COUR D'APPEL D'ANGERS
CHAMBRE COMMERCIALE FL / DL
ARRET N 24
AFFAIRE N : 06 / 02267
du 05 Septembre 2006
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
no d'inscription au RG de première instance : 06 / 00813
ARRÊT DU 22 JANVIER 2008
APPELANTE :
Le Groupement Foncier Agricole DESMET
Manoir de Versillé
49320 ST JEAN DES MAUVRETS
représentée par la SCP DELTOMBE ET NOTTE-No du dossier 6172
assistée de la SCP BEJIN-CAMUS-BELOT, avocat au barreau de Saint Quentin
INTIMES :
Monsieur Emmanuel X...
...
91000 EVRY
représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE-No du dossier 29163
assisté de Maître BEUCHER de la SCP BEUCHER, avocat au barreau d'Angers
L'E. A. R. L. DOMAINE DE VERSILLE prise en la personne de son représentant légal Mr Emmanuel X...
Versillé
49320 SAINT JEAN DES MAUVRETS
représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE-No du dossier 29163
assistée de Maître BEUCHER de la SCP BEUCHER, avocat au barreau d'Angers
Maître Eric Z... pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de l'EARL MANOIR DE VERSILLE
...
BP 80502
49105 ANGERS CEDEX 02
représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS-No du dossier 43. 528
assisté de Maître PENNEAU substituant Maître DE MASCUREAU, avocat au barreau d'Angers
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 décembre 2007 à 13 heures 45 en audience publique, Madame LOURMET, Conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame FERRARI, Président de Chambre
Madame LOURMET, Conseiller
Madame BRETON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au Ministère Public
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 22 janvier 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame FERRARI, Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par jugement du 14 janvier 2003, le tribunal de grande instance d'Angers a ouvert la procédure de redressement judiciaire de l'EARL Manoir de Versillé. Par jugement postérieur du 9 septembre 2003, l'EARL Manoir de Versillé a été mise en liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 2 avril 2004, rectifiée le 20 avril 2004, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de l'EARL Manoir de Versillé a autorisé la cession de l'exploitation viticole de l'EARL au profit de Monsieur X..., en retenant l'option 1 incluant l'option d'achat du sol appartenant au Groupement foncier agricole Desmet (le GFA) valorisée à 50 000 euros.
Motif pris que la mise en place de cette cession, dans les conditions fixées par l'offre retenue, s'est avérée impossible, en l'absence d'accord entre le GFA et Monsieur X..., le juge-commissaire a, par nouvelle ordonnance du 2 juillet 2004, retenu l'option 2 de l'offre avec valorisation des stocks au 29 mars 2004 de Monsieur X... qui " demeure en l'état la plus intéressante pour les créanciers dans la période de crise de la viticulture ", et dit que cette cession est ordonnée sans l'option d'achat du sol, propriété du GFA D..., moyennant le prix de
233 461 euros plus la reprise des stocks pour la somme de 65 750 euros HT (soit 78 637 euros TTC) et la prise en charge des avances sur cultures sans justificatifs.
Les difficultés persistant, Monsieur X... et l'EARL Domaine de Versillé, qu'il a crée pour les besoins de son exploitation, ont assigné le GFA D... et Maître Z..., en qualité de liquidateur de l'EARL Manoir de Versillé pour que soit constatée la caducité de l'offre de Monsieur X... et la nullité de la vente pour non réalisation des conditions suspensives, subsidiairement, pour que soit prononcée la résolution de la vente pour inexécution assortie de la restitution du prix de cession.
Par jugement du 5 septembre 2006, le tribunal de grande instance d'Angers a :
-constaté la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance de Madame le juge-commissaire en date du 2 juillet 2004 ;
-condamné Maître Z... en qualité de mandataire liquidateur de l'EARL Manoir de Versillé à restituer à Monsieur Emmanuel X... : la somme de 233 461 euros correspondant au prix de cession et la somme de 78 637 euros correspondant à la reprise du stock ;
-donné acte à Monsieur Emmanuel X... de son engagement à laisser un stock d'une valeur équivalente ;
-débouté Monsieur Emmanuel X... de sa demande de dommages-intérêts ;
-ordonné l'exécution provisoire ;
-condamné in solidum Maître Z... en qualité de mandataire liquidateur de l'EARL Manoir de Versillé à payer à Monsieur Emmanuel X... et à l'EARL Domaine de Versillé une indemnité de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
-condamné in solidum Maître Z... ès qualités et le GFA D... aux dépens.
Le GFA D... a interjeté appel de ce jugement.
L'affaire a été communiquée au ministère public.
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Vu les dernières conclusions :
-de Maître Z..., pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de l'EARL Manoir de Versillé du 30 mai 2007, déposées le 31 mai 2007, tendant à s'entendre donné acte qu'il s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel ;
-de Monsieur X... et l'EARL Domaine de Versillé du 31 octobre 2007, déposées le même jour, par lesquelles ils demandent à la cour de dire l'appel mal fondé et de le rejeter ; de déclarer le GFA irrecevable en toutes ses demandes, notamment au titre d'une convention ou projet à laquelle il n'a jamais été partie ; de déclarer en tout cas le GFA mal fondé en ses demandes ; de confirmer le jugement entrepris sauf à leur donner acte de ce qu'ils renoncent au remboursement de la somme de 78 637 euros en contrepartie de l'accord à eux donné par Maître Z... ès qualités pour leur laisser la libre disposition du stock à la date de restitution de l'exploitation, et à dire que les intérêts sur les sommes remboursées à Monsieur X... sont dues à compter de la délivrance de l'exploit introductif d'instance, valant mise en demeure ; de rejeter des débats la pièce no 51 tardivement communiquée par le GFA D... ; au besoin après expertise, de condamner le GFA D... à leur verser la somme de 100 000 euros en remboursement des dépenses consenties sur l'exploitation, et de condamner le GFA à verser, à chacun, la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-du Groupement foncier agricole Desmet (le GFA) du 7 novembre 2007, déposées le même jour, poursuivant l'infirmation du jugement, pour entendre dire n'y avoir lieu de constater la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance du juge-commissaire du 2 juillet 2004 ; constater le caractère parfait de la cession avec toutes suites et conséquences de droit ; juger le GFA D..., créancier à l'encontre de Monsieur Emmanuel X... et de l'EARL Domaine de Versillé d'une part, d'une indemnité d'occupation pour bail verbal et d'autre part, d'un préjudice constitué par la dévalorisation du stock de vin, par l'usage, la dévalorisation et la vente du matériel agricole, enfin par le défaut d'entretien et d'exploitation, pendant trois années, des terres et vignes ; pour voir en conséquence, prescrire, aux frais avancés de Monsieur Emmanuel X... et de l'EARL Domaine de Versillé une expertise ; pour entendre condamner in solidum Monsieur Emmanuel X... et l'EARL Domaine de Versillé au paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE,
La pièce no 51, dont le rejet est demandé par Monsieur X... et l'EARL Domaine de Versillé, a été produite aux débats le 24 octobre 2007, et par conséquent avant l'ordonnance de clôture du 14 novembre 2007. Communiquée en temps utile à la partie adverse, cette pièce ne sera pas rejetée des débats.
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La recevabilité de l'appel du GFA D... n'est pas contestée.
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Monsieur X... et l'EURL Domaine de Versillé soutiennent que sont irrecevables toutes prétentions du GFA D... relatives à la convention qu'il entend faire valoir et que de même, est irrecevable sa demande de dommages et intérêts formée pour la première fois devant la juridiction du second dégré, sans que soit évoquée une exception au principe de l'irrecevabilité des demandes nouvelles.
* Ils développent que le GFA D... n'est pas partie au projet de cession ou à la cession intéressant la liquidation judiciaire de l'EARL Manoir de Versillé et Monsieur X... ; que par application de l'article 1165 du Code civil, il n'a aucune qualité pour prétendre à la validité de la cession et, qu'il est irrecevable à prétendre à sa validité, que ne recherche aucune des parties à celle-ci.
En réponse, le GFA D... répond que si son appel est recevable, ses demandes doivent nécessairement l'être, sauf s'il s'agit de demandes nouvelles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Le GFA D... n'est pas partie à la cession de l'exploitation viticole de l'EARL Manoir de Versillé au profit de Monsieur X..., ordonnée par décision du juge-commissaire du 2 juillet 2004. Il est tiers à cette cession.
En sa disposition relative à la nullité de la cession, le jugement déféré n'est pas attaqué par les parties à la cession, dont Maître Z..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de l'EARL Manoir de Versillé.
En sa qualité de tiers, le GFA n'a pas, par application de l'article 1165 du Code civil, qualité pour prétendre à la validité de la cession ordonnée par décision du juge-commissaire du 2 juillet 2004, dont la nullité a été constatée par le jugement déférée.
Sa demande tendant à voir dire n'y avoir lieu de constater la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance du juge-commissaire du 2 juillet 2004 et à voir constater le caractère parfait de cette cession est donc irrecevable.
* Pour la première fois en cause d'appel, le GFA D... se prétend créancier à l'égard de Monsieur X... et de l'EARL Domaine de Versillé d'une indemnité d'occupation pour bail verbal et à raison d'un préjudice constitué par la dévalorisation du stock de vin, par l'usage, la dévalorisation et la vente du matériel agricole et par le défaut d'entretien et d'exploitation, pendant trois années, des terres et vignes.
Il soutient que sa demande reconventionnelle est recevable dès lors qu'elle se fonde sur des éléments survenus postérieurement au dépôt des conclusions devant les premiers juges et (ou) à la reddition du jugement dont appel et, qu'il y a donc eu évolution du litige au sens de la jurisprudence rendue sur le fondement de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur X... et l'EARL Manoir de Versillé rétorquent que ces prétentions, dont ils concluent à l'irrecevabilité, ne sont pas seulement formées pour la première fois en cause d'appel mais qu'elles tendent à exercer des droits et actions qui n'appartiennent qu'à la liquidation judiciaire et à elle seule, à laquelle le GFA D... ne saurait se substituer ; que l'occupation des lieux ne résulte que de l'autorisation à eux donné par la liquidation judiciaire et par les diverses décisions de justice et, que les prétentions émises à ce titre sont dépourvues de tout fondement juridique et sont sans rapport avec le litige les opposant à la liquidation judiciaire.
Selon l'article 564 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Le GFA D... qui prétend n'avoir pas reçu, depuis trois ans, un centime de fermage et de remboursement de taxes foncières, au soutien de sa demande d'indemnité d'occupation, ne justifie pas à cet égard de la survenance ou de la révélation d'un fait. Sa prétention à indemnité d'occupation pour bail verbal est bien nouvelle au sens de l'article 564 sus rappelé. Sa demande reconventionnelle d'indemnité d'occupation pour bail verbal est donc irrecevable.
S'agissant de la recevabilité du surplus de sa demande reconventionnelle, le GFA D... argue de l'évolution du litige et plus précisément que la constatation de l'absence totale d'entretien de l'exploitation par Emmanuel X... et (ou) l'EARL Domaine de Versillé, ressortant du procès-verbal de constat du 25 juillet 2007, trouve son origine dans des faits, ou plus précisément une carence, postérieure à la reddition du jugement dont appel et (ou) a été établie postérieurement à celle-ci.
Or, le défaut d'entretien de l'exploitation ainsi invoqué par le GFA D... ne constitue pas la survenance ou la révélation d'un fait, puisqu'il est loisible de lire dans les écritures de l'appelante que l'EARL Domaine de Versillé avait mal entretenu l'exploitation viticole, tel que cela ressort du procès-verbal de constat dressé par la SCP Halgand-Coeurjoly, huissier de justice à 49136 Les Ponts de Cé en date du 4 mai 2006 (cf page 17 de ses conclusions).
L'évolution du litige telle qu'invoquée par le GFA D... ne peut être retenue, étant observé en outre que le GFA n'a pas qualité pour obtenir, au lieu et place de la liquidation judiciaire, l'indemnisation d'un préjudice pour dévalorisation du stock du vin et du matériel de l'exploitation viticole de l'EARL Manoir de Versillé.
Sa demande reconventionnelle sera par conséquent déclarée irrecevable.
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Au fond, rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte à Monsieur X... et à l'EARL Domaine de Versillé de ce qu'ils renoncent au remboursement de la somme de 78 637 euros en contrepartie de l'accord à eux donné par Maître Z... ès qualités pour leur laisser la libre disposition du stock à la date de restitution de l'exploitation.
S'agissant de la somme de 233 461 euros correspondant au prix de cession à restituer à Monsieur X..., elle produira des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande en justice, l'assignation équivalent à la sommation de payer.
Monsieur X... et l'EARL Domaine de Versillé soutiennent que la remise des choses en l'état antérieur commande aussi le remboursement des dépenses par eux consenties, par celui auquel est imputable l'échec de l'opération. Ils prétendent que tel était l'avis exprimé par Maître Z... ès qualités qui a souligné à diverses reprises que le GFA D... faisait obstacle à la cession des actifs de la liquidation judiciaire.
Ils estiment donc que le GFA a adopté un comportement fautif, leur causant préjudice, et qu'il doit être tenu, sur le fondement de sa responsabilité personnelle, à les indemniser à hauteur de 100 000 euros des travaux importants par eux mis en oeuvre pour améliorer la production de l'exploitation.
Le GFA s'oppose à ces prétentions.
Comme rappelé ci-dessus, Monsieur X... et l'EARL Domaine de Versillé imputent à faute au GFA D... l'échec de l'opération, en faisant obstacle à la cession des actifs de la liquidation judiciaire.
Le jugement déféré a retenu que la condition suspensive de signature d'un bail de 18 ans sur la totalité des terres propriétés du GFA D... qui constituait un motif déterminant de l'engagement de Monsieur X... n'ayant pas été réalisée, il convient de constater la caducité de l'offre et par suite, la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance de Madame le juge-commissaire du 2 juillet 2004.
La nullité de la cession est donc liée à la non réalisation de la condition suspensive de signature d'un bail de 18 ans sur la totalité des terres du GFA D.... Elle est sans rapport avec le prétendu obstacle mis par le GFA à la cession des actifs de la liquidation judiciaire, fait dont Monsieur X... et l'EARL Domaine de Versillé déduisent l'existence d'une faute du GFA.
Le seul courrier de Maître Z... ès qualités produit aux débats (cf pièce 13 de Monsieur X... et de l'EARL Domaine de Versillé) ne comporte pas l'avis ci-dessus rappelé que ces derniers lui prêtent dans leurs écritures. De plus, Il n'est pas prouvé que la prétendue faute qu'ils invoquent contre le GFA D... est en lien avec l'échec de l'opération.
Les éléments de la responsabilité du GFA D... ne sont pas réunies. C'est à bon droit que Monsieur X... et l'EARL Domaine de Versillé ont été déboutés de leur demande de dommages-intérêts.
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Par application de l'article 700 du Code de procédure civile, le GFA D... sera condamné à payer à Monsieur X... et à l'EARL Domaine de Versillé la somme de 1 500 euros, à chacun, au titre de leurs frais irrépétibles.
Vu l'article 700 du Code de procédure civile, la demande formée à ce titre par le GFA D... sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement.
Dit n'y avoir à rejeter des débats la pièce numéro 51 du Groupement foncier agricole Desmet (le GFA) ;
Déclare irrecevables les demandes du GFA D... tendant à voir dire n'y avoir lieu à constater la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance du juge-commissaire du 2 juillet 2004 et à voir constater le caractère parfait de cette cession ainsi que sa demande reconventionnelle au titre d'une indemnité d'occupation pour bail verbal et au titre d'un préjudice ;
Confirme le jugement déféré, sauf à donner acte à Monsieur X... et à l'EARL Domaine de Versillé de ce qu'ils renoncent au remboursement de la somme de 78 637 euros en contrepartie de l'accord à eux donné par Maître Y..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de l'EARL Manoir de Versillé, pour leur laisser la libre disposition du stock à la date de restitution de l'exploitation, et à dire que les intérêts sur la somme de 233 461 euros, correspondant au prix de cession, sont dûs à compter de l'exploit introductif d'instance ;
Condamne le GFA D... à payer à Monsieur X... et à l'EARL Domaine de Versillé la somme de 1 500 euros, à chacun, au titre de leurs frais irrépétibles ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne le GFA D... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. BOIVINEAU I. FERRARI