COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00753.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, en date du 26 Février 2010, enregistrée sous le no F 09/ 00050
ARRÊT DU 08 Novembre 2011
APPELANTE :
SOCIETE PHIMA-TRANS " La Chapelle " 72610 ARCONNAY
représentée par Monsieur Philippe X..., gérant, assisté de Maître Yves GUIBERT, avocat au barreau du MANS
INTIME :
Monsieur Eric Y... ...72130 ST VICTEUR
représenté par Maître Goho DIEZZIA, avocat au barreau d'ALENÇON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 08 Novembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
L'EURL PHIMA TRANS exerce une activité de service de transports de petits colis consistant pour elle à récupérer ces petits colis sur un lieu où ils sont collectés par une entreprise assurant une fonction de grossiste, la société TNT, et à les acheminer, de manière individuelle, auprès de leur destinataire.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 juin 2007, à effet au 7 juin précédent, elle a embauché M. Eric Y... en qualité de chauffeur livreur groupe 3 bis, coefficient 118 M de la convention collective des transports routiers, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1. 418, 66 €.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 septembre 2008, M. Eric Y... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 octobre suivant, auquel le salarié s'est présenté assisté d'un conseil.
Par lettre du 10 octobre 2008, la société PHIMA TRANS lui a notifié son licenciement pour faute simple.
Contestant ce licenciement, le 29 janvier 2009, M. Eric Y... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans, lequel, par jugement du 26 février 2010 rendu en formation de départage et auquel il est renvoyé pour un ample exposé, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- dit que le licenciement de M. Eric Y... est sans cause réelle et sérieuse ;- condamné la société PHIMA TRANS à lui payer les sommes suivantes : ¤ 5. 861, 70 € à titre de rappel d'heures supplémentaires ; ¤ 586, 17 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures supplémentaires ; ¤ 10. 747, 11 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ¤ 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- constaté que l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé ne peut pas se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- débouté la société PHIMA TRANS de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, relatives aux indemnités de repas, frais de réparation du véhicule et dommages et intérêts pour préjudice moral, et l'a condamnée aux dépens.
Ce jugement a été notifié aux deux parties le 27 février 2010 ; la société PHIMA TRANS en a relevé appel par lettre recommandée postée le 19 mars 2010.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 16 août 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société PHIMA TRANS demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, de la relever indemne de toute condamnation et de condamner M. Eric Y... aux dépens.
Elle argue de ce que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont bien justifiés et elle conteste que l'intimé ait effectivement accompli, qui plus est à sa demande, les heures supplémentaires dont il réclame le paiement.
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 25 juillet 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Eric Y... demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estimerait le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et le débouterait de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif, de condamner la société PHIMA TRANS à lui payer, outre les sommes de 5. 861, 70 € et 586, 17 € au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires du chef de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 inclus, celle de 10. 747, 11 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé ;- en tout état de cause, de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de lui allouer, de ce chef, la somme de 1. 500 € en cause d'appel.
M. Y... oppose qu'aucun des sept griefs mentionnés dans la lettre de licenciement n'est justifié et il soutient que la véritable cause de son licenciement tient à ce que son employeur n'a pas admis qu'il puisse demander à être réglé de l'ensemble des heures de travail accomplies. Il fait valoir que l'employeur a, lui-même, aux termes de divers écrits, notamment d'un courrier du 22 juillet 2008, reconnu l'accomplissement effectif des heures supplémentaires litigieuses.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; Que le salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires doit, quant à lui, fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Attendu qu'en son article IV intitulé " Rémunérations ", le contrat de travail conclu entre les parties le 14 juin 2007 énonce que la rémunération brute de 1. 18, 66 €, " s'entend pour un mois complet et normal de travail suivant l'horaire en vigueur dans la société PHIMA TRANS EURL " ; que le contrat de travail ne contient aucune autre disposition sur la durée du travail du salarié ;
Attendu que tous les bulletins de salaire délivrés à M. Eric Y... mentionnent une durée mensuelle de travail de 169 heures, soit une durée hebdomadaire de 39 heures ;
Attendu que pour étayer sa demande, l'intimé verse tout d'abord aux débats une attestation établie par son employeur le 7 juin 2007, destinée à palier l'absence, dans le véhicule, de livret individuel de contrôle, lequel doit être mis à la disposition du chauffeur s'agissant de transports effectués, comme en l'espèce, à bord d'un véhicule de moins de 3, 5 tonnes ; Attendu qu'aux termes de cette attestation, le gérant de la société PHIMA TRANS indique : " Je soussigné, M. Philippe X...... atteste sur l'honneur employer Monsieur Eric Y... demeurant..., en tant que chauffeur livreur de proximité sur le secteur Alençon centre, Arçonnay, St Germain du Corbéis, Condé sur Sarthe, La Ferrière Bochard, Mieuxcé et dont les heures de travail mensuelles sont de 169 heures (accompagnées de quelques heures supplémentaires suivant la charge de travail). Ses heures de travail du lundi au vendredi sont les suivantes : 8 h00 à 12 h 00-15 h 00 à 19 h 00 PS : Bien entendu ces horaires peuvent variés suivant la charge de travail. Cette attestation est délivrée pour servir et valoir ce que de droit et remplace le livret individuel de contrôle pour les membres d'équipage vu que le chauffeur effectue tous les jours les mêmes horaires. " ; Attendu que cette attestation est signée de l'employeur mais aussi de M. Eric Y..., lequel y a porté la mention manuscrite : " Lu et approuvé " ;
Attendu, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, qu'il résulte expressément des indications fournies par l'employeur lui-même aux termes de cette attestation, établie au moment de l'embauche, que l'horaire hebdomadaire de travail de M. Eric Y... était au moins de 40 heures par semaine, soit 173, 33 heures par mois, et non de 169 heures par mois comme mentionné sur les bulletins de salaire ;
Et attendu qu'il est inopérant de la part de l'appelante d'arguer de ce que cette attestation avait pour unique finalité de pallier l'absence de livret individuel de contrôle dans le véhicule de M. Y... ; qu'en effet, il n'en reste pas moins qu'elle y précise les horaires de travail du lundi au vendredi, et y reconnaît expressément tant le principe d'un horaire constant supérieur à 169 heures que celui de l'accomplissement d'heures supplémentaires ;
Attendu que M. Eric Y... produit encore un courrier recommandé de son employeur, daté du 22 juillet 2008, libellé en ces termes : « Par la présente, je fais suite à notre entretien du 17 juillet 2008, pour vous confirmer nos échanges verbaux. Lors de cet entretien vous m'avez indiqué effectuer trop d'heures de travail, ce qui nuit à votre état de santé. Nous avons donc décidé qu'à compter de votre retour de congés payés soit le 4 août 2008, vous n'effectuerez plus que les 169 heures mensuelles prévues à votre contrat de travail du 7 juin 2007. Afin de respecter ces horaires de travail, vous ne travaillerez plus soit le lundi, soit deux après-midi par semaine. Vos horaires seront définis chaque vendredi soir en fin de services pour la semaine suivante. » ;
Attendu que ce courrier constitue une nouvelle reconnaissance explicite, par la société PHIMA TRANS, de l'accomplissement régulier, par M. Y..., au moins jusqu'à fin juin 2008, d'heures supplémentaires au-delà des 169 heures convenues et mentionnées sur les bulletins de salaire, étant observé que l'appelante indique que le nombre de points de livraison dépendant du circuit de distribution de M. Y... a été porté de 49 à 67, ce qui caractérise une augmentation non négligeable du circuit de livraison ;
Attendu que, par les éléments ainsi produits, M. Eric Y... étaie sa demande en paiement d'heures supplémentaires pour la période litigieuse du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 inclus ;
Attendu que la société PHIMA TRANS ne produit, quant à elle, contrairement à l'obligation qui pèse sur l'employeur en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, aucune pièce de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, nécessaires au décompte de son temps de travail ;
Que, comme l'ont retenu les premiers juges, au regard des termes du courrier du 22 juillet 2008, par lequel l'employeur a lui-même indiqué que, pour rester dans les limites de 169 heures de travail mensuel, il convenait que M. Y... ne travaille plus que quatre jours par semaine au lieu de cinq, d'où il suit que ses horaires journaliers s'établissaient à 9, 75 heures par jours, ce dernier est fondé à soutenir que, depuis son embauche et jusqu'au 30 juin 2008 inclus, son horaire de travail hebdomadaire a été de 48h75 ;
Attendu que l'attestation de M. B... Yann qui indique avoir vu le véhicule " Ford transit ... " mis à la disposition de M. Y..., stationnée dans la cour de son voisin, très régulièrement aux heures de l'apéritif, du midi et de la fin de journée, ne permet pas de combattre utilement les écrits de l'employeur lui-même, étant observé que l'intimé disposait d'une coupure méridienne ;
Qu'il en de même de celle établie par M. Henri C..., successeur de M. Y... sur la même tournée, lequel indique avoir passé une semaine avec lui, du 7 au 11 juillet 2008 pour apprendre le travail ; que ses propos selon lesquels l'intimé ne scannait pas le code barre mentionné sur le colis au moment où il le livrait chez le client, mais le conservait et le composait ultérieurement pour simuler un temps de travail plus long ne sont corroborés par aucun élément objectif, étant souligné qu'au moment de la livraison, le client doit apposer, au moyen d'un stylet, sa signature sur l'appareil doté du scanner et qu'il résulte de " la lettre de voiture et document de suivi " modèle versé aux débats (pièce no 5), afférent à des livraisons intervenues le 12 mars 2010, que, si ce document mentionne l'heure à laquelle il a été édité, il ne mentionne aucunement l'heure à laquelle chaque livraison est intervenue ; qu'il n'est donc nullement établi que M. Eric Y... aurait falsifié les documents de suivi et, par voie de conséquence, l'horaire effectivement réalisé ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'accueillir sa demande en paiement d'heures supplémentaires ;
Attendu que les bulletins de salaire établis jusqu'au 31 décembre 2007 ne mentionnent aucun paiement d'heures supplémentaires et ne comportent d'ailleurs aucune ligne " heures supplémentaires " ; Que, sur la base d'un taux horaire brut d'un montant de 8, 44 € et d'une majoration de 25 % pour les huit heures effectuées au-delà de 35 heures, puis d'une majoration de 50 % au-delà de la 43 ème heure, la créance de M. Y... s'établit bien à la somme de 1. 604, 72 € du chef de la période du 1er juillet au 30 septembre 2007 ;
Attendu, le taux de sa rémunération horaire ayant été porté à 8, 838 € à compter du 1er octobre 2007, qu'en application des mêmes majorations prévues par la loi, sa créance au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 2007 ressort à la somme de 1. 677, 91 € telle que retenue par les premiers juges ;
Attendu que le taux de rémunération horaire était toujours de 8, 838 € pour la période du 1er janvier au 30 juin 2008 ; que les bulletins de salaire afférents à cette période font apparaître une ligne " heures supplémentaires exonérées à 25 % " et comportent, pour cinq mois, la rémunération de 11 heures supplémentaires à ce taux et, s'agissant du mois d'avril, la rémunération de 10 heures supplémentaires à ce taux, mais toujours au-delà de 169 heures ; que, si l'intimé a déduit de sa demande la somme brute totale de 718, 07 € qu'il a perçue au cours du premier semestre 2008 au titre des heures supplémentaires que l'employeur lui a comptabilisées, il soutient à juste titre, d'une part, que toutes les heures supplémentaires accomplies ne lui ont pas été rémunérées et que les modalités de calcul sont erronées puisque la majoration pour heures supplémentaires devait bien intervenir dès la 36ème heure ;
Attendu, comme l'ont exactement retenu les premiers juges que, la créance de M. Y... s'établit à la somme de 2. 579, 07 € du chef de la période du 1er janvier au 30 juin 2008 ;
Que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a condamné la société PHIMA TRANS à payer à M. Eric Y... la somme de 5. 861, 70 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 586, 17 € de congés payés y afférents ;
Sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que le courrier adressé le 10 octobre 2008 à M. Eric Y... est libellé en ces termes : « Je vous notifie par les présentes votre licenciement pour faute simple dont je vous réitère à toutes fins les motifs :- addiction à l'alcool-multiples accrochages et chocs détériorant le véhicule 6127 W J 72 qui vous avait été confié en bon état-avis de contravention (excès de vitesse...) et, d'une façon générale, conduite dangereuse-arrêt maladie de circonstance (je ne relève du reste aucun cachet de médecin sur votre avis d'arrêt de travail du 26 août 2008)- refus de respecter le planning de congés payés, ce qui a perturbé la répartition du travail en juillet/ août 2008- dénigrement de l'entreprise auprès de clients-enfin, le 8 août 2008- et alors que le mois d'août est par définition très calme et que nous avons le plus grand mal à réaliser un chiffre d'affaires significatif-vous vous êtes permis de refuser 8 colis au prétexte que vous ne pouviez en livrer que 60 alors que vous aviez largement le temps, et en outre, pour dissimuler votre manque de zèle, vous avez imaginé une mise en scène que j'ai aussitôt éventée. Dès lors je n'ai plus confiance en vous et je crains tous les jours, de votre fait, la survenue d'un accident grave. Votre licenciement prend effet à la réception des présentes et vous continuerez à travailler normalement-et j'espère sans incident-pendant votre préavis d'un mois qui nous sera réglé. » ;
Attendu qu'à l'appui du grief tiré d'une prétendue addiction à l'alcool, la société PHIMA TRANS verse aux débats l'attestation de M. Yann B... qui indique avoir très régulièrement vu le véhicule mis à la disposition de M. Eric Y... stationné chez son voisin à des horaires correspondant à l'heure de l'apéritif, le témoin précisant être dans l'incapacité d'indiquer ce que son voisin et M. Y... faisaient ; qu'il produit également une attestation de M. Henri C..., lequel relate que, le 8 juillet 2008, en fin de matinée, alors qu'il effectuait
la tournée de livraisons des colis avec M. Y..., qu'il devait remplacer pendant ses congés d'été, ils se sont arrêtés pour boire une bière dans un bar ; attendu que ces deux attestations ne font pas preuve d'une addiction de l'intimé à l'alcool, le premier témoin n'ayant d'ailleurs personnellement constaté aucun fait de consommation d'alcool de la part du salarié et faisant seulement état de ses propres suppositions ; Que l'intimé produit quant à lui un certificat médical du 3 avril 2009 aux termes duquel le Dr Pierre D..., médecin généraliste, indique que " M. Y... Eric ne présente aucun signe clinique ni biologique en rapport avec une consommation excessive d'alcool, ni même une consommation régulière. " ; Que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la réalité du premier grief n'était pas établie ;
Attendu, s'agissant des " multiples accrochages et chocs " causés au véhicule confié à M. Eric Y..., que l'employeur invoque la répétition des dommages causés au véhicule par le salarié et les attitudes de ce dernier aux fins de les dissimuler ; Attendu qu'il verse aux débats deux attestations afférentes à des événements survenus respectivement les 9 mai et 8 juillet 2008, le premier, relaté par son épouse qui indique s'être rendue à Arçonnay où M. Y... avait eu un accident et ce, pour y établir le constat amiable ; que le témoin n'allègue nullement que M. Y... aurait été responsable de cet accident dont ni les circonstances, ni la gravité ne sont précisées ou justifiées et au sujet duquel ne sont communiqués ni le constat amiable, ni un quelconque devis ou facture de réparations ; Attendu que le second événement est relaté par M. C... qui indique que M. Y... aurait heurté une borne de stationnement en béton avec l'avant droit du véhicule et frotté le pare-choc pour faire disparaître les traces de choc ; qu'au regard de ce témoignage, le dommage apparaît modéré ; que l'appelante ne produit d'ailleurs aucune pièce objective, à type de devis ou facture, permettant de justifier de l'ampleur des dégâts ;
Attendu qu'aux termes du courrier qu'elle a adressé à son salarié le 22 juillet 2008, la société PHIMA TRANS invoquait encore un enfoncement de la porte arrière droite du véhicule le 5 juin 2008 et l'écrasement de la prise du crochet d'attelage, lors d'une manoeuvre, au cours de " la semaine 27 " ; qu'elle ne produit aucun justificatif de ces faits, lesquels ne sont toutefois pas contestés par M. Y... ; que dans sa lettre du 22 juillet 2008, l'employeur énonce : " J'espère que la réduction de votre temps de travail permettra d'éviter toutes ces erreurs de votre part, si tel n'était pas le cas, je me verrais dans l'obligation de vous sanctionner pour chaque nouvel accrochage ou dégradation du véhicule. " ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments, d'une part, que ces faits ne permettent pas de caractériser un comportement fautif en octobre 2008 en ce que, comme l'a exactement relevé le premier juge, l'employeur les a lui-même qualifiés d'" erreurs " au cours du mois de juillet précédent, d'autre part, que ce dernier a lui-même estimé que ces " erreurs " pouvaient trouver, au moins en partie, leur origine dans l'importance du temps de travail et de conduite quotidien ; Que les premiers juges ont à juste titre écarté ce grief au motif qu'il n'apparaît pas sérieux ;
Attendu qu'à l'appui du troisième grief tiré d'un " avis de contravention et, d'une façon générale, d'une conduite dangereuse ", la société PHIMA TRANS produit uniquement l'attestation établie le 10 septembre 2010 par Mme Valérie E... laquelle relate qu'" en septembre 2008 ", sans plus de précision de date, elle a " failli se faire renverser " avec ses deux enfants " par le véhicule ... de la société PHIMA TRANS ", le chauffeur étant monté sur le trottoir avec son véhicule ; que le témoin indique avoir eu très peur, avoir " aussitôt appelé M. Philippe X... ", gérant de l'entreprise, qu'elle connaît bien, pour l'avertir que son chauffeur était monté sur le trottoir et avait failli les écraser, mais n'avoir pas déposé plainte car elle connaissait l'employeur ;
Attendu que ce témoignage établi deux ans après les faits et six mois après le jugement déféré ne saurait, à lui seul, faire preuve de l'événement relaté que l'employeur, prévenu aussitôt selon le témoin, n'évoque dans aucun écrit et qui n'a donné lieu de sa part à aucune réaction particulière immédiate ; que, notamment, à le supposer avéré, ce fait n'a pas amené l'employeur à dispenser son salarié de l'accomplissement du préavis ;
Attendu, s'agissant de l'avis de contravention, qu'il est relatif à un excès de vitesse enregistré à 61 km/ heure au lieu de 50 km/ heure le 12 août 2008 ; qu'un tel excès de vitesse, relativement modéré et isolé, ne permet pas d'objectiver une conduite habituellement dangereuse, tel que reprochée aux termes de la lettre de licenciement ;
Que le troisième grief n'apparaît donc ni réel, ni sérieux ;
Attendu que le quatrième grief tient en des " arrêts de maladie de circonstance " ; que toutefois, la société appelante ne produit aucun arrêt de maladie et ne justifie pas des absences pour maladie qu'aurait connues M. Y... ; que les bulletins de salaire de juin 2007 à septembre 2008 révèlent quatre heures d'absence pour maladie le 27 mars 2008 et un arrêt de maladie du 1er au 4 septembre 2008, lequel est justifié par un avis d'arrêt de travail, délivré le 26 août 2008 par le Dr Pierre D..., et prescrit jusqu'au 4 septembre 2008 inclus ; attendu qu'aucun élément objectif ne permet de contester l'authenticité de ce document, l'écriture du médecin correspondant à celle figurant sur le certificat médical qu'il a établi le 3 avril 2009 au sujet de la consommation d'alcool imputée à l'intimé ; qu'aucun élément ne permet non plus de laisser penser que cet arrêt de maladie et celui du 27 mars 2008 n'auraient pas été médicalement justifiés ; Que les premiers juges ont en conséquence exactement retenu que ce quatrième grief n'était pas fondé ;
Attendu que le cinquième grief, tenant dans le fait que M. Eric Y... aurait refusé de respecter le planning de congés payés et qu'il s'en serait suivi une perturbation n'est étayé d'aucune pièce ; qu'il n'est pas même justifié de l'existence d'un planning de congés, encore moins, a fortiori, de ce qu'il aurait été soumis au salarié, étant souligné que l'intimé était l'unique salarié dans l'entreprise ; que ce grief n'est ni réel, ni sérieux ;
Attendu que le sixième grief tient au dénigrement de l'entreprise auprès des clients ; attendu qu'aucune pièce n'est produite par l'appelante pour justifier de ce que l'intimé aurait jamais dénigré l'entreprise auprès des clients ; qu'aux termes de l'attestation qu'il a établie, M. Henri C..., embauché pour remplacer M. Y... pendant ses congés de l'été 2008 et qui lui a ensuite succédé, indique que ce dernier aurait dénigré auprès de lui le gérant de l'entreprise en lui
disant qu'il avait la chance d'avoir une femme courageuse alors qu'il estimait que lui-même était un fainéant ; que le grief précisément allégué aux termes de la lettre de licenciement n'apparaît donc pas réel ; que l'attestation produite, alléguant des faits de dénigrement de l'employeur auprès d'un autre salarié, est donc sans portée pour la solution du présent litige et qu'en tout état de cause, elle ne saurait, à elle seule, faire preuve d'une attitude de dénigrement de M. Y... envers son employeur dans la mesure où elle émane d'un témoin qui était salarié de la société PHIMA TRANS au moment où il a attesté ;
Attendu que le prétendu refus de prendre en charge huit colis le 8 août 2008, évoqué au titre du septième grief, n'est étayé par aucun élément ; qu'il n'est justifié d'aucun incident à cette date ; Que la " mise en scène puérile " destinée à dissimuler le manque de zèle n'est pas explicitée dans la lettre de licenciement ; que devant les premiers juges et devant la cour, la société PHIMA TRANS indique qu'elle consistait de la part de M. Y... à ne pas scanner le code barre figurant sur le colis au moment de la remise de celui-ci au client, opération qui, selon elle, permet de déterminer de façon intangible l'heure de délivrance du colis et, par voie de conséquence, la durée de la tournée, mais à entrer ce numéro de code barre ultérieurement à dessein de " manipuler les reçus en termes d'horaires " ;
Mais attendu, comme la cour l'a déjà souligné, que le document intitulé " lettre de voiture et document de suivi " que la société PHIMA TRANS verse aux débats à titre de modèle, afférent à cinq livraisons réalisées au cours d'une tournée du 12 mars 2010, comporte uniquement l'heure d'établissement de ce document, mais en aucun cas l'heure de remise de chaque colis, seules figurant dans les cases destinées à attester de cette remise la signature ou le cachet du destinataire et l'indication du nombre de colis remis ; qu'il n'est donc pas justifié que le scanner enregistrerait l'heure de remise ; que, surtout, l'employeur ne produit aucune lettre de voiture et document de suivi correspondant à une seule des tournées réalisées par M. Eric Y... ; et attendu que le témoignage établi de ce chef par M. C..., salarié de l'appelante au moment où il a attesté, ne saurait à lui seul, faire preuve de la manipulation imputée à l'intimé ; Que le septième grief s'avérant tout aussi dépourvu de caractère réel et sérieux que les précédents, la perte de confiance et la crainte de voir M. Eric Y... occasionner un accident grave, invoquées en conclusion, s'avèrent non fondées ; Que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. Eric Y... dépourvu de caractère réel et sérieux ;
Attendu, M. Eric Y... comptant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de son licenciement, que trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail ; qu'en considération, notamment, de sa situation particulière et de son âge (47 ans) au moment de la rupture, de ses capacités à retrouver un emploi, des circonstances du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires pour considérer que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 10. 747, 11 € (soit sept mois de salaire bruts) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ; que la décision déférée sera également confirmée de ce chef ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé Attendu que, sur ce point, les premiers juges ont " constaté que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail, pour travail dissimulé, ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; " ; que le cumul est en réalité impossible entre l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et l'indemnité pour travail dissimulé ;
Attendu, toutefois, que M. Eric Y... ne forme pas appel incident de ce chef, mais, adoptant la position des premiers juges, il indique au contraire expressément qu'en cause d'appel, il ne forme sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé que pour le cas où, n'estimant pas son licenciement abusif, la cour le débouterait de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, la cour ne pouvant pas statuer au-delà de la demande dont elle est saisie, qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a posé le principe du non cumul de l'indemnité pour travail dissimulé avec l'indemnité pour licenciement abusif, et de constater que, la demande indemnitaire pour licenciement abusif étant accueillie et la demande d'indemnité pour travail dissimulé étant expressément alternative, elle n'est saisie d'aucune demande de ce chef ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société PHIMA TRANS
Attendu que la société appelante ne critique pas les dispositions du jugement déféré qui l'ont déboutée de ses demandes reconventionnelles en remboursement des indemnités de repas, des indemnités kilométriques et des heures supplémentaires réglées (153 h 30) et en paiement des frais de réparation de véhicule et de dommages et intérêts pour préjudice moral ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré de ces chefs ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu, la société PHIMA TRANS succombant en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. Eric Y... une indemnité de procédure de 1 500 € en cause d'appel, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à la question du cumul de l'indemnité pour travail dissimulé avec l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Constate que, le jugement déféré ayant été confirmé en ses dispositions relatives au licenciement, elle n'est pas saisie par M. Eric Y... d'une demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;
Ajoutant au jugement déféré,
Condamne la société PHIMA TRANS à payer à M. Eric Y... la somme de 1. 500, 00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL