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09/12/2008 | FRANCE | N°08/00016

France | France, Cour d'appel d'Angers, 09 décembre 2008, 08/00016


Chambre Sociale


ARRÊT N
CLM / AT


Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00016.


type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 05 Décembre 2007, enregistrée sous le no 04 / 00546




ARRÊT DU 09 Décembre 2008




APPELANT :


Le Groupement Ag

ricole d'Exploitation en Commun (G. A. E. C.) de la DIVATTE
La Huberderie
44430 LA BOISSIERE DU DORE


représenté par Maître Pascal LAURENT, avocat au...

Chambre Sociale

ARRÊT N
CLM / AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00016.

type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 05 Décembre 2007, enregistrée sous le no 04 / 00546

ARRÊT DU 09 Décembre 2008

APPELANT :

Le Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (G. A. E. C.) de la DIVATTE
La Huberderie
44430 LA BOISSIERE DU DORE

représenté par Maître Pascal LAURENT, avocat au barreau d'ANGERS,

INTIME :

Monsieur Claude X...

...

44450 LA CHAPELLE BASSE MER

représenté par Maître Maell PELLEN, substituant Maître Olivier Y... (SCP), avocat au barreau de NANTES,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame LECAPLAIN-MOREL, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur BOTHOREL, président
Madame ANDRE, conseiller
Madame LECAPLAIN-MOREL, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT :

prononcé le 09 Décembre 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

Le GAEC de LA DIVATTE exerce une activité principalement orientée vers l'élevage, le maraîchage, la culture de céréales, la fabrication et la vente de produits dérivés des produits agricoles, tels les produits laitiers et la viande d'élevage.

Exerçant une activité de charcuterie, il a engagé M. Claude X... en qualité de charcutier, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 3 avril 1997, puis en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 septembre 1997 et ce, au coefficient 310 de la qualification d'agent qualifié d'exploitation de vignoble, de culture ou d'élevage, et moyennant un salaire brut mensuel de 7 098 F.

Par courrier recommandé du 14 septembre 2001, M. X... a été convoqué à un entretien préalablement à un licenciement fixé au 24 septembre suivant et s'est vu confirmer la mesure de mise à pied conservatoire qui lui avait été notifiée verbalement le matin même.

Son licenciement pour faute grave, motivé par " un vol de marchandise " commis le 14 septembre 2001, lui a été notifié par lettre recommandée du 26 septembre 2001 dont il a accusé réception le lendemain.

Soutenant que ce licenciement était abusif, le 31 mars 2003, M. Claude X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers pour obtenir des indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Le 16 avril 2003, le GAEC de LA DIVATTE a déposé plainte pour vol de denrées à l'encontre de son ancien salarié. Cette procédure ayant été classée sans suite, le 1er février 2005, l'employeur a déposé une plainte pour vol, avec constitution de partie civile, entre les mains du doyen des juges d'instruction.

Le 2 février 2007 a été rendue une ordonnance de non-lieu, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de cette cour en date du 23 mai 2007 qui a considéré que l'intention coupable n'était pas caractérisée. Le pourvoi en cassation formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la chambre criminelle du 12 février 2008.

Le GAEC de LA DIVATTE est régulièrement appelant d'un jugement du conseil de prud'hommes d'Angers en date du 5 décembre 2007 qui a dit que le licenciement de M. X..., prononcé pour faute grave, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixé le salaire moyen mensuel de ce dernier à la somme de 1 472 € et qui a condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

-4 500 € à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L 122-14-5 du code du travail,

-779, 10 € à titre d'indemnité compensatrice de mise à pied outre 77, 91 € de congés payés y afférents,

-588, 80 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-2 944 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 294, 40 € de congés payés y afférents.

Les premiers juges ont débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et préjudice moral ainsi que de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Le GAEC de LA DIVATTE demande en la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamné à payer diverses sommes à ce dernier,

- de confirmer ledit jugement en toutes ses autres dispositions,

- de débouter l'intimé de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 €.

Au soutien de sa demande tendant à voir consacrer une faute grave, l'employeur fait valoir :

- que les faits mentionnés dans la lettre de licenciement pour motiver cette mesure ne sont pas énoncés sous leur seule qualification pénale de sorte que, ce qui est reproché au M. X... est " d'avoir soustrait de la marchandise sans pouvoir apporter d'explication à cette appréhension " et sans pouvoir la justifier par un procédé applicable au sein de l'entreprise, ce qui constitue une violation à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail,

- qu'en tout état de cause, l'issue de la procédure pénale ne lie pas le juge civil,
- que les faits d'appréhension sont établis et reconnus,

- qu'ils ne procèdent d'aucune autorisation de sa part, les salariés ne pouvant emporter de la marchandise que contre paiement, et qu'ils ne pouvaient pas être destinés à compenser des heures supplémentaires, lesquelles étaient payées,

- que la soustraction de marchandise constitue bien la cause réelle du licenciement et que celui-ci n'a pas été motivé par la baisse d'activité et de le désir de supprimer un emploi trop coûteux.

S'agissant des heures supplémentaires, le GAEC de LA DIVATTE oppose que, lorsque son salarié en a effectué, elles lui ont été payées sur la base des relevés d'heures qu'il lui remettait et que l'intimé ne produit, dans le cadre de la présente instance, aucun élément propre à étayer sa demande.

Reprenant oralement ses conclusions déposées le 13 octobre 2008 aux termes desquelles il forme appel incident, M. Claude X... demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a estimé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, quant aux sommes allouées au titre de la mise à pied et aux dispositions relatives au cours des intérêts moratoires,

- de l'infirmer pour le surplus, de fixer le salaire de référence servant de base au calcul des indemnités à la somme mensuelle de 1 617, 41 € sur la base des douze derniers mois de salaire, heures supplémentaires impayées comprises, et de condamner le GAEC de LA DIVATTE à lui payer les sommes suivantes :

¤ 12 939, 28 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

¤ 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

¤ 3 234, 82 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 323, 18 € de congés payés y afférents,

¤ 646, 96 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

¤ 8 261, 43 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées outre 1 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce non-paiement des heures supplémentaires pendant plusieurs années,

¤ 2 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive en application des dispositions de l'article 559 code de procédure civile,

¤ 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X... fait valoir que, dans la mesure où la lettre de licenciement mentionne les faits de soustraction sous leur seule qualification pénale et où les procédures pénales suivies ont exclu que les faits de vol à l'origine de son licenciement puissent lui être imputés, il s'ensuit nécessairement que le motif de son licenciement est inexact, de sorte que cette sanction ne peut qu'être déclarée sans cause réelle et sérieuse.

Il ajoute qu'aucune faute grave n'est démontrée à son encontre relativement à l'achat ou à la reprise de marchandises et que la véritable cause de son licenciement semble résider dans les difficultés de l'entreprise et le souhait de l'employeur de supprimer un emploi coûteux.

L'intimé soutient que sa demande afférente au rappel de salaire pour heures supplémentaires est parfaitement étayée par les relevés d'heures qu'il a tenus chaque semaine.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les heures supplémentaires :

Attendu que s'il résulte de l'article L 3171-4 (ancien L 212-1-1) du Code du Travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que la demande de rappel de salaire formée par M. X... pour heures supplémentaires est afférente à la période non prescrite de mars 1998 au 14 septembre 2001 ;

Attendu qu'il résulte des bulletins de paie de l'intimé que le GAEC de LA DIVATTE lui a payé chaque mois des heures supplémentaires, pour un nombre variant de 20 à 35 heures, ce qui accrédite sa thèse selon laquelle il effectuait régulièrement des heures supplémentaires et ce, de façon importante ;

Attendu que pour l'ensemble de la période litigieuse, M. X... verse aux débats des calendriers sur lesquels il a noté, au fil des jours, le nombre d'heures de travail accomplies, de même d'ailleurs que les périodes de vacances ; que de tels relevés d'heures précis et réguliers constituent des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que si, pour certains mois, l'employeur a payé un nombre d'heures supplémentaires plus important que celui résultant du relevé établi par le salarié, il appert de la comparaison de l'ensemble des relevés d'heures et des bulletins de salaire, que toutes les heures de travail accomplies n'ont pas été payées, étant souligné que l'employeur ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par M. X... et ne produit aucune pièce de nature à contredire les relevés d'heures produits ;

Attendu que la demande de l'intimé apparaît donc fondée en son principe ;

Attendu, comme ce dernier le reconnaît lui-même aux termes de ses écritures, que la convention collective applicable fixe la durée hebdomadaire de travail équivalente à la durée légale à 39 heures de sorte qu'il ne peut prétendre à une majoration pour heure supplémentaire qu'à compter de la 40 ème heure ;

Et attendu que, contrairement à ce que soutient l'intimé, il n'y a pas lieu à application du système légal de majoration prévu par l'article L 3121-22 du code du travail, dans la mesure où la convention collective détermine les modalités de rémunération des heures supplémentaires en précisant que " Les heures de récupération ouvrent droit à une indemnité de 25 % " ; que seul ce taux de majoration est donc applicable à l'ensemble des heures supplémentaires réalisées ;

Attendu que, déduction faite des heures supplémentaires déjà payées (cf les bulletins de salaire), la créance de M. X... s'établit à la somme de 4 895, 63 € (1998 : 2 317, 01 €-1999 : 1607, 87 €-2000 : 555, 17 €-2001 : 325, 56 €) ;

Attendu que le GAEC de LA DIVATTE sera condamné à lui payer cette somme outre 489, 56 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférente le tout, avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2003, date à laquelle il a accusé réception de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation ; qu'il sera condamné en outre à lui remettre un bulletin de salaire y afférent ;

Attendu que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. Claude X... de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ; Et attendu, ce dernier ne justifiant pas d'un préjudice résultant du non-paiement de ces heures supplémentaires, qui soit distinct du seul retard de paiement déjà réparé par les intérêts moratoires, que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non paiement des heures supplémentaires ;

Sur le licenciement :

Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la preuve d'une telle faute incombe à l'employeur ;

Attendu que l'écrit, rédigé par M. X... le 14 septembre 2001, et aux termes duquel il a reconnu : " avoir commis une faute grave au GAEC de la Divatte qui peut donner lieu à licenciement " ne peut pas avoir pour effet de lier le juge prud'homal quant à la nature de la faute reconnue ;

Attendu que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; qu'en l'espèce le courrier du 26 septembre 2001 est ainsi libellé : " Le 14 septembre 2001, plusieurs associés du G. A. E. C (Messieurs Z... et D...) ont constaté la présence dans le coffre de votre voiture personnelle, qui s'était ouvert accidentellement, de différentes marchandises, essentiellement de charcuterie, provenant de l'exploitation.
Sommé de vous expliquer, vous avez dans un premier temps invoqué l'autorisation d'un autre associé avant de reconnaître l'ensemble des faits devant témoins, reconnaissant également un vol la semaine précédente, et de les confirmer par écrit ce même jour.
Lors de l'entretien, vous n'avez pu apporter d'explications satisfaisantes à votre comportement en tentant de justifier celui-ci par des griefs sans rapport avec la présente procédure et d'argumenter à une manoeuvre de notre part.
Les faits qui vous sont reprochés, à savoir un vol de marchandise, caractérisent une faute grave, et rendent impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise même pendant un préavis. " ;

Attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui sont définitives et statuent sur le fond de l'action publique et non aux décisions de non-lieu qui sont provisoires et révocables et qui ne peuvent, quels qu'en soient les motifs en fait, exercer aucune influence sur l'action portée devant les juridictions civiles ;

Que la juridiction prud'homale conserve donc toute latitude pour apprécier si la faute invoquée est établie et, dans l'affirmative, pour la qualifier ;

Attendu que les faits matériels d'appréhension de charcuteries provenant de l'exploitation du GAEC de LA DIVATTE, commis le 14 septembre 2001 et reprochés à M. Claude X... aux termes de la lettre de licenciement, sont établis par les pièces versées aux débats, notamment par les procès-verbaux constitutifs de l'enquête de gendarmerie, et ont été reconnus par l'intéressé tant devant les gendarmes que devant le juge d'instruction, et ne sont pas contestés devant la présente juridiction ;

Attendu que les denrées appréhendées à cette date par M. X... n'étaient, au moins pour partie, pas périmées et représentaient une valeur variant entre 150 F et 300 F, selon les déclarations de l'employeur et celle du salarié ;

Attendu qu'il est établi par l'enquête de gendarmerie que M. X... avait emporté des denrées la semaine précédant les faits susvisés et un jambon d'une valeur de 527 F le 12 juillet 2001 et que ces faits, et ceux du 14 septembre 2001, n'étaient pas isolés ; que M. A..., collègue de travail qui a révélé à l'employeur le vol du jambon et auquel l'intimé a été confronté au cours de l'enquête de gendarmerie, a précisé qu'il avait déjà vu ce dernier " prendre dans le frigo de la viande en plus des commandes " et qu'il lui indiquait " que c'était pour se payer, étant donné qu'il jugeait son salaire insuffisant " ; que, sur ce, l'intimé a déclaré aux gendarmes : " Je ne nie pas les faits, je disais à Jérôme que c'était un casse-croûte pour aller à la pêche..... J'ajoute que je me servais dans les limites du raisonnable " ;

Attendu que le témoignage de M. Yvon B..., ami de l'intimé, qui a indiqué aux gendarmes avoir entendu, " en 2000 ou peut être avant " l'un des gérants du GAEC dire à M. X... : " Si tu as besoin, tu te sers " et avoir ainsi " compris que Claude avait l'autorisation de prendre de la viande " ne saurait à lui seul établir que l'intimé avait, comme il l'a soutenu au cours de l'enquête pénale, reçu l'autorisation verbale de M. Philipe Z... d'emporter de la viande alors surtout qu'il résulte des déclarations unanimes des conjoints des gérants du GAEC et des autres salariés que personne n'avait l'autorisation d'emporter de la viande mais que tous, salariés comme associés, devaient l'acheter au prix client ;

Attendu, s'agissant des autres produits, qu'il appert des déclarations recueillies au cours de l'enquête pénale, que les associés pouvaient emporter uniquement des légumes ou des produits laitiers pour les besoins de leurs familles et que les salariés soit, se voyaient parfois remettre par l'employeur des légumes qui étaient en excédents, soit étaient expressément autorisés par ce dernier à en emporter sur leur demande ;

Attendu que tous les salariés ont exclu que l'employeur ait pu les autoriser, même tacitement, à emporter librement et sans son accord préalable des denrées provenant de la production de même qu'ils ont exclu qu'ait pu exister une pratique consistant à rémunérer ainsi en nature des heures supplémentaires ou des services rendus ; qu'il est ainsi établi que l'attitude qu'a eue M. Claude X... le 14 septembre 2001, de s'approprier sans autorisation des denrées alimentaires, ne correspond pas à un usage qui avait cours au sein du GAEC ; que l'intimé en avait d'ailleurs tellement conscience qu'il résulte du témoignage de M. A..., collègue de travail, qu'il agissait en l'absence de l'employeur et faisait en sorte que ce dernier ne s'aperçoive pas de ses appréhensions de marchandises ;

Attendu que M. Claude X... fait valoir que l'employeur n'aurait jamais " formellement interdit l'achat de charcuterie ou la reprise de denrées alimentaires périmées par le personnel " et que lui-même n'aurait jamais " violé aucune instruction en ce sens " ;

Mais attendu que le GAEC de LA DIVATTE ne lui a jamais fait grief d'avoir acheté des denrées ou d'avoir mis dans le coffre de sa voiture des denrées dûment payées ; et attendu que M. X... a expressément reconnu que parmi les denrées emportées le 14 septembre 2001, à tout le moins, les saucisses n'étaient pas périmées ; qu'en tout état de cause, l'interdiction qui s'impose à un salarié de s'approprier sans autorisation quelque bien que ce soit appartenant à son employeur apparaît tellement naturelle et procède tellement de l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, qu'elle n'a pas à faire l'objet d'une énonciation ou d'une instruction explicite particulière, peu important la valeur du bien considéré ou sa destination dont il n'appartient pas au salarié de préjuger ; que de même, sauf autorisation expresse du vendeur, il est d'usage de payer un bien au plus tard au moment où on l'emporte et se l'approprie ; qu'en l'espèce, aucun salarié n'a fait état, au sien du GAEC de LA DIVATTE, d'un usage consistant à ce que le paiement des marchandises soit différé ;

Attendu encore, que le fait que M. X... ait pu être titulaire d'une créance de salaire pour heures supplémentaires non payées ne l'autorisait pas à appréhender des marchandises sans l'accord de son employeur ;

Attendu que si une fois confondu, M. X... a déclaré son intention de payer les marchandises mises dans son coffre le jour même, de même que celles emportées la semaine précédente et le jambon emporté le 12 juillet 2001, et s'il a pu alors établir un chèque d'un montant total de 682 F (ce que l'employeur a toujours contesté), la sincérité de cette intention est contredite par l'attitude clandestine dont il a fait preuve en agissant toujours à l'insu de son employeur et en dissimulant les denrées dans le coffre de sa voiture, et par le fait que le jambon, d'une valeur de 527 F, n'était toujours pas payé plus de deux mois après son appréhension ; que le GAEC de LA DIVATTE était ainsi fondé à considérer que les appréhensions de marchandises commises par M. X... procédaient de sa part d'une intention frauduleuse ;

Attendu que l'employeur démontre qu'il a remplacé M. Claude X... en embauchant pour le remplacer M. Sébastien C... le 18 février 2002, en CDD puis en CDI ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits reprochés à M. Claude X... à l'appui de son licenciement sont bien réels ; que le fait pour M. Claude X... d'avoir, le 14 septembre 2001, dérobé divers produits alimentaires provenant de l'exploitation de son employeur constitue un manquement à l'obligation de loyauté ; que la qualification de faute grave retenue par l'employeur est justifiée en ce que, cet acte n'étant pas isolé, il rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Attendu que le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a jugé abusif le licenciement dont s'agit et en ce qu'il a alloué à l'intimé des dommages et intérêts de ce chef ainsi que des indemnités de mise à pied et de rupture, la faute grave excluant le droit à de telles indemnités ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :

Attendu qu'un licenciement pour faute grave établie n'est certes pas exclusif du droit, pour le salarié, de solliciter des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire lorsqu'il apparaît que son employeur a entouré le licenciement d'un comportement brutal, injurieux ou propre à porter atteinte à sa dignité ;

Attendu qu'une telle preuve n'est pas rapportée en l'espèce à l'encontre du GAEC de LA DIVATTE qui n'a ni dénigré ni injurié son salarié, ni fait preuve à son égard d'une particulière brutalité mais qui a mis en oeuvre des mesures légitimes de mise à l'écart pour se préserver des atteintes dont il était l'objet ;

Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, M. X... soutient que son employeur a fait preuve d'une particulière mauvaise foi à son égard et d'acharnement procédural ;

Attendu que le GAEC de LA DIVATTE, contre lequel il n'est démontré aucun comportement malicieux ou dolosif, n'apparaît pas avoir abusé de son droit de se défendre en justice ; et attendu que, dans la mesure où il prospère en son appel tendant à voir reconnaître le caractère grave de la faute reprochée à son ancien salarié, son recours ne saurait être déclaré abusif ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'intimé de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

¤ ¤ ¤

Attendu, les conditions de la compensation étant réunies, qu'il convient d'ordonner la compensation entre les sommes allouées à M. Claude X... en première instance et en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers en date du 5 décembre 2007 en ce qu'il a débouté M. Claude X... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, procédure abusive et de sa demande de dommages et intérêts pour non paiement des heures supplémentaires ;

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :

- condamne le GAEC de LA DIVATTE à payer à M. Claude X... la somme de 4 895, 63 € (quatre mille huit cent quatre-vingt quinze euros et soixante-trois centimes) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 489, 56 € (quatre cent quatre-vingt neuf euros et cinquante-six centimes) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférente et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2003 ;

- condamne le GAEC de LA DIVATTE à lui remettre un bulletin de salaire y afférent ;

- dit que le licenciement de M. Claude X... repose sur une faute grave,

- en conséquence, déboute ce dernier de ses demandes de rappel de salaire pour mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Y ajoutant :

- ordonne la compensation entre les sommes allouées à M. Claude X... en première instance et en cause d'appel,

- dit que chaque partie conservera la charge des dépens et des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 08/00016
Date de la décision : 09/12/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Angers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-12-09;08.00016 ?
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