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13/10/2015 | FRANCE | N°13/002217

France | France, Cour d'appel d'Angers, 13 octobre 2015, 13/002217


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale


ARRÊT DU 13 Octobre 2015


ARRÊT N
clm/ jc


Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00862.


Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 28 Février 2013, enregistrée sous le no F 12/ 01345










APPELANTE :


Madame Sylvie X...


...

49440 FREIGNE


représentée par Maître POILANE, avocat substituant Maître Jean pierre BOUGNOUX, avocat au barre

au d'ANGERS






INTIMEE :


L'ETABLISSEMENT PUBLIC LOCAL D'ENSEIGNEMENT LYCEE DAVID D'ANGERS
1 rue Paul Langevin
49100 ANGERS


représenté par Maître WEBER, avocat s...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT DU 13 Octobre 2015

ARRÊT N
clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00862.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 28 Février 2013, enregistrée sous le no F 12/ 01345

APPELANTE :

Madame Sylvie X...

...

49440 FREIGNE

représentée par Maître POILANE, avocat substituant Maître Jean pierre BOUGNOUX, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

L'ETABLISSEMENT PUBLIC LOCAL D'ENSEIGNEMENT LYCEE DAVID D'ANGERS
1 rue Paul Langevin
49100 ANGERS

représenté par Maître WEBER, avocat substituant Maître Vincent CHUPIN, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT :
prononcé le 13 Octobre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme Sylvie X... a été embauchée par l'établissement public local d'enseignement " Lycée David d'Angers " (ci-après : l'EPLE Lycée David d'Angers), en tant qu'employée de vie scolaire, aux termes des contrats de travail aidés suivants, tous à durée déterminée et à temps partiel, assortis d'une convention individuelle tripartite conclue entre l'employeur, la salariée et Pôle emploi :

¿ contrat d'avenir (CAV) signé pour la période du 1er septembre 2009 au 30 juin 2010 (10 mois),
¿ contrat unique d'insertion (CUI-CAE), signé le 29 juin 2010 pour une durée de 12 mois, du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011,
¿ deuxième CUI-CAE signé le 17 juin 2011 pour une durée de 12 mois, du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012,
¿ troisième CUI-CAE conclu pour la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 (12 mois) ;
montant du salaire brut mensuel dans le dernier état de la relation de travail : 1 061, 63 ¿.

Le 15 octobre 2012, se prévalant d'un manquement de l'employeur à son obligation de formation inhérente aux contrats d'avenir (CAV) et/ ou aux contrats uniques d'insertion-contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) conclus entre eux et l'EPLE Lycée David d'Angers, Mme Sylvie X... et 31 autres salariés ont saisi le conseil de prud'hommes d'Angers auquel, dans le dernier état des prétentions, chacun demandait :
- de condamner l'EPLE Lycée David d'Angers au paiement de la somme de 10 000 ¿ de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation ;
- de requalifier les contrats de travail aidés en contrat de travail à durée indéterminée avec paiement d'une indemnité de requalification ;
- de juger que la rupture devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, sans préjudice d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 28 février 2013 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a ordonné la jonction des 32 instances dont il était saisi et, s'agissant de l'intimée, il l'a déboutée de toutes ses prétentions au motif que son contrat de travail à durée déterminée aidé était en cours jusqu'au 30 juin 2013.

Mme Sylvie X... a régulièrement relevé appel de ce jugement par lettre recommandée postée le 25 mars 2013.
Cette instance a été enregistrée au greffe de la cour sous le numéro de répertoire général 13/ 00862.

L'EPLE Lycée David d'Angers a régulièrement relevé appel de ce jugement en dirigeant son appel contre Mme Sylvie X... et les 31 autres salariés. Cette instance a été enregistrée au répertoire général sous le no 13/ 00892.

Par ordonnance du 12 août 2013, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a ordonné la disjonction de cette instance en autant d'instances que de salariés concernés par le recours introduit par l'employeur.

L'instance d'appel opposant l'EPLE Lycée David d'Angers à Mme Sylvie X... a été enregistrée sous le numéro de RG 13/ 002217.

Par ordonnance du 10 mars 2015, le conseiller chargé d'instruire les affaires a ordonné la jonction de l'affaire enrôlée sous le numéro de RG 13/ 02217 avec celle enregistrée sous le numéro de RG 13/ 00862 seule subsistante.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 16 juin 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;

Vu les conclusions dites " No 2 " enregistrées au greffe le 29 mai 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles Mme Sylvie X... demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de condamner l'EPLE Lycée David d'Angers à lui payer la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de formation ;
- de prononcer la requalification de la relation contractuelle ayant existé entre eux et, par voie de conséquence, de condamner l'EPLE Lycée David d'Angers à lui payer les sommes suivantes :
¿ 1 061, 63 ¿ à titre d'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail,
¿ 3 184, 89 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 318, 49 ¿ de congés payés afférents,
¿ 867 ¿ d'indemnité légale de licenciement,
¿ 6 369, 78 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
¿ 1 200 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- de condamner l'EPLE Lycée David d'Angers aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La salariée fait valoir en substance que :

sur la compétence du juge judiciaire :

- toutes ses demandes relèvent bien de la compétence du juge judiciaire en ce qu'elles ne remettent nullement en cause la légalité des conventions tripartites conclues, mais que le litige soumis à la cour a exclusivement trait à la relation contractuelle de droit privé qui la lie à l'EPLE Lycée David d'Angers et à l'exécution des contrats de travail conclus entre eux, plus précisément au défaut de mise en oeuvre par ce dernier de son obligation de formation pendant l'exécution des contrats ;

à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation spécifique de formation :

- le régime légal des contrats d'avenir et des CUI-CAE fait peser sur les employeurs, parmi lesquels les établissements publics, tel l'EPLE Lycée David d'Angers, une obligation de formation renforcée et d'accompagnement professionnel qui est la contrepartie directe des aides publiques, des exonérations de charges et du régime dérogatoire au droit commun du travail dont l'employeur bénéficie cumulativement dans le cadre de ce dispositif d'emploi ;
- en dépit du fait qu'il dispose en interne, mais aussi dans le cadre du GRETA GIP FCIP (Formation continue et insertion professionnelle) de l'académie de Nantes de toutes les compétences et moyens pour assurer au mieux ces formations, l'EPLE Lycée David d'Angers n'a pas rempli cette obligation de formation renforcée mais s'est contenté de satisfaire ses propres besoins en personnels auxiliaires sans se soucier de sa formation et de sa réinsertion en lui fournissant, non pas une formation mais " une information " via des conférences sur le handicap ; cette information a été mise en oeuvre dans le seul intérêt de l'employeur qui l'affectait à la prise en charge d'élèves en situation de handicap ;
- ces conférences ne peuvent pas être valorisées dans le cadre d'une future recherche d'emploi ;
- l'adaptation au poste qui, en application de l'article L. 6321-1 du code du travail, incombe à tout employeur, ne répond pas à l'obligation spécifique et renforcée de formation attachée aux contrats aidés ;
- indépendamment de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et des conséquences pécuniaires en résultant au titre de la requalification, elle est fondée à obtenir des dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de formation dans la mesure où la formation, finalité du contrat aidé et condition d'existence de ce contrat, a été totalement occultée ; ce manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail est pour elle à l'origine d'un préjudice nécessaire et distinct qui n'est pas réparé par l'indemnité de requalification, laquelle a seulement pour objet de sanctionner l'employeur pour le non-respect des règles spécifiques à la conclusion et à l'établissement du contrat de travail à durée déterminée qu'est le contrat aidé et non de réparer le préjudice né du manquement à l'obligation de formation et d'accompagnement dans l'emploi ;
- le préjudice spécifique résultant pour elle du manquement de l'employeur à son obligation de formation est caractérisé, notamment, par le fait que, dépourvue de formation, elle est demeurée dans une situation d'emploi très précaire ;

sur la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée :

- elle est bien fondée à poursuivre la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée au motif que l'EPLE Lycée David d'Angers a failli à son égard à son obligation de formation alors qu'il s'agit d'une condition essentielle, d'existence même du CAV et du CUI-CAE à défaut de quoi, il doit être requalifié en CDI ;

sur l'indemnité compensatrice de préavis :

- dans la mesure où elle est reconnue travailleur handicapé, en application des dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail, elle a droit à un indemnité compensatrice de préavis doublée sans que cette indemnité puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée du préavis ; dès lors qu'elle comptait 46 mois d'ancienneté, elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire ;

au sujet de l'indemnité allouée pour rupture injustifiée de son contrat de travail :

- elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans la mesure où, les exclusions prévues par l'article L. 1111-3 du code du travail étant d'interprétation stricte, elle-même et tous les autres salariés dont les contrats aidés sont requalifiés en CDI doivent être inclus dans l'effectif visé par l'article L. 1235-5 du code du travail, étant précisé que cet effectif s'entend du nombre de salariés " habituellement employés " dans l'entreprise et non de l'effectif au jour précis de la rupture du contrat de travail.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 11 juin 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles l'EPLE Lycée David d'Angers demande à la cour :

- de débouter Mme Sylvie X... de son appel et de toutes ses prétentions ;
- de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme Sylvie X... à lui payer la somme de 700 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

L'employeur fait valoir en substance que :

sur le prétendu manquement à l'obligation de formation :

- c'est la convention tripartite signée entre l'employeur, le salarié et l'Etat ou le Conseil général, qui détermine et définit les modalités de la formation, les actions de formation et l'étendue de la formation auxquelles s'engage l'employeur ;
- les questions relatives au contenu et à la légalité de la convention tripartite relevant de la compétence du juge administratif, tandis que relèvent de celle du juge judiciaire les seuls litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance des contrats d'avenir (CAV) et des contrats uniques d'insertion-contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE), qualifiés de contrats de droit privé, dès lors que le salarié ne remet en cause ni le contenu ni la légalité de la convention tripartite qui le concerne, le juge judiciaire doit la prendre telle qu'elle se présente et se contenter d'apprécier si la formation dispensée correspond à celle convenue aux termes de la convention, l'employeur étant obligé dans les seules limites de la formation ainsi définie ;
- nonobstant le fait que la loi prévoie la possibilité d'autres modalités de formation, notamment en externe et de façon programmée, la simple formation en interne par adaptation du salarié à son poste constitue l'une des modalités de formation prévues par la loi et elle répond aux exigences de celle-ci ; il s'ensuit que, dès lors que l'employeur a satisfait aux actions et modalités de formation convenues aux termes de la convention tripartite qui constitue le strict cadre de la définition de ses obligations en la matière, ce qui est le cas en l'espèce puisqu'il a dispensé à la salariée la formation définie aux termes de chaque convention tripartite la concernant, à savoir, une simple adaptation au poste en interne qu'en première instance, elle a reconnu avoir obtenu, qui lui a permis d'acquérir et de développer de nouvelles compétences, aucun manquement à son obligation de formation ne peut lui être reproché ; qu'en l'occurrence, il a même excédé ses obligations en permettant à la salariée de suivre des formations en externe ;

sur les demandes formées au titre de la rupture du contrat de travail :

- outre qu'il faut tenir compte de son ancienneté, la salariée ne peut pas prétendre à l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail selon lesquelles le montant de l'indemnité pour licenciement injustifié ne peut pas être inférieur à six mois de salaire dans la mesure où l'effectif était inférieur à 11 salariés ; en effet, dès lors que ni les fonctionnaires, ni les agents contractuels, ni les salariés en contrat aidé de droit privé nonobstant la requalification des contrats de ces derniers en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun ne doivent être comptabilisés pour déterminer l'effectif au sens de l'article L. 1235-5 du code du travail, et dès lors qu'il n'y avait pas d'autres salariés de droit privé qui auraient pu entrer dans le calcul de l'effectif, celui-ci était bien inférieur à 11 salariés ;
- la salariée qui ne justifie pas de sa situation actuelle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable lié à la perte de son emploi ;

sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation :

- la requalification d'un contrat aidé qui comporte une obligation particulière de formation en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun implique de facto la disparition rétroactive de ce contrat qui est réputé n'avoir jamais existé ;
- dès lors que la salariée se place sur le terrain de la requalification du contrat aidé en contrat de travail à durée indéterminée, elle ne peut pas invoquer un manquement de l'employeur à son obligation spécifique de formation ;
- il ne peut pas y avoir deux sanctions ; or, ce manquement a déjà été réparé par la requalification du contrat aidé en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun et l'allocation d'une indemnité de requalification ;
- en outre, la salariée ne rapporte la preuve ni d'un manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat aidé, ni d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité de requalification.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I) Sur la compétence du juge judiciaire :

En cause d'appel, l'EPLE Lycée David d'Angers ne discute ni la possibilité pour la salariée de solliciter la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, ni la compétence du juge judiciaire pour connaître de cette demande faisant partie de celles nées de la conclusion, de l'exécution et de la rupture ou de l'échéance de contrats de travail de droit privé à durée déterminée que sont les contrats de travail aidés et ce, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif. Il incombe donc bien à ce titre au juge judiciaire de se prononcer sur une demande de requalification d'un tel contrat conclu avec une personne publique, laquelle requalification ouvre alors droit, le cas échéant, à la réparation du préjudice subi par le salarié du fait de la rupture du contrat de travail sans toutefois que celui-ci puisse prétendre avoir droit, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, à sa réintégration dans l'entreprise, prétention que n'élève d'ailleurs pas la salariée.

II) Sur la requalification des contrats d'avenir et CUI-CAE litigieux en CDI :

Aux termes de l'article L. 5134-35 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, le contrat d'avenir avait pour " objet " de faciliter l'insertion sociale et professionnelle de personnes bénéficiaires d'allocations de solidarité. En vertu de l'article L. 5134-41 du code du travail alors applicable, il s'agissait d'un contrat de droit privé à durée déterminée conclu en application de l'article L. 1242-3 du code du travail (contrats dits " aidés ") qui s'adressait au secteur non marchand.

Le contrat d'avenir a été abrogé par la loi no 2008-1249 du 1er décembre 2008 et ce, à compter du 1er janvier 2010, après la parution du décret d'application du 25 novembre 2009. Généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, cette loi a institué, à compter du 1er janvier 2010, le contrat unique d'insertion (CUI), lequel prend la forme du contrat initiative-emploi (CIE) pour le secteur marchand et du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) pour le secteur non marchand.

Aux termes de l'article L. 5134-20 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2008-1249 du 1er décembre 2008, le CUI-CAE a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d'accès à l'emploi. Il s'agit d'un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée conclu en application de l'article L. 1242-3 du code du travail, soit à durée indéterminée, et il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits (article L. 5134-24 du code du travail).

La conclusion de tout contrat d'avenir était subordonnée à la signature, entre le bénéficiaire, l'employeur et l'autorité administrative d'une convention individuelle devant définir " le projet professionnel proposé " au bénéficiaire et fixer " notamment les conditions d'accompagnement dans l'emploi " ainsi que " les actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience mises en oeuvre à son profit " (article L. 5134-39 alinéa 2 et L. 5134-40 du code du travail alors applicables).
L'article L. 5134-47 du code du travail alors applicable disposait que le contrat d'avenir devait lui-même prévoir, au profit de son titulaire, des actions de formation et d'accompagnement pouvant être menées pendant ou en dehors du temps de travail, qu'un référent chargé d'assurer le suivi du parcours d'insertion professionnelle du bénéficiaire du CAV était désigné au stade de la convention individuelle (articles R. 5134-55 du code du travail alors applicable) tandis qu'une annexe à la convention individuelle devait préciser " les objectifs, le programme et les modalités d'organisation et d'évaluation des actions d'accompagnement et de formation " ainsi que les modalités d'intervention du référent (article R. 5134-50 du code du travail alors applicable).

De même, la conclusion d'un CUI-CAE doit s'inscrire dans le cadre d'une convention conclue entre l'employeur, le bénéficiaire, l'Etat ou le Conseil général (articles L. 5134-19-1 et L. 5134-21 du code du travail), laquelle convention " fixe les modalités d'orientation et d'accompagnement professionnel de la personne sans emploi et prévoit des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation de son projet professionnel " (article L. 5134-22 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce) et désigne un référent chargé d'assurer le suivi du parcours d'insertion professionnelle du bénéficiaire du contrat.

Enfin, les deux régimes instaurent au bénéfice de l'employeur une aide financière et des exonérations de charges sociales qui ont pour contrepartie essentielle les engagements pris par ce dernier en termes d'accompagnement professionnel et d'actions de formation en faveur du bénéficiaire du contrat aidé, avec pour finalité une insertion sociale et professionnelle durable.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dans le cadre des contrats de travail aidés que sont le contrat d'avenir et le contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi, même lorsque le législateur n'a pas prévu que les contrats de travail doivent mentionner les actions de formation, c'est sur l'employeur que pèse l'obligation de formation due au salarié bénéficiaire d'un tel contrat, c'est à lui qu'il incombe de mettre en oeuvre les actions de formation et d'accompagnement professionnel, ce que le Lycée Polyvalent Le Mans Sud ne conteste d'ailleurs pas, et cette obligation de formation constitue un élément essentiel de ces contrats de travail aidés.

Contrairement aux exigences légales, le CAV conclu au titre de la période du 1er septembre 2009 au 30 juin 2010 entre l'EPLE Lycée David d'Angers et la salariée ne mentionne aucune action ni aucun dispositif de formation ou d'accompagnement professionnel mais comporte seulement un article 11 intitulé " Formation " qui se borne à indiquer que la salariée s'engage à suivre des actions d'accompagnement et de formation, y compris hors temps de travail, dans la limite de la durée légale du travail.

Contrairement à ce que soutient l'EPLE Lycée David d'Angers, son engagement ne s'est pas limité à l'adaptation au poste de travail.
En effet, il ressort des conventions individuelles versées aux débats que la formation convenue et à laquelle l'employeur s'est personnellement engagé consistait, d'une part, au titre des actions d'accompagnement professionnel : en " une remobilisation vers l'emploi ", " une évaluation des capacités et des compétences ", d'autre part, au titre des actions de formation en " une adaptation au poste de travail en interne ", " une remise à niveau " et en " l'acquisition de nouvelles compétences ", ces actions s'inscrivant dans le cadre de la procédure de validation des acquis de l'expérience.

L'employeur, qui ne produit aucune pièce pour tenter de justifier des actions de formation et d'accompagnement dans l'emploi mises en oeuvre au profit de la salariée, procède par voie d'affirmation pour assurer qu'il a satisfait à la formation dite " adaptation au poste " sans fournir à cet égard aucune explication concrète ni aucun justificatif, notamment aucune attestation d'expérience professionnelle délivrée à la salariée à l'issue de la relation de travail et qui mentionnerait les tâches et activités réalisées par cette dernière dans le cadre de l'emploi occupé et les actions concrètement mises en oeuvre pour assurer son adaptation au poste.
Alors que des actions de remise à niveau et d'acquisitions de nouvelles compétences avaient été mises à la charge de l'employeur en faveur de Mme Sylvie X..., il n'est pas justifié de leur mise en oeuvre.
De même, alors que l'employeur s'est engagé à trois reprises à procéder à une " évaluation des capacités et des compétences " de la bénéficiaire du contrat aidé, il apparaît que cette action d'accompagnement professionnel n'a pas été engagée.

En l'absence de justificatif de la réalisation et du contenu concret de l'action de formation liée à l'adaptation au poste d'employé de vie scolaire occupé par la salariée pendant près de quatre années, en l'absence de justificatif de la réalisation d'une évaluation de ses capacités et compétences, d'actions de remobilisation vers l'emploi, de remise à niveau, d'actions destinées à lui permettre d'acquérir de nouvelles compétences, il apparaît que l'EPLE Lycée David d'Angers a failli à l'égard de Mme Sylvie X... à l'obligation de formation et d'accompagnement dans l'emploi qui pesait sur lui et à laquelle il s'était engagé en contrepartie des aides financières et exonérations de charges accordées.

Il résulte des dispositions alors applicables au contrat d'avenir, notamment des articles L. 5134-35, L. 5134-40 et L. 5134-47 du code du travail, et des articles L. 1242-3 et L. 1245-1 du code du travail que l'obligation pour l'employeur d'assurer des actions de formation, d'accompagnement dans l'emploi ou de validation des acquis de l'expérience destinées à faciliter l'insertion sociale et professionnelle du salarié constitue une condition d'existence du contrat d'avenir à défaut de laquelle, il doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.
De même, il résulte des dispositions applicables au CUI-CAE, notamment des articles L. 5134-20, L. 5134-21-1 et L. 5134-22 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi no 2008-1249 du 1er décembre 2008, et des articles L. 1242-3 et L. 1245-1 du code du travail que l'obligation pour l'employeur d'assurer des actions de formation professionnelle et d'accompagnement professionnel visant à l'insertion durable du salarié, ainsi que des actions de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation de son projet professionnel constitue une condition d'existence du contrat d'accompagnement dans l'emploi à défaut de laquelle, il doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.

Mme Sylvie X... est bien fondée en sa demande de requalification en ce que l'EPLE Lycée David d'Angers a failli à son égard à l'obligation de formation et d'accompagnement vers l'emploi qui pesait sur lui et à laquelle il s'était engagé à son égard.

Par voie d'infirmation du jugement entrepris, il convient donc de prononcer la requalification du contrat de travail aidé à durée déterminée non daté conclu entre les parties pour la période du 1er septembre 2009 au 30 juin 2010 en contrat de travail à durée indéterminée et d'allouer consécutivement à la salariée, à titre d'indemnité de requalification en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, la somme de 1 061, 63 ¿ dont le montant, non discuté, n'est pas inférieur à un mois de salaire.

III) Sur la rupture de la relation de travail et ses conséquences pécuniaires :

La salariée pouvant, du fait de la requalification de son contrat de travail aidé initial, revendiquer le bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le début des relations contractuelles, soit depuis le 1er septembre 2009, la rupture survenue à l'issue du dernier contrat à durée déterminée est nécessairement intervenue au mépris des règles de forme et de fond du licenciement, notamment, sans énonciation d'un motif de licenciement.

Cette rupture doit donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit pour la salariée au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'une indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.

Mme Sylvie X... étant reconnue travailleur handicapé depuis le 22 juillet 2009 et jusqu'au 31 janvier 2019, elle a droit, en application de l'article L. 5213-9 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis majorée équivalente en l'occurrence à trois mois de salaire puisqu'elle comptait une ancienneté de 46 mois. L'EPLE Lycée David d'Angers sera condamné à lui payer de ce chef la somme non discutée de 3184, 89 ¿ outre 318, 49 ¿ de congés payés afférents.

Compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération, Mme Sylvie X... a droit à une indemnité légale de licenciement d'un montant, non discuté, de 867 ¿ que l'employeur sera condamné à lui payer.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, lorsque le salarié compte au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, l'indemnité à la charge de l'employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au cas d'espèce, Mme Sylvie X... comptait plus de deux ans d'ancienneté au moment de la rupture de son contrat de travail puisqu'elle a été employée par l'EPLE Lycée David d'Angers du 1er septembre 2009 au 30 juin 2013.

S'agissant de la condition relative à l'effectif, du fait des requalifications prononcées par le jugement entrepris à l'égard de 31 salariés et confirmées par arrêts de ce jour de la présente cour, requalifications auxquelles s'ajoutent aujourd'hui celle prononcée à l'égard de Mme Sylvie X..., chacun de ces salariés est réputé avoir bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun depuis le début des relations contractuelles. L'EPLE Lycée David d'Angers n'est donc pas fondé à invoquer l'exclusion prévue par l'article L. 1111-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce.
Alors qu'il appartient à l'employeur de justifier de l'effectif et de démontrer qu'il réunit les conditions légales pour être dispensé du remboursement des indemnités de chômage payées au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, l'EPLE Lycée David d'Angers ne produit aucune pièce à cet égard. Et il ne conteste pas, qu'en tenant compte des 32 salariés dont les contrats de travail aidés ont été ainsi requalifiés en contrats de travail à durée indéterminée de droit commun, il employait bien au moins onze salariés au 31 décembre précédant la rupture litigieuse de sorte que c'est un tel effectif qui doit être pris en considération pour apprécier les droits de Mme Sylvie X... au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme Sylvie X... peut donc prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.

En considération de la situation particulière de la salariée, notamment de son âge, de son ancienneté, de sa formation et de ses capacités à retrouver un nouvel emploi, étant observé que l'appelante justifie de ce qu'en juillet et août 2013, elle s'est trouvée au chômage et a perçu l'allocation de retour à l'emploi, puis qu'à compter du mois de septembre 2013, elle n'a eu que des emplois d'assistante d'éducation à temps partiel lui procurant un revenu mensuel de l'ordre de 640 ¿, il convient de lui allouer la somme de 6 369, 78 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'EPLE Lycée David d'Angers à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme Sylvie X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.

III) Sur la demande de dommages et intérêts distincts pour violation par l'employeur de son obligation de formation :

La requalification des contrats de travail à durée déterminée aidés en contrat de travail à durée indéterminée n'a pas pour effet de faire disparaître l'obligation essentielle de formation attachée à ces contrats aidés, pas plus qu'elle n'a pour effet de faire disparaître le manquement de l'employeur à cette obligation.

Alors qu'il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a satisfait à son obligation essentielle de formation et d'accompagnement professionnel attachée aux contrats de travail aidés litigieux, l'EPLE Lycée David d'Angers ne produit aucune pièce pour tenter de justifier d'une quelconque formation dispensée à la salariée ou mesure d'accompagnement professionnel mise en oeuvre à son profit.

Il a donc manqué à l'égard de Mme Sylvie X... à son obligation essentielle de formation et d'accompagnement professionnel. Ce faisant, il a privé la salariée du bénéfice de la mise en oeuvre concrète à son profit des actions de formation et d'accompagnement dans l'emploi auxquelles il était obligé à son égard, qu'elle était en droit d'attendre et qui, compte tenu, notamment, de la durée importante de la relation de travail, étaient de nature à favoriser l'objectif d'insertion sociale et professionnelle dans lequel les deux parties s'étaient inscrites.

Il lui a ainsi causé un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi et de celui réparé par l'indemnité de requalification allouée en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, laquelle sanctionne uniquement la méconnaissance par l'employeur des exigences légales régissant la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée.

La requalification du contrat de travail à durée déterminée aidé en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun n'est donc pas de nature à faire obstacle à la réparation du préjudice distinct résultant pour la salariée du manquement de l'employeur à son obligation de formation.

En l'état des éléments soumis à son appréciation, desquels il résulte, notamment, que Mme Sylvie X... s'est retrouvée au chômage pendant deux mois après sa période d'emploi par l'EPLE Lycée David d'Angers puis n'a obtenu que des emplois d'assistante d'éducation à temps partiel, par voie d'infirmation du jugement déféré, il convient de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1 200 ¿ à titre de dommages et intérêts propres à réparer le préjudice qui est résulté pour elle du manquement de ce dernier à son obligation de formation.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'égard de Mme Sylvie X... sauf s'agissant de celles relatives aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement entrepris,

Prononce la requalification de la relation de travail ayant existé entre l'EPLE Lycée David d'Angers et Mme Sylvie X... en contrat de travail à durée indéterminée ;

Déclare la rupture du contrat de travail de Mme Sylvie X... dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'EPLE Lycée David d'Angers à lui payer les sommes suivantes :

¿ 1 061, 63 ¿ à titre d'indemnité de requalification
¿ 3 184, 89 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 318, 49 ¿ d'incidence de congés payés,
¿ 867 ¿ d'indemnité légale de licenciement,
¿ 6 369, 78 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
¿ 1 200 ¿ à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation,
¿ 300 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Ordonne le remboursement par l'EPLE Lycée David d'Angers à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme Sylvie X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage ;

Déboute l'EPLE Lycée David d'Angers de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 13/002217
Date de la décision : 13/10/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-13;13.002217 ?
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