COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE COMMERCIALE
FL / DL
ARRET N : 242
AFFAIRE N : 07 / 01734
jugement du 25 Juillet 2007
Tribunal de Commerce d'ANGERS
no d'inscription au RG de première instance 07 / 000086
ARRET DU 1er JUILLET 2008
APPELANTE :
LA SARL MAD EDITIONS
13, rue Augustrin Froger
BP No 1
37240 MANTHELAN
représentée par Me Jacques VICART-No du dossier 13088
INTIMÉE :
LA SARL MICHELET
13, Boulevard du Maine
49300 CHOLET
représentée par la SCP DELTOMBE ET NOTTE-No du dossier 7168
assistée Maître BRECHETEAU de la SARL AVOCONSEIL, avocat au barreau d'Angers
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2008 à 13 H 45, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LOURMET, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame FERRARI, Président de chambre
Madame LOURMET, Conseiller
Madame BRETON, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 1er juillet 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame FERRARI, Président, et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par ordonnance du 14 novembre 2006, le président du tribunal de commerce d'Angers a enjoint à la société Michelet, dépositaire de presse, à payer à la société Mad Editions, éditeur, en deniers ou quittances, la somme principale de 1 176, 85 euros avec intérêts au taux légal, correspondant à deux factures afférentes aux ventes des numéros 8 et 10 du magazine Ové magazine.
Suite à l'opposition formée à cette ordonnance par la société Michelet, la société Mad Editions lui a reproché d'avoir rompu abusivement le contrat de distribution du magazine Ové magazine et a demandé, entre autres, la reprise immédiate de cette distribution dans les mêmes conditions qu'antérieurement.
Par jugement du 25 juillet 2007, le tribunal de commerce d'Angers a :
- débouté la SARL Mad Editions de toutes ses demandes ;
- débouté la SARL Michelet de sa demande d'indemnité pour procédure abusive ;
- condamné la SARL Mad Editions à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Mad Editions a interjeté appel de ce jugement.
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Vu les dernières conclusions de :
- la société Michelet du 13 mai 2008 tendant à la confirmation de la décision entreprise, sauf à voir condamner la société Mad Editions à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, et en outre, à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la société Mad Editions du 14 mai 2008 par lesquelles elle demande à la cour de * dire que la société Michelet doit reprendre, dès la signification de l'arrêt à intervenir et dans les mêmes conditions que convenues par le contrat du 28 avril 2002, la distribution du titre Ové magazine, sous astreinte définitive de 10 000 euros par numéro de ce titre qui ne serait pas loyalement distribué et, de 200 euros par infraction constatée en l'absence du titre considéré chez les diffuseurs de la SARL Michelet ; * de confirmer l'ordonnance d'injonction de payer en date du 14 novembre 2006 et, en tant que de besoin, de condamner la société Michelet à payer la somme de 1 176, 85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2006 (sic) ; * de condamner la société Michelet à la réparation des ventes manquées par les 16 numéros qu'elle n'a pas distribués, sur la base minimale des 54 numéros du numéro 7 (dernier numéro avant boycott), au numéro 26, dont la parution est prévue fin mai 2008 ; * de la condamner en conséquence à lui payer (à raison d'un prix facial de 3 euros et d'une commission de 25 %) la somme de 1 944 euros ; * de la condamner, de même, à lui payer la somme de 600 euros en dédommagement des 200 exemplaires du numéro 8 d'Ové magazine, qui ont été expédiés le 15 novembre 2003 sans qu'elle s'y oppose et qu'elle a rendus improductifs ; * de la condamner à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du lancement d'Ové magazine qu'elle a empêché et fait " capoter ", de la discrimination fautive dont elle l'a frappée, de l'effet contre-productif qu'elle a déterminé particulièrement auprès des prospects et des médias, par l'absence du journal chez les marchands de journaux, du refus blâmable de prestations de service, de l'atteinte au bon exercice des libertés de la presse et d'expression et du préjudice moral qui s'en déduit ; * de la condamner également à lui payer la somme de 30 euros correspondant au nombre d'exemplaires qui font la différence entre les ventes annoncées par elle dans ses courriers et celles qu'elle a payées pour les numéros 9 et 10 ; de la condamner enfin, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à lui payer la somme de
2 000 euros.
SUR CE,
La société Mad Editions reproche à la société Michelet d'avoir rompu abusivement la convention qui les liait et, de s'être rendue coupable d'abus de position dominante, d'atteinte aux libertés de la presse et d'expression et de discrimination fautive.
La société Michelet s'oppose à ces prétentions.
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La société Mad Editions soutient que c'est en violation des dispositions de l'article L 442-6 I 5o du Code de commerce que la société Michelet a rompu ses relations avec elle et les conventions qui les liaient par son courrier brutal du 5 juillet 2004, sans préavis ni le moindre motif réel et sérieux.
L'article L 442-6 I 5o du Code de commerce énonce : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords professionnels... "
Il convient de rappeler que par acte sous seing privé signé les 15 et 28 avril 2002, Monsieur Alain X..., gérant de la société Mad Editions, éditeur, a conclu avec la société Michelet, dépositaire de presse, un contrat de distribution à durée indéterminée, résiliable par lettre recommandée avec avis de réception en respectant un préavis de trois mois, par lequel l'éditeur confiait au dépositaire de presse l'exclusivité de la vente du magazine à publication trimestrielle Ové magazine, par l'intermédiaire du réseau des diffuseurs de presse par lui agrée.
A compter du 11 septembre 2002 et pour une durée indéterminée, la société Mad Editions, représentée par Monsieur X..., l'éditeur, a, suivant contrat de distribution et de groupage de produits " presse ", confié aux Messageries Lyonnaises de presse (dite les MLP) l'exclusivité de la distribution sur le territoire métropolitain, dans le réseau de distribution presse, du magazine Ové magazine.
Pour la parution du numéro 6 du magazine Ové Magazine en juin 2003, la société a décidé de confier à nouveau à la société Michelet la distribution en direct de son magazine. La société Michelet a alors distribué en direct des numéros d'Ové magazine.
Considérant que le contrat du 28 avril 2002 ne correspondait plus à ses conditions économiques de distribution et qu'il était en outre devenu sans objet suite aux accords de distribution passés avec les MLP par Mad Editions, la société Michelet a transmis, le 21 avril 2004, à cette dernière un exemplaire du contrat à signer, nécessaire à la poursuite de leur collaboration.
Ce contrat n'a pas été signé par les parties.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 juillet 2004, la société Michelet a informé la société Mad Editions qu'elle ne souhaitait plus assurer la distribution de son titre dès le prochain numéro.
Le numéro 11 d'Ové magazine, qui était en cours de distribution en octobre 2004 (cf lettre de M X... du 20 Octobre 2004 pièce 14 de l'appelante), n'a pas été distribué par la société Michelet dans son secteur.
De ce qui précède, il ressort que la rupture est intervenue en juillet 2004 alors que la société Mad Editions avait renoué en juin 2003 des relations directes avec la société Michelet, après sa décision de contracter à compter du 11 septembre 2002 pour une durée indéterminée avec les MLP pour la distribution en exclusivité de son magazine sur le territoire métropolitain.
Dans ces conditions, la société Mad Magazine ne peut utilement opposer à la société Michelet le contrat de distribution signé en avril 2002 qu'elle avait cessé d'exécuter pour contracter en exclusivité avec les MLP la distribution de son magazine sur le territoire métropolitain.
Le texte de l'article L 442-6 I 5o du Code de commerce, dont se prévaut la société Mad Editions, exige que la relation commerciale rompue soit une relation commerciale établie.
Lors de la rupture, la société Michelet avait distribué en direct, dans les conditions de rémunération antérieures, quatre parutions d'Ové magazine (les numéros 6, 7, 9 et 10), n'étant pas justifié que la société Michelet avait reçu pour distribution le numéro 8 d'Ové magazine.
La société Mad Editions soutient que la société Michelet avait ainsi rétabli un usage qui vaut contrat.
La société Michelet le conteste en faisant valoir que les parties ne se sont jamais mises d'accord sur les nouvelles conditions contractuelles de la distribution d'Ové magazine.
Ainsi qu'il a été dit, le contrat proposé par la société Michelet, le 21 avril 2004, à la société Mad Editions, dont il reste à prouver qu'il n'était qu'un fallacieux prétexte, n'a pas été conclu. A cet égard, la mauvaise foi de la société Michelet n'est pas établie. En tout cas, les parties ne se sont pas mises d'accord sur les conditions régissant la poursuite de la distribution du magazine Ové Magazine.
Quoi qu'il en soit, l'article L 442-6 I 5o du Code de commerce a vocation à régler toutes les relations d'affaires qu'elles relèvent d'une convention ou se soient nouées de façon informelle.
En l'occurrence, au moment de la rupture, les sociétés en cause avaient renoué, depuis seulement un an environ, une relation commerciale afférente à la distribution du magazine Ové magazine (quatre parutions), dont la continuité dans le temps n'était pas assurée. Contrairement à ce qui est soutenu, la société Michelet n'avait pas reconnu l'obligation pour elle de poursuivre la distribution du magazine considéré.
Ainsi, lorsque par lettre recommandée avec avis de réception du 5 juillet 2004, la société Michelet a informé la société Mad Editions de sa décision de ne plus assurer la distribution de son titre, il n'existait pas entre les sociétés en cause une relation commerciale pouvant être qualifiée d'établie, comme l'exige l'article L 442-6 I 5o du Code de commerce.
Par suite, la société Mad Editions n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la société Michelet sur le fondement de ce texte.
La société Mad Editions prétend encore qu'en interrompant brutalement puis en refusant de reprendre la distribution du magazine Ové magazine, la société Michelet a commis un abus de position dominante et a violé l'article L 420-2 du Code de commerce engageant sa responsabilité.
Elle développe que la société Michelet dispose d'un monopole de la distribution de la presse dans le secteur géographique d'activité qui lui est affecté ; qu'elle est ainsi un passage obligé pour y distribuer un titre et qu'il est impossible à un éditeur de remédier à ce monopole en trouvant un autre distributeur.
L'article 1er de la loi du 2 avril 1947 prévoit que " La diffusion de la presse imprimée est libre. Toute entreprise de presse est libre d'assurer elle-même la distribution de ses propres journaux et publications périodiques par les moyens qu'elle jugera les plus convenables à cet effet. "
En l'occurrence, la société Mad Editions avait la possibilité, ainsi qu'elle l'a démontré en contractant avec les MLP, de faire distribuer son titre sans être obligée de s'adresser directement à la société Michelet.
Elle ne prouve pas de la part de la société Michelet l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché de la distribution de la presse consistant dans " rupture de relations commerciales établies ".
Rien n'obligeait la société Michelet à reprendre la distribution d'Ové magazine dans les conditions du contrat du 28 avril 2002 que la société Mad Editions avait pris l'initiative unilatérale de cesser d'exécuter. La société Mad Editions conservait alors la possibilité de faire distribuer son titre ainsi que le prévoit l'article 1er de la loi du 2 avril 1947 sus rappelé.
Sur le fondement de l'article L 420-2 du Code de commerce, les éléments de la responsabilité de la société Michelet ne sont pas réunis en l'espèce.
Sans faute, la société Michelet pouvait, ainsi qu'elle l'a fait par écrit et en respectant un délai suffisant eu égard à la courte durée de la reprise des relations entre les parties, refuser d'assurer la distribution du magazine de la société Mad Editions, qui ne se trouvait pas sans solution de distribution dudit magazine.
Au vu de ce qui précède, la société Mad Editions ne justifie pas que la société Michelet a refusé, de façon fautive, de distribuer son magazine. Elle ne prouve que la société dépositaire a commis à son encontre une discrimination fautive en cessant de distribuer son titre ou encore qu'elle a préjudicié à son titre.
Il n'est pas davantage établi qu'en mettant un terme à la distribution d'Ové magazine, dans les conditions sus relatées, la société Michelet a porté atteinte à la liberté de la presse et d'expression.
En définitive, les conditions de la responsabilité de la société Mad Editions ne sont pas réunies. En conséquence, la société Mad Editions sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts et tendant à voir ordonner à la société Michelet la reprise, dans les conditions convenues par le contrat du 28 avril 2002, de la distribution du titre Ové magasine.
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La société Mad Editions prétend rapporter la preuve du bien fondée de ses factures d'un montant total de 1 176, 85 euros par les pièces qu'elle verse aux débats.
Les factures en question no 204814 et no 2041019 en date du 13 octobre 2006 respectivement intitulées " facture de commission ", mentionnent : pour la première d'un montant de 631, 35 euros, les ventes de 200 exemplaires du no8 d'Ové magazine et, pour la seconde d'un montant de 545, 50 euros, les ventes de 183 exemplaires du no10 d'Ové magazine.
Les ventes de 200 exemplaires du no8 d'Ové magazine et de 183 exemplaires du no10 d'Ové magazine ne sont pas établies. La société Mad Editions ne justifie pas du bien fondée de sa créance contre la société Michelet à hauteur de 1 176, 85 euros.
C'est à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande en paiement de cette somme.
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La société Mad Editions prétend obtenir le paiement de la somme de 30 euros motif pris que 21 exemplaires ont été annoncés vendus, pour chaque numéro 9 et 10 de son magazine par la société Michelet dans ses courriers, et qu'elle lui a payé respectivement 15 et 17 exemplaires de ces numéros.
Les pièces relatives aux paiements effectués par la société Michelet pour la distribution des numéros 9 et 10 du magazine ne sont pas produites. Il n'est pas justifié que la société Michelet reste débitrice envers la société Mad Editions de sommes au titre de la distribution de ces numéros 9 et 10. La société Mad Editions sera déboutée de ce chef de demande.
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La société Michelet réclame une indemnité de 5 000 euros à la société Mad Editions pour procédure abusive et injustifiée.
L'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière ou de légèreté blâmable. Ces exigences n'étant pas satisfaites en l'espèce, la société Michelet sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
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Par application de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Mad Editions sera condamnée à payer à la société Michelet une somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
L'indemnité allouée pour ses frais irrépétibles de première instance mérite d'être confirmée.
Vu l'article 700 du Code de procédure civile, la demande formée à ce titre par la société Mad Editions sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré ;
Y Ajoutant ;
Condamne la société Mad Editions à payer à la société Michelet une somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société Mad Editions aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
D. BOIVINEAU I. FERRARI