COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ère CHAMBRE BGT / SM
ARRÊT N 346
AFFAIRE N : 07 / 01558
Jugement du 12 Juin 2007
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
no d'inscription au RG de première instance 06 / 00224
ARRÊT DU 25 JUIN 2008
APPELANT :
LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
64 rue Defrance
94682 VINCENNES CEDEX
représenté par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour-No du dossier 13564
assisté de Maître DESGREES DU LOU-MAILLARD, avocat au barreau d'ANGERS.
INTIMÉ :
Monsieur Patrice X...
...
...
49100 ANGERS
représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour-No du dossier 44763
assisté de Maître CAPPATO, avocat au barreau d'ANGERS.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2008 à 13 H 45, en audience publique, Monsieur TRAVERS, conseiller, ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Monsieur DELÉTANG, président de chambre
Monsieur TRAVERS, conseiller
Madame VAUCHERET, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PRIOU
ARRÊT : contradictoire
Prononcé publiquement le 25 juin 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELETANG, président, et par Madame PRIOU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Alors qu'il faisait l'objet d'un contrôle d'identité avenue Patton à ANGERS le 14 septembre 2001, Monsieur Jean-Pierre Y... a porté des coups ainsi qu'un coup de couteau au visage et au cou de Monsieur Patrice X..., gardien de la paix.
En raison de son état psychiatrique, Monsieur Jean-Pierre Y... a été placé d'office au CHS de SAINTE GEMMES SUR LOIRE.
Le 5 février 2003, Monsieur X... a saisi la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions d'ANGERS sur le fondement de l'article 706-3 du Code de procédure pénale.
Après expertises du Dr Z..., il a sollicité la liquidation de son préjudice par requête du 18 décembre 2006.
Par jugement du 12 juin 2007, la Commission a, notamment, fixé les indemnités dues par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à Monsieur X... comme suit :
-17 773, 23 € au titre du préjudice soumis à recours,
-2 600 € au titre du préjudice non soumis à recours,
-400 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration en date du 16 juillet 2007, le Fonds a relevé appel de la décision. Monsieur X... a formé appel incident.
Les parties ont conclu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2008.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions en date du 31 mars 2008, auxquelles il convient de se référer conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, le Fonds de garantie demande à la Cour de fixer à 1 423 € la somme devant être prise en charge par le Fonds au titre du préjudice patrimonial de Monsieur X... et à 12 923 € la somme devant revenir à celui-ci au titre du préjudice extra patrimonial, de dire n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires et de dire que les dépens seront supportés par le Trésor Public.
Par conclusions en date du 21 avril 2008, auxquelles il convient de se référer conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Monsieur X... demande à la Cour de dire le Fonds de garantie non fondé et non recevable en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, de le recevoir en son appel incident, de lui allouer la somme de 1 423 € au titre de son préjudice patrimonial et la somme de 24 500 € au titre de son préjudice extra patrimonial, outre la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et de dire et juger que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge du Trésor public et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Il résulte du rapport d'expertise qu'à la suite de l'agression, Monsieur X... a présenté une plaie de la nuque, une plaie du métacarpien du troisième doigt, une érosion au niveau du front, ainsi qu'une fracture des apophyses de la cinquième vertèbre cervicale, puis un syndrome dépressif évoluant par la suite vers une névrose post-traumatique, qui ont justifié une incapacité temporaire totale du 14 septembre 2001 au 11 mars 2002, puis une incapacité temporaire partielle à 50 % du 12 mars 2002 au 11 septembre 2002, enfin une nouvelle incapacité temporaire totale du 14 octobre 2004 au 12 juin 2005, date de consolidation ; qu'il conserve une incapacité permanente partielle de 5 % représentée par un syndrome névrotique réactionnel récurrent faisant suite à l'agression ; qu'il est parfaitement apte à reprendre dans les conditions antérieures son activité professionnelle ; que les souffrances sont de 3, 5 / 7 et le préjudice esthétique de 0, 5 / 7 ; qu'il n'y a pas de préjudice d'agrément.
Compte tenu de ces éléments et des pièces versées aux débats, ainsi que des dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relatifs au recours des tiers payeurs, dont il convient de tenir compte en vertu de l'article 706-9 du Code de procédure pénale, le préjudice corporel de Monsieur X..., qui était âgé de 34 ans lors des faits et de 38 ans lors de la consolidation, sera indemnisé comme suit :
Préjudices économiques
-dépenses de santé
S'élevant à 6 485, 26 €, elles ont été prises en charge par l'agent judiciaire du Trésor et la victime ne demande aucune somme complémentaire à ce titre.
- perte de gains professionnels actuels
Déduction faite des indemnités versées par l'agent judiciaire du Trésor, d'un montant de 19 396, 91 €, la Commission a évalué la perte de gains subie par Monsieur X... pendant l'incapacité temporaire totale à 1 423, 23 €. Cette somme n'est pas contestée et sera confirmée.
- perte de gains professionnels futurs
Monsieur X... fait valoir que, s'il a été déclaré apte à reprendre son activité professionnelle, il n'en reste pas moins que les troubles névrotiques dont il souffre seront un handicap pour l'évolution de sa carrière. Il demande dans ces conditions que soit prise en compte, au titre des pertes de gains professionnels futurs, l'allocation temporaire d'invalidité d'un montant de 53 642, 36 € qui lui est accordée de ce chef.
Le Fonds de garantie s'y oppose en soutenant qu'il n'est justifié par le requérant d'aucune perte de revenus professionnels consécutive à son incapacité permanente partielle et que l'allocation temporaire d'invalidité indemnise uniquement le déficit physiologique.
Si l'expert ne retient aucune incapacité permanente partielle professionnelle, il résulte de la description faite par le Dr A..., à laquelle renvoie le Dr Z..., que le trouble névrotique récurrent modéré, qui subsiste chez Monsieur X..., affecte non seulement sa vie personnelle, mais aussi sa vie professionnelle. Il n'est cependant justifié d'aucune perte de gains. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande présentée de ce chef.
Préjudices personnels
-déficit fonctionnel temporaire
Monsieur X... et le Fonds de garantie s'accordent pour le fixer à la somme de 11 900 €.
- souffrances endurées
Evaluées à 3, 5 sur 7, en tenant compte de l'agression initiale, de la suture de la plaie profonde de la nuque, de l'immobilisation cervicale en rapport avec la fracture de l'épineuse de la 5ème vertèbre cervicale, ainsi que des différents soins au niveau des érosions, elles ont été justement indemnisées par l'allocation de la somme de 5 000 €.
- déficit fonctionnel permanent
Monsieur X... présente une incapacité permanente partielle de 5 %. Compte tenu de la nature de ses séquelles et de son âge lors de la consolidation, il a été justement indemnisé de ce préjudice par l'allocation de la somme de 4 350 €.
Le fait qu'il ne justifie d'aucun préjudice économique ne suffit pas à lui seul à démontrer de manière incontestable, comme l'exige la loi, que l'allocation temporaire d'invalidité servie par l'Etat compense son préjudice physiologique, alors que son handicap, ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, se manifeste aussi dans sa vie professionnelle.
Le Fonds de garantie sera donc débouté de sa demande d'imputation de cette allocation sur ce poste de préjudice personnel.
- préjudice esthétique
L'indemnisation de 600 € n'est pas contestée.
En définitive, il revient donc à Monsieur X..., déduction faite de la provision de 3 000 €, une indemnité complémentaire de 20 273, 23 €.
Monsieur X... succombant en son appel incident, l'équité ne commande pas de faire droit à sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l'évolution du litige,
Infirme le jugement déféré ;
Fixe à 20 273, 23 € l'indemnité due par le Fonds de garantie à Monsieur X..., déduction faite de la provision déjà versée ;
Déboute Monsieur X... de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront supportés par le Trésor public ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
D. PRIOU B. DELÉTANG