1ère CHAMBRE A
EM / IM
ARRET N 150
AFFAIRE N : 07 / 00570
Jugement du 06 Mars 2007
Tribunal de Grande Instance du MANS
no d'inscription au RG de première instance 06 / 01190
ARRET DU 29 AVRIL 2008
APPELANTS :
Monsieur Patrick X...
...
Madame Sylvia Y... épouse X...
...
représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour
assistés de Me Eric CHOUQUER, avocat au barreau du MANS
INTIMES :
Monsieur Michel A...
...
Madame Catherine B... épouse A...
...
représentés par Me Jacques VICART, avoué à la Cour
assistés de Me Alain IFRAH, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Février 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 12 décembre 2007 pour exercer les fonctions de président, Monsieur MARECHAL, conseiller ayant été entendu en son rapport, et Madame JEANNESSON, vice-président placé faisant fonction de conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 29 avril 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Patrick X... et son épouse madame Sylvia Y... sont propriétaires à TELOCHE (SARTHE) d'un immeuble situé... à savoir un bâtiment à usage professionnel et la moitié indivise d'un chemin.
Par acte sous seing privé du 31 mars 2005, monsieur et madame X... ont consenti à monsieur Michel A... et à son épouse madame Catherine B... un bail de courte durée dérogatoire au statut des baux commerciaux sur ces biens et locaux afin que le preneur y exerce l'activité d'achat, vente, négoce, installation, réparation de toute machine ou équipement à usage agricole. Ce bail qui était prévu pour une durée de trois mois non renouvelable à compter du 1er avril 2005 mettait à la charge du preneur un loyer mensuel de 600 € HT payable d'avance mensuellement et prévoyait qu'il serait résilié par anticipation à la signature de l'acte authentique de la vente de l'immeuble au preneur.
Le 4 avril 2005 les parties signaient un acte sous seing privé de cession d'immeuble sous conditions suspensives par lequel monsieur et madame X... s'engageaient à vendre ledit bien immobilier à monsieur et madame A... au prix de 76 000 €.
Le 28 avril suivant les parties signaient un avenant au contrat de bail du 31 mars 2005 ainsi rédigé : " En accord avec les parties, il a été convenu de proroger la durée du bail jusqu'au 31 août 2005. Les loyers versés de juillet et de août seront imputables sur le prix de vente de l'immeuble ".
Soutenant que l'acte du 4 avril 2005 ne vaudrait pas vente de l'immeuble, les époux X... ont par acte du 15 février 2006 fait assigner à cette fin monsieur et madame A... devant le tribunal de grande instance du Mans sur le fondement des articles 1582, 1603 et 1604 du code civil. Monsieur et madame A... se sont portés demandeurs reconventionnels afin que soit constaté que la convention du 4 avril 2005 constitue une promesse de vente valant vente conformément aux articles 1589 et suivants du code civil.
Par jugement du 6 mars 2007, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure ainsi que des motifs de cette décision, le tribunal de grande instance de Angers a :
- constaté que la promesse de vente de l'immeuble situé... moyennant 76 000 € conclue le 4 avril 2005 entre monsieur et madame X... et monsieur et madame A... vaut vente
-dit que les loyers dus au titre du contrat de bail conclu entre monsieur et madame X... et monsieur et madame A... et portant sur l'immeuble situé... depuis le mois de juillet 2005 s'imputent sur le prix de vente de cet immeuble conformément à l'avenant en date du 28 avril 2005
- enjoint à monsieur et madame X... dr procéder à la réitération de la vente conclue le 4 avril 2005 entre eux et monsieur et madame A...
- assortit cette injonction d'une astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 60ème jour suivant la signification du jugement
-condamné monsieur et madame X... à verser à monsieur et madame A... la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts
-ordonné l'exécution provisoire du jugement
-rejeté toutes demandes plus amples ou contraires
-condamné monsieur et madame X... aux entiers dépens et à payer à monsieur et madame A... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Patrick X... et madame Sylvia Y... épouse X... ont interjeté appel de cette décision le 15 mars 2007.
Par jugement du 24 avril 2007, le tribunal de grande instance de MANS, saisi par les époux A... d'une requête en rectification d'erreur matérielle qui aurait été commise sur le point de départ de l'astreinte, a dit que cette demande relevait du fait de l'appel interjeté des pouvoirs de la cour d'appel à laquelle le jugement a été déféré.
Les parties ont constitué avoué et conclu. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2008.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions déposées par monsieur Patrick X... et madame Sylvia Y... épouse X..., le 17 juillet 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, et aux termes desquelles les appelants demandent à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil :
- de réformer le jugement en toutes ses dispositions
-de dire et juger défaillie la condition suspensive à l'acte du 4 avril 2005 de la réalisation au 31 mai 2005, du prêt aux époux A...
- de constater en outre que cet acte n'a pas été réitéré en la forme authentique
-par application de ses clauses de l'article 1134 du code civil, et de l'acte de dire et juger en conséquence que le contrat du 4 avril 2005 ne vaut vente entre les parties de l'immeuble sis à TELOCHE (SARTHE) cadastré section ...
- de débouter par conséquent les époux A... de l'intégralité de leurs prétentions
-de les condamner en tous les dépens tant de première instance que d'appel et juger qu'ils seront respectivement recouvrés par la SCP GONTIER et LANGLOIS pour ceux d'appel et par Maître CHOUQUER pour ceux de première instance, dans les conditions prévues par l'article 699 du nouveau code de procédure civile
-de condamner les époux A... à leur payer une indemnité de 3 000 € en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées par monsieur Michel A... et madame Catherine B... épouse A..., le 28 novembre 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, et aux termes desquelles il est demandé à la cour :
- de dire l'appel et les demandes non fondés et d'en débouter les appelants
-de confirmer le jugement entrepris
et y ajoutant
-de porter à la somme de 20 000 € le montant des dommages et intérêts en réparation des préjudices que les époux X... leur ont fait subir et continuent de leur faire subir et de condamner ces vendeurs à leur payer cette somme
-de les condamner également à leur payer une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les appelant soutiennent successivement que :
- que le premier juge ne pouvait considérer que la vente était parfaite depuis le 25 mars 2005, date à laquelle l'acquéreur aurait pleinement réalisé les conditions suspensives incluses dans le contrat alors que le contrat les prévoyant n'a été signé que 10 jours plus tard
-que le dossier établirait que le transfert de propriété ne se ferait que lors de la réitération par acte authentique laquelle n'est pas intervenue et sur réalisation des conditions suspensives incombant aux parties, les acquéreurs n'ayant pas justifié avoir obtenu leur prêt dans les conditions prévues à l'acte
-que le principe général de la liberté individuelle empêcherait une juridiction de condamner un justiciable à contracter et au surplus à le faire sous la sanction d'une astreinte alors que la sanction de l'inexécution d'une obligation se résout en dommages et intérêts selon l'article 1142 du code civil.
L'examen des pièces produites au débat montre que la commune intention des parties exprimée au travers des trois actes sous seing privé qu'elles ont successivement signés les 31 mars, 4 avril et 28 avril 2005, en présence et avec le concours de la S. A. R. L. Cabinet ACETIM agent immobilier, consistait dès l'origine en une vente du bien et d'autre part en une mise à disposition immédiate du bien au profit des acquéreurs puisque le contrat de location à durée limitée, antérieure au compromis de vente, fait expressément référence à cette promesse synallagmatique de vente à intervenir.
L'acte de cession d'immeuble n'est, contrairement à ce que persistent à soutenir les appelants, pas soumis à la condition suspensive de la réitération par acte authentique. Cela ressort expressément de l'énumération des conditions suspensives figurant en pages 7 et 8 de l'acte. Il n'existe aucune contradiction sur ce point avec les dispositions de la page 2 contenues sous la rubrique " Propriété-Jouissance " qui précisent uniquement que " L'acquéreur aura la toute propriété de l'immeuble objet des présentes à dater de la réalisation des conditions suspensives et par la signature de l'acte définitif. Il en aura la jouissance le 1er juin 2005 ou au plus tard le jour du déblocage de l'emprunt dont il est question ci-après et qui devra intervenir avant le 31 mai 2005. ".
C'est seulement l'entrée en jouissance des lieux en qualité de propriétaire qui est différée à la réalisation des conditions suspensives et par la signature de l'acte définitif et nullement le caractère parfait de la vente dès l'accord des parties qui dépend seulement de la réalisation du ou des conditions suspensives.
En l'espèce la seule condition suspensive litigieuse a été réalisée puisque les intimés produisent sans être utilement combattus une attestation du directeur de la Caisse de Crédit Mutuel de Sablé sur Sarthe indiquant qu'un prêt de 80 000 € a été accordé à monsieur Michel A... en date du 25 mars 2005 pour le financement d'un bien sis....
Les pièces produites et notamment les lettres du notaire chargé de la régularisation de l'acte authentique datée pour la première du 22 juillet 2005 (pièce 6 des intimés-lettre adressée à monsieur et madame X...) et pour la seconde du 11 août 2005 (pièce 7 des intimés-lettre adressée aux époux A...) établissent encore que le déblocage du prêt n'est intervenu que postérieurement à l'accord donné par la banque en raison des délais de réponse de l'assureur sur sa prise en charge. L'acceptation de l'assureur pour les garanties sollicitées n'a été portée à la connaissance des emprunteurs que par lettre de la SA Assurances du Crédit Mutuel VIE datée du 25 juillet 2005 (pièce 4 des intimés).
Les appelants ne sauraient enfin prétendre qu'il n'aurait pas été justifié de l'obtention du prêt dans les délais prévus à l'acte soit le 30 avril ou le 31 mai au plus tard, alors d'une part qu'il était expressément convenu à l'acte qu'au cas où la date prévue pour la signature des actes définitifs venait à être dépassée, la convention conserverait néanmoins toute sa valeur aussi longtemps qu'elle n'aura pas été dénoncée par l'une ou l'autre des parties et d'autre part qu'il ressort de la lettre du notaire du 21 avril 2005 (pièce 5 des intimés) que les vendeurs avaient, du fait de la découverte de l'existence d'une hypothèque conventionnelle et d'une hypothèque judiciaire grevant l'immeuble, indiqué à cet officier ministériel qu'ils ne souhaitaient plus vendre. L'avenant postérieur du 28 avril 2008 au contrat de bail atteste s'il en était besoin que les époux X... n'ont pas entendu dénoncer la non réalisation dans les délais de la condition suspensive.
Dès lors le jugement doit, par substitution de motifs, être confirmé en ce qu'il a dit que du fait de la réalisation des conditions suspensives la vente était parfaite et a débouté monsieur et madame X... de leurs demandes visant à se voir déliés de cette convention.
Par ailleurs, le premier juge a justement fait droit aux demandes reconventionnelles de monsieur et madame A... :
- en condamnant les vendeurs à procéder à la réitération de la vente conformément aux stipulations contractuelles qui les engagent,
- en fixant pour assurer l'exécution de sa décision, conformément aux dispositions des articles 33 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, une astreinte. Le jugement contient une contradiction entre les motifs et le dispositif quant au point de départ de l'astreinte puisque les premiers indiquent que l'astreinte courra à compter du quinzième jour suivant la signification du jugement tandis que le dispositif fixe un délai commençant à courir à compter du 60ème jour. La décision sera réformée sur ce point, la cour estimant que la raison commande de fixer à ce dernier délai du 60ème jour le point de départ de l'astreinte prononcée par le premier juge,
- en décidant que les loyers qui ont été versés par les époux A... s'imputeront en exécution des conventions liant les parties sur le montant du prix de vente.
Le tribunal a retenu que le refus de procéder à la réitération de l'acte et l'action en justice engagée par les époux X... était constitutif pour les époux A... d'un préjudice qui justifiait l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 €. Les intimés demandent à la cour de porter cette indemnisation à la somme de 20 000 € en soutenant qu'ils subissent depuis 2 ans 1 / 2 un préjudice financier et moral du fait du comportement et de la mauvaise foi des époux X....
Il est indéniable que le refus de réitérer la vente malgré la réalisation de la condition suspensive de l'octroi du prêt trouve son origine dans un motif étranger aux rapports contractuels entre les vendeurs et les acquéreurs et est imputable aux seuls époux X.... Il a un caractère fautif à l'égard de monsieur et madame A... qui subissent de ce fait un préjudice moral et un préjudice financier. La décision doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a retenu l'existence d'un tel préjudice et ordonné son indemnisation. Le montant des dommages et intérêts sera toutefois plus justement estimé au regard des circonstances de l'espèce et de l'absence de production de justificatifs particuliers quant à l'importance des conséquences financières découlant notamment des engagements pris par les intimés à l'égard de leur prêteur à la somme de 2 000 €.
Il n'existe aucune considération d'équité qui permette de dispenser monsieur Patrick X... et madame Sylvia Y... épouse X... de contribuer aux frais irrépétibles que leurs adversaires ont dû exposer dans le cadre de la présente instance d'appel. Il convient en conséquence d'accueillir au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la demande formée par monsieur Michel A... et madame Catherine B... épouse A... au titre des frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt ;
DIT que l'astreinte prononcée par le premier juge courra à compter du 60ème jour suivant la signification du jugement ;
Infirmant sur le montant des dommages et intérêts,
CONDAMNE in solidum monsieur Patrick X... et madame Sylvia Y... épouse X... à payer à monsieur Michel A... et madame Catherine B... épouse A... la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE in solidum monsieur Patrick X... et madame Sylvia Y... épouse X... à payer à monsieur Michel A... et madame Catherine B... épouse A... la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum monsieur Patrick X... et madame Sylvia Y... épouse X... aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. LEVEUF S. CHAUVEL