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20/10/2015 | FRANCE | N°12/016431

France | France, Cour d'appel d'Angers, 03, 20 octobre 2015, 12/016431


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 20 Octobre 2015

ARRÊT N 15/ clm/
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01643.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 28 Juin 2012, enregistrée sous le no F 11/ 00185

APPELANTE :
Madame Brigitte X... épouse Y...... 49400 ST LAMBERT DES LEVEES
représentée par Maître Marc ROUXEL, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :
SELARL PHARMACIE GOMMENDY en redressement judiciaire 25 rue Franklin Roosevelt 49400 SAUMUR


représenté par Maître WALTER, avocat au barreau de TOURS, substitué par Me LEPAGE
Maître Me Odile...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 20 Octobre 2015

ARRÊT N 15/ clm/
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01643.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 28 Juin 2012, enregistrée sous le no F 11/ 00185

APPELANTE :
Madame Brigitte X... épouse Y...... 49400 ST LAMBERT DES LEVEES
représentée par Maître Marc ROUXEL, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :
SELARL PHARMACIE GOMMENDY en redressement judiciaire 25 rue Franklin Roosevelt 49400 SAUMUR
représenté par Maître WALTER, avocat au barreau de TOURS, substitué par Me LEPAGE
Maître Me Odile E..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SELARL PHARMACIE GOMMENDY ... 49002 ANGERS CEDEX 01
représenté par Maître WALTER, avocat au barreau de TOURS, substitué par Me LEPAGE
AGS AGISSANT PAR SON ASSOCIATION GESTIONNAIRE L'UNEDIC CGEA DE RENNES Immeuble le magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
Réprésentée par Me CREN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2015 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 20 Octobre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Mme Brigitte Y... a été recrutée en qualité de préparatrice en pharmacie à compter du 1er août 1993 au sein de l'officine située à Saumur 25 rue Franklin Roosevelt dont Mme Christelle Z... est devenue titulaire le 1er juillet 2007 et qu'elle a alors exploitée via la société Pharmacie Gommendy.
Mme Brigitte Y... n'était pas titulaire du brevet professionnel de préparatrice en pharmacie mais, au regard de la législation applicable lors de son entrée dans la profession, elle bénéficiait d'un certificat d'aptitude professionnelle délivré par la DDASS de Maine et Loire le 3 août 1978 l'autorisant à exercer cet emploi.
À la suite d'une inspection réalisée au sein de la pharmacie le 27 avril 2006, le pharmacien inspecteur de santé publique a fait connaître au prédécesseur de Mme Christelle Z... que, compte tenu de l'évolution de la législation, Mme Brigitte Y... ne remplissait plus les conditions pour tenir la fonction de préparateur en pharmacie et que, pour pouvoir être maintenue dans l'exercice de cette fonction, elle devait engager une procédure de validation des acquis de l'expérience qui lui permettrait d'acquérir a posteriori son brevet professionnel de préparateur en pharmacie.
À la suite d'une nouvelle inspection réalisée le 4 mars 2008, aux termes de son rapport établi le 17 mars suivant, le directeur régional de la DRASS a fait connaître à Mme Christelle Z... que, faute pour Mme Brigitte Y... d'avoir obtenu la validation des acquis de l'expérience, elle ne serait plus autorisée à la seconder dans la dispensation des médicaments aux patients.
Par courrier du 27 mars 2008, la société Pharmacie Gommendy a fait connaître à Mme Brigitte Y... qu'en considération de ce rapport d'inspection, elle envisageait de modifier son contrat de travail pour l'employer non plus en qualité de préparatrice en pharmacie mais d'employée en pharmacie au coefficient 175 et ce, avec maintien de son salaire pour un horaire mensuel de 150, 67 heures. Elle laissait à la salariée un délai d'un mois pour faire connaître son refus ou son acceptation, en lui précisant qu'en cas d'acceptation ou de silence de sa part dans le mois, la modification de son contrat de travail entrerait en vigueur le 1er mai 2008 et qu'en cas de refus de sa part, elle était susceptible d'engager une procédure de licenciement pour motif économique. Elle lui précisait qu'elle pouvait obtenir le brevet professionnel de préparateur en pharmacie en " faisant une validation des acquis et de l'expérience ou en prenant contact avec le FONGECIF " pour passer le diplôme dans les délais définis par l'inspecteur des pharmacies.
Par courrier recommandé du 17 juillet 2008, la société Pharmacie Gommendy a rappelé à Mme Brigitte Y... que les deux rapports d'inspection avaient conclu à l'impossibilité pour elle de continuer à exercer les fonctions de préparatrice en pharmacie faute d'être titulaire du diplôme requis ou de la valorisation des acquis de l'expérience, a souligné qu'elle ne justifiait toujours pas s'être engagée dans une démarche pour obtenir la valorisation des acquis de l'expérience et qu'en l'absence de dérogation, elle demeurait dans une situation irrégulière et elle l'a sommée de lui faire parvenir, avant le 30 août 2008, la preuve écrite de ce qu'elle avait déposé son livret numéro 2 dans le cadre de la procédure de valorisation des acquis de l'expérience auprès du SAVA de Nantes, en concluant : " Si vous deviez à nouveau manquer cette échéance, je serai dans l'obligation d'entamer une procédure de licenciement. ".
Après avoir, par courrier du 25 septembre 2008 emportant mise à pied à titre conservatoire, été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 octobre 2008, par courrier recommandé du 23 octobre 2008, Mme Brigitte Y... s'est vue notifier son licenciement dans les termes suivants :
" Madame, Faisant suite à l'entretien préalable du 14 octobre 2008 au cours duquel vous étiez assistée de M. A..., nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre refus de procéder aux démarches nécessaires vous permettant d'acquérir le diplôme de préparatrice en pharmacie. Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation. Nous vous rappelons les raisons qui nous ont amené à prendre cette décision. Vous exercez la fonction de préparatrice en pharmacie au sein de notre officine depuis de nombreuses années. Lorsque j'ai repris la pharmacie en juillet 2007, j'ai constaté que vous n'étiez pas titulaire du brevet professionnel de préparateur de pharmacie, pourtant indispensable à l'exercice de cette profession. J'ai dès lors tout tenté pour régulariser votre situation. À la suite d'une inspection en date du 27 avril 2006, Monsieur B..., inspecteur des pharmacies, avait alerté mon prédécesseur, Monsieur C..., de votre absence de diplôme. Vous vous étiez alors clairement engagée à régulariser votre situation en validant vos acquis de l'expérience avant le mois de décembre 2007. C'est donc sur la foi de cet engagement et de l'autorisation exceptionnelle et temporaire de la DRASS que j'ai consenti à vous maintenir à votre poste. Or, bien que vous ayez participé à la réunion organisée par le SAVA en appui technique à une démarche de validation des acquis l'expérience, vous n'avez pas effectué les démarches nécessaires à cette validation. Le 4 mars 2008, l'officine a été une nouvelle fois inspectée et Monsieur D..., inspecteur des pharmacies, a de nouveau déploré votre absence de diplôme. Par courrier du 27 mars 2008, je vous ai mise en demeure de procéder à la validation des acquis de l'expérience, sans pour autant provoquer de réaction de votre part. Pendant plusieurs mois, vous vous êtes engagée oralement à procéder aux démarches nécessaires à l'acquisition du diplôme de préparateur en pharmacie. Cependant, vos paroles n'ont jamais été suivies d'effet. Par courrier du 17 juillet 2008, je vous ai mis en demeure de me faire parvenir une preuve écrite attestant de vos démarches de validation de vos acquis, ceci avant le 30 août 2008. Or, à l'heure actuelle, vous n'avez toujours entamé aucune démarche en ce sens. Il apparaît dès lors clairement que vous faites obstacle à la validation de vos acquis. Au cours de votre entretien préalable, vous m'avez clairement exprimé votre refus de procéder aux démarches nécessaires vous permettant d'obtenir le diplôme nécessaire à l'exercice de la profession de préparatrice en pharmacie. Dès lors, je me vois dans l'obligation de procéder à votre licenciement. Votre préavis, d'une durée de deux mois, débutera à la date de la présentation de cette lettre recommandée..... ».
Le 8 juin 2010, Mme Brigitte Y... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure. Une ordonnance de radiation pour défaut de diligences de la partie demanderesse a été rendue le 28 avril 2011. L'affaire a été réinscrite au répertoire général le 29 décembre 2011.
Dans le dernier état de la procédure de première instance, la salariée sollicitait un rappel de salaire pour heures supplémentaires, de voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.
Par jugement du 28 juin 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Saumur a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire prévue par l'article 515 du code de procédure civile :
- donné acte à la société Pharmacie Gommendy de ce qu'elle reconnaissait devoir à Mme Brigitte Y... la somme de 746, 65 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 75, 66 ¿ de congés payés afférents et, à défaut, l'a condamnée au paiement de ces sommes ;- donné acte à la société Pharmacie Gommendy du paiement de la somme de 1373, 64 euros à titre d'indemnité de licenciement ;- condamné la société Pharmacie Gommendy à remettre à Mme Brigitte Y..., dans les 15 jours de la notification du jugement, l'attestation ASSEDIC et le bulletin de salaire du mois d'août 2008 rectifiés, et ce, sous peine d'une astreinte de 15 ¿ par jour de retard ;- débouté Mme Brigitte Y... du surplus de ses prétentions et débouté la société Pharmacie Gommendy de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;- condamné la société Pharmacie Gommendy à payer à Mme Brigitte Y... la somme de 1500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Mme Brigitte Y... a régulièrement relevé appel général de cette décision par lettre recommandée postée le 26 juillet 2012.
La société Pharmacie Gommendy a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 19 septembre 2012. Un plan de cession a été arrêté par décision du 12 décembre 2012. Par jugement du 3 avril 2013, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, Mme Odile E... étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 8 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions dites no 2 enregistrées au greffe le 8 septembre 2015, régulièrement communiquées, reprises et complétées oralement à l'audience aux termes desquelles Mme Brigitte Y... demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la condamnation au paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires outre les congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement ;- de l'infirmer pour le surplus ;- de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Pharmacie Gommendy aux sommes suivantes : ¿ dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 44 872, 80 ¿, ¿ indemnité compensatrice de préavis : 3739, 40 euros outre 373, 94 euros de congés payés afférents, ¿ dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 1000 ¿ ¿ indemnité pour travail dissimulé : 11 218, 20 euros, ¿ indemnité de procédure : 3000 ¿ ;- de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC C. G. E. A de Rennes.- de dire que sa créance sera garantie par l'AGS dans les limites prévues à l'article L. 3253-8 du code du travail et conformément aux plafonds prévus par l'article D. 3253-5 du même code ;- de condamner Mme Odile E... prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pharmacie Gommendy aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'appelante fait valoir en substance que :
s'agissant du licenciement :- son licenciement est de nature disciplinaire étant observé qu'elle a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire ; la faute qui lui est reprochée est d'avoir refusé de valider ses acquis de l'expérience ;- le manquement reproché est prescrit, la mise en demeure du 27 mars 2008 constituant la date à laquelle l'employeur a, au plus tard, eu connaissance du fait fautif et marquant le point de départ du délai de prescription de deux mois ;- il est en outre mal fondé dans la mesure où, tout d'abord, elle n'a jamais refusé de procéder aux démarches VAE, en second lieu, le refus d'un salarié de consentir à une action de validation des acquis de l'expérience ne peut jamais constituer une faute ou un motif de licenciement, enfin, dès lors que son contrat de travail avait été modifié par avenant du 1er août 2008, date depuis laquelle son emploi était devenu celui de " conseillère en pharmacie ", elle n'avait plus à faire valider ses acquis de l'expérience en tant que préparatrice en pharmacie et elle ne pouvait pas être valablement licenciée pour ne pas disposer de ce diplôme ;- contrairement à ce que soutient le liquidateur, l'avenant du 1er août 2008 a bien été signé par les deux parties ; en première instance, la salariée a communiqué ses pièces en original dont l'avenant signé par les deux parties ; après le jugement, le greffe du conseil de prud'hommes lui a indiqué avoir adressé par erreur ses pièces au conseil de son adversaire ; ce dernier a indiqué ne pas les détenir et a renvoyé à son conseil les pièces numérisées ; il est alors apparu que l'avenant numérisé réexpédié (pièce no 3 de sa communication initiale) avait été modifié par suppression de son paraphe en première page et de sa signature en dernière page ; le liquidateur ne peut pas se prévaloir d'un document tronqué et la cour devra prendre en considération le véritable avenant signé par les deux parties ;- la lettre de licenciement fixant les termes du litige, l'employeur ne peut pas soutenir dans le cadre de la présente instance que son licenciement serait motivé par le fait qu'elle aurait exercé les fonctions de préparatrice en pharmacie sans disposer du diplôme nécessaire ;
s'agissant du manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail :- il est caractérisé par : ¿ le paiement tardif des heures supplémentaires intervenu 4 ans après le licenciement sous la pression d'une procédure prud'homale ; ¿ le stratagème par lequel l'employeur s'est séparé d'elle après avoir procédé avec son accord à la modification de son contrat de travail ; ¿ le paiement tardif de l'indemnité légale de licenciement ;
s'agissant du travail dissimulé l'élément intentionnel est caractérisé par :- le fait que, dans le cadre de l'instance prud'homale, l'employeur a, dans un premier temps, nié l'existence d'heures supplémentaires non réglées ;- la durée du défaut de paiement des heures supplémentaires (6 mois) et le nombre d'heures concernées ;- l'absence de décompte du temps de travail au sein de l'entreprise.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 9 mai 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, Mme Odile E... prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pharmacie Gommendy demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure de 1 500 ¿ ;- de débouter Mme Brigitte Y... de ses demandes nouvelles (dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnité pour travail dissimulé et indemnité de procédure).
L'intimée fait valoir en substance que :
s'agissant du licenciement :
- il n'est jamais intervenu pour faute grave mais pour cause réelle et sérieuse ;- Mme Brigitte Y... n'a pas été licenciée parce qu'elle n'avait pas le diplôme de préparatrice en pharmacie mais parce que, en dépit des demandes réitérées de son employeur, elle a refusé de procéder aux démarches nécessaires pour lui permettre d'obtenir ce diplôme par voie de validation de ses acquis, et de se mettre en règle alors qu'elle exerce une profession réglementée et que l'exercice illégal de la profession de préparateur en pharmacie constitue une infraction pénale ;- la Cour de cassation estime justifié par une cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié dès lors qu'il n'est pas titulaire du diplôme exigé pour l'exercice de sa profession ; son licenciement est justifié par son refus de se mettre en règle ;- en conséquence, dès lors que " le refus de Mme Brigitte Y... de valider ses acquis concernait l'exercice d'une profession nécessitant la possession d'un diplôme, son employeur pouvait procéder à son licenciement pour cause réelle et sérieuse " ;- à supposer même que le licenciement ait été prononcé pour faute, celle-ci ne serait pas prescrite dans la mesure où c'est à la date du 30 août 2008 et non à celle du 27 mars 2008 que le refus de la salariée de se mettre en règle s'est trouvé acquis ;- Mme Brigitte Y... n'a jamais accepté la modification de son contrat de travail ; elle n'a jamais signé ni retourné à la société Pharmacie Gommendy l'avenant que son employeur lui a transmis signé de lui ; or l'acceptation de la salariée était indispensable dans la mesure où c'était un nouveau poste qui lui était confié ;
s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis : elle n'est pas due puisque la salariée était en arrêt de travail de sorte qu'elle ne pouvait pas exécuter sans préavis ;
s'agissant du travail dissimulé : l'intention frauduleuse n'est pas caractérisée ;
s'agissant du manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail : une telle faute n'est pas démontrée.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 1er décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC C. G. E. A de Rennes demande à la cour :
- de lui donner acte de son intervention ;- de confirmer le jugement entrepris ;- de débouter Mme Brigitte Y... de ses demandes nouvelles ;- subsidiairement, au cas où une créance serait fixée au profit de cette dernière au passif de la liquidation judiciaire de la société Pharmacie Gommendy, de dire et qu'elle ne la garantira que dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code.
Elle fait valoir en substance que :
- il ressort clairement de la lettre de licenciement que Mme Brigitte Y... a été licenciée en raison de son refus de procéder aux démarches nécessaires à acquérir le diplôme de préparatrice en pharmacie ;- la validation des acquis de l'expérience était exigée pour lui permettre de continuer à occuper le poste de préparatrice en pharmacie ;- la liquidation démontre que Mme Brigitte Y... n'a jamais accepté la modification de son contrat de travail par modification de son emploi ;- le licenciement est donc fondé ;- le rappel de salaire dû pour heures supplémentaires a été réglé et la demande formée au titre du travail dissimulé doit être rejetée dans la mesure où l'élément intentionnel n'est pas caractérisé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
1o) Sur le licenciement :
Il résulte de la lettre de licenciement que la motivation du licenciement de Mme Brigitte Y... tient dans les phrases suivantes :
"... nous avons décidé de vous licencier en raison de votre refus de procéder aux démarches nécessaires vous permettant d'acquérir le diplôme de préparatrice en pharmacie.... Vous vous étiez alors clairement engagée à régulariser votre situation en validant vos acquis de l'expérience avant le mois de décembre 2007. C'est donc sur la foi de cet engagement et de l'autorisation exceptionnelle et temporaire de la DRASS que j'ai consenti à vous maintenir à votre poste. Or, bien que vous ayez participé à la réunion organisée par le SAVA en appui technique à une démarche de validation des acquis l'expérience, vous n'avez pas effectué les démarches nécessaires à cette validation.... Par courrier du 27 mars 2008, je vous ai mise en demeure de procéder à la validation des acquis de l'expérience, sans pour autant provoquer de réaction de votre part. Pendant plusieurs mois, vous vous êtes engagée oralement à procéder aux démarches nécessaires à l'acquisition du diplôme de préparateur en pharmacie. Cependant, vos paroles n'ont jamais été suivies d'effet. Par courrier du 17 juillet 2008, je vous ai mis en demeure de me faire parvenir une preuve écrite attestant de vos démarches de validation de vos acquis, ceci avant le 30 août 2008. Or, à l'heure actuelle, vous n'avez toujours entamé aucune démarche en ce sens. Il apparaît dès lors clairement que vous faites obstacle à la validation de vos acquis. Au cours de votre entretien préalable, vous m'avez clairement exprimé votre refus de procéder aux démarches nécessaires vous permettant d'obtenir le diplôme nécessaire à l'exercice de la profession de préparatrice en pharmacie. Dès lors, je me vois dans l'obligation de procéder à votre licenciement.... ".
Il en ressort que le licenciement est motivé, non pas par le défaut de détention du brevet professionnel de préparateur en pharmacie, mais par le refus de la salariée de procéder aux démarches nécessaires à l'acquisition de ce diplôme indispensable à l'exercice de la profession réglementée concernée en ne mettant pas en oeuvre le processus de validation de ses acquis de l'expérience et même en y faisant obstacle.
La lettre de licenciement fixant les termes du litige, il est inopérant de la part du liquidateur de tenter de soutenir dans le cadre de l'instance prud'homale, au demeurant de façon confuse, que l'employeur était fondé à prononcer le licenciement de Mme Brigitte Y... au motif qu'elle n'était pas titulaire du diplôme exigé pour l'exercice de la profession de préparatrice en pharmacie.
Le prononcé d'une mise à pied à titre conservatoire n'implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire.
En l'espèce, le reproche adressé à la salariée de refuser de procéder aux démarches nécessaires à l'obtention du diplôme de préparateur en pharmacie en faisant obstacle à la validation de ses acquis de l'expérience constitue un motif disciplinaire. L'employeur a donc motivé le licenciement par une cause réelle et sérieuse tenant à une faute simple et non à une faute grave, étant observé que la salariée n'a pas été dispensée d'exécuter son préavis.
Contrairement à ce qu'indique la salariée, le courrier que la société Pharmacie Gommendy lui a adressé le 27 mars 2008 ne contient aucune mise en demeure d'avoir à procéder ou à justifier des démarches nécessaires à l'acquisition du diplôme de préparatrice en pharmacie, notamment de démarches aux fins de validation de ses acquis de l'expérience. Ce courrier ne peut donc pas marquer le point de départ du délai de prescription de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail. Aux termes du courrier adressé à la salariée le 17 juillet 2008, l'employeur l'a sommée de lui faire parvenir, avant le 30 août 2008, la preuve écrite du dépôt de son livret no 2 de la procédure de validation des acquis de l'expérience auprès du SAVA de Nantes. Il n'est pas discuté que ce justificatif ne lui a pas été adressé. C'est donc à la date du 30 août 2008 que la société Pharmacie Gommendy a eu connaissance du défaut de réalisation, par la salariée, de la démarche requise et c'est cette date qui marque le point de départ du délai de prescription de deux mois. La lettre de convocation à l'entretien préalable ayant été adressée le 25 septembre 2008, la procédure de licenciement a bien été engagée avant l'expiration de ce délai. Ce moyen de prescription n'est pas fondé.
Aux termes de l'article L. 6421-2 du code du travail, " Le refus d'un salarié de consentir à une action de validation des acquis de l'expérience ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. ".
La loi considérant que le refus d'un salarié de consentir à une action de validation des acquis de l'expérience ne peut pas constituer une faute ni un motif de licenciement, par voie d'infirmation du jugement déféré, le licenciement de Mme Brigitte Y... ne peut qu'être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme Brigitte Y... qui n'a pas été dispensée d'exécuter son préavis, a été placée en arrêt de travail du 30 septembre 2008 au 16 novembre 2010 pour état dépressif. Elle se trouvait donc dans l'impossibilité d'exécuter son préavis en raison de la suspension de son contrat de travail mais non pas pour avoir été licenciée à tort sans préavis motif pris d'une faute grave. S'étant trouvée dans l'impossibilité d'exécuter son préavis en raison de la suspension de son contrat de travail, elle ne peut pas prétendre à une indemnité compensatrice de préavis. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de prétention.
Mme Brigitte Y... comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement moins de onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article 1235-5 du code du travail aux termes duquel, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi. En considération de sa situation particulière, notamment, de son âge (57 ans) et de son ancienneté (15 ans et presque 3 mois) au moment de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation et des circonstances du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer le préjudice résultant pour elle du licenciement injustifié à la somme de 38 000 ¿.

2o) Sur la demande de dommages et intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat de travail :
Lors de la saisine du conseil de prud'hommes, Mme Brigitte Y... n'a pas invoqué de créance de salaire pour heures supplémentaires. Elle ne l'a fait qu'à la faveur d'écritures déposées en février 2011. En avril 2011, l'affaire a été radiée pour défaut de diligences de sa part. Lors des débats de premières instance, l'employeur a reconnu devoir la somme revendiquée et il l'a réglée. Le faible nombre d'heures supplémentaires omises (45, 5 heures supplémentaires) sur une durée de plus de six mois et la circonstance que l'employeur ait payé l'indemnité légale de licenciement en cours de procédure ne permettent pas de caractériser de sa part une attitude déloyale dans l'exécution du contrat de travail ouvrant droit à réparation d'un préjudice indemnisable étant observé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement, lequel est réparé par les intérêts de retard. Enfin, la salariée ne démontrant pas avoir retourné à la société Pharmacie Gommendy l'exemplaire signé de sa part de l'avenant qui lui a été soumis le 31 août 2008, elle est mal fondée à soutenir que l'employeur a fait preuve de déloyauté en lui notifiant son licenciement alors qu'elle avait accepté un poste ne nécessitant pas de détenir le diplôme de préparatrice en pharmacie.
Mme Brigitte Y... sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat de travail.

3o) Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé :
La somme de 746, 65 ¿ outre les 74, 66 ¿ de congés payés afférents ont été réglés à Mme Brigitte Y... en exécution du jugement déféré et il n'y a plus de discussion sur ce point en cause d'appel. Le jugement sera donc confirmé en ses dispositions relatives aux heures supplémentaires.
L'article L. 8223-1 du code du travail, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l'employeur au travail dissimulé, dispose qu'" en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ". La dissimulation d'emploi salarié prévue par ce texte n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Au cas d'espèce, compte tenu du faible nombre d'heures supplémentaires omises (45, 5 heures supplémentaires) sur une durée de plus de six mois et du montant modique de la créance, l'élément intentionnel n'est pas caractérisé. Mme Brigitte Y... sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

4o) Sur la garantie de l'AGS :
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS intervenant par le C. G. E. A de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme Brigitte Y... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.

PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Infirme le jugement entrepris seulement en ce qu'il a débouté Mme Brigitte Y... de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;
Le confirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant ;
Déclare le licenciement de Mme Brigitte Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Fixe sa créance indemnitaire pour licenciement injustifié au passif de la liquidation judiciaire de la société Pharmacie Gommendy à la somme de 38 000 ¿ ;
Déboute Mme Brigitte Y... de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat de travail ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS intervenant par le C. G. E. A de Rennes et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme Brigitte Y... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Condamne Mme Odile E... prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pharmacie Gommendy à payer à Mme Brigitte Y... la somme de 1 500 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel et la condamne aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 12/016431
Date de la décision : 20/10/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-10-20;12.016431 ?
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