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16/12/2008 | FRANCE | N°08/01722

France | France, Cour d'appel d'Angers, 16 décembre 2008, 08/01722


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE



IF/DB

ARRET No:



AFFAIRE No : 08/01722



jugement du 26 Juillet 2007

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

no d'inscription au RG de première instance 06/1398







ARRET DU 16 DÉCEMBRE 2008





APPELANT :



Monsieur Gérald X...


né le 12 Novembre 1969 à LA FLECHE (72)

...


49570 MONTJEAN SUR LOIRE



représenté par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour -

No

du dossier 13624

assisté de Maître Mélanie FERREIRA, avocat au barreau de Nantes



INTIMÉE :



LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANGERS SAINT SERGE

36 rue Thiers

49100 ANGERS



représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

IF/DB

ARRET No:

AFFAIRE No : 08/01722

jugement du 26 Juillet 2007

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

no d'inscription au RG de première instance 06/1398

ARRET DU 16 DÉCEMBRE 2008

APPELANT :

Monsieur Gérald X...

né le 12 Novembre 1969 à LA FLECHE (72)

...

49570 MONTJEAN SUR LOIRE

représenté par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour -

No du dossier 13624

assisté de Maître Mélanie FERREIRA, avocat au barreau de Nantes

INTIMÉE :

LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANGERS SAINT SERGE

36 rue Thiers

49100 ANGERS

représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour -

No du dossier 44514

assistée de Maître MAGESCAS, avocat au barreau d'Angers

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2008 à 13 H 45, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame FERRARI, Président, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame FERRARI, Président de chambre

Madame LOURMET, Conseiller

Madame BRETON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame PRIOU

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 16 décembre 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame FERRARI, Président, et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

Gérald X... est titulaire, auprès de la Caisse de crédit mutuel d'Angers Saint Serge (le Crédit mutuel), d'un compte de dépôt et d'une carte Eurocard à débit différé qui fonctionne sur ce compte.

Le 3 octobre 2005, il a formé opposition à l'utilisation de sa carte bancaire.

Il a contesté auprès de sa banque, par lettre du 11 octobre 2005, un certain nombre de paiements effectués frauduleusement à l'aide de sa carte à partir du 9 septembre 2005 et portés au débit de son compte.

Et Il a porté plainte le même jour pour utilisation frauduleuse de sa carte bancaire entre le 9 septembre et le 2 octobre 2003.

Le 12 avril 2006, il a fait assigner le Crédit mutuel pour obtenir, outre la nullité de son inscription au fichier des incidents de paiement, la restitution de la somme de 8232,96 €, total des montants prélevés sur son compte au titre des opérations contestées, et une indemnisation de 3000 €.

Par jugement du 26 juillet 2007, le tribunal de grande instance d'Angers l'a débouté de sa demande et l'a condamné à une indemnité de procédure de 1000 €.

Le tribunal a essentiellement retenu que Gérald X... ne démontrait pas avoir été victime d'une utilisation frauduleuse de sa carte bancaire, ayant au contraire lui-même effectué les opérations contestées.

~~

LA COUR

Vu l'appel formé par Gérald X... contre ce jugement ;

Vu les dernières conclusions du 7 janvier 2008, par lesquelles Gérald X..., appelant, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, réitère ses prétentions initiales en fixant désormais sa demande de dommages-intérêts à 20 000 € ;

Vu les dernières conclusions du 12 mars 2008, par lesquelles le Crédit mutuel, intimé, conclut à la confirmation du jugement et demande subsidiairement la condamnation de Gérald X... à lui payer la somme de 11 300 € à titre de dommages-intérêts ;

Vu l'arrêt de la cour du 17 juin 2008 ordonnant le retrait du rôle de l'affaire, en application de l'article 382 du Code de procédure civile, et son rétablissement à l'initiative de l'appelante le 2 juillet 2008 ;

SUR CE,

Attendu que Gérald X... agit contre la banque sur le fondement de l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier, tandis que le Crédit mutuel conteste son application, en faisant valoir que le titulaire de la carte a lui-même effectué les paiements correspondant aux sommes prélevées sur son compte ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la responsabilité du titulaire de la carte n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte et que, dans ce cas, si le titulaire de la carte conteste par écrit avoir effectué un paiement, les sommes contestées lui sont recréditées sur son compte par l'émetteur de la carte ou restituées sans frais, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la contestation ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient le Crédit mutuel, la simple contestation par le titulaire de la carte dans le délai fixé par l'article L. 132-6 oblige la banque à contrepasser sur le compte, dans le mois, les débits contestés, sauf pour elle à établir la mauvaise foi du titulaire ;

Attendu qu'ainsi le Crédit mutuel ne peut échapper aux obligations résultant de l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier que s'il est justifié que Gérald X... est -directement ou indirectement-le véritable donneur d'ordre des paiements qu'il conteste ; que cette preuve incombe à la banque ;

Or attendu que cette preuve n'est pas rapportée ;

Attendu que les 71 opérations contestées entre le 9 septembre et le 2 octobre 2005 sont des paiements faits par Internet avec l'indication du numéro de la carte bancaire de Gérald X... et donc à distance, sans utilisation physique de la carte ;

Qu'ils ont tous été opérés au profit de sites de jeux d'argent ;

Attendu que s'il est établi par ses relevés bancaires que Gérald X... était en 2005 un utilisateur régulier des sites de jeu d'argent en ligne et effectuait de manière habituelle ses règlements par carte bancaire, parfois plusieurs fois par jour, pour des montants importants, cette circonstance ne démontre pas qu'il est le donneur d'ordre des paiements qu'il conteste ;

Attendu que le relevé produit par le Crédit mutuel, qui se l'est procuré auprès du centre de paiement Europay France, indique que les ordres de paiement en litige émaneraient de la messagerie de Gérald X..., mais que ce fait n'est pas de nature à écarter l'utilisation frauduleuse du numéro de la carte bancaire et des données personnelles de Gérald X... par un tiers ;

Attendu que, dans ces conditions, à défaut d'avoir établi la mauvaise foi de Gérald X... dans sa dénonciation de l'utilisation frauduleuse de sa carte, le Crédit mutuel devra lui restituer le montant des payements qu'il conteste, étant relevé qu'aucune demande en paiement d'intérêts de retard n'est présentée ;

~~

Attendu que Gérald X... poursuit par ailleurs la responsabilité du Crédit mutuel pour avoir omis de l'alerter sur l'existence des paiements à caractère anormal par leur nombre et leur montant à compter du 9 septembre 2005, cause d'un découvert important sur son compte, dont il n'a eu connaissance qu'à réception de son relevé bancaire ;

Attendu qu'en premier lieu la Banque dénie toute faute en faisant valoir que Gérald X... bénéficiait d'un crédit de paiement par carte "Préférence" à concurrence de 20 000 € par jour et 20 000 € par semaine, ce que conteste Gérald X... ;

Attendu que Gérald X... était titulaire de deux cartes délivrées par le Crédit mutuel ;

Que, d'une part, en vertu de la convention "Erocompte Crédit mutuel, option tranquilité" souscrite le 30 avril 2004, il possédait une carte Eurocard à débit différé, fonctionnant sur son compte bancaire, le plafond hebdomadaire de paiement autorisé étant fixé à 3000 € ; que cette carte n'est pas une carte de crédit mais permet seulement un encours de paiement à débit différé

Qu'il était, d'autre part, bénéficiaire, sur ce même compte bancaire, d'une ouverture de crédit utilisable par fractions assortie d'une carte de crédit "Préférence" consentie par le Crédit mutuel le 30 juin 2005 ; qu'aux termes de l'offre de crédit, cette carte, qui est une carte Eurocard mastercard, pouvait être utilisée en dehors de tout achat ; que le plafond des paiements autorisés avec cette carte de crédit était fixé à 20 000 € par jour et par semaine ;

Attendu que la circonstance que la souscription de ce crédit ait entraîné la modification de la convention "Eurocompte Crédit mutuel", par un avenant du 30 juin 2005, n'a eu aucune incidence sur la carte initiale, contrairement à ce qu'affirme la banque, ainsi qu'en témoigne d'ailleurs le coût de l'abonnement mensuel facturé en vertu de cette convention et qui inclut les deux cartes, l'une de crédit, l'autre de paiement à débit différé ;

Attendu qu'ainsi les paiements autorisés à l'aide de la carte Eurocard à débit différé ne pouvaient excéder 3000 € par semaine ;

Attendu que Gérald X... affirme que 51 paiements d'un montant de plus de 2600 € ont été effectués entre les 9 et 11 septembre et que près de 6000 € ont été débités entre le 22 septembre et le 2 octobre 2005, mais qu'il ne démontre pas ni même n'allègue que, par semaine, le plafond de paiement de 3000 € ait été dépassé par la faute de la banque ;

Et attendu que compte tenu de l'étendue du découvert autorisé résultant du plafond d'utilisation de la carte de crédit sur le même compte, le Crédit mutuel n'a pas failli à ses obligations en s'abstenant de signaler le découvert qui se creusait du fait des opérations enregistrées, opérations qui n'avaient rien d'alarmant dès lors que Gérald X... était coutumier de ce type d'opérations ; qu'il avait ainsi dépensé plus de 5000 € sur des sites de jeux entre le 23 mai et le 6 juin 2005 ;

Attendu qu'en revanche c'est à juste titre que Gérald X... conteste son inscription au fichier des incidents de paiement ;

Attendu qu'en effet le refus de la banque de recréditer, en méconnaissance de ses obligations, les sommes contestées par le titulaire du compte et la persistance du découvert qui s'en est suivi a provoqué le rejet des chèques faute de provision et le rejet des prélèvements automatiques correspondant aux échéances de crédit ;

Attendu que Gérald X... a ainsi été placé dans une situation financière difficile, constitutive d'un préjudice moral certain ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient Gérald X..., il n'est pas établi que son état de santé psychologique soit en relation de causalité avec la faute de la banque ; que la réparation de son préjudice moral sera en conséquence limitée à 1500 € ;

~~

Attendu que le Crédit mutuel formule à titre subsidiaire une demande en paiement de la somme de 11 300 € à titre de dommages-intérêts en soutenant que Gérald X... a communiqué à un tiers - Christelle C... "les informations confidentielles de sa carte bancaire" et n'a pas utilisé le système sécurisé "Virtualis" qu'il propose gratuitement à ses clients, négligences fautives qui serait la seule cause de son préjudice ;

Mais attendu que la responsabilité du titulaire d'une carte de paiement n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte ; que la négligence du titulaire n'est pas de nature décharger l'émetteur de son obligation de recréditer le montant d'une opération qui a été contestée dans le délai de soixante dix jours, ou dans celui contractuellement prolongé dans la limite de cent vingt jours (Cass com, 12 novembre 2008, no 07-19.324);

Qu'en conséquence, le Crédit mutuel n'est pas fondé en sa demande d'indemnisation du préjudice dont il s'abstient de préciser la consistance et qui résulterait de la seule application du dispositif légal de protection ;

Attendu qu'en définitive le jugement sera entièrement infirmé ;

Qu'il y a lieu, en la cause, à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Gérald X... ;

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau,

Condamne la Caisse de Crédit mutuel d'Angers Saint Serge à payer à Gérald X... la somme de 8 232,96 € ;

La condamne à lui payer la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts ;

La condamne à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dit non fondée l'inscription de Gérald X... au fichier des incidents de paiement ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne le Crédit mutuel aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés pour ceux d'appel dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

D. BOIVINEAU I.FERRARI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 08/01722
Date de la décision : 16/12/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-12-16;08.01722 ?
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