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11/03/2008 | FRANCE | N°88

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0146, 11 mars 2008, 88


1ère CHAMBRE A
FV / IM ARRET N 88
AFFAIRE N : 06 / 02186
Jugement du 05 Septembre 2006 Tribunal de Grande Instance d'ANGERS no d'inscription au RG de première instance 05 / 03971
ARRET DU 11 MARS 2008

APPELANTE ET INTIMEE :
LA S. A. MATERIEL ARBORICULTURE FRUITIERE-M. A. F. 546 rue Gustave Jay-82000 MONTAUBAN
représentée par Me Jacques VICART, avoué à la Cour assistée de Me Jean-Yves MASSOL, avocat au barreau de TARN ET GARONNE

INTIMEE ET APPELANTE :
LA S. A. S. PARKER HANNIFIN GROUPE HYDRAULICS ZI du Mont Blanc-17 rue des Buchillons-74112 ANN

EMASSE
représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me POINTU...

1ère CHAMBRE A
FV / IM ARRET N 88
AFFAIRE N : 06 / 02186
Jugement du 05 Septembre 2006 Tribunal de Grande Instance d'ANGERS no d'inscription au RG de première instance 05 / 03971
ARRET DU 11 MARS 2008

APPELANTE ET INTIMEE :
LA S. A. MATERIEL ARBORICULTURE FRUITIERE-M. A. F. 546 rue Gustave Jay-82000 MONTAUBAN
représentée par Me Jacques VICART, avoué à la Cour assistée de Me Jean-Yves MASSOL, avocat au barreau de TARN ET GARONNE

INTIMEE ET APPELANTE :
LA S. A. S. PARKER HANNIFIN GROUPE HYDRAULICS ZI du Mont Blanc-17 rue des Buchillons-74112 ANNEMASSE
représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me POINTU, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :
LA S. C. A. LES VERGERS D'ANJOU 71 route d'Angers-49124 SAINT BARTHELEMY D'ANJOU
représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me Etienne DE MASCUREAU, avocat au barreau d'ANGERS
LA S. A. TOTAL FINA ELF LUBRIFIANTS Résidence Le Diamant B-16 rue de la République-92800 PUTEAUX
représentée par la SCP DELTOMBE ET NOTTE, avoués à la Cour assistée de Me REGNAULT, avocat au barreau de PARIS

LA S. A. ACE INSURANCE 8 avenue de l'Arche-Le Colisée-92419 COURBEVOIE CEDEX
représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assistée de Me Jehan DE POUQUES, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 12 décembre 2007 pour exercer les fonctions de président, Madame VERDUN, conseiller ayant été entendu en son rapport, et Monsieur MARECHAL, conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 11 mars 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
La société Coopérative agricole « Les Vergers d'Anjou » voulant s'équiper d'une station hydraulique automatisée de calibrage et de conditionnement de pommes, s'est adressée à la SA Matériel Arboriculture Fruitière (MAF), fabricant et distributeur international de ce type de matériel. Sur la base de devis estimatifs du 28 octobre 1998, les parties ont signé, le 8 septembre 1999, deux contrats de fourniture :
- d'une ligne de précalibrage d'un rendement de 40 tonnes à l'heure, pour une moyenne de 7 fruits au kilo, comportant le matériel nécessaire au process de traitement des fruits (immergeurs, élévateur, douches, pièges à boue, tables de triage, calibreuses …) avant leur conditionnement,

- de quatre lignes de conditionnement, permettant un emballage tantôt manuel tantôt mécanique des fruits, et offrant un rendement compris entre 6 et 15 tonnes par heure selon la ligne.
L'alimentation en eau de cette station devait être assurée par une centrale hydraulique dont les contrats indiquaient, en termes identiques, qu'elle serait « vu l'importance de l'ensemble, constituée de plusieurs pompes en parallèle ». Le marché s'élevant à un montant global HT de 37 050 000 francs-5 648 236, 09 euros-, s'étendait à la mise en service des équipements et à leur maintenance jusqu'à l'obtention d'un rendement donné.
Le 28 septembre 1999, la SA MAF a demandé à la SAS PARKER HANNIFIN France d'étudier la centrale hydraulique adaptée à l'alimentation de la station, en envisageant soit un seul groupe équipé d'une pompe à débit variable, soit plusieurs groupes fonctionnant selon le débit nécessaire. Après plusieurs études, commande était passée à la SAS PARKER HANNIFIN, sur la base d'un devis du 13 décembre 1999, d'une centrale hydraulique unique, d'une capacité de 2 000 litres, composée de trois groupes électro-pompes autorégulées, avec divers dispositifs de sécurité, pour un montant HT de 374 400, 58 francs-57 077 euros-L'étude précisait que le fluide hydraulique de l'installation serait composé d'une huile minérale catégorie HM ou HV.
Selon un devis du 6 janvier 2000, accepté le 1er mars suivant, la SAS PARKER HANNIFIN a sous-traité à la société PROFLUID la réalisation des réseaux collecteurs départ et retour de la centrale hydraulique, pour un coût de 165 640 francs, soit 25 251, 66 euros.
Enfin, la SCA ayant exigé l'utilisation d'une huile hydraulique alimentaire en remplacement de l'huile minérale prévue par l'hydraulicien, le choix se portait sur une huile alimentaire de qualité « Keystone Nevastane 20 AW » produite par la SA TOTAL LUBRIFIANTS, laquelle consentait à la SA MAF, par télécopie du 11 février 2000, une extension de garantie de son produit à 3 ans, sous diverses conditions notamment d'analyses.
L'installation, mise en service à partir du mois de juin 2000, puis en production industrielle à compter du mois de septembre suivant, a fonctionné sans incident notable pendant la première campagne de pommes. Au mois de mai 2001, des fuites ont été constatées au niveau des lanternes d'accouplement du groupe 2, auxquelles la SAS PARKER a, par télécopie du 16 mai, proposé de remédier, au titre de sa garantie conventionnelle, en changeant les joints de l'arbre à pompe lors de l'arrêt de production, en juillet 2001.
Au redémarrage de l'installation, en septembre 2001, des dysfonctionne-ments ont été constatés sur les électro-distributeurs, qui se bloquaient de façon aléatoire, ainsi que sur l'alimentation du groupe 2, passée en sécurité par suite d'une chute de pression.
Les analyses réalisées sur l'huile hydraulique et sur les électro-distributeurs ne révélaient pas les causes de ces dysfonctionnements, qui allaient en s'aggravant jusqu'au mois d'avril 2002, où l'utilisatrice signalait une augmentation considérable des blocages des électro-distributeurs et l'allumage permanent des voyants de colmatage des filtres.
Par actes d'huissier de justice en date des 13 et 15 mai 2002, la SCA a fait assigner les sociétés MAF, TOTAL Lubrifiants et PARKER en référé expertise. Elle a obtenu, outre la désignation d'un expert, chargé de rechercher la cause et l'origine des désordres et dysfonctionnements constatés, l'autorisation de faire procéder, à ses frais, aux travaux urgents préconisés par l'expert.
Ce dernier a rempli sa mission, au cours de laquelle il a fait procéder à la vidange et au nettoyage complets de l'installation, puis à sa remise en service après le changement des 92 électro-distributeurs au mois de juillet et août 2002. A l'issue de multiples investigations, il a déposé son rapport le 8 avril 2005.
Après l'échec d'un référé-provision, la SCA « Les Vergers d'Anjou » a fait assigner la société MAF en responsabilité selon la procédure d'assignation à jour fixe, par exploit du 9 décembre 2005. La société MAF a fait assigner en garantie, selon la même procédure, le fournisseur d'huile (TOTAL Lubrifiants), l'hydraulicien (PARKER), le sous-traitant ayant réalisé les groupes de collecteurs (PROFLUID) ainsi que son propre assureur de responsabilité civile, la société ACE Insurance.

Par jugement du 5 septembre 2006, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance d'ANGERS a, après jonction des procédures :
- condamné la SA MAF à payer à la SCA « Les Vergers d'Anjou » les sommes de
o 304 878, 11 euros, en réparation des désordres et dysfonctionnements des électro-distributeurs et de la dépollution de l'installation, o 43 437, 53 euros, au titre des travaux de reprise de la centrale hydraulique, o 30 000 euros en réparation du préjudice économique et financier nés des dysfonctionnements de la station automatisée,
- condamné la SAS PARKER HANNIFIN à garantir la SA MAF de la totalité des travaux de reprise de la centrale hydraulique et de la moitié des autres condamnations,
- prononcé la mise hors de cause des société PROFLUID et de la SA TOTAL Lubrifiants,
- rejeté la demande de garantie formée par la SA MAF à l'encontre de son assureur de responsabilité civile, ACE Insurance,
- condamné la SA MAF à payer une indemnité de procédure de 7 000 euros aux sociétés PROFLUID ET TOTAL, celle de 4 500 euros à la société ACE Insurance et celle de 15 000 euros à la SCA « Les Vergers d'Anjou »,
- ordonné l'exécution provisoire de sa décision,
- partagé les dépens par moitié entre la SA MAF et la SAS PARKER HANNIFIN France.

La SA MAF a relevé appel de cette décision par déclaration du 24 octobre 2006. La SAS PARKER HANNIFIN a formé un appel incident ainsi que des appels provoqués à l'encontre des parties qu'elle avait appelées en garantie, hormis la SA PROFLUID. La SA MAF a formé un appel incident, limité à son préjudice.
Les parties ayant constitué avoué et conclu au fond, la clôture de l'instruction a été prononcée le 10 janvier 2008.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions déposées par la SA Matériel Arboriculture Fruitière (MAF) le 14 décembre 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles elle sollicite :
· le rejet de l'action principale de la SCA « Les Vergers d'Anjou » dès lors que la preuve n'est apportée ni d'une faute contractuelle, ni d'un lien de causalité entre une telle faute et le préjudice invoqué, · la condamnation de la SCA « Les Vergers d'Anjou » à lui restituer les sommes perçues en application de l'exécution provisoire, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement à la SCA, · subsidiairement, la condamnation des sociétés PARKER et TOTAL Lubrifiants à la garantir des condamnations prononcées au titre des désordres relatifs aux distributeurs à concurrence d'une somme de 144 878, 11 euros, · la condamnation de la société PARKER à la garantir des condamnations consécutives aux insuffisances de la centrale hydraulique, à concurrence d'une somme de 203 437, 53 euros, · le rejet de toute réparation au titre d'un préjudice économique non justifié, et subsidiairement, la garantie intégrale du fournisseur d'huile et de l'hydraulicien, · la condamnation de son assureur de responsabilité civile, ACE Insurance, à la garantir du fait de la responsabilité de son sous-traitant, la société PARKER, et, en toute hypothèse, du préjudice économique invoqué par la SCA, · la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, · leur condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions déposées par la SAS PARKER HANNIFIN France le 19 décembre 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles elle demande à la cour :
· d'infirmer le jugement entrepris sur son appel incident, · de dire que le rapport d'expertise ne permet pas de définir de façon précise les causes des désordres, ni de se prononcer sur leur imputabilité, · de déclarer l'action principale de la SCA « Les Vergers d'Anjou » à l'encontre de la MAF irrecevable en ce qu'elle se fonde sur les articles 1792 ou 1641 du Code civil, et mal fondée en application de l'article 1147 du Code civil, · en conséquence, de dire n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie formé par la SA MAF, · à titre subsidiaire, de constater que la SAS PARKER est étrangère aux blocages des distributeurs, et, s'agissant de la centrale hydraulique qu'elle a livrée, que celle-ci comporte bien un réservoir avec cloison contrairement à ce qu'a retenu l'expert ainsi que des thermostats de sécurité, que le système de filtration et de refroidissement sont conformes aux normes et à l'application, que la dépollution de la centrale hydraulique a bien été réalisée et réceptionnée sans réserve, · de débouter, par conséquent, la SA MAF de son appel en garantie, · de condamner tout succombant à lui verser une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, · de condamner tout succombant, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions déposées par la Société coopérative agricole « Les Vergers d'Anjou » le 10 janvier 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles elle sollicite :
· le rejet des appels principal, incident ou provoqué de ses adversaires, et l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a partiellement déboutée de sa demande en réparation de préjudices économique et financier consécutifs aux dysfonctionnements de sa station automatisée, · la condamnation de la SA MAF à lui verser à ce titre une somme de 100 000 euros, · la confirmation du jugement sur le surplus, · la condamnation de la SA MAF, tenue in solidum avec tout succombant, à lui verser une indemnité de procédure de 6 000 euros en cause d'appel, · la condamnation des mêmes aux entiers dépens d'appel.

Vu les dernières conclusions déposées par la SA TOTAL Lubrifiants le 4 janvier 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles elle demande à la cour :
· de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause, · à titre subsidiaire, de déclarer l'action principale de la SCA « Les Vergers d'Anjou » irrecevable au titre des désordres ayant affecté les distributeurs, et de dire n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie formé contre elle par la MAF, · plus subsidiairement, de constater que l'huile alimentaire qu'elle a fournie répondait aux qualités qui en étaient attendues, et qu'elle est étrangère au blocage des distributeurs, · d'ordonner en tant que de besoin l'audition de l'expert, · en toute hypothèse, de rejeter toute demande de préjudice économique et financier non justifiée par la SCA, · de condamner la ou les parties succombantes à lui verser une somme de 30 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, · de condamner solidairement la ou les parties succombantes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions déposées par la SA ACE Insurance le 3 juillet 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles elle sollicite :
· la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société MAF de sa demande en garantie d'un sinistre qui relève intégralement de l'exclusion des coûts de remplacement, remboursement, réparation, rectification, pose et repose du produit livré, · la condamnation de la société MAF à lui régler une indemnité de procédure de 6 000 euros, et au remboursement de ses dépens, · subsidiairement, la condamnation solidaire de tout sous-traitant à garantir la MAF et son assureur, de toutes condamnations prononcées à leur encontre.

MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que la SAS PARKER HANNIFIN France, chargée en sous-traitance de la réalisation de la centrale hydraulique et, à un degré moindre, la SA MAF, fabricant et concepteur des chaînes de calibrage et de conditionnement automatisées dont le dysfonctionnement est en cause, contestent la valeur probante du rapport d'expertise judiciaire pour des motifs de forme, pris des conditions dans lesquelles ce dernier a conduit ses constatations et opérations, et de fond, pris des erreurs techniques et incertitudes qui entacheraient son avis ;
I) Sur l'expertise
A) Sur la conduite des opérations d'expertise
Attendu que la SAS PARKER reproche, d'abord, à l'expert d'avoir méconnu les termes de sa mission en procédant à un examen endoscopique de l'installation dans la précipitation et sans en aviser les parties en temps utile pour qu'elles puissent être présentes, alors qu'il s'agissait d'une investigation déterminante ;
Mais attendu que cette investigation purement technique a pu être réalisée par l'expert seul dès lors que les images issues de l'examen endoscopique ont été enregistrées sur une cassette vidéo que l'expert a diffusée, à plusieurs reprises, à l'ensemble des parties ; qu'aucune d'entre elles n'a alors contesté la qualité de cet examen ou la valeur probante de ses résultats ; que ce premier grief est, dès lors, inopérant ;
Attendu que l'hydraulicien soutient également que l'expert aurait failli à sa mission ainsi qu'aux règles de sa déontologie en ne répondant que partiellement et de façon elliptique aux dires des parties, en ne déposant pas de pré-rapport et en ne s'adjoignant pas l'aide d'un sapiteur en matière d'hydraulique ;
Mais attendu que la lecture du rapport, dont plus de 26 pages sont consacrées aux dires des parties, révèle que chacun des 56 dires adressés en temps utile a fait l'objet de réponses circonstanciées sur les questions techniques posées, dès lors qu'elles présentaient un certain degré de pertinence ; qu'ainsi, l'expert s'est expliqué sur l'éventualité d'une pollution chimique qu'il avait envisagée dans sa note de synthèse no 6 du 28 juin 2004, en précisant que les résultats des spectométries réalisées sur les prélèvements de vidange et les analyses effectuées par le laboratoire ITERG invalidaient cette hypothèse (réponse au dire 5-55) ; que l'expert a donc répondu comme il le devait aux dires des parties ;
Que la critique méthodologique, prise de l'absence de pré-rapport, n'est pas plus pertinente ; que, d'abord, l'expert a pris soin d'établir, à l'issue de chacune de ses réunions contradictoires, une note de synthèse écrite qu'il a fait parvenir aux parties concernées ; qu'ensuite, les travaux qu'il a autorisés en cours d'expertise, aux frais avancés de l'utilisatrice, ont été précédés d'une note de synthèse ainsi que d'examens et de prélèvements conservatoires, de sorte que leur réalisation n'emportant aucun risque de dépérissement des preuves, n'imposait pas le dépôt d'un pré-rapport ;
Qu'enfin, force est de constater que la SAS PARKER n'a pas usé, durant les trois années qu'a duré l'expertise, de la faculté de demander au juge chargé du suivi de cette mesure qu'il prescrive le dépôt d'un pré-rapport final ou l'intervention d'un sapiteur spécialisé en hydraulique ; qu'elle n'est donc pas recevable à se faire un grief, devant la juridiction de fond, du non respect de ces démarches méthodologiques, étant, au surplus, observé que les désordres litigieux (blocage des électro-distributeurs et chutes de pression liées au fonctionnement erratique des pompes) relevaient du domaine de compétence de l'expert, ingénieur diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure de Mécanique ;
Attendu que les opérations d'expertise n'encourent donc aucune des critiques invoquées, à tort ou tardivement, par la SAS PARKER et la SA MAF ;
B) Sur l'avis technique
Attendu que les contestations de l'avis technique de l'expert ne portent que sur les causes des deux dysfonctionnements constatés sur la chaîne : le blocage d'un nombre croissant d'électro-distributeurs ainsi que des chutes de pression d'eau entraînant la mise en sécurité de l'installation ;
1- L'origine du blocage des électro-distributeurs
Attendu que l'expert a attribué ce premier désordre à la présence d'un dépôt jaunâtre présent sur les parties non frottantes des tiroirs, de la consistance d'un gel qui, en refroidissant et par un effet de « prise de masse », provoquait le blocage des électro-distributeurs ;
Qu'il a précisé que ce phénomène, qui sévissait dans certaines installations hydrauliques avant l'apparition des huiles hydrauliques modernes, largement additivées, résultait non pas de la température de fonctionnement excessive de la centrale hydraulique, mais d'un échauffement anormal et localisé, du type de ceux provoqués par des appareils travaillant en lamination, et créant un point chaud par dissipation d'énergie ; que l'expert a également relevé que cette analyse était confortée par la présence, au fond du réservoir de la centrale hydraulique, d'une marque en rond, que laisse un fluide en limite de carbonisation ;
Attendu qu'il convient d'observer que l'expert n'est parvenu à cette conclusion qu'après avoir écarté une à une les hypothèses évoquées d'une pollution chimique, organique ou particulaire, en faisant procéder à des analyses par des laboratoires spécialisés qui ont révélé tantôt l'absence de pollution, tantôt son inocuité dans l'apparition du gel, cause des désordres (son rapport pages 25 à 27) ;
Attendu que la SAS PARKER et la MAF reprennent pourtant l'hypothèse probable d'une pollution née d'un accident de maintenance imputable à la société utilisatrice, dont les préposés, qui débloquaient les électro-distributeurs à coup de marteaux, auraient pu, du fait de leur incompétence, confondre les bidons d'huile avec ceux d'autres produits, contenant notamment de l'IRGANOX ; que cette argumentation n'est pas sérieuse dès lors que :
- l'expert, qui a procédé à un examen, par sondage, des 92 électro-distributeurs démontés et remplacés, a constaté qu'un déblocage manuel était impossible ; qu'ainsi, la solution des coups de marteau, loin de démontrer l'incompétence des préposés de la SCA « Les Vergers d'Anjou », révèle l'ampleur du désordre auquel ces derniers étaient confrontés avant la vidange et le nettoyage complet de l'installation, réalisés en cours d'expertise ;
- la présence d'un produit d'origine organique ou chimique, déduite d'analyses antérieures à l'expertise, n'a pas été confirmée par l'analyse des prélèvements réalisés sous le contrôle de l'expert, lesquelles ont révélé l'absence complète de triglycérides (annexe 30 du rapport) et la présence de « traces » d'IRGANOX dont l'expert a démontré l'inocuité en procédant à des essais sur 5 échantillons contenant des concentrations différentes de ce produit (son rapport page 27) ;
Que, s'agissant de la pollution particulaire dont l'hydraulicien réagite l'existence afin de démontrer que l'expert se serait contredit, il résulte très clairement du rapport que l'examen des éléments démontés le 18 octobre 2003, en présence des parties, n'a mis en évidence que des particules fines – entre 5 et 15 microns- ; que l'absence d'incidence de ces particules en suspension sur l'apparition des blocages des électro-distributeurs a été clairement rappelée dans la réponse à un dire no 5-43 de la SAS PARKER qui ne peut, de bonne foi, soutenir que l'expert se serait contredit ou n'aurait pas exploré cette piste ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient encore la SAS PARKER, par une tactique de défense dont l'expert a fini par souligner le manque de rigueur voire de bonne foi (son rapport page 54, réponse au dire 5-55 de Me POINTU), ce technicien n'a nullement imputé la présence du gel à un mouvement de laminage des appareils équipant l'installation ; qu'il s'est borné à citer ce mouvement à titre d'exemple, pour illustrer la nature et la source possible des échauffements localisés provoquant l'altération constatée sur l'huile de l'installation ; que les développements que la SAS PARKER consacre à cette question sont donc inopérants ;
Qu'il en est de même de l'argumentation qu'elle développe encore :
- sur la présence et la conformité de la cloison de séparation dans le réservoir de la centrale hydraulique, dès lors qu'aux termes de la documentation technique qu'elle produit, cette cloison n'aurait d'incidence que sur l'apparition d'une pollution particulaire de classe 12, dont l'inocuité a été démontrée dans l'apparition du gel, cause des désordres ;
- sur l'existence des sondes thermostatiques dont elle a équipé sa centrale alors même que le responsable de maintenance de la SCA a signalé lors des opérations d'expertise, sans être contredit sur ce point, qu'elles ne fonctionnaient pas, ce qui obligeait son service à procéder au relevé quotidien de la température du réservoir de la centrale hydraulique par laser (rapport page 15) ; qu'au surplus, les sondes thermostatiques installées provoquent, en cas de surchauffe, une mise en sécurité et donc un arrêt de la station, alors que l'expert propose de coupler ces sondes à la mise en service du système de refroissement ;
- sur l'hypothèse, également invoquée par la MAF, d'une pollution organique provoquée par une entrée d'eau par les joints lors du nettoyage de la station pendant la période d'arrêt estivale, dont l'expert a souligné l'invraisemblance en réponse au dire 5-43 de Me POINTU, en rappelant que si les joints avaient permis l'entrée d'une pollution, ils auraient aussi été la source de sortie de fuites qui n'ont jamais été constatées (son rapport page 48) ;
Attendu qu'il s'en déduit qu'aucune des critiques qu'opposent la SAS PARKER et la MAF pour discréditer l'avis technique de l'expert sur la cause du blocage des électro-distributeurs n'est sérieuse ;
2- Sur les chutes de pression
Attendu que l'expert a consacré la réunion du 25 novembre 2004 à l'examen du comportement de la centrale hydraulique, après la vidange et le nettoyage complet du circuit et le remplacement des 92 électro-distributeurs permettant le passage des fruits vers les lignes de calibrage et de conditionnement ; qu'il a fait installer sur le circuit refoulement de chaque pompe un manomètre et un débimètre, afin de mesurer la pression et le débit de chacune des trois pompes constituant la centrale hydraulique, dans des hypothèses de fonctionnement divers ; qu'il a constaté, pendant cette seule période d'essai, que l'installation s'était mise en sécurité par manque de débit et de pression à deux reprises, et que les résultats des mesures réalisées sur les pompes étaient « complètement inacceptables » ;
Qu'il a attribué ces dysfonctionnements à la trop faible marge entre le débit potentiel des 3 pompes, de 600 l / mn, et la demande possible de débit instantané des lignes de calibrage et de conditionnement, qui peut être de 595 l / mn ; qu'il a précisé que, compte tenu de leur usure normale après 10 000 heures de fonctionnement, les pompes n'assuraient plus un débit suffisant ce qui entraînait une chute de pression provoquant la mise en sécurité de l'installation ;
Que l'expert s'est également interrogé sur la non-reprise en régulation du débit des pompes, bien qu'elles soient équipées d'un compensateur de pression destiné à ajuster le débit à la demande pour maintenir dans le circuit la pression pré-réglée ; qu'il a attribué ce phénomène de dérégulation du débit au mauvais fonctionnement des tiroirs pilotes des régulateurs, ce qui contraignait le service de maintenance à arrêter les pompes pour qu'elles se placent à nouveau en position de débit maximal ;
Attendu que la SAS PARKER et la SA MAF soutiennent que les chutes de pression ne se seraient manifestées qu'à partir du mois de juillet 2002, soit après que les pompes aient été utilisées, avec l'accord de l'expert, pour procéder à un « super rinçage » de l'installation, usage pour lequel elles n'étaient pas destinées, et qui aurait accéléré l'usure et la perte de puissance incriminée par l'expert ;
Mais que, d'abord, ce moyen procède d'un postulat inexact puisqu'il ressort de l'historique des pannes relatées par l'expert que les premières chutes de pression ayant entraîné la mise en sécurité de l'installation, ont été constatées par le service de maintenance dès le mois de juillet 2001, donc dès la première remise en service de la chaîne automatisée (page 4 et annexe 5 du rapport) ;
Qu'ensuite, ce moyen résulte, une fois de plus, d'une dénaturation des données fournies par l'expert, qui a clairement mis en cause la conception même de la centrale hydraulique et sa puissance insuffisante pour alimenter des lignes de calibrage et de conditionnement pouvant nécessiter un débit d'eau instantané de 595 l / mn ;
Qu'une fois de plus, ni le fournisseur de la station automatisée, ni le sous-traitant de la centrale hydraulique n'invoquent de critiques pertinentes à l'encontre de l'avis émis par l'expert sur les causes des chutes de pression affectant l'alimentation hydraulique ;
3- Sur les autres anomalies relevées par l'expert
Attendu que l'expert a également relevé que la dépollution des collecteurs composant la centrale hydraulique n'avait pas été réalisée, ou du moins ne l'avait pas été dans les règles de l'art, comme le démontraient les dépôts métalliques constatés sur les relevés endoscopiques des collecteurs en acier ;
Qu'enfin, il a indiqué que le système de filtration utilisé n'était pas assez performant pour maintenir la pollution particulaire préconisée pour maintenir un bon fonctionnement des électro-distributeurs, laquelle devrait être de classe 7, selon les préconisations du fabricant, au lieu de la classe 12 (suivant NAS 1638) mesurées dans les relevés (rapport pages 25 et 59) ;
Que ces anomalies n'ont pas eu, selon l'expert, d'incidence directe sur l'apparition des dysfonctionnements de la station ;
II) Sur les responsabilités encourues
A) Par la SA MAF dans ses rapports avec la société utilisatrice des équipements
Attendu que la SA MAF a non seulement vendu l'équipement nécessaire à l'automatisation des lignes de calibrage et de conditionnement des fruits, mais encore assuré le montage du matériel sur le site d'exploitation sous le contrôle de son propre architecte, la mise en service de la chaîne, sa maintenance ainsi que la formation du personnel de l'utilisatrice jusqu'à la mise en production d'un process industriel novateur, dont elle se déclarait spécialiste et sur la fiabilité et le rendement duquel elle s'est expressément engagée ; que de tels engagements excèdent manifestement les effets d'une simple vente ; que l'irrecevabilité de l'action principale, déduite par la SAS PARKER, actionnée en garantie, de l'expiration du bref délai de l'article 1148 du Code civil, ou de l'inexistence démontrée d'un vice caché, doit donc être écartée ;
Attendu que l'opération réalisée entre la MAF et la SCA « Les Vergers d'Anjou » pour un coût excédant 5 millions d'euros HT, porte sur des équipements industriels, par principe, exclus du champ d'application des articles 1792 et 1792-6 du Code civil ; qu'il n'est nullement établi que ces équipements s'incorporent aux bâtiments où ils sont exploités, ni même que leurs dysfonctionnements aient compromis la destination de ces bâtiments, la SCA ayant dû seulement recourir, pour continuer à exploiter la station fruitière, à une main d'œ uvre humaine que la chaîne automatisée avait vocation à remplacer ; qu'il s'ensuit que la responsabilité de la SA MAF ne peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale, contrairement à ce que soutient la SCA « Les Vergers d'Anjou » ;
Attendu que, pour retenir l'entière responsabilité de la SA MAF à raison des dysfonctionnements et anomalies relevés par l'expert, le tribunal a relevé qu'elle était tenue, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, de livrer une installation adaptée et fonctionnant parfaitement ;
Mais que force est de constater que la MAF a rempli cette obligation par la mise en service effective d'une chaîne automatisée conforme à la réglementation applicable en matière agro-alimentaire et répondant aux objectifs contractuellement définis par le cahier des charges, en termes de fonctionnement et de rendement ; que la chaîne a rempli ses fonctions durant toute la première campagne de pommes et que ce n'est qu'à l'issue de cette première campagne, alors que la garantie contractuelle accordée par la SA MAF, dans la limite de 2 000 heures de marche, était expirée, que les premiers dysfonctionnements sont apparus ; qu'il n'apparaît donc pas que la SA MAF ait manqué à son obligation de résultat de livrer un équipement conforme aux qualités convenues ;
Attendu qu'en revanche, il ressort clairement du rapport d'expertise que les désordres qui se sont manifestés après le premier arrêt de la chaîne, dès le mois de septembre 2001, par un bloquage progressif des électro-distributeurs et par des chutes de pression entraînant la mise en sécurité de l'installation, n'ont pas permis à la SCA « Les Vergers d'Anjou » de bénéficier du process de traitement automatisé que la MAF s'était engagée à lui fournir ; que les indications extrêmement précises des contrats sur le système d'acheminement hydraulique proposé, sa parfaite adaptation aux besoins, notamment en hygrométrie, d'une station fruitière, ainsi que sur les rendements qui pouvaient en être attendus, dans un délai bref (1er avril 2001) garanti par des pénalités, démontrent que ces avantages ont déterminé la société coopérative à acquérir ce procédé ; qu'il est invraisemblable, en regard de l'importance de l'investissement que nécessitait cette acquisition (plus de 5 millions et demi d'euros) et de la taille de l'installation et de l'option de gestion qu'elle représentait, que les parties aient entendu limiter son parfait fonctionnement à la durée de la garantie conventionnelle (2 000 heures de production) ;
Qu'il s'ensuit que les dysfonctionnements relatés par l'expert, et dont la preuve est apportée qu'ils sont apparus dans l'année qui a suivi la mise en production des chaînes, caractérisent une exécution contractuelle défaillante dont la SA MAF ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère ;
Que le fait de son sous-traitant, dont elle répond envers son client, participe de l'inexécution même du contrat et engage sa propre responsabilité ; quant aux fautes invoquées à l'encontre de la société utilisatrice, ou la mauvaise qualité de l'huile hydraulique alimentaire fournie par la société TOTAL Lubrifiants, l'expertise n'en a révélé ni l'existence, ni le rôle causal ;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que la SA MAF, concepteur, fabricant et fournisseur des chaînes, devait répondre intégralement des conséquences dommageables de leurs dysfonctionnements envers son client ;
Attendu qu'enfin, et s'agissant des autres anomalies relevées par l'expert, à savoir la mauvaise dépollution des collecteurs de la centrale hydraulique et l'insuffisance du système de filtrage de l'huile, source d'une pollution particulaire excessive, engagent également la responsabilité de la SA MAF qui :
- d'une part, s'était engagée contractuellement à dépolluer l'installation avant sa mise en service, cet engagement impliquant qu'elle procède ou fasse procéder à cette dépollution selon les règles de l'art ce qui n'a pas été le cas,
- et d'autre part, se devait de concevoir et de commercialiser un équipement industriel adapté aux contraintes d'utilisation et de conservation de chacun de ses composants, ce qui imposait un système de filtration de l'huile alimentaire plus performant, comme l'a d'ailleurs rapidement préconisé le fournisseur de cette huile ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré la SA MAF tenue à réparation de l'ensemble des dysfonctionnements et anomalies relevées par l'expert ;
B) Sur les appels en garantie
1) De la SA MAF contre son sous-traitant
Attendu qu'il ressort des pièces contractuelles produites que la SA MAF a confié à la SAS PARKER, spécialisée dans les installations hydrauliques, la réalisation de la centrale hydraulique alimentant la chaîne automatisée ; qu'il ne s'agit pas d'une simple vente, limitée à la délivrance d'équipements hydrauliques, mais d'un contrat de sous-traitance s'étendant à l'installation, les essais et la mise en production d'un process hydraulique complet ;
Que les parties s'opposent sur le rôle joué par chacune, le sous-traitant affirmant n'avoir fait qu'exécuter ses travaux sous la maîtrise d'œ uvre de la MAF, tandis que celle-ci affirme avoir confié à l'hydraulicien l'entière conception de cette centrale, en se bornant à lui fournir les données techniques dont elle avait besoin pour concevoir le système adapté ;
Attendu qu'il convient d'observer que les marchés conclus entre la MAF et la SCA, s'ils détaillent abondamment le process de traitement des fruits, sont très peu disants sur les caractéristiques de la centrale hydraulique qui devait alimenter les circuits d'eau de la chaîne ; qu'ils se bornent, en effet, à faire état de l'installation de « plusieurs pompes en parallèle », sans même préciser leur puissance ;
Qu'aux termes de la commande passée à la SAS PARKER, la MAF a fourni les spécifications des lignes de calibrage et de conditionnement, en fournissant leur schéma, le nombre et les caractéristiques techniques des récepteurs à alimenter en précisant le débit utile total (600 l / mn) et la pression de service (100 bars au niveau des récepteurs) que la centrale devait permettre d'atteindre ; qu'elle demandait également à l'hydraulicien de chiffrer le coût de l'installation soit avec un seul groupe équipé d'une pompe à débit variable, soit avec plusieurs groupes fonctionnant avec le débit nécessaire ; que le marché passé entre les deux sociétés, sur la base d'une offre du 13 décembre 1999, prévoyait, outre la fourniture d'une centrale hydraulique dont les caractéristiques étaient définies par l'hydraulicien, l'ensemble des prestations de mise en route, avec branchement sur les machines, dépollution, essais ; que les plans que la MAF était chargée de remettre sous quinzaine, pour acceptation, ne concernaient que les schémas et nomenclatures hydrauliques et électriques des lignes de calibrage et de conditionnement ainsi que le plan d'encombrement de la centrale hydraulique ;
Que l'ensemble de ces éléments concordent à démontrer que la MAF, qui n'avait pas les compétences requises en matière d'hydraulique, a sous-traité à la SAS PARKER la conception, la réalisation et la mise en route d'une centrale hydraulique susceptible d'assurer le fonctionnement du process de traitement automatisé des fruits promis à la SCA ; qu'il s'ensuit que le sous-traitant, tenu d'une obligation de résultat envers son donneur d'ordre, ne peut qu'être condamné à le garantir de l'ensemble des dysfonctionnements et anomalies en rapport avec la centrale hydraulique qu'il a fournie ;
Attendu que le fonctionnement des pompes, que l'expert a qualifié d'inacceptable, erratique et aléatoire, relève directement de la responsabilité du sous-traitant, de même que la dépollution des collecteurs, prestation sous-traitée à PROFLUID, mais que la SAS PARKER s'était engagée expressément à assurer, et qui n'a pas été réalisée dans les règles de l'art ;
Que la SAS PARKER ne peut sérieusement soutenir que les insuffisances du système de filtration de l'huile alimentaire remplissant sa centrale ne relèverait pas de sa sphère de responsabilité ; qu'il ressort, en effet, de la télécopie que ses services ont adressé à la MAF le 7 mars 2000 qu'elle se chargeait du remplissage de la centrale hydraulique à l'aide du fluide fourni par la MAF, et de la décontamination de ce fluide ; que, de plus, la lettre émanant d'ELF et datée du 11 février 2000 (pièce de la SAS PARKER no 6) fait clairement apparaître que ce fluide a été sélectionné d'un commun accord entre le constructeur de la centrale, la SAS PARKER, et le fabricant d'huile ; qu'enfin, c'est bien la SAS PARKER qui est intervenue pour remédier aux fuites d'huile apparues, en septembre 2001, au niveau des lanternes d'accouplement, ce qui achève de démontrer que les insuffisances du système de filtration lui sont imputables ;
Qu'enfin, l'expert a clairement démontré que le blocage des électro-distributeurs, s'il n'a pu être provoqué par une filtration insuffisante du fluide, faute de traces de grippage révélatrices d'une pollution particulaire, provient en revanche directement du mode de fonctionnement de la centrale hydraulique, où se créent des points d'échauffement localisés générant des atteintes à la qualité normale du fluide ; que si la SAS PARKER a bien fourni les sondes thermostatiques permettant de vérifier la température de l'huile, couplées à une sécurité en cas de hausse anormale de la température, l'expertise a révélé que ces sondes étaient défaillantes puisque les services de maintenance de la SCA étaient contraints de vérifier la température de l'huile par laser, et que la sécurité prévue était inadaptée puisqu'elle provoquait l'arrêt de l'installation plutôt que la mise en service automatique du système de refroidissement, solution que préconise l'expert ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments, qui démontrent que l'ensemble des dysfonctionnements et anomalies affectant la chaîne automatisée procèdent directement ou indirectement de la conception et de la réalisation de la centrale hydraulique qui l'alimente, la SAS PARKER doit être condamnée à garantir la SA MAF de l'intégralité des condamnations prononcées au profit de l'utilisatrice ;
Que le jugement sera donc infirmé, sur l'appel incident de la MAF, en ce qu'il a limité la garantie due par l'hydraulicien à 50 % des travaux en rapport avec les désordres relatifs aux distributeurs et à la pollution de l'installation ;
2) De la SA MAF contre le fournisseur d'huile
Attendu que la cour ne peut qu'adopter les motifs pertinents desquels les premiers juges ont déduit que l'huile minérale fournie par la SA TOTAL Lubrifiants, et dont l'expert a relevé la parfaite qualité et tenue, ainsi que la complète adaptation aux impératifs résultant de la législation européenne dans le domaine de l'agro-alimentaire, n'avait joué aucun rôle causal dans l'apparition des désordres ou anomalies litigieuses ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause le fournisseur du fluide ;
III) Sur les préjudices invoqués
A) Les travaux de reprise de l'installation
1) Sur les analyses, examens et travaux exécutés pendant l'expertise
Attendu que la SAS PARKER reprend les critiques développées sur le déroulement des opérations d'expertise, pour dénier toute valeur probante aux devis relatifs aux travaux autorisés par l'expert et réalisés sous son contrôle ; que ces critiques ayant déjà été écartées comme manquant en fait, inopérantes ou irrecevables, il n'y a pas lieu d'y revenir ;
Qu'elle ajoute que l'absence de devis contradictoire aurait faussé l'estimation expertale et empêché les parties de contester la procédure suivie pour l'exécution des travaux ; qu'il s'agit, une fois de plus, de simples allégations qui ne sont étayées par aucune pièce susceptible de remettre en cause les factures contrôlées par l'expert, ou l'utilité des travaux que ce dernier a autorisé, alors même qu'ils ont permis une remise en production rapide de l'exploitation en remédiant au blocage généralisé des électro-distributeurs, ce qui relevait précisément de la mission donnée à l'expert ; que ces critiques, infondées, ne peuvent qu'être écartées ;
Attendu que le coût des opérations d'investigation et de remise en état réalisés pendant l'expertise s'établit à un total de 128 758, 84 euros TTC, comprenant :
- la dépollution du circuit, la mise en place de filtres de finesse 6 microns, le remplacement des cartouches des filtres et ainsi que la pose de nouveaux électro-distributeurs pour 95 835, 48 euros TTC,- l'approvisionnement de 94 électro-distributeurs et des joints d'étanchéité nécessaires, pour 9 741, 05 euros TTC,- la fourniture de 3 000 l d'huile minérale, pour 2955 euros TTC,- le démontage des pompes pour inspection, réalisé par la SAS PARKER, pour 5 379, 61 euros,- enfin l'installation de débimètres et de diodes sur les limiteurs de pression pour contrôler le fonctionnement des pompes, pour un montant de 7 201, 12 euros TTC ;
Qu'il n'est pas allégué que la société coopérative qui a fait l'avance de ces frais soit en mesure de récupérer la TVA ; qu'il convient donc de condamner la SA MAF à rembourser à la SCA la somme de 128 758, 84 euros, sous la garantie intégrale de la SAS PARKER ;
3) Sur les autres travaux préconisés par l'expert
Attendu que l'expert a préconisé le remplacement des trois pompes existantes pour remédier aux chutes de pression, dont la SCA établit qu'elles continuent à se produire de façon récurrente ; qu'il n'a pas chiffré le coût de ces travaux, dont le tribunal a accordé la prise en charge sur la base d'un devis de l'entreprise Le Hello, pour une somme de 30 856, 80 euros ;
Que la cour ne trouve pas, dans la documentation technique remise par la SAS PARKER, d'éléments probants qui contredisent l'avis de l'expert, imputant ces chutes de pression à la situation trop limite du débit potentiel des trois pompes par rapport au débit instantané que nécessite le fonctionnement de l'installation qu'elle a vocation à alimenter ; que l'expert précise, notamment, que la marge de seulement 5 l / mn ne garantit qu'une perte volumétrique de 1 %, qui paraît parfaitement négligeable en regard des contraintes d'une telle installation ; qu'il ne peut être remédié à cette erreur de conception que par le remplacement des trois pompes existantes par un matériel plus performant, dont l'estimation n'est pas utilement contestée ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la MAF à verser la somme de 30 856, 80 euros, sous la garantie intégrale de la SAS PARKER ;
Attendu que l'expert a également préconisé le remplacement de l'huile minérale dont il a autorisé l'emploi en dépannage d'urgence, par un fluide alimentaire, conforme aux exigences de la législation européenne en matière agro-alimentaire ; qu'il a précisé, en réponse au dire 5-20 du conseil de la SCA « Les Vergers d'Anjou » que la remise en état de fonctionnement avec le fluide initialement convenu constituait l'objectif final de sa mission ; qu'enfin, il a indiqué que le coût de remplacement du fluide pouvait être estimé à 28 700 euros, et celui des travaux de nettoyage, démontage, dépollution de l'installation principale et des équipements auxiliaires à 160 000 euros TTC ;
Attendu que les enjeux de l'emploi d'un fluide alimentaire était connus de l'expert et de la SCA lors qu'ils ont entrepris de remplir la centrale hydraulique avec une huile minérale ; que l'hypothèse d'une moindre résistance de cette huile minérale à l'usure ou à l'échauffement n'avait pas été vérifiée avant la vidange de l'installation puisque « l'essai Vickers », qui a démontré les excellentes performances de l'huile alimentaire « Nevastane » fournie par TOTAL, n'a été réalisé que tardivement, en 2004 ; que la SCA avait donc accepté le risque de faire fonctionner son équipement industriel avec un fluide alimentaire qui n'avait pas été soumis à ce test ; qu'il paraît, dans ces conditions, excessif d'imputer à la MAF et à la SAS PARKER les conséquences du choix tactique qu'a fait l'utilisatrice, en connaissance de cause, et sous le contrôle de l'expert, d'assurer le maintien en production de sa chaîne de traitement automatisée au détriment, semble-t-il, d'un positionnement sur le marché anglo-saxon ;
Qu'en effet, il n'apparaît pas, des éléments fournis, que l'emploi d'une huile minérale interdise la commercialisation des pommes pour l'alimentation humaine, ni que l'emploi d'une huile alimentaire, dont l'expert souligne qu'il s'agit d'une « base d'huile minérale » (réponse au dire 5. 49), ou encore d'un produit très raffiné, basé sur des huiles minérales dites « blanches », de qualité CODEX (rapport page 28), soit exigée par la réglementation agro-alimentaire française, laquelle obéit nécessairement aux normes européennes ; que, plus vraisemblablement, l'emploi de ce fluide dans le process de traitement des pommes n'influe que sur la norme qualitative et le prix de vente des fruits ; qu'ainsi, le motif, retenu par le tribunal pour condamner la MAF à prendre en charge les nouvelles vidange et dépollution de l'installation et le remplacement des 3 000 l de fluide qu'elle contient, et tiré de ce que l'huile alimentaire « est nécessaire pour être conforme aux normes européennes », n'est pas actuellement vérifié ;
Qu'il ressort, enfin, des constatations opérées par l'expert que la station de traitement automatisée n'a présenté, depuis sa remise en service avec l'huile minérale, aucun désordre nouveau en rapport avec le fluide hydraulique ;
Qu'il résulte de ce qui précède que la SCA ne peut prétendre qu'au manque à gagner résultant de l'emploi, dans le process de traitement de ses pommes, d'une huile minérale moins raffinée que celle originellement convenue, et qui ressortit au préjudice économique qu'elle invoque ;
4) Sur le préjudice économique et financier
Attendu que l'expertise ne fournit aucune indication sur les pertes d'exploitation, perte de chiffre d'affaires ou augmentation des coûts de main d'œ uvre qui ont pu résulter, pour la SCA, des dysfonctionnements de la chaîne de traitement automatisée ; qu'il est, toutefois, d'évidence que cet équipement constituait le pivot essentiel de la gestion de sa station fruitière en même temps qu'un investissement important (5, 6 millions d'euros) dont elle était en droit d'espérer une rentabilisation et une efficacité immédiates ;
Que la SCA produit une estimation des pertes de production subies après la première campagne de pommes, ainsi que les variations de frais de personnel ou du nombre d'heures travaillées par rapport au tonnage traité, dont la synthèse fait ressortir une augmentation des coûts de production de l'ordre de 6, 96 % sur les campagnes 2001-2002 et 2002-2003 ; que cette estimation, certifiée conforme par un organisme dénommé CCAOF, ne permet pas d'établir, de façon lisible, que l'augmentation annoncée soit en rapport exclusif avec les dysfonctionnements des chaines de calibrage et d'emballage fournis par la MAF ; que la SCA l'admet, au demeurant, puisqu'elle limite ses prétentions à la somme de 100 000 euros, ce qui représente un peu plus du tiers des pertes qu'elle invoque ;
Que, compte tenu du manque à gagner résultant de l'emploi d'une huile minérale qui influe péjorativement sur le classement Iso du site de production, la somme de 30 000 euros retenue par le tribunal paraît insuffisante ; que la complète indemnisation du préjudice économique et financier subi par la société coopérative sera assurée par l'octroi d'une somme qui ne saurait être inférieure à 70 000 euros ;
Attendu qu'en définitive, l'indemnité réparatrice due par la SA MAF, sous la garantie intégrale de la SAS PARKER, s'établit à la somme de 229 615, 64 euros ; que le jugement sera donc réformé dans cette limite ;
Attendu qu'il n'existe aucune considération d'équité qui permette de dispenser la MAF et son sous-traitant de contribuer aux frais irrépétibles que leurs adversaires ont dû exposer pour défendre à leur appel très largement infondé ; qu'il sera fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, dans les limites prévues au dispositif ;
IV) Sur la garantie due par l'assureur de responsabilité civile du fabricant
Attendu que le sinistre litigieux relève de la garantie « responsabilité civile après livraison » souscrite par la MAF auprès de la société ACE Insurance, et dont sont expressément exclus :
- article 3-15 du chapitre des exclusions : « les coûts de remplacement, de remboursement, de réparation ou de rectification de la seule partie du bien livré qui serait à l'origine d'un sinistre »- article 3-13 : « les dommages immatériels non consécutifs résultant d'une non conformité du produit de l'assuré aux spécifications de la commande ou du marché » sauf s'ils résultent d'un vice caché du produit ;
Que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a estimé que ces clauses, qui laissent dans le champ de l'assurance « produits livrés » les dommages matériels et immatériels causés par le bien livré, et non au bien livré, étaient formelles et limitées, et avaient pour effet d'exclure les indemnités accordées de la garantie de l'assureur ;
Qu'il convient d'ajouter, pour répondre aux moyens pris par la SA MAF d'une contradiction entre les conditions générales et spéciales de la police, ou d'un manquement de l'assureur à des obligations d'information et de conseil, que :
- en matière d'assurance, les conditions particulières l'emportent nécessairement sur les conditions générales, et qu'en l'espèce, ce principe est expressément rappelé sur la première page des conditions particulières du contrat, dans un encadré qui précise que « les présentes conditions particulières constituent le seul texte de référence pour la définition de mise en jeu des garanties »,
- la SA MAF a été pleinement informée des limites de la garantie qu'elle souscrivait par la remise des conditions générales et particulières du contrat, qui mentionnent, en caractère très apparents, les exclusions applicables à la garantie « produits livrés »,
- que la garantie ainsi accordée, qui couvre les vices cachés des produits livrés, est réelle, adaptée aux besoins assuranciels d'une entreprise spécialisée dans la fourniture d'équipement industriel dont elle est sensée maîtriser le process, et dont les limites sont la contre-partie d'une prime raisonnable et financièrement supportable ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SA MAF de sa demande de prise en charge du sinistre par la société ACE Insurance ;
Qu'il convient, en conséquence, d'accueillir la demande d'indemnité de procédure de l'assureur, dans les limites prévues au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;
Le REFORMANT,
CONDAMNE la SA MAF à payer à la SCA « Les Vergers de l'Anjou » la somme de 229 615, 64 euros en réparation des dysfonctionnements et anomalies affectant l'installation qu'elle lui a fournie, toutes causes de préjudices confondues ;
CONDAMNE la SAS PARKER à garantir la SA MAF de l'intégralité des condamnations prononcées en faveur de la SCA « Les Vergers d'Anjou » ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA MAF à payer à la SCA « Les Vergers d'Anjou » une indemnité de procédure complémentaire de 4 000 euros, et à la société ACE Insurance, celle de 2 000 euros ;
CONDAMNE la SAS PARKER à payer à la SA MAF une indemnité de procédure globale de 5 000 euros ;
CONDAMNE la SAS PARKER aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais du référé et de l'expertise, et d'appel, et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF S. CHAUVEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 88
Date de la décision : 11/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angers, 05 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2008-03-11;88 ?
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