COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00419.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 18 Janvier 2013, enregistrée sous le no 11/ 00712
ARRÊT DU 05 Mai 2015
APPELANT :
Monsieur Sylvain X...... 72190 SAINT PAVACE
non comparant-représenté par Maître MARTINEAU, avocat substituant Maître LALANNE, de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS
INTIMEE :
La Société Y... HOTELS SARL... 35000 RENNES
représentée par Maître PAPAIL, avocat substituant Maître Pierre-Yves ARDISSON, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 05 Mai 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCÉDURE,
M. Sylvain X... a été embauché le 27 décembre 2010 à effet du 10 janvier 2011 en qualité de responsable de place, statut cadre, par la société Y... Hôtels selon contrat de travail à durée indéterminée.
Il était chargé de gérer les établissements situés sur Le Mans à savoir les hôtels Mercure Le Mans Centre, All Seasons Le Mans centre gare, Etap Hôtel Le Mans centre, Hôtel Concordia et hôtel Marmotte Arnage.
Le contrat de travail prévoyait, pour un forfait annuel de 218 heures travaillées, une rémunération forfaitaire de base de 2 500 euros brut par mois pour les sept premiers mois. Les parties ont convenu que le montant de la rémunération serait fixé à l'issue de la période d'essai, que le contrat ne deviendrait définitif qu'à l'issue d'une période d'essai de quatre mois, renouvelable une fois pour trois mois.
La société Y... Hôtels dont le siège social est situé à Rennes, gère une trentaine d'hôtels et applique la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants. Elle emploie un effectif de plus de 10 salariés.
Par courrier du 2 mai 2011, l'employeur a choisi de renouveler la période d'essai sur la période du 10 mai 2011 au 10 août 2011.
Le 6 juillet 2011, la société Y... Hôtels a informé M. X... de la rupture de la période d'essai à effet au 6 août 2011.
Par requête reçue le 22 décembre 2011, M. X..., estimant cette rupture abusive, a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour :- contester la régularité de la période d'essai,- voir dire que la période d'essai a été détournée de son objet et que sa rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement en date du 18 janvier 2013, le conseil de prud'hommes du Mans a :- dit que la période d'essai de M. X... s'était déroulée conformément aux dispositions du contrat de travail et que la rupture ne s'analysait pas comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- débouté M. X... de ses demandes,- condamné M. X... à payer à la société Y... Hotels la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 23 janvier 2013.
M. X... en a régulièrement relevé appel général par courrier de son conseil posté le 5 février 2013.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 18 août 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. X... demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris,- dire que la rupture du contrat de travail notifiée le 6 juillet 2011 doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard du détournement de la gestion de la période d'essai,- condamner la société Y... Hotels à lui régler :- la somme de 7 500 euros brut outre les congés payés y afférents,- la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,- la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'a pas entendu maintenir le moyen relatif à l'illicéité de la période d'essai compte tenu des dispositions de la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008.
Il fait valoir en substance que :- la période d'essai devant permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail notamment au regard de son expérience au sens de l'article L 1221-20 du code du travail, l'employeur est sanctionné en cas de détournement de la finalité de cette période d'essai ;- le contrat de travail conclu entre lui et la société Y... Hotels énonçait le nom des établissements dont le salarié était chargé de la gestion ;- contrairement aux mentions contractuelles, il a été chargé, à compter du mois d'avril 2011, d'exercer des fonctions distinctes de contrôleur de gestion sur des sites implantés dans le grand Ouest (Orléans, Caen, Saint-Brieuc, Rennes, Chateaudun, Chateaubriant, Cherbourg, Issoudun) ;- il a participé à de nombreuses réunions animées par M. Y... auxquelles étaient présents les trois contrôleurs de gestion, messieurs Z..., A... et B... ;- il s'est vu confier des fonctions et des responsabilités non définies dans le contrat de travail et excédant notoirement la fonction de responsable de place ;- son employeur l'a désigné pour assurer la défense de plusieurs sociétés devant le tribunal de commerce du Mans alors qu'il n'avait aucune compétence juridique et la décision judiciaire s'est révélée un désastre financier pour les sociétés de M. Y... ;- la mise en oeuvre d'une clause de mobilité invoquée par l'employeur est prévue en cas de mutation du salarié d'un site géographique vers un autre et non pas pour imposer au salarié de nouvelles attributions ;- sa compétence ayant été appréciée sur des fonctions distinctes des siennes, la rupture participe d'un abus de droit de la part de l'employeur et doit être re-qualifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 25 février 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société Y... Hotels demande à la cour de :- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- condamner M. X... à lui verser la somme de 2 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que :
- sur la rupture de la période d'essai :- M. X... occupait un poste opérationnel de responsable de place avec des missions de gestion administrative, commerciale et humaine mais n'a jamais exercé les fonctions spécifiques de contrôleur de gestion qui est chargé de rechercher des solutions d'amélioration permanente des coûts aux fins de performance ;- le salarié a été amené de manière ponctuelle à se rendre sur d'autres sites hôteliers que ceux du Mans, sans qu'il soit nécessaire de régulariser un avenant, alors que son contrat de travail prévoit qu'il puisse travailler dans les régions du Grand Ouest dans tout autre hôtel appartenant directement ou indirectement à M. Y... ;- M. X... n'a jamais protesté durant la période d'essai sur son intervention sur les autres sites hôteliers ;- il était normal que M. X... assiste à des réunions destinées à faire le point sur la gestion des hôtels, dont ceux du Mans, gérés par la Société Y... Hôtels ;- le relevé des frais professionnels de M. X... démontre qu'il s'est peu déplacé et qu'il ne s'est jamais rendu sur les sites hôteliers d'Orléans, Caen, Rennes, Chateaudun, Cherbourg et Issoudun dont il assure avoir été le " contrôleur de gestion " ;- l'employeur a été informé des doléances d'un client important à propos de l'hôtel Mercure du Mans placé sous la responsabilité de M. X... début juin 2011 ;- le salarié, en représentant la société Y... Hôtels lors d'une audience du tribunal de commerce du Mans le 8 mars 2011, a assuré une mission entrant dans ses fonctions habituelles en tant que cadre s'agissant d'un litige relatif aux hôtels du Mans dont il était le responsable ; des conclusions avaient été prises en amont au soutien des intérêts de la société représentée ; l'ordonnance de référé du 22 mars 2011 n'a pas abouti à un " désastre financier " pour la société Y... Hôtels qui n'en a pas fait appel ; cette mission ponctuelle et anecdotique confiée à M. X... n'a pas eu d'incidence sur l'appréciation des compétences du salarié et sur la période d'essai qui a été prolongée un mois plus tard le 2 mai 2011.
- sur les conséquences indemnitaires :- en cas de rupture abusive de la période d'essai, le salarié ne peut pas prétendre au paiement d'une indemnité de préavis ou au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- les demandes indemnitaires, en plus d'être infondées, sont irrecevables en application de l'article L 1231-1 du code du travail.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la rupture de la période d'essai,
Selon l'article L 1221-20 du code du travail, la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Si l'employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant la fin de l'essai, ce droit ne doit pas dégénérer en abus.
La période d'essai est détournée de son objet lorsque l'intention de l'employeur a été dès l'origine de limiter l'emploi du salarié à la durée de l'essai.
La preuve de l'abus de droit et du détournement de la finalité de la période d'essai incombe à celui qui l'invoque.
Par courrier daté du 6 juillet 2011, reçu le même jour en main propre, la société Y... Hôtels a notifié à M. X... la rupture de la période d'essai dans les termes suivants :
"... la période d'essai de 4 mois a été renouvelée par avenant daté du 2 mai pour une fin de période d'essai au 10 août 2011. Nous sommes au regret de vous informer que cette période d'essai n'a pas été concluante. Votre contrat de travail s'arrêtera donc le 6 août 2011. "
Pour établir que l'employeur a commis un abus dans le détournement de la période d'essai en lui confiant des fonctions de contrôleur de gestion excédant notoirement le poste de responsable de place, M X... verse aux débats :- un tableau (pièce 29) mentionnant une colonne de 14 hôtels, dont 3 hôtels au Mans, sous le nom de M. X... et d'autres colonnes sous les noms de M. C... et des trois contrôleurs de gestion (M. Z..., Naga et B...)- des tableaux (pièces 4 et 17) en date du mois de juin 2011 détaillant les chiffres d'affaires des 5 hôtels du Mans et de 8 autres hôtels de la société Y... Hôtels-des mails et documents de travail (18-20 à 24) en lien avec une réunion du 27 juin 2011 à laquelle il a participé avec les contrôleurs de gestion,- l'ordonnance de référé du 22 mars 2011 du président du tribunal de commerce du Mans mentionnant sa présence à l'audience muni d'un pouvoir de représentation de la Société Y... Hôtels.
Selon le contrat de travail signé le 27 décembre 2010, M. X... a été chargé de la gestion administrative, commerciale et humaine des cinq établissements hôteliers situés au Mans.
Contrairement à ses allégations, M. X... ne justifie pas avoir assuré de quelque manière que ce soit, les fonctions d'un contrôleur de gestion, spécifiques en matière de comptabilité.
Le fait qu'il ait participé à la réunion mensuelle du 27 juin 2011, voire à plusieurs réunions, en présence des trois contrôleurs de gestion et qu'il détienne des éléments d'information générale sur la situation financière et commerciale des établissements du Mans et d'autres établissements du Grand Ouest ne permet pas d'en déduire qu'il a joué un rôle actif dans le contrôle de gestion des établissements gérés par la société Y... Hôtels.
M. X..., en acceptant de représenter en mars 2011 la société Y... Hôtels à l'audience du juge des référés du tribunal de commerce du Mans, a rempli une mission habituellement dévolue au cadre responsable de son établissement hôtelier. Aucune autre conséquence ne peut en être tirée par le salarié.
Les documents établis (pièces 21-22-25), à supposer que M. X... en soit l'auteur ce qui n'est pas démontré, ne comportent aucune analyse comptable mais une description sommaire de la situation des hôtels à Caen, Cesson et Cherbourg arrêtée à la date du 20 juin 2011.
Le remboursement des déplacements professionnels de M. X... au cours de la période en cause (janvier-juin 2011) révèle que ces déplacements étaient limités géographiquement et de courte durée.
Ni la formation initiale de M. X... titulaire d'un BTS en communication et action publicitaire ni son expérience professionnelle en matière commerciale et en management d'équipe ne permettent de confirmer que le salarié a mis en oeuvre des compétences en matière de comptabilité et de contrôle de gestion.
M. X... ne rapportant la preuve ni du détournement de la finalité de la période d'essai ni de l'abus de droit reproché à son employeur lors de la rupture de la période d'essai, doit être débouté de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis et des dommages et intérêts, par voie de confirmation du jugement.
Sur les autres demandes
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais non compris dans les dépens. Les parties seront déboutées d leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
M. X... sera condamné aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Et y ajoutant :
DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées en cause d'appel sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. X... aux dépens de l'appel.