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08/04/2008 | FRANCE | N°139

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0146, 08 avril 2008, 139


1ère CHAMBRE AFV / IM ARRET N 139

AFFAIRE N : 07 / 01345
Jugement du 12 Juin 2007 Tribunal paritaire des baux ruraux du MANS no d'inscription au RG de première instance 06 / 0005

ARRET DU 08 AVRIL 2008
APPELANTS :
Monsieur Francis X... né le 05 Décembre 1966 à LE MANS (72)...-72700 PRUILLE LE CHETIF

Madame Berthe X... épouse Y... née le 12 Février 1929 à PRUILLE LE CHETIF (72)...

Monsieur Marcel X... né le 18 Février 1932 à PRUILLE LE CHETIF (72)...-72700 PRUILLE LE CHETIF

Monsieur Pierre X... né le 26 Avril 1936 à PRUILLE LE CH

ETIF (72)...-72210 VOIVRES LES LE MANS

régulièrement convoqués, comparants, assistés de la SCP CHA...

1ère CHAMBRE AFV / IM ARRET N 139

AFFAIRE N : 07 / 01345
Jugement du 12 Juin 2007 Tribunal paritaire des baux ruraux du MANS no d'inscription au RG de première instance 06 / 0005

ARRET DU 08 AVRIL 2008
APPELANTS :
Monsieur Francis X... né le 05 Décembre 1966 à LE MANS (72)...-72700 PRUILLE LE CHETIF

Madame Berthe X... épouse Y... née le 12 Février 1929 à PRUILLE LE CHETIF (72)...

Monsieur Marcel X... né le 18 Février 1932 à PRUILLE LE CHETIF (72)...-72700 PRUILLE LE CHETIF

Monsieur Pierre X... né le 26 Avril 1936 à PRUILLE LE CHETIF (72)...-72210 VOIVRES LES LE MANS

régulièrement convoqués, comparants, assistés de la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistés de Maître VILLENEUVE, avocat au barreau du MANS

Madame Solange A... épouse X......-72700 PRUILLE LE CHETIF

Monsieur André X... né le 21 Juin 1933 à PRUILLE LE CHETIF (72)...

Monsieur Loïck X... né le 24 Mars 1961 à LE MANS (72)...

régulièrement convoqués, non comparants, représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour représentés par Me Patrice VILLENEUVE, avocat au barreau du MANS

INTIMES :

Mademoiselle Monique X... née le 15 Février 1940 à PRUILLE LE CHETIF (72)...

Monsieur Jean B... né le 05 Novembre 1933 à ALLONNES (49)...

Monsieur Jean-Luc B... né le 05 Août 1965 à LE MANS (72)...

Monsieur Stéphane B... né le 07 Août 1970 à LE MANS (72)...

régulièrement convoqués, non comparants, représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistés de Me Georges BONS, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Février 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame VERDUN, conseiller faisant fonction de président vu l'empêchement de la présidente de la 1ère chambre A et en application de l'ordonnance en date du 12 décembre 2007 pour exercer les fonctions de président, ayant été entendue en son rapport, Monsieur MARECHAL, conseiller, et Madame JEANNESSON, vice-président placé faisant fonction de conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 08 avril 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame VERDUN, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par deux jugements, en date du 21 février 2006, le tribunal de grande instance du MANS a :
- d'une part, ordonné les opérations de compte, liquidation et partage des communautés et successions des époux G...- X... et commis pour y procéder Me E..., notaire,
- d'autre part, sursis à statuer sur les demandes des consorts X...- B... tendant à voir déclarer leur co-indivisaire Marcel X... et son fils Francis, occupants sans droit ni titre du bordage du « Petit ... », et à voir ordonner leur expulsion et la démolition des constructions qu'ils ont fait édifier sur ce bornage, en renvoyant les parties devant le tribunal paritaire des baux ruraux pour être préalablement statué sur la question préjudicielle relative à l'application du statut du fermage.
Les parties, convoquées à l'audience de conciliation du tribunal paritaire des baux ruraux du MANS du 9 mai 2006, ne sont pas parvenues à s'accorder, et l'affaire a été renvoyée devant la formation de jugement.
Par un jugement du 12 juin 2007, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal paritaire des baux ruraux du MANS, a :
- constaté l'existence d'un bail verbal conclu entre Ernest X... et Marcel X... sur l'immeuble à usage agricole dit le bordage du Petit ... à compter du 1er juillet 1961,- déclaré nul, par application de l'article 595, alinéa 4, du Code civil, le bail sous-seing privé conclu le 7 avril 1976 entre Marguerite G... veuve Ernest X... et Marcel X...,- constaté que Francis X... n'est pas titulaire d'un bail rural sur le bordage du Petit ...,- renvoyé les parties à faire prononcer son expulsion et les mesures de démolition par la juridiction compétente,- condamné in solidum les consorts X...- A... à payer aux consorts X...- B... la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,- et condamné in solidum les consorts X...- A... aux dépens.

Ces derniers, à savoir Francis, Marcel, André et Pierre X..., Berthe X... épouse Y... et Solange A... épouse X... ont relevé appel de ce dernier jugement, par déclaration faite au greffe de la cour d'appel le 25 juin 2007.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 8 janvier 2008. L'affaire a fait l'objet d'un renvoi contradictoire à l'audience du 12 février suivant, à laquelle les parties ont été représentées par leurs avocats.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Francis, Marcel, André et Pierre X..., Berthe X... épouse Y... et Solange A... épouse X... (les consorts X...- A...), représentés par Me Patrice VILLENEUVE, ont développé à l'audience les moyens contenus dans leurs dernières conclusions, déposées le 7 février 2008, et aux termes desquelles ils demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions leur portant grief,- de dire et juger que la nullité du bail du 7 avril 1976 n'est pas encourue dès lors que l'article 595 du Code civil ne s'applique pas, que l'action en nullité est prescrite en vertu de l'article 1304 du Code civil, et couverte par la présence du bail verbal antérieur dont le tribunal a justement retenu l'existence,- de constater que l'article L. 411-36 du Code rural est inapplicable à l'exploitation des lieux par Francis X...,- subsidiairement, de juger que cette exploitation a été implicitement autorisée par l'usufruitière Marguerite G... veuve Ernest X..., et par la cohérie X..., à défaut, de l'autoriser,- de constater que la procédure de résiliation du bail excède les limites du litige,- de donner acte à Marcel et Francis X... de ce qu'ils se réservent de présenter une demande d'indemnité sur le fondement des articles L. 411-69 et suivants du Code rural,- le cas échéant, de confirmer le jugement en ce qu'il a renvoyé les parties devant la juridiction saisie de la question de l'expulsion et de la démolition des aménagements réalisés,- de condamner les consorts X...- B... à leur verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Monique X..., Jean, Jean-Luc et Stéphane B... (les consorts X...- B...), représentés par Me Georges BONS, ont repris à l'audience les moyens développés dans leurs dernières conclusions, déposées le 11 février 2008, et aux termes desquelles ils sollicitent :

- le débouté de l'appel et la confirmation du jugement entrepris, au besoin par les motifs substitués, pris de ce que :
* le bail écrit du 7 avril 1976 constitue un nouveau bail à effet au 1er mai 1975 que Marguerite G... veuve Ernest X..., usufruitière, a consenti seule en faveur d'un des co-indivisaires, * ce bail, consenti sans l'accord des nus-propriétaires, est nul par application de l'article 595, alinéa 4, du Code civil, ainsi que par application de l'article 815-3 du Code civil lequel est d'ordre public et échappe à la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil dès lors que moins de 5 ans se sont écoulés depuis le dernier renouvellement du bail irrégulièrement consenti, * par suite, Francis X... est occupant sans droit ni titre du bordage du Petit ..., * subsidiairement et à supposer l'existence d'un bail rural en faveur de Marcel X..., la transmission de ce bail à son fils Francis impliquait le respect des règles d'ordre public de l'article L. 411-35 du Code rural qui exige l'accord du bailleur et, à défaut, celui du tribunal paritaire des baux ruraux, alors même que, de l'aveu de Solange A... épouse X..., qui était co-exploitante avec son mari Marcel X... du bordage, Marguerite G... veuve Ernest X... n'a pas consenti à la cession du bail en faveur de Francis, * la cour d'appel n'est pas compétente pour statuer sur la demande tendant à autoriser cette cession, intervenue dans des conditions illégales,

- la condamnation des consorts X...- A... à leur régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- leur condamnation aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur l'objet du litige
Attendu qu'il convient de rappeler que l'instance dont la cour est saisie s'inscrit dans le cadre de la liquidation-partage des communauté et successions d'Ernest X... et de son épouse Marguerite G..., dont les opérations, actuellement pendantes devant le tribunal de grande instance du MANS, opposent Berthe, Marcel, André, Pierre et Loïck X...- ce dernier venant par représentation de son père, Maurice-, d'une part, à leur s œ ur ou tante, Monique X... et aux consorts B..., héritiers de Marie X..., benjamine de la fratrie, d'autre part ;
Que cette instance procède de la « question préjudicielle » que ce même tribunal, saisi d'une action en expulsion et en démolition des occupants du bordage du Petit ..., bien agricole dépendant de la succession d'Ernest X..., a cru devoir poser au tribunal paritaire des baux ruraux du MANS afin de se prononcer sur l'exception de bail rural invoquée par l'exploitant du bordage, fils de l'un des co-héritiers ;

Qu'outre le fait qu'en vertu des dispositions de l'article L. 441-1 du Code rural, qui limite la compétence exclusive du tribunal paritaire des baux ruraux aux contestations nées entre preneurs et bailleurs de baux ruraux relatives à l'application des titres I à V du livre VI du Code rural, le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, avait entière compétence pour régler la question, prétendument préjudicielle, née de l'existence, de la nature ou de la qualification d'un bail rural, il n'apparaît pas que le bordage litigieux constitue l'unique entité agricole en rapport avec les successions G...- X..., dont dépend également la ferme du « ... », qu'exploite Monique X... ; qu'en raison de l'indivisibilité des opérations de liquidation et partage de ces successions, dont la présente instance ne constitue qu'un avatar procédural, l'examen de la cour sera donc strictement circonscrit à l'incidence du statut du fermage sur l'exception de bail rural qu'invoque Francis X... pour faire échec à l'action en expulsion et remise en état des lieux formée par une partie des co-héritiers de la succession X... ;

II) Sur l'existence d'un bail verbal consenti par Ernest X... à Marcel X...
Attendu que la cour ne peut qu'adopter les motifs pertinents desquels les premiers juges ont déduit que la mise à disposition du bordage du Petit ..., où Marcel X... justifie s'être établi avec son épouse dès le 1er novembre 1960, avoir élevé et développé son propre cheptel et s'être déclaré exploitant, à compter de 1961, auprès des organismes gérant les régimes de sécurité sociale agricole des exploitants agricoles, avait été concédée par Ernest X... en contre-partie de l'exécution gratuite de travaux d'exploitation et de mise en valeur de la ferme du ..., travaux dont l'importance excédait manifestement les limites de l'entraide familiale puisqu'ils s'étendaient, selon les nombreux témoignages concordants produits aux débats, à tous les stades du cycle de production céréalière ou fourragère de la ferme (labours, hersage, semis et récolte) ;
Que le tribunal, après avoir relevé le caractère peu probant des attestations produites par les consorts X...- B... pour tenter d'apporter la preuve d'un travail équivalent qu'aurait exécuté Monique X... sur la ferme du ..., a pu en déduire que la mise à disposition du bornage de Petit ... avait eu un caractère onéreux, permettant de caractériser l'existence, à compter du 1er juillet 1961, d'un bail verbal valable, puisque consenti par Ernest X... sur un bien rural lui appartenant en propre ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté l'existence d'un bail rural consenti au profit de Marcel X... à compter du 1er juillet 1961, la preuve d'un tel bail s'apportant par tous moyens, par application de l'article L. 411-1, dernier alinéa, du Code rural ;
III) Sur la qualification de l'acte sous-seing privé du 7 avril 1976 conclu entre l'usufruitière et Marcel X...
Attendu qu'il est constant que, par acte sous-seing privé du 7 avril 1976, Marguerite G..., alors veuve d'Ernest X... et usufruitière de l'intégralité des biens de sa succession, a consenti à son fils Marcel et à sa belle-fille, Solange A..., avec effet à compter du 1er mai 1975, « le droit d'exploiter le bordage du Petit ... » moyennant :
- un « fermage annuel de 17 quintaux de blé et de 169 quintaux de viande de b œ uf, poids net, 2ème qualité »,- la prise en charge de « toutes réparations qui deviendraient nécessaires aux bâtiments de la ferme »,- et le paiement de « tous les impôts du Petit ... » ;

Attendu qu'après avoir énoncé que cet écrit n'invalidait pas nécessairement le bail précédent, le tribunal a constaté qu'il n'était pas versé aux débats, pour en déduire que les consorts X...- A... n'apportaient pas la preuve de ce qu'il renfermait, et que cet acte devait, par conséquent, être regardé comme un nouveau bail qui, conclu sans l'accord des nus-propriétaires, était nul par application de l'article 595, alinéa 4, du Code civil ;
Mais attendu que, d'abord, cet acte sous-seing privé étant annexé au rapport d'expertise de M. I..., lequel figure sur le bordereau des pièces communiquées par les consorts X...- A... en première instance (pièce no 3), était nécessairement acquis aux débats ; qu'ensuite, l'examen de cet acte révèle qu'il avait un caractère rétroactif puisqu'il stipulait l'exigibilité immédiate, en denrées, du terme échu au 1er novembre 1975, sous l'empire du bail verbal dont le fermage était jusqu'alors payable en nature ; qu'il a été signé le 7 avril 1976, ce qui, comme le souligne les consorts X...- B..., ne correspond pas à la date de renouvellement du bail verbal en cours, renouvelé automatiquement le 1er juillet 1970 pour une nouvelle période de neuf ans, à échéance le 1er juillet 1979 ; qu'en revanche, cette date ne précède que d'un mois l'échéance du deuxième terme du fermage, fixé au 1er mai 1976, ce qui amenaient les fermiers à s'acquitter immédiatement du fermage annuel, converti en denrées ;
Qu'il convient, également, d'observer que sur les neuf conditions qu'il contient, censées définir les droits et obligations réciproques du bailleur et du preneur, six concernent les conditions financières auxquelles les parties entendaient subordonner le maintien du « droit d'exploiter » :
2o et 8o : un fermage non réductible et payable en denrées, 3o : la prise en charge de toutes les réparations nécessaires sur les bâtiments, 5o, 6o et 7o : le règlement des impôts et contributions incombant tant à l'exploitant qu'au propriétaire du bordage, 9o : une clause de résiliation en cas de non-paiement d'un seul terme de fermage ou d'inexécution des autres conditions ;

Que corrélativement, les clauses 1 et 4, que sanctionne également la clause de résiliation (9o), stipulent l'obligation, pour Marcel X..., de « continuer d'exploiter les biens loués dans leur état au jour de l'entrée en jouissance » et l'interdiction de « faire valoir d'autres terres que celles louées à ce jour » ; que ces clauses ne comportent aucune date pouvant marquer le départ d'une nouvelle entrée en jouissance, ou caractériser la naissance d'un nouveau bail, détachable du précédent tel qu'un nouvel état des lieux, par exemple ;
Que l'ensemble de ces éléments concourt à démontrer que l'acte sous-seing privé du 7 avril 1976 avait exclusivement pour objet de définir rétroactivement, à compter du 1er mai de l'année précédente, les nouvelles conditions financières auxquelles les parties ont entendu subordonner la poursuite du bail à ferme, notamment par la conversion en denrée d'un fermage qui jusqu'alors était réglé en nature ; qu'un tel acte, parfaitement licite en regard des dispositions de l'ancien article 812 du Code rural, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 janvier 1985, ne constitue ni un renouvellement du bail initial, qui n'arrivait à son terme qu'au 1er juillet 1979, ni a fortiori un nouveau bail, mais une simple révision, voire une régularisation du fermage, qu'il relevait des pouvoirs de l'usufruitière, qui avait la qualité de bailleur et intérêt à la perception du loyer, de négocier seule aux termes des articles L. 411-11 et suivants du Code rural ;
Qu'il s'en déduit que cet acte ne relève pas du champ d'application des articles 595, alinéa 4, ou 815-3, 4o, du Code civil ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a qualifié l'acte du 7 avril 1976 de nouveau bail, et prononcé sa nullité ;
IV) Sur la cession du bail par Marcel X... à son fils Francis
Attendu que les consorts X...- B... soutiennent encore que Francis X... n'aurait aucun droit d'exploiter le bordage du Petit ... dès lors que la cession de bail que lui aurait consentie son père, Marcel X..., lors de son départ à la retraite, n'a pas été soumise à l'agrément, fut-il implicite, du bailleur ou de la cohérie, ni autorisée judiciairement avant la prise de possession de lieux par le cessionnaire, en violation de l'article L. 411-35 du Code rural ; qu'ils demandent à la cour, en tant que de besoin, de constater la résiliation du bail en sanction de sa cession irrégulière ;
Attendu que, si cette cession n'a pas été constatée par écrit, Francis X... a toutefois reconnu, devant l'expert, qu'il exploitait le bordage litigieux depuis 1992, date à laquelle il a repris l'exploitation de son père, Marcel, après que ce dernier a fait valoir ses droits à la retraite ; qu'il a également précisé qu'il payait le fermage et les impôts, hormis 51 francs correspondant à une sapinière qu'il n'exploite pas ; que ces déclarations sont, au demeurant, confortées par l'attestation d'assurance de GROUPAMA Centre Manche, d'où il résulte que Marcel X... a résilié sa police responsabilité civile agricole à compter du 1er janvier 1992 et par les témoignages retenus pour établir son exploitation effective du Petit ..., et qui font apparaître qu'il a cessé ses activités en 1992 ; que ces éléments concourent à démontrer qu'une cession de bail est effectivement intervenue en faveur de Francis X..., dans la cadre de la transmission de l'exploitation familiale ; que les consorts X...- A... qui soutiennent que Francis aurait exploité pour le compte de son père, ne produisent aucune pièce susceptible d'étayer cette allégation ; que la cession du bail en faveur de Francis X... est donc établie ;

Attendu qu'une telle cession, licite en application de l'article L. 411-35 du Code rural, est toutefois subordonnée à l'agrément du bailleur ; qu'en l'espèce, la cession est devenue effective le 1er janvier 1992, du vivant de Marguerite G... veuve X..., laquelle avait le pouvoir de consentir seule à cette cession en sa qualité de bailleresse (Civ. 3ème, 15 mars 2000, B. 57) ; qu'or Solange A..., mère de Francis X..., a reconnu dans un document manuscrit daté du 11 mars 2005, et établi sur un imprimé d'attestation, que son fils s'était installé sur le bordage après ses études avec l'accord des frères de Marcel X... et de leur s œ ur aînée mais sans que rien n'ait été demandé à l'usufruitière, « sachant que c'était un refus assuré » ;

Que cette phrase emporte objectivement l'aveu que la cession s'est réalisée sans avoir été soumise à l'agrément préalable du bailleur, ce qui ne permet plus au juge paritaire d'autoriser judiciairement l'opération (Civ. 3ème, 7 avril 1993, B. 54) ; que la demande présentée à ce titre, par les consorts X...- A... ne peut, dès lors, qu'être écartée ;
Qu'en revanche, l'affirmation selon laquelle Marguerite G... veuve X... n'aurait pas manqué de refuser l'agrément s'il lui avait été demandé, demeure une opinion purement subjective, émise dans le contexte d'une succession très contentieuse et devant la menace de « voir démolir 44 années de … travail » ; qu'elle n'interdit pas de déduire de l'attitude adoptée par la bailleresse après que la cession a été portée à sa connaissance, l'existence d'un agrément tacite ;
Qu'or, il ressort des témoignages produits que l'usufruitière a vécu jusqu'à son décès à la ferme du ..., située à quelques centaines de mètres du bornage du Petit ..., où elle pouvait voir son petit-fils Francis s'afférer seul et quotidiennement aux travaux de la ferme (Pierre J...) ; qu'ayant été elle-même exploitante agricole jusqu'à ses 81 ans, elle ne pouvait ignorer l'incidence possible de ce changement d'exploitant sur le bail rural en cours ; qu'elle a, pourtant, continué à percevoir les fermages afférents au bornage durant 10 années consécutives, sans émettre la moindre réserve ; que, de même, elle s'est abstenue de délivrer un congé à l'expiration du bail survenue en 1997, l'a laissé se renouveler pour une nouvelle période de 9 années ; qu'enfin, elle ne s'est jamais opposée, de quelque manière que ce soit, aux travaux de modernisation réalisés par son petits-fils, et qui ont pourtant nécessité des permis de construire régulièrement affichés (Pierre X...) ; qu'elle a même surveillé, en cours de chantier, l'état d'avancement des bâtiments (Berthe X... épouse Y...), lesquels, une fois achevés, étaient visibles depuis la route qu'elle empruntait régulièrement avec sa fille Monique pour se rendre en ville (Colette K... épouse X...) ;
Que, du fait du climat de brouille et de chicane qui régnait déjà au sein de cette famille, l'inertie de l'usufruitière jusqu'à son décès, survenu 10 ans plus tard, ne peut s'analyser qu'en une acceptation tacite de la cession du bail consenti au seul de ses petits-enfants qui disposait alors de l'âge, de la motivation et des compétences nécessaires pour poursuivre l'exploitation agricole du bornage du Petit ... ;
Qu'en l'état de cette acceptation manifestée sans équivoque par l'usufruitière, de son vivant, les consorts X...- B... ne sont pas recevables à contester la régularité de la cession de bail intervenue en faveur de Francis X... ;
Que le jugement sera donc de nouveau infirmé, sur ce point ;
Attendu qu'il n'existe aucune considération d'équité qui permette de dispenser les consorts X...- B... de contribuer aux frais irrépétibles que leurs adversaires ont dû exposer pour voir reconnaître le bien-fondé de leur exception de bail rural ; qu'il leur sera donc fait application des dispositions par application de l'article 700 du Code de procédure civile, dans les limites prévues au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'existence d'un bail verbal consenti au profit de Marcel X... à compter du 1er juillet 1961 et renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance du MANS afin qu'il vide sa saisine ;
REFORMANT le jugement, sur le surplus,
CONSTATE que l'acte sous-seing privé conclu entre Marcel X... et Marguerite G... veuve X... le 7 avril 1976 emportant révision et régularisation du fermage, ne relève pas du champ d'application des articles 595, alinéa 4, ou 815-3, 4o, du Code civil ;
DECLARE valable la cession de bail consentie par Marcel X... à son fils Francis X... le 1er janvier 1992 ;
CONDAMNE in solidum les consorts X...- B... à payer aux consorts X...- A... la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Les CONDAMNE in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. LEVEUF F. VERDUN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 139
Date de la décision : 08/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal paritaire des baux ruraux du Mans, 12 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-04-08;139 ?
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