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01/07/2008 | FRANCE | N°07/01696

France | France, Cour d'appel d'Angers, 01 juillet 2008, 07/01696


Chambre Sociale




ARRÊT N
BA / AT


Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01696.


type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine, conseil de prud'hommes Angers
date de la décision déférée,
le 18 septembre 2006
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance 04 / 00986






ARRÊT DU 01 Juillet 2008




APPELANTE :


S. A. S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
Siège 24 rue de la Montat
42008 SAINT E

TIENNE CEDEX


représentée par Maître Jocelyn ROBIN substituant Maître Gérard CHEVALLIER, (SELARL), avocat au barreau de BREST,




INTIMEE ET INCIDEMMENT APPELANTE ...

Chambre Sociale

ARRÊT N
BA / AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01696.

type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine, conseil de prud'hommes Angers
date de la décision déférée,
le 18 septembre 2006
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance 04 / 00986

ARRÊT DU 01 Juillet 2008

APPELANTE :

S. A. S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE
Siège 24 rue de la Montat
42008 SAINT ETIENNE CEDEX

représentée par Maître Jocelyn ROBIN substituant Maître Gérard CHEVALLIER, (SELARL), avocat au barreau de BREST,

INTIMEE ET INCIDEMMENT APPELANTE :

Madame Karine Z...

...

...

22590 PORDIC

présente, assistée de Maître Nicolas ORHAN, avocat au barreau de SAUMUR,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Avril 2008, en audience publique, devant la cour, composée de :

Monsieur Philippe BOTHOREL, président de chambre
Monsieur Roland JEGOUIC, conseiller
Madame Nathalie VAUCHERET, conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,

ARRÊT :

du 01 Juillet 2008 contradictoire et mis à disposition au greffe, les parties
en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCEDURE

Madame Karine Z..., engagée sous contrat à durée indéterminée en date du 14 mai 1998 par la SAS DISTRIBUTION CASINO France, a été promue le 1er janvier 2003 au poste de manager commercial au sein de l'établissement GEANT ESPACE ANJOU.

Elle a été licenciée pour faute grave, le 14 octobre 2004 et a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 1er décembre 2004.

Par jugement du 18 septembre 2006, le Conseil a, notamment :

- dit que son licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à lui verser les sommes de :

* 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 865 € à titre d'indemnité de préavis et 186, 50 € pour congés payés y afférents,

* 15 850, 48 € pour rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

- rejeté sa demande de dommages et intérêts présentée sur le fondement de l'article L 122-49 du code du travail au motif que les faits de harcèlement moral allégués n'étaient pas établis,

- rejeté sa demande fondée sur les articles 514 et suivants du code de procédure civile,

- condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux organismes sociaux concernés de l'intégralité des indemnités de chômage versées à Madame Karine Z... du jour de son licenciement au présent jugement dans la limite de six mois,

- condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a relevé appel de la décision du Conseil de Prud'hommes le 9 octobre 2006. Madame Karine Z... a formé appel incident.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 1er août 2007, la SAS DISTRIBUTION CASINO France demande à la cour de dire que le licenciement de Madame Karine Z... est justifié par une cause grave, de débouter celle-ci de toutes ses demandes, fins et conclusions, de la condamner à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions en date du 21 avril 2008, Madame Karine Z... demande à la cour de dire qu'elle est recevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de condamner la SAS DISTRIBUTION CASINO France à lui verser la somme de 10 000 € en réparation du harcèlement moral qu'elle a subi et de condamner la SAS DISTRIBUTION CASINO France à lui verser la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SAS DISTRIBUTION CASINO France soutient que la salariée n'apporte pas la preuve de faits constitutifs d'un harcèlement moral pouvant être reproché au responsable du magasin GEANT ESPACE ANJOU ainsi qu'au responsable du secteur textile. Elle conteste la force probante des attestations fournies, relève que la salariée n'a pas fait usage des moyens de protection mis à sa disposition par le législateur et la jurisprudence, que le Comité d'Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail, réuni sur demande du responsable de magasin, a lui-même estimé ne pas devoir intervenir dans cette affaire. Elle souligne que de nombreux salariés du magasin GEANT ESPACE ANJOU attestent des qualités humaines du supérieur hiérarchique de la salarié et indiquent qu'ils n'ont jamais été témoins de faits de harcèlement.

Elle fait observer :

- que Madame Karine Z... ne conteste pas avoir été absente du 6 septembre au 14 octobre 2004 et que les documents qu'elle produit justifiant cette absence ne répondent pas aux exigences de forme des dispositions de l'accord d'entreprise applicable,

- que le fait de rendre publiques des dénonciations de harcèlement moral-alors même qu'elle n'avait pas émis de réclamation ou de protestation quant à ses conditions de travail ou de rémunération pendant l'exécution de son contrat de travail-dans le but de " monnayer son départ " justifiait à lui seul son licenciement pour faute lourde,

- qu'elle n'apporte pas la preuve d'heures supplémentaires non rémunérées, en l'espèce 618 heures qui auraient été effectuées du 4 novembre 2002 au 31 juillet 2004, les récapitulatifs établis par ses soins étant dépourvus de toute fiabilité,

- que le rejet de cette demande entraîne le rejet de celle fondée sur le repos compensateur.

Madame Karine Z... soutient que le fait d'informer sa hiérarchie d'un possible harcèlement moral n'est que l'illustration du droit de chaque salarié de s'exprimer au sein de son entreprise. Elle indique qu'elle a correctement justifié son absence à compter du 6 septembre 2004 et affirme que son employeur ne l'a jamais mise en demeure de reprendre son travail.

Elle fait valoir que son employeur n'établissant pas la réalité d'une faute grave qui lui serait imputable, ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement sont fondées. Elle précise avoir subi un préjudice important du fait des circonstances de la rupture de son contrat de travail et des suites de cette mesure, puisqu'elle n'a toujours pas retrouvé d'emploi.

Elle souligne que de nombreuses attestions versées au débat apportent la preuve que certaines heures supplémentaires n'ont pas été payées par l'employeur et que les faits de harcèlement moral dont elle a été victime ont provoqué une détérioration progressive de son état de santé, entraînant un arrêt complet de son activité au sein de l'entreprise.

Elle prétend que les attestations produites par la SAS DISTRIBUTION CASINO France, niant ces faits de harcèlement moral, manquent d'objectivité et de pertinence, dénigrant pour la plupart sa personne même.

Elle précise, enfin, que si elle n'a pas usé des moyens de protection mis à sa disposition, c'est parce qu'elle en ignorait l'existence.

II / DISCUSSION

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige reproche à la salariée :

D'être en absence injustifiée (le 14 octobre 2004) depuis le 6 septembre.

D'avoir effectué des manoeuvres visant à imputer faussement à son directeur des actes de harcèlement moral.

D'avoir tenté d'obtenir une contrepartie financière à son départ.

Les faits reprochés recouvrent une situation alléguée de harcèlement moral et de non paiement d'heures supplémentaires que le salarié considère avoir accomplies, ainsi que des repos compensateurs et des dommages intérêts pour le préjudice subi.

Les faits de harcèlement moral sont imputés par la salariée à Monsieur C... son supérieur hiérarchique, responsable du magasin Géant Espace Anjou.

Le harcèlement moral résulte d'agissements répétés qui ont pour objet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte au droit et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, le salarié a la charge d'établir des faits présumant l'existence du harcèlement allégué.

Karine Z... verse aux débats des attestations de membre de sa famille (père et beau-père), étrangères au fonctionnement de la société, qui relatent les dires du bénéficiaire de l'attestation, les attestations des collègues (attestation F..., G...) sont imprécises, vagues, elles ne rapportent pas de faits précis, circonstanciés et répétés
(attestation G...), de nature à constituer un harcèlement moral commis par Monsieur C..., alors même que l'attestation G... mentionne un différend avec le chef du rayon textile, Monsieur D....

En revanche, l'employeur verse aux débats de nombreuses attestations relatant l'excellence des rapports de Monsieur C... avec ses subordonnés, une des attestations, celle de Madame E... Cathy, fait état que les époux Z... lui auraient fait part qu'ils ne se plaisaient pas dans la grande distribution.

Le CHST réuni à la demande de la société, après la dénonciation faite contre le supérieur hiérarchique, a fait part qu'il n'avait jamais été informé par les époux Z... de faits de harcèlement moral, de même, le médecin du travail n'a jamais été contacté par les époux Z... pour la dénonciation, ou à tout le moins, la relation de cette situation prétendue.

Le certificat médical produit, et relatant un état anxio dépressif, n'a aucun caractère probant, le médecin reprenant les dires de sa patiente.

Il résulte de l'ensemble des faits et des témoignages, que Karine Z... n'a pas subi de harcèlement moral, mais a vécu une situation de déprime due à sa désaffection pour le secteur de la grande distribution, dans un secteur nécessairement concurrentiel.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Karine Z... sollicite le paiement de la somme de15 850, 48 Euros au titre d'heures supplémentaires effectuées pendant la période non prescrite, et non réglées par la société.

Il résulte de l'article L212-1-1 du code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties.

Au soutien de sa demande, Karine Z... verse aux débats des attestations de voisins mentionnant qu'elle quitte tôt son domicile pour y revenir tardivement, de parents, elle fournit également des relevés hebdomadaires émargés par elle seule.

Le courrier du 25 septembre 2004, adressé par la société au couple, ne vaut pas reconnaissance de la valeur probante des documents, dès lors, qu'au contraire, la société fait valoir que les documents vantés ne sont pas à la gestion du personnel, la société ne les a donc pas eus, et n'a pas été à même d'en vérifier la véracité.

Ces documents ne sont pas probants, de même les attestations de deux anciens salariés, qui font état de grandes amplitudes de travail ou d'impossibilité de réaliser le travail confié dans l'amplitude de la convention collective, ne sont pas pertinentes au regard de l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996.

En effet, a société CASINO verse aux débats l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996, qui prévoit pour le personnel d'encadrement une rémunération sur une base forfaitaire comprenant les majorations pour heures supplémentaires, avec une moyenne maximale de 44 heures de travail effectif par semaine calculé sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, en contrepartie de ces contraintes, le repos hebdomadaire (2 jours) et le repos forfaitaire (2 jours par trimestre) sont pris, des circonstances exceptionnelles conduisent les membres de l'encadrement à aller au delà de ces seuils, dans ce cas, une compensation adéquate est déterminée entre l'intéressé et sa hiérarchie.

Karine Z... n'a pas établi ses décomptes, conformément à cet accord, ses relevés ont été établis pour les besoins de la procédure (même écriture, même stylo, aucun émargement de la société).

La salariée, pendant l'exécution de la prestation de travail, n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires, ni contesté l'amplitude de travail accompli, ni porté à la connaissance des représentants du personnel son mécontentement relatif aux heures accomplies.

Enfin, elle n'apporte aucun élément concernant l'accord même implicite de l'employeur sur l'accomplissement d'heures supplémentaires, qu'elle prétend avoir effectuées.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef, et la salariée déboutée de ses prétentions relatives au paiement d'heures supplémentaires.

Le licenciement a été prononcé pour faute grave.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien de la salariée même pendant le temps limité du préavis.

La dénonciation d'agissements de son supérieur hiérarchique que la salariée a ressenti comme étant un harcèlement ne peut constituer une faute, dès lors qu'il est établi que cette dernière était suivie médicalement pour des troubles anxio dépressif, et qu'elle vivait mal la pression exercée par la direction dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise, mais nécessairement concurrentielle, de même, la demande en paiement d'heures supplémentaires requérait une réponse appropriée à la salariée, et ne peut constituer un agissement fautif.

La salariée n'a pas commis un abus de son droit d'expression.

La salariée était en arrêt injustifié depuis le 6 septembre 2004, son arrêt de travail se terminant le 28 août précédent, si une non régularisation dans des délais brefs peut être excusé, il en va différemment pour une absence non justifiée pendant un mois et demi, et toujours pas, même à posteriori, justifiée par un certificat médical.

La justification de cette situation ne peut résulter d'une situation de harcèlement qui n'existe pas.

L'absence injustifiée de la salariée ne constitue pas une faute grave, mais est une faute à l'égard de son employeur, qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La salariée sera déboutée de sa demande indemnitaire de licenciement ; le jugement sera en conséquence confirmé sur l'indemnisation du préavis et des congés payés y afférents.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Réforme le jugement sur les heures supplémentaires, le licenciement, le remboursement aux organismes sociaux des indemnités de chômage allouées dans la limite de six mois ;

Déboute Karine Z... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires effectuées et non réglées ;

Dit que le licenciement de Karine Z... repose sur une faute constitutive de la cause réelle et sérieuse ;

La déboute de sa demande en indemnisation de son licenciement ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires au présent arrêt ;

Condamne Karine Z... au paiement à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de la somme de 1000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la même aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 07/01696
Date de la décision : 01/07/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Angers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-07-01;07.01696 ?
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