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16/05/2008 | FRANCE | N°178

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0146, 16 mai 2008, 178


1re CHAMBRE A
ARRET N 178
AFFAIRE N : 05 / 02644
Jugement du 12 Octobre 2005 Tribunal de Grande Instance du MANS numéro d'inscription au RG de première instance 04 / 04922

ARRET DU 16 MAI 2008
APPELANT :
Monsieur Yves Y... ...

représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me Christian BEUCHER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIME ET INCIDEMMENT APPELANT :
Monsieur Michel B... ...

représenté par Me Jacques VICART, avoué à la Cour assisté de Me Michel MATHIEU, avocat au barreau de LAON

COMPOSITION D

E LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mars 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composé...

1re CHAMBRE A
ARRET N 178
AFFAIRE N : 05 / 02644
Jugement du 12 Octobre 2005 Tribunal de Grande Instance du MANS numéro d'inscription au RG de première instance 04 / 04922

ARRET DU 16 MAI 2008
APPELANT :
Monsieur Yves Y... ...

représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me Christian BEUCHER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIME ET INCIDEMMENT APPELANT :
Monsieur Michel B... ...

représenté par Me Jacques VICART, avoué à la Cour assisté de Me Michel MATHIEU, avocat au barreau de LAON

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mars 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame VERDUN, conseiller, faisant fonction de président vu l'empêchement de la présidente de la 1re chambre A et en application de l'ordonnance du 12 décembre 2007, ayant été entendue en son rapport, Monsieur MARECHAL, conseiller, et Madame JEANNESSON, vice- président placé faisant fonction de conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire Prononcé publiquement le 16 mai 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame VERDUN, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Michel B..., propriétaire d'un trotteur français né le 19 mars 1995, dénommé « Héros du Mans », l'a confié à Yves Y..., étalonnier au Haras de Venal à MONTAILLE (Sarthe) pour la saison de monte 2004, moyennant 13 cartes de saillies gratuites et l'hébergement gratuit de trois poulinières pendant le temps de la saillie et jusqu'à l'échographie. Le 13 mars 2004, alors que l'une de ces poulinières, dénommée « Jolie Nana », lui était présentée pour une seconde saillie, « Héros du Mans », déséquilibré par un mouvement brusque de la jument, est tombé lourdement sur le dos puis sur le côté.
Souffrant d'une fracture du bassin, l'animal a été soumis à une longue immobilisation à l'issue de laquelle il a été pris de coliques qui, résistantes au traitement, ont justifié une intervention chirurgicale au constat d'une crise abdominale aiguë le 11 mai 2004. Cette opération ayant mis en évidence une rupture gastrique au pronostic très sombre, l'étalon a été euthanasié, puis autopsié le 13 mai.
Par acte d'huissier de justice du 17 septembre 2004, Michel B... a fait assigner Yves Y... en réparation du préjudice économique ayant résulté pour lui de la perte de son étalon, préjudice qu'il chiffrait à 300 000 euros.
Par jugement du 12 octobre 2005, le tribunal de grande instance du MANS a déclaré Yves Y... responsable du décès de l'étalon « Héros du Mans » sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, et l'a condamné à payer à Michel B... une somme de 50 000 euros à titre de dommages- intérêts ainsi qu'une indemnité de procédure de 1 500 euros.
Sur l'appel principal de l'étalonnier et incident du propriétaire du cheval, cette cour, par un arrêt mixte du 21 novembre 2006, a confirmé le jugement en ce qu'il a retenu qu'Yves Y... n'encourait qu'une responsabilité pour faute, et ordonné, avant- dire droit sur le surplus, une expertise afin de reconstituer le processus accidentel dont « Héros du Mans » avait été victime, et de se prononcer sur le lien causal entre cet accident et la mort de l'animal. M. F..., praticien de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes, a été désigné en qualité d'expert.
Il a rempli sa mission et déposé son rapport le 24 avril 2007.
Les parties ont conclu à nouveau, après dépôt de ce rapport.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 février 2008.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées le 14 février 2008, Yves Y... invoque les conclusions de l'expert pour demander sa mise hors de cause en rappelant que la cour a écarté l'existence d'un aveu judiciaire faisant foi contre lui du fait que la jument aurait rué en jetant ses membres postérieurs vers l'arrière dès lors que le terme de « croupade », employé dans les conclusions de première instance, était équivoque et susceptible de décrire plusieurs postures, allant de la ruade au mouvement de croupe.
Il affirme que l'expertise apporte la preuve définitive de ce qu'il a été vigilant et prudent durant la saillie, et qu'il n'a commis aucune faute en ne vermifugeant pas l'étalon puisque l'animal était hébergé au box, et donc à l'abri des risques parasitaires. Quant aux soins donnés à l'animal pendant sa convalescence, il rappelle qu'ils ont été prodigués par un vétérinaire, appelé dès le lendemain de l'accident, ce qui démontre, une fois de plus, qu'il s'est acquitté de son obligation de soins envers l'animal. Yves Y... souligne également le peu de crédit à apporter au témoignage de M. G..., qui avait la garde de l'étalon avant qu'il lui soit confié pour la saison de monte 2004 et qui n'a pas été témoin de l'accident, et rappelle que la saillie a été dirigée et surveillée par son père, qui disposait des compétences et de l'expérience nécessaires.
Subsidiairement, il critique l'estimation du préjudice fait par l'expert qui ne tiendrait compte que des espoirs de gain, sans en déduire les frais de nourriture, d'hébergement et de soins qu'aurait engendré l'animal. Il conclut donc à la réduction du préjudice à une somme variant entre 7 et 10 000 euros.
Par d'ultimes conclusions, déposées le 7 février 2008, Michel B... invoque à nouveau l'existence d'un aveu judiciaire d'Yves Y... dont les conclusions de première instance relataient non seulement une « croupade » mais encore un mouvement des postérieurs « venus frapper lourdement le poitrail de l'étalon ». Il reprend donc cet aveu, comme valant preuve du fait que la jument a été présentée à la saillie sans entrave, ce qui constitue une faute de l'étalonnier.
Subsidiairement, il soutient qu'Yves Y... aurait fait preuve d'imprudence en confiant la surveillance de la saillie à une personne âgée, ne disposant pas de la force nécessaire pour maîtriser la jument, et en ne s'acquittant pas des obligations nées du contrat d'hébergement et de soins puisque son cheval n'a pas été vermifugé en temps utile.
Il demande donc la confirmation du jugement sur la responsabilité, mais son infirmation sur le préjudice qu'il estime, toutes causes confondues, à 300 000 euros.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que la cour a déjà relevé, pour ordonner une expertise propre à l'éclairer sur le déroulement du processus accidentel ayant conduit à la chute de l'étalon « Héros du Mans », que les aveux judiciaire ou extra- judiciaire par Yves Y... des circonstances de fait ayant entouré cette chute demeuraient équivoques quant aux mouvements exacts que la poulinière rétive aurait accomplis au moment où l'étalon se dressait sur ses postérieurs, et n'emportaient donc pas la preuve que la poulinière aurait été présentée à la saillie sans être entravée, comme le soutenait principalement Michel B... ;
Que les motifs de l'arrêt du 21 novembre 2006 ayant déjà répondu à l'argumentation que développe à nouveau Michel B... sur la valeur probante de ces aveux, la cour ne peut que s'y référer pour affirmer qu'ils n'établissent pas la preuve d'une telle faute ;
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que la saillie a été réalisée dans un hangar spacieux, en terre battue, adapté aux mouvements des animaux ; que la jument a été présentée à un étalon souffleur, afin de s'assurer qu'elle était bien en chaleur, puis tenue par M. Y... père par un licol, et qu'une première saillie a pu avoir lieu, sans aucun incident ; que ce n'est que le lendemain, lors d'une nouvelle tentative de saillie, réalisée 24 heures après la première, conformément aux pratiques de la monte naturelle, que la jument, maintenue dans les mêmes conditions, a pris peur, baissé les oreilles, fléchi légèrement les membres antérieurs et donné un violent coup de croupe qui a déséquilibré « Héros du Mans », lequel est tombé à la renverse, légèrement sur le côté ;
Qu'après avoir examiné les pièces médicales relatant les blessures de l'étalon après cette chute, l'expert a très clairement écarté l'hypothèse d'une ruade de la jument, qui aurait atteint le mâle en plein poitrail, en rappelant qu'un tel coup, porté au point de déséquilibrer un étalon de 600 kg, aurait nécessairement laissé des blessures cutanées sur le poitrail de l'animal, alors qu'aucune plaie de cette nature n'est rapportée dans le dossier ; que l'expert en a déduit que la preuve n'était pas apportée que la jument aurait été présentée libre d'entraves à la saillie ;
Attendu que Michel B... dénonce l'absence d'objectivité de l'expert, qui n'aurait pas répondu à ses dires sur le caractère récent du scellement d'un anneau destiné à recevoir le licol des juments présentées à la saillie ; que, toutefois, cette contestation manque en fait, l'expert ayant répondu à ce dire en page 14 de son rapport, pour préciser que l'état du ciment de scellement de l'anneau ne permettait pas de dire que sa pose était récente ; que l'allégation selon laquelle la jument Jolie Nana n'aurait plus été en chaleur lors de la seconde saillie procède d'une simple affirmation qui n'est étayée par aucun élément de preuve et n'a même pas été soumise à l'avis de l'expert ; qu'elle ne peut qu'être écartée ;
Attendu que l'expert a précisé que M. Y... père, qui tenait la jument au moment de la saillie, ne pouvait se voir reprocher aucun manque de vigilance, en rappelant que les chevaux sont des animaux imprévisibles avec des réactions brutales à l'origine de nombreux accidents ; qu'en réponse aux dires de Michel B... incriminant le grand âge et la faiblesse de ce dernier, il a précisé que ces circonstances n'avaient pas eu de rôle causal dans l'accident, dès lors que la force déployée par un cheval lors d'une tentative de croupade ou de ruade est irrésistible pour l'étalonnier, ce qui permet d'écarter toute faute dans la conduite de la saillie ;
Attendu que l'expert a également indiqué que « Héros du Mans » n'était pas décédé des suites directes de ses blessures lors de la chute, mais des effets conjugués d'une gastérophilose massive et de la présence d'ulcères de stress qui, à l'origine d'une rupture de l'estomac, ont justifié l'euthanasie de l'animal ;
Que Michel B... soutient que la gastérophilose, infestation parasitaire résultant de la ponte de mouches sur les membres des chevaux, résulterait d'un défaut de traitement adapté qu'Yves Y... aurait dû administrer à l'étalon, dans le cadre du contrat d'hébergement et de soin, et que la présence d'ulcères serait révélatrice d'un suivi insuffisant de l'animal lors de son immobilisation au paddock ;
Mais attendu qu'il ressort du rapport d'expertise qu'Yves Y... n'avait pas à vermifuger l'étalon pendant son immobilisation, dès lors qu'il se trouvait au box, sur une paille saine, et se trouvait donc à l'abri de toute infestation parasitaire ; que le rythme des traitements administrés par l'étalonnier (3 fois par an) est conforme aux usages en la matière et que Michel B... n'est pas en mesure de justifier des traitements administrés avant que « Héros du Mans » soit mis en hébergement pour saillie chez Yves Y..., non plus que des recommandations spéciales qu'il aurait données à ce dernier pour augmenter la fréquence des traitements ;
Que le reproche d'un manque de suivi des suites de la fracture du bassin de l'étalon est tout aussi infondé, les pièces médicales du dossier ayant révélé que ce suivi a été réalisé par un vétérinaire équin qui, ayant examiné l'animal dès le lendemain de sa chute, avait préconisé son immobilisation au box ;
Qu'il s'en déduit qu'aucune faute n'est établie à l'encontre d'Yves Y..., que ce soit en tant qu'étalonnier, ou dans l'exécution de son contrat d'hébergement et de soins, et que la mort de « Héros du Mans », bien que résultant d'un risque rare de rupture gastrique, relevait des risques d'accident inhérents à la monte naturelle ;
Qu'en cet état, le jugement ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité d'Yves Y... et l'a condamné à indemniser le propriétaire de l'animal ;
Attendu que, seule l'expertise ayant permis, en cause d'appel, de comprendre le processus mortel auquel l'étalon a succombé, il apparaît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour assurer sa défense ;
Qu'en revanche, Michel B..., succombant en l'ensemble de ses prétentions, supportera la charge des entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité d'Yves Y... et condamné ce dernier à indemniser Michel B... de la perte de son étalon ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Michel B... de l'ensemble de ses demandes ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Michel B... aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise, et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 178
Date de la décision : 16/05/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance du Mans, 12 octobre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-05-16;178 ?
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