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16/05/2008 | FRANCE | N°174

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0146, 16 mai 2008, 174


1ère CHAMBRE A
FV / IM ARRET N 174
AFFAIRE N : 07 / 01653
Jugement du 09 Juillet 2007 Tribunal paritaire des baux ruraux de LAVAL no d'inscription au RG de première instance 05 / 000020
ARRET DU 16 MAI 2008

APPELANTS :
Monsieur René X......
Monsieur Stéphane X......
régulièrement convoqués, non comparants, représentés par Me Anne-Marie CORNU, avocat au barreau de LAVAL

INTIMES ET INCIDEMMENT APPELANTS :
Monsieur Marcel Y......
Madame Yvette Z... épouse Y......
régulièrement convoqués, comparants, assistés de Me Bernard BOULI

OU, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Mars 2008 à 14 ...

1ère CHAMBRE A
FV / IM ARRET N 174
AFFAIRE N : 07 / 01653
Jugement du 09 Juillet 2007 Tribunal paritaire des baux ruraux de LAVAL no d'inscription au RG de première instance 05 / 000020
ARRET DU 16 MAI 2008

APPELANTS :
Monsieur René X......
Monsieur Stéphane X......
régulièrement convoqués, non comparants, représentés par Me Anne-Marie CORNU, avocat au barreau de LAVAL

INTIMES ET INCIDEMMENT APPELANTS :
Monsieur Marcel Y......
Madame Yvette Z... épouse Y......
régulièrement convoqués, comparants, assistés de Me Bernard BOULIOU, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Mars 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 12 décembre 2007 pour exercer les fonctions de président, Madame VERDUN, conseiller ayant été entendu en son rapport, et Monsieur MARECHAL, conseiller,
qui en ont délibéré Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 16 mai 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
Selon acte sous-seing privé du 23 avril 1962, René Jacques X... a donné à bail rural aux époux Y... la ferme du..., située à SAINTE GEMMES LE ROBERT (Sarthe) d'une superficie de 27 ha 54 a et 45 ca.
Entre 1969 et 1973, les époux Y... ont fait édifier, avec l'autorisation du bailleur, quatre bâtiments à usage de poulailler industriel. Le bail rural a été reconduit jusqu'au 23 avril 1997, date à laquelle les preneurs l'ont dénoncé, avec effet au 22 avril de l'année suivante.
Par acte sous seing privé du 23 juillet 1998, René Marie X..., fils de René Jacques, devenu propriétaire de la ferme du..., a consenti aux époux Y... un nouveau bail d'une durée de 9 ans, portant sur la maison d'habitation et les locaux d'exploitation de la ferme du....
Par une lettre du 3 mars 2004, René Marie X... a demandé aux locataires de procéder au démontage et à l'enlèvement des matériaux constituant les quatre poulaillers qu'ils avaient fait édifier pendant la durée du bail.
Devant le refus manifesté par les époux Y..., René Marie X..., et son fils Stéphane, nu propriétaire de la ferme, les ont fait assigner en référé expertise devant le président du tribunal paritaire des baux ruraux de LAVAL, afin de déterminer le coût des travaux de remise en état des biens donnés à bail et notamment, celui des quatre poulaillers.
L'expert commis a rempli sa mission et déposé, le 5 octobre 2005, un rapport qui concluait à la nécessité de détruire les poulaillers en recourant à une procédure de désamiantage, et chiffrait le coût global des travaux à 89 508, 64 euros TTC.
Par lettre recommandée reçue au greffe le 23 novembre 2005, les consorts X... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de conciliation, et à défaut de jugement, sollicitant la condamnation des époux Y... à leur payer la somme de 120 000 euros.
A l'issue d'une tentative de conciliation infructueuse, l'affaire a été renvoyée devant la juridiction de jugement, pour être évoquée le 7 mai 2007.
Par un jugement en date du 9 juillet 2007, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal paritaire des baux ruraux de LAVAL a débouté les consorts X... de leur demande en dommages-intérêts et rejeté la demande reconventionnelle des époux Y... en remboursement des travaux réalisés sur la maison d'habitation présentée sur le fondement de la réglementation sur l'amélioration de l'habitat.
Les consorts X... ont relevé appel de ce jugement, par lettre recommandée adressée au greffe de la cour d'appel le 26 juillet 2007.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 3 mars 2008.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les consorts X..., non comparants, représentés par leur avocat, Me CORNU, ont soulevé à l'audience la nullité du jugement dont il a été délibéré dans une composition irrégulière puis ont développé les moyens contenus dans les conclusions qu'ils ont déposées le 1er février 2008, et aux termes desquelles ils demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires,- vu les articles 555 du Code civil et L. 411-73 du Code rural, de condamner les époux Y..., solidairement entre eux, à leur payer la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts ou à défaut, la somme de 115 745, 53 euros TTC avec indexation sur l'indice du coût de la construction, l'indice de référence étant celui du 2ème trimestre 2003, si mieux n'aime la cour ordonner une mesure d'instruction complémentaire,- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le demande reconventionnelle des époux Y...,- de condamner les époux Y..., solidairement entre eux, à leur payer une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et de 2 000 euros, en cause d'appel,- de les condamner aux coûts des procès-verbaux de constat d'huissier des 29 mars 2004 et 5 octobre 2006,- de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux du référé et de l'expertise.

Les époux Y..., comparants, assistés de Me BOULIOU, ont déclaré s'en rapporter à justice sur le moyen pris de la nullité du jugement, puis ont repris les moyens développés dans les conclusions qu'ils ont déposées le 29 février 2008, et aux termes desquelles ils sollicitent :
- le débouté de l'appel et la confirmation du jugement entrepris sur la demande en dommages-intérêts présentée par les bailleurs, les poulaillers litigieux ayant été construits avec l'autorisation du bailleur de l'époque, et échappant au régime de l'article 555 du Code civil dès lors que leur sort en fin de bail est régi par les articles L. 411-69 à L. 411-78 du Code rural et que le bailleur a reconnu sa qualité de propriétaire des poulaillers,- l'infirmation du jugement et la condamnation des consorts X... à leur régler une somme de 14 000 euros, à titre d'indemnité de sortie, pour les améliorations qu'ils ont apportées à la maison d'habitation,- la condamnation des consorts X... à leur payer une somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,- leur condamnation aux entiers dépens, en ce compris ceux de l'expertise.

MOTIFS DE LA DECISION
I) Sur la demande d'annulation du jugement
Attendu que la composition du tribunal telle que mentionnée dans le jugement ne satisfait pas à l'exigence de parité, puisqu'elle compte deux assesseurs preneurs et un assesseur bailleur, sans qu'il soit précisé si le président a eu recours à la procédure prévue dans un tel cas par l'article L. 443-3 du Code de l'organisation judiciaire ; qu'au contraire, le jugement mentionne que la juridiction était ainsi composée « lors des débats et lors du délibéré » ; que ces mentions ne permettent pas de s'assurer que le Président a statué seul, après avoir pris l'avis des assesseurs présents, dans les conditions prévues par le texte précité ; qu'il convient, en conséquence, d'annuler le jugement déféré comme rendu dans une composition irrégulière, et de faire application de l'article 562 du nouveau Code de procédure civile, en évoquant le litige ;
II) Sur le fond
A) Sur la demande en dommages-intérêts des bailleurs
Attendu que les consorts X... s'estiment fondés à réclamer à leurs fermiers sortants le montant des travaux nécessaires au démontage complet des bâtiments à usage de poulaillers industriels que ces derniers ont fait édifier pendant la durée du bail, d'abord, sur le fondement de l'article 555 du Code civil, et subsidiairement, en raison du non-respect de la procédure d'autorisation prévue par l'article L. 411-73 du Code rural ;
Mais attendu que les constructions dont les bailleurs poursuivent l'enlèvement, par voie d'indemnisation, sont des bâtiments à usage de poulaillers industriels, affectés à une production hors sol relevant d'un cycle biologique animal, dans les termes de l'article L. 311-1 du Code rural, et s'inscrivant, comme tel, dans la mise en valeur de l'exploitation agricole sur laquelle les époux Y... ont été titulaires, jusqu'à l'échéance du 22 avril 1998, d'un bail soumis au statut du fermage ;
Qu'en application des dispositions d'ordre public de ce statut, le preneur a un pouvoir d'initiative important pour édifier les constructions nécessaires à la dynamisation de son exploitation, et si ces constructions subsistent après l'expiration du bail, elles deviennent la propriété du bailleur, par accession, sous réserve du droit à indemnité déterminé statutairement par l'article L. 411-73 du Code rural ; que, dans la logique économique que ce régime fait prévaloir, l'obligation, qui serait imposée au preneur à bail rural, de démolir à ses frais les constructions qui ont été indispensables, voire seulement utiles à la mise en valeur de son exploitation pendant la durée du bail, contreviendrait aux dispositions du statut, qui implique seulement que des bâtiments en ruine ne donnent lieu à aucune indemnisation ; que, dans ces conditions, les consorts X... ne seraient fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 555 du Code civil qu'en établissant la mauvaise foi des fermiers, qui auraient édifié les poulaillers litigieux non seulement sans leur accord, mais encore contre leur refus exprimé ;
Qu'or, ainsi que l'a très justement retenu le tribunal, il résulte au contraire de la lettre manuscrite que l'actuel bailleur, René Marie X..., a adressée aux époux Y... le 3 mars 2004, que son père, alors propriétaire des terres où les poulaillers ont été édifiés, avait donné à ces derniers « son autorisation nécessaire au financement et à l'édification de ces bâtiments » ; qu'il ne peut, aujourd'hui, soutenir de bonne foi que cette autorisation n'aurait pas été donnée dans les formes et conditions alors applicables ;
Qu'il ressort, au demeurant, des conditions du nouveau bail, exclu du statut, que les parties ont conclu le 23 juillet 1998 et qui portait sur la partie habitation de la ferme du..., mais aussi sur les terres où ces mêmes bâtiments restaient implantés, après l'expiration du bail rural, que « les preneurs ne pouvaient sous louer les poulaillers qu'avec l'autorisation expresse du propriétaire » ; qu'il se déduit nécessairement de cette clause que les bailleurs avaient accepté que, par l'effet de l'expiration du bail rural et de la persistance des poulaillers, que ces bâtiments leur échoient, par accession ; qu'il s'ensuit que le sort des constructions a bien été réglé contractuellement entre les parties, le 23 avril 1998, contrairement à ce que soutiennent les consorts X..., et que les preneurs sortants, ayant agi dans les limites du statut et étant de bonne foi, échappaient à l'obligation d'enlèvement prévue par l'article 555 du Code civil, dont les dispositions restent supplétives ;
Que les consorts X... ne peuvent donc qu'être déboutés de leur demande en dommages-intérêts ;
III) Sur la demande d'indemnité de sortie en rapport avec l'amélioration de l'habitat
Attendu que les époux Y... demandent à être indemnisés des dépenses qu'ils ont consacrées, entre 1987 et 1988, aux aménagements de la maison d'habitation dépendante de la ferme du..., et qui participeraient de l'amélioration de l'habitat ;

Que de tels travaux sont, aux termes de l'article L. 411-73, I.-1 du Code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 1984 applicable en l'espèce, dispensés de l'autorisation préalable du bailleur ; que le moyen pris de l'absence d'autorisation, voire de l'absence d'autorisation éclairée de la part du bailleur devient inopérant à moins de démontrer que les travaux réalisés excédaient les prévisions de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1967, relative à l'amélioration de l'habitat, ou que le bailleur s'y est expressément opposé ;
Qu'aux termes de leurs dernières écritures, les fermiers sortant limitent leur réclamation au montant de travaux d'électricité, de plomberie et d'extension de la maison, après déduction d'un amortissement calculé sur la durée d'occupation des lieux réaménagés (20 ou 22 ans), faisant ressortir leur indemnité de sortie à 13 938, 47 euros ;
Que, hormis les travaux de construction proprement dits, qui modifiant substantiellement l'apparence des bâtiments, nécessitaient comme tels une autorisation préalable du bailleur dont il n'est pas établi qu'elle a été obtenue, l'autorisation écrite donnée le 1er mai 1986 ne s'appliquant qu'à la modification des ouvertures et aux travaux d'aménagement intérieurs, ceux de plomberie ou d'électricité participaient manifestement de l'amélioration de l'habitat ;
Que la preuve n'est pas apportée de la prétendue opposition qu'ils prétendent avoir manifesté aux travaux effectivement engagés par les preneurs et qu'exigeaient la mise aux normes des installations existantes après plus de 25 ans d'occupation ;
Que les époux Y... étaient donc fondés à réclamer une indemnité de sortie en rapport avec les améliorations apportées par les travaux d'électricité et de plomberie qu'ils justifient avoir financés pendant la durée du bail ;
Attendu qu'il ressort de leurs propres pièces, et notamment de l'arrêté du 30 juin 1993 sur lequel ils fondent l'estimation de l'indemnité de sortie, que ce type de travaux s'amortit en 22 ans pour l'électricité et 20 ans pour la plomberie et les sanitaires ; que ces travaux ayant été achevés en 1987, auraient justifié le versement, lors de l'échéance du bail rural le 23 avril 1998, d'une indemnité de l'ordre de 30 500 francs ; que les époux Y... n'établissent pas avoir jamais exigé des bailleurs le règlement de cette indemnité dans la suite de cette échéance, préférant négocier auprès d'eux leur maintien dans les lieux, au moyen d'un nouveau bail, non soumis au statut du fermage ; qu'il s'en déduit, sans équivoque, qu'ils ont renoncé à se prévaloir de cette créance d'indemnité de sortie, qui ne représentait qu'un manque à gagner modique, en contre-partie de l'avantage qui leur était consenti d'un nouveau bail sur l'habitation, de 9 années, qui allait leur permettre de continuer à bénéficier des améliorations apportées à leur habitat jusqu'au terme de leur durée d'amortissement ; que, pour ces motifs, les époux Y... ne peuvent qu'être déboutés de leur demande reconventionnelle ;
Attendu que chacune des parties étant déboutée de ses prétentions conservera la charge des frais irrépétibles et dépens qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance ;
PAR CES MOTIFS

STATUANT publiquement et contradictoirement,
PRONONCE la nullité du jugement déféré comme rendu en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 443-3 du Code de l'organisation judiciaire ;
STATUANT à nouveau,
DEBOUTE les parties de l'ensemble de leurs demandes ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF S. CHAUVEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 174
Date de la décision : 16/05/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal paritaire des baux ruraux de Laval, 09 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-05-16;174 ?
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