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16/12/2008 | FRANCE | N°08/01721

France | France, Cour d'appel d'Angers, 16 décembre 2008, 08/01721


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE



IF/DB

ARRET No:



AFFAIRE No : 08/01721



jugement du 26 Juillet 2007

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

no d'inscription au RG de première instance 06/1401









ARRET DU 16 DÉCEMBRE 2008





APPELANTE :



Madame Christelle X... épouse Y...


née le 27 Octobre 1977 à MASSY

...


44150 ANCENIS



représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour -
>No du dossier 13625

assistée de Maître Mélanie FERREIRA, avocat au barreau de Nantes



INTIMÉE :



LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANGERS SAINT SERGE

36 rue Thiers

49100 ANGERS



représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS,...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

IF/DB

ARRET No:

AFFAIRE No : 08/01721

jugement du 26 Juillet 2007

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

no d'inscription au RG de première instance 06/1401

ARRET DU 16 DÉCEMBRE 2008

APPELANTE :

Madame Christelle X... épouse Y...

née le 27 Octobre 1977 à MASSY

...

44150 ANCENIS

représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour -

No du dossier 13625

assistée de Maître Mélanie FERREIRA, avocat au barreau de Nantes

INTIMÉE :

LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANGERS SAINT SERGE

36 rue Thiers

49100 ANGERS

représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour -

No du dossier 44516

assistée de Maître Christelle MAGESCAS, avocat au barreau d'Angers

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2008 à 13 H 45, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame FERRARI, Président, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame FERRARI, Président de chambre

Madame LOURMET, Conseiller

Madame BRETON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame PRIOU

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 16 décembre 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame FERRARI, Président, et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

Depuis le 25 août 2005, Christelle X... épouse Y... est titulaire, auprès de la Caisse de crédit mutuel Angers Saint Serge (le Crédit mutuel), d'un compte de dépôt et d'une carte Mastercard à débit différé qui fonctionne sur ce compte.

Le 11 octobre 2005, elle a formé opposition à l'utilisation de sa carte bancaire.

Elle a porté plainte les 12 et 15 octobre 2005 pour utilisation frauduleuse de cette carte.

Le 12 avril 2006, elle a fait assigner le Crédit mutuel pour obtenir, outre la nullité de son inscription au fichier des incidents de paiement, la restitution de la somme de 10 700 €, total des montants débités sur son compte au titre des opérations contestées, effectuées avec sa carte bancaire, et une indemnisation de 3000 €.

Par jugement du 26 juillet 2007, le tribunal de grande instance d'Angers a déclarée sa demande de restitution en partie irrecevable, l'a déboutée pour le surplus et l'a condamnée à une indemnité de procédure de 1000 €.

LA COUR

Vu l'appel formé par Christelle Y... contre ce jugement ;

Vu les dernières conclusions du 29 avril 2008, par lesquelles Christelle Y..., appelante, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, réitère ses prétentions initiales en fixant désormais sa demande de dommages-intérêts à 20 000 € ;

Vu les dernières conclusions du 7 mai 2008, par lesquelles le Crédit mutuel, intimé, conclut à la confirmation du jugement et demande subsidiairement la condamnation de Christelle Y... à lui payer la somme de 13 700 € à titre de dommages-intérêts ;

Vu l'arrêt de la cour du 17 juin 2008 ordonnant le retrait du rôle de l'affaire, en application de l'article 382 du Code de procédure civile, et son rétablissement à l'initiative de l'appelante le 2 juillet 2008 ;

SUR CE,

Attendu que Christelle Y... agit contre la banque sur le fondement de l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier ; que le Crédit mutuel lui oppose une fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de 70 jours fixé par l'article L. 132-6 ;

Attendu qu'il résulte de l'article L. 132-4 que la responsabilité du titulaire de la carte n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte ; que, dans ce cas, si le titulaire de la carte conteste par écrit avoir effectué un paiement, les sommes contestées lui sont recréditées sur son compte par l'émetteur de la carte ou restituées sans frais, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la contestation ;

Attendu que l'article L. 132-6 limite à 70 jours à compter de la date de l'opération contestée le délai légal pendant lequel le titulaire de la carte a la possibilité de déposer une réclamation aux fins d'obtenir le remboursement des sommes débitées ;

Attendu que la date de l'opération au sens de ce texte s'entend du jour de l'ordre de paiement ou de retrait fait par carte bancaire et non de la date à laquelle l'opération est passée au débit du compte ;

Attendu qu'il est établi par les relevés de compte de Christelle Y... que, si les opérations qu'elle conteste, réalisées à distance à l'aide du numéro de sa carte à débit différé, ont fait l'objet d'un prélèvement sur son compte en fin de mois, notamment les 30 et 31 septembre 2005, ces opérations ont été effectuées à partir du 4 septembre 2005 ;

Que le délai de 70 jours a donc couru à compter du 4 septembre 2005 ;

Attendu que les parties sont en désaccord sur la date de la réclamation formée par la titulaire de la carte ;

Attendu que Christelle Y... fait valoir qu'elle a contesté auprès de son agence bancaire les opérations dès le 11 octobre 2005, mais que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'opposition qu'elle a formée ce jour-là ne peut pas tenir lieu de contestation au sens de l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier ;

Attendu qu'il est par ailleurs établi, par la lettre que lui a adressée la société Assurances du Crédit mutuel le 24 octobre 2005 pour lui refuser sa garantie en tant qu'assureur, que Christelle Y... a effectué une déclaration de sinistre survenu le 12 octobre 2005 (jour de sa plainte) pour usage frauduleux de sa carte bancaire ;

Attendu que, cependant, faute d'être en mesure de justifier de l'écrit de contestation exigé par l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier, la réclamation que Christelle Y... allègue avoir formée auprès son agence bancaire à ce moment-là n'est pas établie ;

Attendu qu'ainsi ce n'est que par sa lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2005 que Christelle Y... a formé sa réclamation auprès du Crédit mutuel pour obtenir le remboursement des paiements contestés ;

Attendu qu'à la date de cette réclamation, le délai de 70 à jours était écoulé depuis le premier paiement contesté du 4 septembre 2005 et ce jusqu'au 13 septembre ;

Attendu que c'est en conséquence à bon droit que le tribunal n'a jugé recevable la demande en remboursement formée contre la banque sur le fondement de l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier qu'en ce qu'elle porte sur les paiements faits à partir du 14 septembre 2005 ;

~~

Attendu que, sur le fond, contrairement à ce que soutient le Crédit mutuel, la simple contestation par le titulaire de la carte dans le délai fixé par l'article L. 132-6 oblige la banque à contrepasser sur le compte, dans le mois, les débits contestés, sauf pour elle à établir la mauvaise foi du titulaire ;

Attendu qu'ainsi le Crédit mutuel ne peut échapper aux obligations résultant de l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier que s'il est justifié que Christelle Y... est -directement ou indirectement-le véritable donneur d'ordre des paiements qu'elle conteste ; que cette preuve incombe à la banque ;

Or attendu que cette preuve n'est pas rapportée ;

Attendu que les opérations contestées sont des paiements faits par Internet avec l'indication du numéro de la carte bancaire de Christelle Y... et donc à distance, sans utilisation physique de la carte ;

Qu'ils ont tous été opérés au profit de sites de jeux d'argent localisés à l'étranger ;

Attendu que Christelle Y... ne dénie pas utiliser régulièrement des sites de jeu d'argent en ligne et effectuer ses règlements par carte bancaire, mais que cette circonstance ne démontre pas qu'elle est le donneur d'ordre des paiements qu'elle conteste ;

Attendu que si les investigations des services de police n'ont pas pu aboutir en raison de la localisation des sites bénéficiaires, il résulte en revanche de l'enquête que Christelle Y... ne peut se voir matériellement imputer toutes les connexions et transactions en raison de leur nombre extrêmement important et du fait qu'elle couvrent les plages horaires de son travail salarié ; que l'enquête a en outre montré que certains libellés figurant sur le journal des connexions remis par le Crédit mutuel indiquait "un blocage internet", significatif d'un "passage en force" de la carte et de la connexion de Christelle Y..., probablement par piratage ;

Attendu qu'à défaut d'avoir établi la mauvaise foi de Christelle Y... dans sa dénonciation de l'utilisation frauduleuse de sa carte, le Crédit mutuel devra lui restituer le montant des payements qu'elle conteste, faits entre le 14 septembre et le 10 octobre 2005, soit la somme de 8864 €, étant relevé qu'aucune demande en paiement d'intérêts de retard n'est présentée ;

~~

Attendu que Christelle Y... poursuit par ailleurs la responsabilité du Crédit mutuel pour avoir omis de l'alerter sur l'existence des paiements à caractère anormal par leur nombre et leur montant à compter du 30 septembre 2005, cause d'un découvert important sur son compte, dont elle n'aurait eu connaissance qu'à réception de son relevé bancaire ;

Attendu qu'en premier lieu la Banque dénie toute faute en faisant valoir que le plafond de paiement autorisé par carte était contractuellement fixé, par jour comme par semaine de 7 jours glissants, à 3000 € et que ce plafond n'a pas été dépassé ;

Attendu que Christelle Y..., qui se borne à affirmer que les dépenses frauduleuses ont excédé 10 000 €, ne démontre pas ni même n'allègue que, par jour ou par semaine, le plafond des paiements autorisés au moyen de la carte bancaire a été dépassé par la faute de la banque ;

Et attendu que les dépenses n'avaient rien d'alarmant dès lors que Christelle Y... était coutumière de ce type d'opérations ;

Attendu que le Crédit mutuel rapporte par ailleurs la preuve de ce que Christelle Y... a consulté à de multiples reprises au moyen du service "Domiweb", le relevé et le solde de son compte, y compris les débits différés par carte bancaire, de sorte qu'elle ne peut pas se plaindre de n'avoir appris qu'à réception de son relevé bancaire l'ampleur des paiements engagés avec sa carte ;

Attendu qu'en revanche c'est à juste titre que Christelle Y... conteste son inscription au fichier des incidents de paiement ;

Attendu qu'en effet le refus de la banque de recréditer, en méconnaissance de ses obligations, les sommes contestées par le titulaire du compte est la cause de la persistance du découvert qu'elle n'a pas pu régulariser et du rejet de chèques qui s'en est suivi ;

Attendu que Christelle Y... a ainsi été placée dans une situation financière difficile, constitutive d'un préjudice moral certain, qui sera réparé par une indemnité de 1500 € ;

~~

Attendu que le Crédit mutuel formule contre l'appelante, à titre subsidiaire, une demande en paiement de la somme de 13 700 € à titre de dommages-intérêts en soutenant que Christelle Y... a commis des négligences fautives, qui sont la cause de son dommage ; que la banque lui fait grief d'avoir divulgué à un tiers les données confidentielles de sa carte bancaire et d'avoir omis de la prévenir en temps utile des payements enregistrés dont elle n'était pas l'auteur ;

Mais attendu que la responsabilité du titulaire d'une carte de paiement n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte ; que la négligence du titulaire n'est pas de nature décharger l'émetteur de son obligation de recréditer le montant d'une opération qui a été contestée dans le délai de soixante dix jours, ou dans celui contractuellement prolongé dans la limite de cent vingt jours (Cass com, 12 novembre 2008, no 07-19.324);

Qu'en conséquence, le Crédit mutuel n'est pas fondé en sa demande d'indemnisation du préjudice dont il s'abstient de préciser la consistance et qui résulterait de la seule application du dispositif légal de protection ;

Attendu qu'en définitive le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté l'appelante ;

Qu'il y a lieu, en la cause, à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Christelle Y... ;

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Réformant le jugement déféré,

Condamne la Caisse de Crédit mutuel d'Angers Saint Serge à payer à Christelle Y... les sommes de :

- 8 864 € en principal,

- 1500 € à titre de dommages-intérêts ;

- 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dit non fondée l'inscription de Christelle Y... au fichier des incidents de paiement ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne le Crédit mutuel aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés pour ceux d'appel dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. BOIVINEAU I.FERRARI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 08/01721
Date de la décision : 16/12/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-12-16;08.01721 ?
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