La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2008 | FRANCE | N°338

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0146, 07 octobre 2008, 338


AFFAIRE N : 07 / 01252
Jugement du 24 Avril 2007 Tribunal de Grande Instance d'ANGERS no d'inscription au RG de première instance 04 / 3473

ARRET DU 07 OCTOBRE 2008
APPELANTS :
Monsieur Louis X...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

Madame Marie-Thérèse Y... épouse X...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

Monsieur Yohann Z...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

Madame Manuella X... épouse Z...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

représentés par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assistés de Me Henri LOISEAU, avocat au barreau d'ANGERS >
INTIMEE ET INCIDEMMENT APPELANTE :

LA SAFER MAINE OCEAN (SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETA...

AFFAIRE N : 07 / 01252
Jugement du 24 Avril 2007 Tribunal de Grande Instance d'ANGERS no d'inscription au RG de première instance 04 / 3473

ARRET DU 07 OCTOBRE 2008
APPELANTS :
Monsieur Louis X...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

Madame Marie-Thérèse Y... épouse X...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

Monsieur Yohann Z...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

Madame Manuella X... épouse Z...... 49370 ST CLEMENT DE LA PLACE

représentés par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assistés de Me Henri LOISEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE ET INCIDEMMENT APPELANTE :

LA SAFER MAINE OCEAN (SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL) 94 rue de Baugé 72004 LA MANS CEDEX 01

représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me Nicole BEAUDOUIN, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
Madame Marie C... divorcée D......

représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me Patrice PIEDNOIR, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Mai 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 12 décembre 2007 pour exercer les fonctions de président, ayant été entendue en son rapport, Madame VERDUN, conseiller, et Madame JEANNESSON, vice-président placé faisant fonction de conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 07 octobre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame VERDUN, conseiller, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon actes sous seings privés du 26 février 2004, deux compromis de vente ont été signés entre :
- Madame C... et les époux X...- Z... portant sur une maison d'habitation, des bâtiments d'exploitation et environ 1 ha de terres situés autour des constructions à SAINT CLEMENT DE LA PLACE pour le prix de 112 000 € ;
- Madame C... et les époux X...- Y... portant sur 18 ha 57 a 17 ca de terres agricoles situées à SAINT CLEMENT DE LA PLACE pour le prix de 53 000 €, le tout constituant la ferme de la ... que Madame C... exploitait précédemment avec son ami, Monsieur I....
Le 4 mars 2004, Maître J..., notaire chargé d'établir les actes authentiques, a notifié ces ventes à la SAFER MAINE OCEAN, laquelle a, les 29 avril et 6 mai 2004, notifié à celui-ci et aux consorts X...- Z... sa décision d'exercer son droit de préemption sur les immeubles faisant l'objet des compromis de vente du 26 février 2004, ladite décision ayant été affichée à la Mairie du 10 au 31 mai 2004.
Aux termes d'actes authentiques dressés le 26 mai 2004 et publiés à la Conservation des Hypothèques, Marie C... a vendu à la SAFER les immeubles par elle préemptés.
A la suite de la publicité préalable à la rétrocession, la SAFER MAINE OCEAN a recueilli cinq candidatures dont celle des époux Z... pour les bâtiments et celle des époux X... pour les terres.
Les 23 juin et 2 juillet 2004, les époux Z... et les époux X... ont retiré leur candidature au motif de frais devenus trop élevés.
Après avis du Comité technique du 19 juillet 2004, les Commissaires du Gouvernement ont donné leur accord sur la rétrocession :
- des bâtiments et 16 ha 48 a 12 ca de terres à Didier K...,- de 2 ha 10 a 5 ca de terres à Jean-Paul L....

Les époux X...- Y... et les époux Z...- X... ont, par actes du 28 octobre 2004, fait assigner la SAFER MAINE OCEAN aux fins, sur le fondement des articles L. 412. 8 et L. 412. 43 et suivants du Code Rural, * d'annulation des décisions de préemption de cette dernière et des ventes conclues à la suite, le 26 mai 2004, avec renvoi des parties devant Maître J..., notaire, pour réalisation des deux ventes initiales, * de mise en ouvre d'une expertise pour chiffrer leur préjudice, * de condamnation de la SAFER au paiement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de leurs préjudices matériels et moraux. Ils ont parallèlement fait assigner, le 21 décembre 2005, Marie C... pour lui voir déclarer opposable le jugement à intervenir.
Après jonction des instances, effectuée par le juge de la mise en état, le tribunal de grande instance d'ANGERS a, par jugement du 24 avril 2007 :
- déclaré irrecevable l'action des époux X...- Z... et des époux X...- Y..., en application de l'article 28- 4e du décret du 4 janvier 1955, soit, faute par eux de justifier de la publication de leurs assignations ou de leurs conclusions récapitulant leurs prétentions ;
- débouté la SAFER MAINE OCEAN d'une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

- condamné in solidum les demandeurs aux dépens ainsi qu'au versement, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, des sommes de 2 000 € à la SAFER et de 1 500 € à Marie C....

Appelants de cette décision, les époux X...- Y... et les époux Z...- X... demandent à la Cour, au visa des dispositions du décret du 4 janvier 1955, et des articles L. 143. 53, L. 412. 18 et L. 142. 3 et suivants du code rural, et par voie d'infirmation :
- de dire leur action recevable ;
- d'annuler les décisions de préemption de la SAFER MAINE OCEAN en date du 29 avril 2004 ainsi que les ventes conclues le 26 mai 2004 entre la SAFER et Madame C... et de renvoyer les parties devant Maître J..., notaire, en vue de la réalisation des deux ventes initiales ;
- d'ordonner la publication de la décision à la Conservation des Hypothèques ;
- de condamner " d'ores et déjà " la SAFER à payer, en réparation de leurs préjudices, aux époux Z... la somme de 21 000 € et aux époux X... celle de 103 600 € arrêtée au 31 décembre 2007 ;
- de condamner la même aux dépens ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure de 6 000 €.
La SAFER MAINE OCEAN conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des époux X... et des époux Z... et, subsidiairement, au débouté au fond de l'ensemble des prétentions de ces derniers. Formant appel incident du chef du rejet de sa demande de dommages-intérêts, elle réclame aux intéressés la somme de 47 000 €. Elle y ajoute la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Marie C... s'en rapporte à justice sur les demandes présentées dans le cadre du litige opposant les consorts X...- Z... à la SAFER tout en sollicitant la condamnation in solidum desdits consorts à lui verser la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens d'appel.

Vu les dernières conclusions des parties en date des 19 mai 2008 (époux X... et époux Z...), 5 mai 2008 (SAFER), et 3 avril 2008 (Marie C...) ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 mai 2008 ;
MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action

Les appelants justifient avoir procédé à la publication requise par l'article 28. 4. C du décret du 4 janvier 1955, mais ce après discussion soumise au premier juge et décision d'irrecevabilité rendue corrélativement, de sorte que, d'une part, il ne peut être fait grief au tribunal d'avoir statué comme il l'a alors fait, d'autre part, que la procédure a été régularisée, ce dont ne disconvient pas la SAFER qui expose en effet (en page 5 de ses conclusions) que " s'il est exact que cette formalité peut être justifiée en tout état de cause, y compris en appel, les appelants ne manquent pas d'audace en faisant porter la responsabilité de leur erreur sur le tribunal, étant précisé que cette erreur augmente les frais de procédure de l'ensemble des parties à la cause. "
La discussion doit alors être abordée au fond.
Sur le fond
Ceci étant, en droit :
L'article L. 141. 1 du code rural définit ainsi les missions des SAFER :
" Elles ont pour mission d'améliorer les structures foncières par l'installation ou le maintien d'exploitants agricoles ou forestiers, par l'accroissement de la superficie de certaines exploitations agricoles ou forestières, par la mise en valeur des sols et, éventuellement, par l'aménagement et le remaniement parcellaires. Elles peuvent concourir à la préservation de l'environnement. Elles assurent la transparence du marché foncier rural. "
Afin de faciliter leur action, le législateur a créé à leur profit un droit de préemption qui doit leur permettre d'atteindre l'un des objectifs énumérés à l'article L. 143. 2.
Parmi ces objectifs figurent notamment :
" 2o- L'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L. 331. 2. 6o- La conservation d'exploitations viables existantes lorsqu'elle est compromise par la cession séparée des terres et de bâtiments d'habitation ou d'exploitation. "

Il appartient alors à la Cour de vérifier si la préemption critiquée respecte ces objectifs et si la motivation retenue par la SAFER est conforme au droit et aux faits, étant rappelé que ce contrôle est un contrôle de légalité et non pas d'opportunité d'une préemption ou de choix entre des projets concurrents.

En l'espèce, les décisions de préemption critiquées-régulièrement autorisées par les commissaires du gouvernement-sont motivées comme suit :

* Quant à la préemption des bâtiments
" Cette préemption est exercée en vue d'atteindre les objectifs suivants :
- Article L. 143. 2 CR : 6o- La conservation d'exploitations viables existantes lorsqu'elle est compromise par la cession séparée des terres et de bâtiments d'habitation ou d'exploitation.
- Article L. 143. 2 CR : 2o- L'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L. 331. 2. Elle est ainsi motivée (article L. 143. 3 du code rural).
- (...)
De préférence au projet notifié, ce siège d'exploitation conviendrait à conserver un usage agricole et pourrait constituer la résidence principale d'un jeune agriculteur d'une exploitation voisine, telle celle de Pinehard. Ceci, sous réserve d'autres candidatures pendant le délai légal de publicité. "
* Quant à la préemption des terres
" Article L. 143. 2. 2o- L'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L. 331. 2. (...) De préférence au projet notifié, le bien vendu conviendrait rester attaché au siège d'exploitation qui lui est contigu et permettrait la restructuration d'une exploitation locale, telle celle de Pinehard, qui pourrait céder par ailleurs une superficie équivalente. Ceci, sous réserve d'autres candidatures pendant le délai légal de publicité. "

Les autres pièces produites, et notamment des plans, ne permettent pas de remettre en cause la régularité formelle de la motivation énoncée et publiée par la SAFER MAINE OCEAN et de faire grief à celle-ci d'avoir procédé à des manoeuvres occultes ou illicites ou d'avoir procédé à un détournement de pouvoir au préjudice des appelants, dont il sera rappelé qu'ils ont retiré leur candidature à une rétrocession, pour une simple question de frais accessoires et non discutables.
La Cour ne peut ainsi qu'approuver la synthèse faite par la SAFER en des termes ci-après rappelés et fondés sur lesdites pièces ainsi que sur la jurisprudence dégagée en la matière :
" ¤ la vente séparée des bâtiments et des terres de la ferme de la ... n'a pas été " organisée " par la SAFER, qui est intervenue pour l'éviter, ce qui est conforme à sa mission ;

¤ l'exploitation était viable jusqu'à la vente et pouvait le rester, comme le démontre la candidature de Monsieur N... ;

¤ au moment de la préemption, il existait au moins un projet susceptible de correspondre à l'un des objectifs légaux et ce projet était identifiable, comme l'exige la jurisprudence (exploitation de Pinehard) ;
¤ le prix de rétrocession est égal au prix de revient des biens pour la SAFER, y compris les frais de négociation, et les frais financiers qui courent pendant toute la durée de la procédure ;
¤ un appel de candidatures fructueux (5 candidats) témoigne de l'intérêt de l'opération, étant rappelé que les appelants ont estimé devoir retirer leur candidature avant la réunion du comité technique ;
¤ les décisions d'attribution à deux des candidats déclarés sur avis favorable du comité technique départemental et après accord des commissaires du gouvernement sont conformes aux objectifs légaux ;
¤ la signature des actes de rétrocession étant suspendue dans l'attente de l'issue de la procédure, la SAFER est habilitée à passer des conventions pour assurer le maintien en état d'utilisation et de production des biens préemptés, conformément à l'article L. 142. 4 du code rural ;
¤ la motivation de la préemption est complète et conforme aux objectifs légaux ;
¤ les décisions de rétrocession répondent exactement à des objectifs visés par la préemption ;
¤ le fait que l'opération ait évidemment pour effet de bénéficier à deux exploitations voisines ne signifie pas que la SAFER ait eu l'intention de " privilégier par tout moyen Monsieur Didier K.... "
Les consorts X...- Z...- Y... ne peuvent donc qu'être déboutés de leur demande en annulation des décisions de préemption de la SAFER MAINE OCEAN.
Ceci étant, la SAFER sollicite, outre le débouté ainsi justifié des prétentions adverses, la condamnation des appelants au paiement, à titre de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de la somme de 47 000 €, en exposant qu'elle a payé, le 26 mai 2004, l'intégralité du prix, lequel est " depuis lors bloqué dans la rétrocession du fait de la procédure en cours " ; que son préjudice s'élève à 11 999. 82 € par an, soit donc " à ce jour, près de 47 000 €, correspondant aux frais de stockage, tels que chiffrés par le Conseil d'Administration. " A l'appui de ses dires, elle verse en effet pour seule pièce un document émanant d'elle-même (cf pièce 60) et non accompagnée de justificatifs.
Il ne peut alors être fait droit à cette demande de dommages-intérêts. Il y a lieu en revanche, eu égard à la succombance des appelants, de condamner ceux-ci aux dépens afférents ainsi qu'au paiement d'indemnités de procédure, définies dans le dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS

STATUANT publiquement et contradictoirement,

Vu l'évolution du litige liée à une régularisation de la procédure ;
INFIRME le jugement déféré en ses seules dispositions relatives à l'irrecevabilité des demandes des époux X...- Y... et des époux Z...- X... ;
Et statuant alors au fond :
DEBOUTE les époux X...- Y... et les époux Z...- X... de leur appel dudit jugement ;
CONDAMNE lesdits appelants à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile :
• à la SAFER MAINE OCEAN la somme de 3 000 €, • à Marie C... la somme de 1 000 € ;

CONDAMNE in solidum les époux X...- Y... et les époux Z...- X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P / LE PRESIDENT EMPECHE

C. LEVEUF F. VERDUN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 338
Date de la décision : 07/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angers, 24 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-10-07;338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award