Chambre Sociale
ARRÊT N
PB / AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01220.
type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes de LAVAL, décision attaquée en date du 11 Mai 2007, enregistrée sous le no 06 / 00344
ARRÊT DU 29 Avril 2008
APPELANTE :
S. A. S. ETABLISSEMENTS DASRAS ET FILS
Le Bourg
53230 MERAL
représentée par Maître Hervé CHAUVEAU, avocat au barreau de LAVAL,
INTIME :
Monsieur Fabrice X...
...
53940 ST BERTHEVIN
présent, assisté de Maître Marc BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur BOTHOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur BOTHOREL, président
Monsieur JEGOUIC, conseiller
Madame RAULINE, conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Annick TIJOU,
ARRÊT :
DU 29 Avril 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe,
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame Sylvie LE GALL, greffier présent lors du prononcé.
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EXPOSÉ DES FAITS. PROCÉDURE. OBJET DU RECOURS.
Les 6 et 13 juin 2007, la société " Etablissements Dasras et Fils " (la société Dasras), puis Fabrice X... ont formé appel d'un jugement rendu le 11 mai précédent par le conseil de prud'hommes de Laval, jugement auquel il est au besoin renvoyé pour un plus ample exposé des données du présent litige et dont les auteurs, après avoir notamment estimé que le licenciement (pour motif économique) du second, ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, a en conséquence condamné la première à verser à son ancien salarié les sommes détaillées dans le dispositif de ce jugement.
La société Dasras entend en effet obtenir, en substance, l'infirmation du même jugement.
Fabrice X... sollicite au contraire la condamnation de la société Dasras à lui verser les sommes supplémentaires détaillées cette fois-ci dans le dispositif de ses écritures d'appel.
MOYENS PROPOSÉS PAR LES PARTIES
Considérant qu'après avoir à nouveau-et notamment-rappelé à compter de quelle date et en quelle qualité elle avait initialement engagé Fabrice X..., puis quelle a été l'évolution de la carrière de celui-ci en son sein, la société Dasras, qui souligne en particulier qu'en première instance, la réalité des difficultés économiques auxquelles elle devait faire face à l'époque-réalité dont elle soutient en tout état de cause apporter la preuve-n'a pas été remise en cause par les premiers juges, fait par contre valoir, en substance, à l'appui de son recours que c'est à tort que les mêmes magistrats ont estimé qu'elle n'avait à aucun moment tenté de reclasser son ancien salarié (pour en déduire que, pour ce seul motif, le licenciement de Fabrice X... n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse), alors qu'elle estime démontrer que ce reclassement était en l'espèce impossible ;
Considérant que Fabrice X..., qui adopte au contraire pour l'essentiel les motifs de la décision déférée et conteste subsidiairement, pour les motifs exposés cette fois-ci dans ses écritures d'appel, la réalité même du motif économique de son licenciement, soutient par ailleurs que le préjudice global que lui a occasionné ce licenciement a été sous-évalué par les premiers juges ;
MOTIFS DE L'ARRÊT.
Considérant qu'aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
Considérant en outre que s'il résulte de l'article L 1233-4 du même code qu'un tel licenciement ne peut intervenir qu'après une ou plusieurs tentatives de reclassement du salarié concerné au sein de son entreprise et que les offres de reclassement correspondantes proposées à ce salarié doivent être écrites et précises, il n'en reste pas moins, d'une part, que l'employeur a toujours la faculté de démontrer qu'un tel reclassement était impossible et, de l'autre, qu'en ce cas, le même employeur ne peut être tenu de faire à son salarié des " offres précises et écrites d'emploi ".... qui n'existent pas ;
Or, considérant, tout d'abord, que, quoi qu'en dise Fabrice X..., il est parfaitement établi en l'espèce, à l'examen des divers documents comptables produits aux débats par la société Dasras (cf au besoin sur ce point les pièces 13 et suivantes de cette société) qu'à la date du licenciement de Fabrice X..., elle était confrontée à des difficultés économiques de nature à mettre en cause sa pérennité même, comme en font foi en particulier :
- le fait qu'au 31 décembre 2005, elle avait subi une baisse de chiffre d'affaires, calculée sur douze mois (pour être en cohérence avec l'exercice précédent, clôturé au 31 mars précédent), de près de 9 % (avec un résultat déficitaire de près de 56. 000 euros, résultat à nouveau déficitaire au 31 mars suivant à hauteur cette fois-ci de près de 78. 000 euros) ;
- le fait qu'au 31 mars 2006, sa " production " avait chuté de plus de 7 % ;
- le fait qu'au cours de l'année 2006, et si l'on fait abstraction du mois de janvier (dont le chiffre d'affaires a été " gonflé " par les commandes prises au salon du meuble de Paris, salon dont il va être reparlé), la baisse mensuelle de ces commandes par rapport à l'année 1985 a été quasi systématique, soit de 5 à 12 % avant le licenciement de Fabrice X..., puis de 8 à 19 % par la suite ;
- le fait qu'en dépit du licenciement de Fabrice X... ayant généré, au 31 octobre 2006, une baisse des charges salariales et sociales de la société Dasras de l'ordre de 57. 000 euros (cf la pièce 17 de l'appelante), le résultat d'exploitation de cette société était cette fois-ci toujours négatif à hauteur de plus de 126. 000 euros, avec, notamment, une nouvelle baisse, certes minime, de son chiffre d'affaires (cf la même pièce) et une augmentation importante de ses charges financières ;
- le fait que ce n'est pas un hasard si le banquier et le commissaire aux comptes de la société Dasras ont exigé, à compter (au mieux) du mois d'octobre 2005, la production par celle-ci de diverses " situations intermédiaires ", ce qui veut dire en clair, pour quiconque connaît à peu près le monde des affaires, que l'un et l'autre n'entendaient pas attendre la date normale de la clôture des comptes de la société Dasras, la première pour maintenir ses concours financiers à cette société, et le second pour " vivement recommander aux dirigeants (de la société Dasras) de prendre rapidement des mesures pour réaliser des économies " (cf la pièce 29 de l'appelante) ;
- le fait que le 14 février 2007 encore (et " suite à divers entretiens "), ce banquier " attir (ait) l'attention (de la société Dasras) sur (son) évolution relativement préoccupante ", dès lors que " le dernier bilan fai (sait) état d'une (nouvelle) baisse sensible du chiffre d'affaires et surtout d'une chute inquiétante de la capacité d'autofinancement ", l'informait que " cette forte baisse de la CAF, si elle (n'était) pas jugulée dès cette année, entraînerait obligation des tensions de trésorerie préjudiciables au bon fonctionnement de son affaire " et l'invitait en conséquence à " bien vouloir tout mettre en oeuvre afin de redresser ce point essentiel à la pérennité de (sa) société " et à " bien vouloir (lui) transmettre, par écrit, les mesures (qu'elle avait) prises ou (qu'elle envisageait) de prendre, ce qui caractérise à l'évidence l'attitude d'un banquier tout prêt de dénoncer ses concours financiers à l'un de ses clients.... ;
Qu'en bref, et abstraction faite des simples arguments tirés par l'intimé, soit des " investissements " réalisés par la société Dasras (cf la page 6 de ses écritures d'appel), investissements datant pour certains de plus de deux ans avant son licenciement (cf en particulier la pièce no11 de la société Dasras), en tout état de cause indispensables à la sauvegarde de la compétitivité de cette société-ce que Fabrice X... peut d'autant moins contester que c'est lui-même qui, par exemple et dans son acceptation de principe, en 1999, de son nouvel emploi de directeur commercial de la société Dasras, mettait l'accent sur la nécessité, pour cette société, d'être présente sur certains salons-et qui n'avaient aucun caractère " somptuaire ", comme le démontre la même société, soit de simples articles de presse qui relèvent de la simple " communication " de la société Dasras, mais qui ne reflètent en rien la véritable situation économique et comptable de l'époque de celle-ci, d'autant que ces articles ne faisaient en réalité état que de l'évolution du chiffre d'affaires de la société Dasras entre 1990 et 2003, Fabrice X..., qui, dans tous les cas de figure, représentait pour son ancien employeur une charge salariale globale annuelle de 160. 000 euros qui devait, dans ces conditions, être nécessairement supprimée (et non seulement réduite), ne peut utilement contester la réalité du motif économique de son licenciement, surtout après avoir " pronostiqué ", toujours en 1999 (cf supra) un chiffre d'affaires de " 40 M. F. (soit plus de 6 millions d'euros) ", voire " 50 M. F. (soit plus de 7. 600. 000 euros), tous chiffres à comparer avec le chiffre d'affaires annuel effectivement réalisé par la société Dasras au 31 octobre 2005, soit un peu plus de 3. 600. 000 euros ;
Considérant en second lieu que la société Dasras démontre (cf les pages 3 et 5 de ses écritures d'appel et les documents correspondants, soit en particulier son registre d'entrée et de sortie du personnel) que tous ses emplois, et notamment ses postes de commerciaux, étaient à l'époque pourvus, ce que Fabrice X... ne conteste même pas et ne pouvait d'autant moins ignorer que, là encore en 1999, il avait cédé sa carte de V. R. P. multicartes au service de la société Dasras à son épouse, carte ultérieurement vendue par celle-ci, un peu moins de trois ans plus tard, à un certain Y..., qui est toujours V. R. P. de la société Dasras pour la région Ile de France, moyennant-tout de même-une somme supérieure à 36. 000 euros (cf la pièce no19 de l'appelante) ;
Qu'aucun texte ou principe n'imposant à un employeur, soit de créer un poste nouveau afin de reclasser l'un de ses salariés, soit d'affecter ce salarié à un poste déjà occupé par un autre de ces salariés, il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée, peu important à cet égard que la société Dasras " (n'ait pas) présenté (à Fabrice X...) la moindre proposition de reclassement après avoir mené une réflexion sérieuse et complète ", ce qui peut d'ailleurs se discuter lorsque l'on constate que, dans la lettre de licenciement de Fabrice X..., lettre qui n'a pas été contestée " en temps réel " par celui-ci, la société Dasras écrivait textuellement à son ancien salarié " (qu'elle) avait envisagé de (lui) proposer un reclassement en qualité de V. R. P. (mais que) tous les secteurs (étaient) actuellement pourvus, et notamment son ancien secteur (région parisienne) " et que " par ailleurs, (elle) n'a (vait) aucun poste disponible tant administratif qu'à la production ", ce qui est encore une fois établi ;
Considérant toutefois qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Dasras les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires ayant déterminé les premiers juges, qu'elle adopte,
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirmant la décision déférée et statuant à nouveau,
Déboute Fabrice X... de toutes ses prétentions,
Déboute la société Dasras de ses prétentions accessoires,
Condamne Fabrice X... aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL