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07/10/2008 | FRANCE | N°07/02491

France | France, Cour d'appel d'Angers, 07 octobre 2008, 07/02491


Chambre Sociale



ARRÊT N
BA/AT


Numéro d'inscription au répertoire général : 07/02491.


type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Avril 2007, enregistrée sous le no 02/00718




ARRÊT DU 07 Octobre 2008




APPELANTE :


S.A.R.L. REGICOM SPIR COMMUNICAT

ION
Z.I. Les Milles - Europarc de Pichaury Bât.D5
1330 Avenue Guillibert de la Lauzière
13392 AIX EN PROVENCE CEDEX 03


représentée par Maître Sigmund BR...

Chambre Sociale

ARRÊT N
BA/AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/02491.

type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Avril 2007, enregistrée sous le no 02/00718

ARRÊT DU 07 Octobre 2008

APPELANTE :

S.A.R.L. REGICOM SPIR COMMUNICATION
Z.I. Les Milles - Europarc de Pichaury Bât.D5
1330 Avenue Guillibert de la Lauzière
13392 AIX EN PROVENCE CEDEX 03

représentée par Maître Sigmund BRIANT, substituant Maître Joël COLBEAUX, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE :

Monsieur Nathalie Y...

...

44740 BATZ SUR MER

représentée par Maître Christelle GODEAU, substituant Maître Bruno ROPARS, avocat au barreau d'ANGERS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Juin 2008, en audience publique, devant la cour, composée de :

Monsieur Philippe BOTHOREL, président,
Monsieur JEGOUIC, assesseur,
Madame Brigitte ANDRE, assesseur

qui ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,

ARRÊT :
du 07 Octobre 2008 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

I / Exposé de la procédure, moyens et prétentions des parties

Nathalie Y... a été engagée le 27 mars 2000 par la société REGICOM en qualité de responsable du hall "petites annonces" ; elle est devenue le 5 novembre 2001 attachée commerciale pour le journal 49 à l'agence d'Angers intégrée à une équipe de cinq commerciaux placés sous l'autorité hiérarchique de Rémi D... occupant la fonction de Directeur Commercial Presse d'Angers.

Le 19 juin 2002 un arrêt de travail lui a été prescrit, le 19 juillet 2002 ; elle a fait part à la direction de la société des faits de harcèlement moral dont elle alléguait être victime de la part de Rémi D....

Un entretien s'est tenu le 27 août 2002 entre la salariée et le directeur régional de la société.

Elle a été déclarée inapte à son emploi lors de la seconde visite de reprise le 23 septembre 2002 sur son poste d'attachée commerciale à l'agence d'Angers.

Le 24 septembre 2002, la société REGICOM a proposé un poste d'attaché commerciale situé à Laval.

Le médecin du travail a, le 27 septembre suivant, émis un avis d'aptitude sur le poste proposé par la société.

Le 28 septembre 2002, Nathalie Y... a refusé le poste proposé mettant en avant un critère familial.

Après un entretien préalable, elle a été licenciée pour inaptitude et refus d'accepter le poste de reclassement situé à Laval.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes, aux fins de faire juger le licenciement nul, en raison des faits de harcèlement dont elle a fait l'objet, obtenir des dommages intérêts ; elle a formé également une demande en paiement d'heures supplémentaires effectuées et non réglées, un rappel de commission, ainsi qu'une demande en nullité de la clause de non concurrence.

Par jugement du 19 avril 2007, le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- Déclaré que le licenciement prononcé le 22 octobre 2002 à l'encontre de Madame Y..., est nul en application de l'article L.122-49 du code du travail,

- Condamné en conséquence la SARL REGICOM à lui verser :

outre les intérêts à compter de la demande,
l'indemnité compensatrice de préavis, soit 3610,80 €,
l'incidence congés payés, soit 361,08 €

outre des intérêts à compter du jugement,
des dommages et intérêts pour licenciement nul, soit 40000 €,

- Dit la clause de non-concurrence nulle,

- Condamné en conséquence la SARL REGICOM lui verser des dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par une clause de concurrence déclarée nulle, soit 15245 €,

- Débouté Madame Y... de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de l'incidence congés payés,

- Accordé le rappel de commissions, soit 2098,30 € et l'incidence congés payés, soit 209,83 €,

- Refusé la communication du registre unique du personnel demandé à la SARL REGICOM, la jugeant sans objet,

- Assortit les condamnations de l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- Condamné la société REGICOM à verser à Madame Y... la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société REGICOM de toutes ses demandes, refusant à Madame Y... sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés y afférents,

- Refusé de condamner Madame Y... à verser à la société REGICOM 1524,49 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société REGICOM aux entiers dépens.

La société REGICOM a relevé appel de ce jugement, dont elle demande l'infirmation sauf en ce qu'il a jugé que la salariée ne rapportait pas la preuve d'avoir exécuté des heures supplémentaires.

Elle fait valoir notamment que :

La demande en nullité du licenciement et la demande en réparation qui en est la conséquence est irrecevable, du fait de la déclaration de maladie professionnelle.

Subsidiairement, elle demande de constater que les conditions de travail de sa salariée n'ont pas été dégradées de son fait.

Son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Elle sollicite le débouté de la salariée de sa demande tendant au paiement de la somme de 40000 Euros et subsidiairement de limiter l'indemnisation de la salarié à six mois de salaire à titre de dommages intérêts.

Elle conteste la nullité de la clause de non concurrence.

Elle réclame le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.

Ainsi que le paiement de la somme de 1524,49 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Nathalie Y... demande la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le rejet de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

Elle soutient en préalable que l'acte d'appel est nul pour défaut de mention de la forme de la dénomination, du siège social de la société REGICOM , de l'objet de l'appel.

Elle expose que le licenciement est nul en raison des faits de harcèlement dont elle a été victime.

Elle réclame à ce titre :

3610,80 Euros au titre de l'indemnité de préavis et 361,08 Euros au titre des congés payés y afférents,

40 000 Euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

15 245 Euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par une clause de non-concurrence nulle,

Elle réclame outre cela les sommes de :

9589,70 Euros de rappel d'heures supplémentaires et 958,97 Euros d'incidence de congés payés,

2098,30 Euros de rappel de commissions et 209,83 Euros d'incidence de congés payés,

Subsidiairement elle réclame la communication du Registre Unique du Personnel de la société REGICOM

Subsidiairement, elle fait valoir que la société REGICOM a manqué à son obligation de reclassement ; elle réclame 40000 Euros à titre de dommages intérêts elle demande 2000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure il est renvoyé aux écritures des parties ainsi qu'au jugement critiqué.

II / Motifs de la décision

Sur l'acte d'appel

L'acte d'appel mentionne que l'appelant est la société Régicom domaine de Collonge Saint Marc Jaumegarde à Aix en Provence, était joint à cette déclaration le jugement de première instance.

Nathalie Y... n'a pas pu se méprendre sur la qualité de celle qui faisait appel.

Dès lors, aucun grief n'a été causé à Nathalie Y... de l'absence de mention de la forme de la société.

De même l'acte d'appel mentionne "appel portant sur la totalité du jugement" et est conforme de ce fait aux exigences de l'article 58 du code de procédure civile.
L'appel est régulier.

Sur le licenciement

Nathalie Y... n'a pas fait de déclaration à la caisse au titre de la maladie professionnelle.

Le formulaire rédigé par le médecin du travail a été destiné à l'inspection du travail à raison de la connaissance par le médecin du travail de deux cas similaires de harcèlement dans l'entreprise.

Ainsi donc, les dispositions du code de la sécurité sociale concernant les salariés dont l'affection relève de la législation professionnelle ne s'appliquent pas.

De plus, en cas de harcèlement moral avéré, le salarié est en droit de demander la nullité du licenciement intervenu pour inaptitude, des dommages intérêts du fait du licenciement nul, et des dommages intérêts pour réparer le préjudice ayant résulté de cette situation sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Ainsi donc, l'action initiée par la salariée est recevable.

Elle est également bien fondée.

En effet, il résulte des dispositions de l'article L122-49 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Or, Nathalie Y... établit que, dès lors qu'elle a travaillé sous la responsabilité de Rémi D... à compter de novembre 2001, elle a subi de sa part des sous entendus graveleux sur sa vie sexuelle supposée par son supérieur hiérarchique, mais également sur les mérites de ses succès professionnels.

Ces faits sont relatés avec précision par Gaëlle E... dans son attestation du 7 novembre 2002, propos qu'elle a réitérés devant le conseil de prud'hommes ; elle décrit également la dégradation de l'état psychique de sa collègue, et indique avoir démissionné de son emploi pour ces mêmes raisons.

François F... atteste des propos grivois, déplacés tenus par Rémi D... à l'encontre de Nathalie G... ainsi que des pressions pour effectuer des dépassements horaires.

L'assistante maternelle de la fille de l'intimée atteste de l'extrême fatigue et de la déprime dans laquelle sombrait Nathalie G....

Le médecin du travail a constaté l'état psychologique délabré de la salariée, et a d'une part, alerté l'inspection du travail après avoir joint téléphoniquement la direction de la société REGICOM, d'autre part, a émis un avis d'inaptitude à la fonction d'attachée commerciale sur le site d'Angers, c'est à dire en maintenant un lien avec Rémi D....

La société REGICOM a été alertée par la salariée et par le médecin du travail, cependant, aucune mesure n'a été prise pour préserver la salariée des agissements d'un autre salarié de la société qui était son supérieur hiérarchique, l'attestation à postériori établie par William H... sur les diligences accomplies par la société n'étant pas confortée par d'autres éléments, et notamment, des faits objectifs pour protéger la salariée des agissements de son supérieur,

Tous ces faits, ces attestations, les déclarations faites devant le conseil de prud'hommes, établissent que Nathalie Y... a été victime d'agissements de harcèlement moral.

Dès lors, la salariée ne pouvait être licenciée en raison de ces agissements de harcèlement moral, et la rupture du contrat de travail est nulle.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Il sera également confirmé sur la condamnation au paiement du préavis de deux mois, ainsi que sur les dommages intérêts du fait de la rupture, le préjudice important subi par la salariée, matériel, moral et financier du fait de la perte de son emploi, de la dépression qu'elle a faite, suite à ces événements, et du sentiment d'abandon, justifient la somme allouée par les premiers juges.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Il sera en revanche réformé sur le paiement des heures supplémentaires.

En effet, affaiblie psychologiquement la salariée a pu décrire dans son courrier adressé à la société du 1er septembre 2002, que les demandes d'heures supplémentaires n'étaient pas demandées ouvertement, mais que la pression faite par Rémi D... sur les chiffres étaient si importantes que les salariés n'avaient pas le choix, les heures ont été effectuées ainsi à la connaissance de la société.

L'exécution des heures supplémentaires est encore établie par l'attestation de l'assistante maternelle qui devait garder plus tardivement la fille de la salariée, et était prévenue au dernier moment, les parents de la salariée attestent également de l'importance du travail que Nathalie Y... devait accomplir et ce, au détriment de sa vie privée.

Son ancien compagnon atteste également de ces heures supplémentaires de travail accomplies, cette situation ayant détérioré la vie personnelle du couple.

Or, la société n'a payé aucune heure supplémentaire.

La salariée percevra la somme de 9589,70 Euros, outre 958,97 Euros au titre des congés payés pour les 32,30 heures supplémentaires effectuées par semaine pendant 34 semaines de décembre 2002 à juin 2003 (demande faite le 11 décembre 2002).

Le jugement sera confirmé sur la nullité de la clause de non concurrence, car si la clause de non concurrence doit comporter une contrepartie financière, celle-ci doit être proportionnelle au préjudice né de la clause et nécessairement postérieure à la rupture.

En l'espèce, la salariée a perçu mensuellement 150 Euros pour une interdiction de travailler sur un secteur large, et toutes fonctions dans une société concurrente pendant un délai de deux ans.

La société ne l'a pas déliée de son obligation, et la salariée justifie avoir dû refuser des offres de recrutement en raison de cette clause qui l'expose au paiement de dommages intérêts de 15245 Euros, et à la cessation des fonctions sous astreinte.

Il sera confirmé sur le rappel de commissions, la salariée apportant un tableau précis sur le chiffre d'affaires réalisé, et les commissions qui lui sont dues, conformément aux stipulations contractuelles, et la société REGICOM n'apportant que des dénégations formelles non étayées par des éléments comptables.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Réforme le jugement sur les heures supplémentaires et les congés payés y afférents ;

Condamne la société REGICOM au paiement à Nathalie Y... des sommes de :

9589,70 Euros au titre des heures supplémentaires et 958,97 Euros au titre des congés payés y afférents ;

1500 Euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires au présent arrêt ;

Condamne la société REGICOM aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 07/02491
Date de la décision : 07/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Angers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-07;07.02491 ?
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