La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2008 | FRANCE | N°07/01895

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0146, 18 novembre 2008, 07/01895


COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE AFV / IM
ARRET N

AFFAIRE N : 07 / 01895

Jugement du 03 Août 2007
Tribunal d'Instance de SAUMUR
no d'inscription au RG de première instance 05 / 218

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2008

APPELANT :

LE GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE CROIX DES VIGNES
14 rue Saint Vincent-Sanziers-49260 LE PUY NOTRE DAME

représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
assisté de Me Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Monsieur Vincent Y...
...

Madame Virgin

ie X... épouse Y...
...

représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour
assistés de Me Ludovic GAUVIN, avocat au barreau...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE AFV / IM
ARRET N

AFFAIRE N : 07 / 01895

Jugement du 03 Août 2007
Tribunal d'Instance de SAUMUR
no d'inscription au RG de première instance 05 / 218

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2008

APPELANT :

LE GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE CROIX DES VIGNES
14 rue Saint Vincent-Sanziers-49260 LE PUY NOTRE DAME

représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
assisté de Me Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Monsieur Vincent Y...
...

Madame Virginie X... épouse Y...
...

représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour
assistés de Me Ludovic GAUVIN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame VERDUN, conseiller faisant fonction de président vu l'empêchement de la présidente de la 1ère chambre A et en application de l'ordonnance du 8 septembre 2008, Monsieur MARECHAL, conseiller ayant été entendu en son rapport, et Madame JEANNESSON, vice-président placé faisant fonction de conseiller,

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 18 novembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame VERDUN, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE (GFA) de la Croix des Vignes est propriétaire sur le territoire de la commune du PUY NOTRE DAME (Maine et Loire) d'une parcelle cadastrée section B numéro 751, en nature de vignes. Cette parcelle est contigüe en sa partie nord, successivement d'ouest en est, aux parcelles cadastrées B no 561, 1555, 1551, 1549, 555 et 1545, constituant le « Domaine de la Falaiserie », propriété des époux Y... qui l'ont acquise de la SAFER MAINE OCEAN, par acte notarié du 4 avril 2001.

Par acte d'huissier de justice en date du 8 juin 2005, le GFA de la Croix des Vignes a fait assigner les époux Y... en bornage, devant le tribunal d'instance de SAUMUR. Monsieur C... a été désigné par jugement du 20 juillet 2005 puis remplacé par ordonnance du 23 septembre 2005 par monsieur D... lequel a déposé son rapport le 10 février 2007.

Le GFA a sollicité l'homologation du rapport d'expertise et l'implantation des bornes sur les limites déterminées par l'expert par application des dispositions de l'article 646 du code civil, tandis que les époux Y... s'y sont opposés, sollicitant à titre reconventionnel que la limite entre leur propriété et la parcelle B 751 soit fixée à la clôture et la haie actuellement en place, par suite de l'existence d'un accord antérieur sur cette limite séparative.

Par jugement en date du 3 août 2007 le tribunal d'instance de SAUMUR a :

• dit que la limite entre, d'une part, la propriété des époux Y... cadastrée section D no 561 et, d'autre part, la parcelle cadastrée B no 751, propriété du GFA Croix des Vignes, correspond à la clôture et à la haie actuellement en place,
• rejeté la demande du GFA CROIX DES VIGNES aux fins de bornage judiciaire et d'homologation du rapport de monsieur D..., expert judiciaire,
• dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
• condamné le GFA aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Le GFA de la Croix des Vignes a relevé appel de cette décision, par déclaration du 3 septembre 2007.

Les parties ont constitué avoué et conclu. La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 septembre 2008.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions déposées par le GFA de la Croix des Vignes le 25 juin 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles il demande à la cour :

• d'infirmer le jugement déféré en entérinant le rapport d'expertise de Monsieur D...,
• de fixer la limite séparative des fonds cadastrées B no 751, 561, 1551, 1549, 555 et 1545 sur la ligne droite orientée Ouest-Est partant du point, visible sur rue, au changement d'aspect du mur, et longeant la construction Y...,
• de commettre à nouveau l'expert aux fins d'implanter les bornes,
• de condamner les époux Y... à lui verser une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
• de le condamner aux entiers dépens de première instance, en ce compris tous frais de référé et expertise, et d'appel.

Vu les dernières conclusions déposées par les époux Y... le 11 août 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, et par lesquelles ils sollicitent :

• le débouté de l'appel et la confirmation du jugement, au besoin par substitution de motifs,
• le constat de l'existence d'un accord des propriétaires successifs des parcelles objet du bornage, opposable au GFA, pour fixer les limites séparatives des fonds le long de la clôture actuelle dès lors que celle-ci a été posée par Jean-Pierre E... en 1960, époque à laquelle les parcelles n'étaient pas réunies en une seule main, Emile E..., père de Jean-Pierre, disposant alors de droits sur la parcelle B 751,
• le rejet de l'action en bornage du GFA, irrecevable du fait de l'existence de cet accord pour modifier les limites séparatives des fonds par rapport aux limites cadastrales, et subsidiairement, la confirmation du jugement qui a constaté l'acquisition par prescription de la bande de terrain litigieuse, l'animus domini de Jean-Pierre E..., alors co-indivisaire, résultant de l'édification de la clôture et de l'occupation réelle de la bande de terrain par des constructions remontant à 1967,
• la condamnation du GFA CROIX DES VIGNES à leur payer une indemnité de procédure de 3 000 euros,
• sa condamnation aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'une bande de terrain d'une largeur d'environ 10 m, prise sur la parcelle B 751, située en limite sud du « Domaine de la Falaiserie », qui appartient actuellement aux époux Y..., a été matériellement rattachée à ce domaine en 1960, par l'apposition, sans bornage préalable, de la clôture et de la haie qui séparent encore les deux propriétés ; que le bornage judiciaire, sollicité par le GFA de la Croix des Vignes, propriétaire de la parcelle B 751, avait donc pour objet de rétablir la délimitation des propriétés respectives à son emplacement cadastral, ce qui ne saurait être assimilé à une action en revendication ; que ce grief des époux Y... est, dès lors, sans fondement   ;

I) Sur la fin de non-recevoir prise d'un accord antérieur

Attendu que les époux Y... reprennent devant la cour la fin de non-recevoir prise de l'existence d'un accord antérieur sur la limite séparative des fonds, que matérialiserait la clôture édifiée en 1960, et maintenue sans contestation de la part du GFA ou de ses auteurs, jusqu'à l'action en bornage   ;

Attendu, sur la recevabilité contestée de cette fin de non-recevoir, qu'aux termes de son jugement du 20 juillet 2005, le tribunal, après avoir relevé qu'en raison du caractère contigu des parcelles et de l'absence de bornage amiable, le GFA paraissait fondé à solliciter un bornage judiciaire en application de l'article 646 du Code civil, s'est borné à désigner « avant-dire droit » un géomètre-expert, aux frais partagés des parties   ;

Qu'en l'absence de disposition ordonnant expressément le bornage judiciaire, cette décision n'a pas l'autorité de chose jugée, de sorte que les époux Y... demeurent recevables, par application de l'article 123 du Code de procédure civile, à soulever après expertise la fin de non-recevoir prise de l'existence d'un accord antérieur des parties sur la délimitation de leurs propriétés respectives ;

Attendu que, pour écarter l'existence d'un tel accord, le tribunal a relevé que l'implantation d'une clôture et d'une haie, suivie de l'édification d'ouvrages d'agrément (piscine, pigeonnier, terrasse) affectés à l'usage exclusif du domaine de la Falaiserie, constituaient des entreprises unilatérales émanant de l'ancien propriétaire des deux parcelles qu'il est demandé de délimiter, et non un accord exprès sur une limite séparative, matérialisé par un plan signé, un procès-verbal de géomètre-expert ou par l'implantation de quelques bornes   ;

Que la cour ne peut qu'adopter ces motifs pertinents, en rappelant que   :

• les haies, barrières ou constructions formant clôture ne constituent pas des bornes selon les usages,
• ces signes matériels de délimitation ne font donc obstacle à une action en bornage que s'ils ont été établis contradictoirement avec les divers propriétaires intéressés, en exécution d'un jugement, d'un procès-verbal, d'un plan ou de tout autre document attestant, de façon certaine, un accord sur l'implantation de bornes,
• tel n'est pas le cas des signes d'emprise installés unilatéralement par Jean-Pierre E... à l'intérieur de la parcelle B 751, à une époque où il était indivisaire en usufruit de cette parcelle avec son père Emile E... (pièces no 4 et 5 du GFA), et sans que ce dernier n'ait été appelé à donner un accord certain et immuable sur un transfert des délimitations cadastrales des parcelles concernées ;

Qu'au demeurant, le procès-verbal de vente sur adjudication des immeubles dépendant de la liquidation judiciaire E..., en date du 29 septembre 2000, témoigne de la pérennité de ces délimitations puisqu'il mentionne, au chapitre désignation, dans le descriptif du domaine de la Falaiserie, qu'« une bande de terrain d'environ 10 m de large située au SUD de la propriété présentement vendue est assise sur la parcelle cadastrée section B no 751 appartenant au GFA Croix des Vignes »   ;

Que le jugement ne peut donc qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les époux Y... et prise d'un prétendu accord antérieur sur les limites de propriété respectives   susceptibles de faire obstacle à la demande en bornage ;

II) Sur l'exception pétitoire de prescription acquisitive

Attendu que, pour accueillir cette exception et dire que les époux Y... étaient fondés à se dire propriétaires de la bande de terrain de 10 m, prise sur la parcelle B 751, le tribunal a retenu que la preuve était apportée d'une possession acquisitive utile dès lors que plus de trente ans s'étaient écoulés entre la réserve émise sur la propriété de la bande de terrain litigieuse, dans le cahier des charges de novembre 2000, et les actes d'appropriation exclusive réalisés par Jean-Pierre E... au plus tard en 1969, en édifiant la clôture, en plantant la haie et en construisant, sur tout ou partie de la bande de terrain ainsi annexée, des ouvrages affectés à l'usage exclusif du domaine   ;

Que, contrairement à ce que soutient le GFA, la circonstance que Jean-Pierre E... ait eu la qualité d'indivisaire lorsque ces actes d'appréhension ont été accomplis, ne suffit pas à entacher sa possession d'équivoque si ces actes contredisent les droits réels concurrents de son co-indivisaire, et qu'il peut s'en déduire une possession « animo domini » et comme propriétaire exclusif   ;

Qu'or, force est de constater qu'à compter de 1960, Jean-Pierre E... a soustrait une partie de la parcelle des Petites Ouches, alors en nature de vignes, à l'usage et à la jouissance de son père, Emile, qui était habile à les revendiquer en sa qualité d'usufruitier, pour l'affecter exclusivement à l'agrément du domaine de la Falaiserie dont il venait de faire l'acquisition   ; qu'après l'avoir annexée matériellement à ce domaine, en l'englobant à l'intérieur d'une enceinte unique, en procédant à l'extension du muret existant côté rue, et puis à la création, d'ouest en est, d'une clôture en partie maçonnée, doublée d'une haie empêchant tout accès depuis la parcelle B 761, Jean-Pierre E... a fait édifier, sur cette bande de terrain, une piscine, un pigeonnier ainsi qu'une terrasse affectés à l'usage et la jouissance de sa seule propriété   ; que ces actes matériels d'emprise témoignent, manifestement, de l'exercice factuel d'un droit de propriété exclusif, contrariant les droits réels de l'usufruitier sur ces 10 m de terrain pris sur la parcelle dite des Petites Ouches, exercice qui présente le caractère d'une possession publique et non équivoque   ;

Que cette possession a perduré, avec les mêmes qualités et sur les mêmes limites apparentes, jusqu'au décès de Jean-Pierre E..., survenu le 25 juillet 1993, son père Emile ayant fait donation de son droit d'usufruit sur la parcelle B 751 à sa petite-fille, Anne-Sophie E..., le 12 octobre 1990, laquelle a réuni la toute propriété de cette parcelle pour en faire apport en constitution au GFA le 13 mars 1993 ; que plus de trente ans se sont donc écoulés entre les premiers actes matérialisant l'exercice d'un droit de propriété exclusif par Jean-Pierre E..., en 1960, sans qu'il soit établi, ni même allégué par le défendeur à l'exception pétitoire, que cet exercice a été interrompu avant le décès du possesseur, par une revendication ou contestation quelconque de la part des usufruitiers successifs puis des propriétaires de la parcelle sujette à l'emprise   ;

Qu'en cet état, la preuve est apportée d'une possession trentenaire, répondant aux exigences de l'article 2229 du Code civil et que l'article 2230 présume faite à titre de propriétaire, ayant produit effet en faveur de Jean-Pierre E... dès 1990   ; que la réserve mentionnée, dans le cahier des charges puis dans le procès-verbal d'adjudication du 29 septembre 2000, sur l'appartenance initiale de cette bande de terrain, ne saurait faire disparaître rétroactivement les effets d'une prescription acquise   ;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que les époux Y... étaient fondés à opposer l'exception pétitoire, pour faire obstacle à la demande tendant à voir borner les propriétés respectives à l'emplacement déterminé par l'expert   ;

Que le jugement ne peut donc qu'être confirmé en toutes ses dispositions, sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant son dispositif sur la référence cadastrale de la parcelle appartenant aux époux Y... et à compléter   l'omission des autres parcelles dépendant du même fonds et incluses dans la demande en bornage ;

Attendu qu'il n'existe aucun motif d'équité qui permette de dispenser le GFA de la Croix des Vignes de participer aux frais irrépétibles que les époux Y... ont dû exposer pour défendre à son appel injustifié   ; qu'il lui sera fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, dans les limites prévues au dispositif   ;

PAR CES MOTIFS

STATUANT publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

RECTIFIE l'erreur matérielle affectant la désignation cadastrale de la parcelle appartenant aux époux Y..., laquelle est cadastrée section B no 561, et DIT que la limite séparative déterminée par le tribunal s'étend aux parcelles cadastrées B no 1555, 1551, 1549, 555 et 1545, appartenant aux époux Y...   ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE le GFA de la Croix des Vignes à payer aux époux Y... une indemnité de 2 500 euros, par application de l'article 700 du Code de procédure civile   ;

Le CONDAMNE aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF F. VERDUN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 07/01895
Date de la décision : 18/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Saumur, 03 août 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-11-18;07.01895 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award