COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N
RJ / AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01845.
type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes de LAVAL, décision attaquée en date du 27 Juillet 2007, enregistrée sous le no 07 / 00033
ARRÊT DU 01 Juillet 2008
APPELANTE :
S. A. S. PROMOTAL
22 rue Saint-Denis de Gastines
53500 ERNEE
représentée par Maître Hervé CHAUVEAU, avocat au barreau de LAVAL,
INTIME ET INCIDEMMENT APPELANT :
Monsieur Philippe X...
...
53000 LAVAL
représenté par Maître Ghislaine BURES, avocat au barreau de LAVAL,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JEGOUIC, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur BOTHOREL, président
Monsieur JEGOUIC, conseiller
Madame RAULINE, conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 01 Juillet 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame Sylvie LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Philippe X... est entré au service de la Société PROMOTAL en 1982 en qualité d'attaché commercial.
En arrêt de travail par accident (non professionnel) depuis le 13 mai 2006, et après entretien préalable en date du 8 septembre 2006, Philippe X... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 septembre 2006.
Philippe X... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester le bien-fondé de son licenciement.
Par jugement en date du 27 juillet 2007, le conseil de prud'hommes de LAVAL, a statué comme suit :
- Dit que le licenciement pour faute grave de Philippe X... est un licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse,
- Condamne la Société PROMOTAL, en la personne de son représentant légal, à verser à Philippe X... les sommes suivantes :
* 57449, 94 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 345, 36 € à titre de préavis (6 mois) le salaire moyen servant à l'assiette de calcul s'établissant à 4057, 56 €,
* 2434, 53 € au titre de l'indemnité de congés payés (règle du sixième),
* 50000, 00 € au titre de dommages et intérêts,
* 700, 00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Rappelle que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial étant rappelé que la moyenne des trois derniers mois de salaire d'activité est de 4057, 56 €, il n'y a pas lieu de l'ordonner pour le surplus,
- Condamne la Société PROMOTAL à rembourser aux organismes concernés deux mois d'indemnité de chômage.
La Société PROMOTAL a formé appel de cette décision.
Elle demande à la cour de rejeter les demandes adverses, subsidiairement, de réduire le montant des dommages et intérêts, avec application de l'article 700 du Code de Procédure Civile (2000 €).
Formant appel incident, Philippe X... demande à la cour de porter le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à 68653, 92 € et le montant des dommages et intérêts à 98000 €, avec application de l'article 700 du Code de Procédure Civile (5000 €).
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La lettre de licenciement en date du 14 février 2006, annexée en fin d'arrêt pour être complet fait état d'un comportement inadmissible du salarié, notamment vis-à-vis de sa hiérarchie (M. Y...) et d'opposition à la politique commerciale de la société, et rappelle que le salarié a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires fin 2005 et début 2006.
Dans ce contexte général, l'employeur indique qu'il a pris connaissance de trois faits qui l'amènent à prononcer une rupture à effet immédiat.
- utilisation du téléphone portable à des fins strictement personnelles depuis le 13 mai 2006, date de suspension du contrat de travail,
- refus de tout contact depuis le 13 mai 2006 avec sa hiérarchie pour faire le point sur les commandes et engagements, pris par le salarié et que l'entreprise doit assurer pendant son absence,
- présence dans votre bureau de nombreux documents administratifs personnels, établissant que le salarié consacre une partie de son temps à s'occuper de la gestion de ses affaires personnelles sur son temps de travail.
Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement et dénie les griefs formés à son encontre comme non établis et non imputables.
Il résulte de l'article L. 122-44 du code du travail, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.
Il convient donc d'examiner les griefs récents constatés dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure, et ce n'est que, si au moins l'un d'entre eux est vérifié, que pourront être invoqués utilement les griefs plus anciens : attitude hostile, dénigrement, refus de rédiger des rapports, qui d'après les écritures de l'employeur constituent une attitude persistante du salarié, et donc par hypothèse, connue de l'employeur depuis de nombreux mois.
On doit prendre en compte le fait que le salarié était absent de l'entreprise pour maladie depuis près de quatre mois à la date de l'engagement de la procédure.
Donc, seules des fautes découvertes pendant l'absence du salarié, peuvent justifier l'engagement de la procédure disciplinaire, au regard des exigences de l'article L. 122-44 du code du travail.
A ce titre, l'employeur invoque trois fautes :
1 / Refus persistant de renseigner les services commerciaux sur les affaires en cours pendant son absence. (Il n'y a que trois commerciaux dans la société).
Il s'agit d'une attitude peu coopérative.
Pour autant, elle ne peut pas être considérée comme fautive. Il résulte des principes régissant la matière, que pendant la période de suspension, liée à la maladie, les obligations contractuelles sont suspendues, et le salarié n'est plus sous l'autorité de son employeur, celui-ci ne peut donc lui reprocher comme une faute le fait de refuser d'exécuter une tâche en lien avec son travail.
Ce grief n'est pas établi.
2 / Le fait de tenir sa comptabilité et de s'occuper de la gestion de ses affaires personnelles courantes sur son temps de travail.
L'employeur a constaté pendant l'absence du salarié la présence dans son bureau de nombreux classeurs contenant des dossiers personnels (automobile, assurance, facture etc).
Il reproche à son salarié d'avoir vaqué à des affaires domestiques ou personnelles sur son temps de travail.
Philippe X... fait valoir qu'un certain nombre de ces documents concernaient à la fois sa vie personnelle et sa vie professionnelle (voiture, frais de déplacements et de permis de conduire) et que pour le reste, il se contentait de classer ces pièces dans les classeurs, placés en vue dans son bureau, par commodité, en raison de fréquents déplacements en dehors de son domicile, pour les besoins de sa représentation.
Il indique qu'il effectuait la gestion de ses affaires sur son temps libre, après son travail.
Sur ce grief, le seul fait établi, est la présence de dossiers personnels dans son bureau, ce qui ne constitue pas un manquement à des obligations contractuelles.
Au-delà, l'employeur se livre à des déductions non étayées.
Le grief n'est pas établi.
Sur l'utilisation abusive du téléphone portable à des fins personnelles
Philippe X... a reçu en 2001 un téléphone portable pour sa fonction commerciale.
Il est précisé que l'usage personnel doit rester exceptionnel. Philippe X... a émargé ce bon de remise, avec ses obligations.
Il résulte des pièces produites que de mai à fin août 2006, Philippe X... a passé de nombreux coups de téléphone.
S'agissant de coups de téléphone donnés pendant un arrêt de travail, il s'agit de coups de téléphone personnels, au moins dans leur immense majorité.
L'employeur relie à juste titre, cette attitude au refus du salarié de communiquer avec sa direction pour des affaires urgentes, en raison de la suspension du contrat de travail.
Quand bien même le salarié peut faire état d'une tolérance de son employeur pour une imbrication de coups de téléphone professionnels et personnels pendant ses périodes d'activité, autant, il ne peut être fait état d'une tolérance pour des coups de téléphone uniquement personnels pendant une période de suspension du contrat de travail relativement importante.
Ce grief est vérifié.
Il conduit à examiner les autres griefs plus anciens et non sanctionnés.
Il résulte des éléments produits, que le salarié refusait, malgré des demandes répétées, d'établir des rapports périodiques d'activité.
Il s'agit d'une exigence que l'employeur pouvait formuler, quand bien même elle n'aurait pas été requise par sa précédente direction.
Le salarié ne justifie pas avoir été contractuellement dispensé d'établir des rapports d'activité.
Enfin, il résulte des pièces versées, que le salarié avait adopté vis-à-vis de sa direction une attitude critique et hostile, dénigrant la politique commerciale, et mettant en doute publiquement la capacité des responsables.
Cette attitude apparaît relativement ancienne. Il est fait état d'incidents en 2001, 2003 et 2004, trop anciens. Toutefois, il résulte d'attestations régulièrement versées, que le salarié a eu une attitude de même ordre le 31 mars 2006 (attestations Z... et A...).
Dans les conclusions, sont évoquées une insuffisance de prospection, et une baisse des résultats, mais ce grief ne figure pas dans la lettre de licenciement, qui lie le débat.
Au total, un certain nombre des griefs formés contre Philippe X... sont justifiés.
Le débat porte sur le point de savoir s'ils constituent une faute grave requise par l'article L. 122-32-2 du code du travail, puisque le licenciement est intervenu en période de suspension.
Il résulte des éléments produits, que le salarié avait un comportement difficile, voire excessif en certaines occasions, vis-à-vis de sa hiérarchie, et dans sa critique de la politique commerciale de l'entreprise. Il s'est rendu, par ailleurs, responsable d'un certain nombre de manquements à ses obligations contractuelles.
Cet ensemble de faits fautifs rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il convient d'infirmer le jugement, en validant la faute grave.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme le jugement ;
Valide le licenciement prononcé pour faute grave ;
Déboute Philippe X... de ses demandes ;
Décharge la Société PROMOTAL des condamnations prononcées à son encontre ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ni en première instance, ni en appel ;
Annexe audit arrêt la lettre de licenciement en date du 14 septembre 2006 ;
Condamne Philippe X... aux dépens de première instance et d'appel ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLPhilippe BOTHOREL