties succombantes', sans qu'elle ne développe dans la partie discussion de ses écritures aucun moyen sur ce point, étant observé que, si elle évoque la faute de la société Entreprise Bordeaux, c'est uniquement comme cause exonératoire de sa propre responsabilité.

2-2-4 Sur la responsabilité du maître de l'ouvrage pour méconnaissance des règles relatives à la sous-traitance

A titre subsidiaire, après avoir rappelé les règles édictées aux articles 3, 14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, et que le maître de l'ouvrage qui a connaissance de la présence sur le chantier du sous-traitant mais qui n'exige pas de l'entrepreneur principal la présentation du sous-traitant à son agrément, peut être condamné à verser au sous-traitant des dommages-intérêts équivalant au juste coût des travaux exécutés, et après avoir exposé que la connaissance par le maître de l'ouvrage de sa présence sur le chantier est avérée, la société Spie Batignolles fondations considère que le maître de l'ouvrage se devait immédiatement, soit le 1er juin 2010, d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il fasse agréer son sous-traitant et accepter ses conditions de paiement, qu'il justifie avoir fourni la caution bancaire en garantie de paiement et que, ne l'ayant pas fait, parce que agréer le sous-traitant revenait à accepter le montant des travaux, le maître de l'ouvrage a engagé sa responsabilité délictuelle, de sorte qu'elle serait bien fondée à lui réclamer des dommages et intérêts équivalents au juste coût des travaux exécutés, ou plus subsidiairement, toutes les sommes versées après le 1er juin 2010 par le maître de l'ouvrage à l'entreprise Bordeaux dès lors que la société Fiferdis a continué à régler des sommes entre les mains de la société Entreprise Bordeaux après l'exercice par la société Spie Batignolles fondation d'une prétendue action directe envers le maître de l'ouvrage exercée en application de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 pour obtenir les sommes que la société Entreprise Bordeaux ne lui payait pas.

La société Fiferdis répond que le sous-traitant non payé par l'entrepreneur principal bénéficie, certes, d'une action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage mais seulement dans la limite de ce qui est dû au titre du contrat principal, en application de l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975, de sorte que son refus de payer directement à la société Spie fondations des sommes non prévues au marché était justifié.

Elle oppose l'absence de lien causal entre la faute alléguée et le préjudice subi en considérant que le simple défaut de mise en demeure de l'entreprise de régulariser son sous-traitant dans un délai suffisant, à le supposer avéré, n'est pas la cause directe du dommage subi par la société Spie fondations alors même que celle-ci a entrepris les travaux sans consentement du maître d'ouvrage pour sortir du forfait, ni même d'avenant chiffré et sans garantie de paiement, au lieu de résilier le marché comme l'y autorisait l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975.

En outre, elle prétend que la formalité de la mise en demeure prévue à l'article 14-1 a été respectée par la lettre du 1er juillet 2020 du cabinet 2CZI, soit postérieurement au chiffrage définitif des travaux par la société Spie Batignolles fondations.

Subsidiairement, elle demande de limiter sa condamnation à la somme correspondant au forfait, déduction à faire de la somme reçue par la société Spie Batignolles fondations de la société Entreprise Bordeaux.

Sur ce,

Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté, ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant.

L'article 14-1 de la même loi oblige, pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics, le maître de l'ouvrage s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant à l'égard duquel l'entrepreneur principal n'a pas satisfait à ses obligations prévues à l'article 3 en ne l'ayant pas fait accepter par lui et agréer ses conditions de paiement, à mettre l'entrepreneur principal en demeure de s'acquitter de ces obligations.

Le maître de l'ouvrage qui ne satisfait pas à cette obligation de mise en demeure de l'entrepreneur commet une faute et doit, dès lors, indemniser le sous-traitant impayé du préjudice subi tenant à l'absence de paiement du prix ou du solde du prix qui aurait pu être payé grâce à l'action directe du sous-traitant.

Dans le cas présent, la société Fiferdis, informée de l'intervention de la société Spie Batignolles fondations à travers les réunions de chantier dès le 1er juin 2010, ce qu'elle ne conteste pas, se devait d'exiger au plus vite la régularisation du sous-traitant, étant précisé que les parties s'accordent pour fixer la date de début des travaux par la société Spie Batignolles fondations au 28 juin 2010.

Or, elle n'a pas mis en demeure la société Entreprise Bordeaux de satisfaire à ces obligations alors qu'elle avait connaissance de l'intervention à venir de la société Spie Batignolles fondations avant même que celle-ci ne débute ses travaux.

Il est prétendu que la lettre datée du 1er juillet 2010 envoyée par la société 2CZI à l'entreprise [Localité 12], quatre jours après le démarrage des travaux, lui demandant de régulariser immédiatement la situation du sous-traitant conformément à la norme NFP 03001 et de lui transmettre les documents manquants, répondrait aux exigences de la loi.

Mais cette lettre simple, qui n'a pas été envoyée par le maître de l'ouvrage sur qui pèse cette obligation, et qui ne comporte qu'une demande de régularisation immédiate sans interpellation suffisante quant au caractère impératif de l'obligation pour l'entrepreneur de proposer au maître de l'ouvrage l'agrément de son sous-traitant, ne vaut pas mise en demeure.

L'article 13 de la même loi dispose, en son 1er alinéa, que l'action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l'ouvrage est effectivement bénéficiaire. Le second alinéa ajoute que les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article 12.

Par voie de conséquence, d'une part, le sous-traitant n'a pas d'action directe contre le maître de l'ouvrage pour des travaux supplémentaires non approuvés par lui et qui ne lui sont pas opposables et, d'autre part, le maître de l'ouvrage n'a pas l'obligation de mettre l'entreprise principale en demeure de s'acquitter de ses obligations au titre de travaux supplémentaires qu'il n'a pas expressément approuvés.

Dans le cas présent, il ressort du rapport d'expertise que les murs de soutènement ont été exécutés par la société Spie Batignolles fondations pour un coût de 1 068 820, 34 euros TTC. Il n'est pas prétendu que la société Entreprise Bordeaux aurait elle-même exécuté une partie des travaux prévus dans le marché.

Il s'ensuit que, dès lors que le marché de travaux était forfaitaire, la société SPIE Fondations ne peut prétendre obtenir du maître de l'ouvrage à titre d'indemnisation du préjudice découlant de ce qu'il n'a pas mis en demeure l'entreprise Bordeaux de la faire accepter comme son sous-traitant, une somme qui excède le cadre forfaitaire du marché principal conclu avec la société Bordeaux, soit 407486,29 euros TTC au titre du lot en cause. Il doit être déduit de cette somme le règlement que la société SPIE Fondations a reconnu avoir perçu de la société Bordeaux d'un montant de 278.996,42 euros TTC sur le prix de ses travaux, de sorte qu'elle est fondée à obtenir la condamnation de la société Fiferdis au paiement de la somme de 128 489,87 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2011, date de la mise en demeure.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1342 du code civil, à compter du 28 mai 2018, date de la demande de capitalisation formée devant le tribunal.

Il s'ensuit que la société 2CZI sera condamnée in solidum avec la société Fiferdis à payer à la société Spie Batignolles fondations la somme de 128 489,87 euros à titre de dommages et intérêts, les fautes des deux ayant concouru au même dommage, à savoir pour la société Spie Batignolles fondations ne pas avoir été présentée au maître de l'ouvrage à son acceptation et agrément au moins à hauteur du prix du marché.

3- Sur la demande de garantie formée par la société Fiferdis

La société Fiferdis demande à être relevée indemne et garantie par les sociétés Brunerie & Irissou Architectes et 2CZI, de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge.

La société Fiferdis ne démontre, relativement à l'absence de mise en demeure de l'entreprise principale, qui lui incombait en vertu de la loi, aucune faute de la part de la société Brunerie Irissou qui n'était pas chargée de la surveillance du chantier. Elle sera donc déboutée de cette demande de garantie à son encontre.

En revanche, la société 2CZI, étant chargée de la surveillance des travaux, avait l'obligation de signaler au maître de l'ouvrage la nécessité de mettre en demeure l'entreprise Bordeaux de s'acquitter des obligations imposées par l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975.

Le fait qu'elle ait elle-même demandé à l'entreprise de régulariser la situation du sous-traitant par lettre du 1er juillet 2010, laquelle n'a été suivie d'effet que le 26 juillet suivant, ne vaut pas exécution du devoir auquel elle était tenue à l'égard du maître de l'ouvrage.

Pour soutenir qu'elle n'a pas pour autant commis de faute à l'égard de la société Fiferdis, elle fait valoir, d'une part, que le maître de l'ouvrage était informé de la présence de la société Spi Batignolles fondations dès que celle-ci est arrivée sur le chantier et, d'autre part, que la date du 1er juin 2010 est indifférente dès lors que la 'mise en demeure' qu'elle a adressée le 1er juillet 2010 à l'entreprise [Localité 12] aux fins d'agrément l'a été quatre jours seulement après le démarrage des travaux par la sous-traitante.

Mais, pour autant, la société 2CZI ne justifie pas avoir attiré l'attention de la société Fiferdis sur l'irrégularité de la situation du sous-traitant et sur la nécessité qu'elle mette immédiatement en demeure l'entreprise principale. Elle a ainsi contribué au fait générateur de responsabilité de la société Fiferdis.

Elle sera donc condamnée à garantir la société Fiferdis de la condamnation prononcée à ce titre à son encontre à hauteur de moitié au regard de l'importance égale des fautes respectivement commises par toutes les deux, la première, la société Fiferdis, n'ayant pas respecté la loi qui lui impose de mettre en demeure l'entreprise principale, la seconde, la société 2CZI, n'ayant pas rappelé à la première cette obligation légale comme le lui imposait le contrat qui les liait.

4- Sur la garantie de la société Gan IARD

La société Gan IARD oppose à la demande de garantie de la société 2CZI son irrecevabilité pour n'avoir été assortie d'aucun moyen de droit dans ses premières conclusions d'appel remises le 20 février 2019, moyen auquel n'a pas répondu la société 2CZI.

Il ressort des premières conclusions remises par la société 2CZI, le 20 février 2019, que si elle a bien sollicité dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement en ce qu'il l'avait déclarée irrecevable en sa demande de garantie contre la société Gan Assurances IARD et a demandé de la déclarer recevable en ses demandes reconventionnelles, elle n'a effectivement invoqué aucun moyen à l'appui de cette prétention.

Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'article 954, exige que les conclusions formulent expressément les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune des prétentions est fondée et dispose dans son alinéa 3 que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions.

Mais, la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la règle de la concentration des prétentions prévue à l'article 910-4 du code de procédure civile aurait dû être soulevée devant le conseiller de la mise en état en vertu des articles 907 et 789 6°, combinés, du même code qui attribuent à ce magistrat compétence exclusive pour en connaître. La société Gan Assurances IARD est donc irrecevable à soulever devant la cour d'appel cette fin de non-recevoir.

La société 2CZI prétend que son action contre son assureur n'est pas prescrite parce que le délai pour agir de deux ans prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances aurait commencé à courir le 8 avril 2016, lorsqu'elle a été assignée en responsabilité et en garantie par la société Fiferdis, en considérant que l'assignation que lui a délivrée, le 22 juillet 2011, la société Entreprise Bordeaux ne dérive pas du contrat d'assurance. Elle ajoute que l'article L. 114-1 du code des assurances ne fait pas obstacle à l'application de l'article 2239 du code civil de sorte que la suspension du délai de l'action en raison d'une expertise est applicable aux actions dérivant d'un contrat d'assurance.

La société Gan IARD répond que le délai de prescription court de l'assignation initiale de la société Entreprise Bordeaux, délivrée le 22 juillet 2011, qui est une action en justice, au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances, faisant courir le délai de prescription contre l'assurée et qu'en application du principe général de l'effet relatif d'une interruption ou d'une suspension de prescription, la société 2CZI, qui n'est pas à l'origine de l'assignation en référé expertise, ne peut bénéficier de l'effet suspensif de cet acte.

Il résulte de l'article L. 114-1 du code des assurances qu'une action dérivant d'un contrat d'assurance est prescrite par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance et du 3ème alinéa de ce texte que 'quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier'.

Une action en référé en vue de la nomination d'un expert est une action en justice au sens de l'article L. 114, alinéa 3, du code des assurances.

La suspension de la prescription, en application de l'article 2239 du code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu'au profit de cette partie.

C'est donc à juste titre que la société Gan assurances IARD fait valoir que le recours du tiers contre l'assuré fait courir le délai biennale de prescription prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances à compter du premier acte délivré à l'assuré, fusse une assignation en référé expertise, de sorte que l'assignation délivrée à la société 2CZI le 22 juillet 2011par l'entreprise [Localité 12] a fait courir le délai de prescription de l'action en garantie de la société 2CZI contre son assureur dérivant du contrat d'assurance et qu'en l'absence d'acte suspensif de prescription dès lors que la société 2CZI n'est pas l'auteur de l'assignation en référé, l'assignation qu'elle a fait délivrer le 3 mars 2017 à l'assureur l'a été au-delà du délai biennal. Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de garantie de la société 2CZI contre la société Gan assurances IARD.

Par ailleurs, si la société Spie Batignolles fondations demande la condamnation de la société Gan assurances IARD in solidum avec les sociétés Fiferdis, 2CZI et Brunerie et Irissou, elle n'a développé aucun moyen à l'appui de cette demande. Il sera rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954, les conclusions doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune des prétentions est fondée. Dès lors, et compte tenu de la prescription soulevée par la société Gan assurances IARD, cette demande est irrecevable.

5- Sur les demandes accessoires

Me Lavallart, ès qualités, qui succombe en son appel, la société Fiferdis et la société 2CZI seront condamnés aux dépens d'appel.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

La société Fiferdis et la société 2CZI seront condamnées in solidum à payer à la société Spie Batignolles la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la société Spie batignolles fondations en première instance et en appel.

La société 2CZI est condamnée à payer à la société Gan assurances IARD la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, par arrêt mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société Gan Assurances IARD tirée de ce que la prétention de la société 2 CZI tendant à l'infirmation du jugement du chef qui a déclaré irrecevable comme prescrite sa demande de garantie contre la société Gan IARD ne figurait pas dans ses premières écritures.

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Spie Batignolles fondations contre la société Fiferdis et contre la société 2CZI au titre du non-respect des règles de la sous-traitance et de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne in solidum la société Fiferdis et la société 2CZI à payer à la société Spie Batignolles fondations la somme de 128 489,87 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2011.

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1342 du code civil, à compter du 28 mai 2018.

Condamne la société 2CZI à garantir la société Fiferdis de la moitié de la condamnation prononcée à ce titre.

Déboute la société Fiferdis de sa demande tendant à être garantie de cette condamnation par la société Brunerie & Irissou ;

Déclare irrecevable la demande de la société Spie Batignolles fondations contre la société Gan Assurances IARD ;

Condamne in solidum la société Fiferdis et la société 2CZI à payer à la société Spie Batignolles la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

Condamne la société 2CZI à payer à la société Gan assurances IARD la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Me Lavallart, ès qualités, les sociétés Fiferdis et 2CZI aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE,

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01769
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;18.01769 ?
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