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18/12/2007 | FRANCE | N°07/00294

France | France, Cour d'appel d'Angers, 18 décembre 2007, 07/00294


COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE COMMERCIALE


FL / CG
ARRET N


AFFAIRE N : 07 / 00294
jugement du 01 Décembre 2006
Tribunal de Grande Instance de SAUMUR
no d'inscription au RG de première instance : 04 / 01003




ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2007


APPELANTS :


Monsieur Bernard X...


...

49490 CHIGNE


Mademoiselle Nelly Y...


...

49490 CHIGNE


représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
No du dossier 29468
assistés de Maître BOUTE

LOUP, avocat au barreau du Val d'Oise


INTIMEE :


LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL
DE L'ANJOU ET DU MAINE
40 Rue Prémartine
72000 LE MANS


représentée par la...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE COMMERCIALE

FL / CG
ARRET N

AFFAIRE N : 07 / 00294
jugement du 01 Décembre 2006
Tribunal de Grande Instance de SAUMUR
no d'inscription au RG de première instance : 04 / 01003

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2007

APPELANTS :

Monsieur Bernard X...

...

49490 CHIGNE

Mademoiselle Nelly Y...

...

49490 CHIGNE

représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
No du dossier 29468
assistés de Maître BOUTELOUP, avocat au barreau du Val d'Oise

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL
DE L'ANJOU ET DU MAINE
40 Rue Prémartine
72000 LE MANS

représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour
No du dossier 43881
assistée de Maître ALLERY, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2007 à 13 h 45 en audience publique, Madame LOURMET, Conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame FERRARI, Président de Chambre
Madame LOURMET, Conseiller
Madame BRETON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 18 décembre 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile ;

Signé par Madame FERRARI, Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Entre juillet 1995 et février 2002, Monsieur Bernard X... a souscrit auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel, devenue la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (dite ci-après le Crédit agricole), treize crédits à savoir :

1) suivant acte sous seing privé du 13 juillet 1995, un contrat de prêt professionnel agricole no 803, d'un montant de 55 000 francs, destiné à financer l'agrandissement d'un bâtiment de stabulation de viande, d'une durée de 120 mois, productif d'intérêts au taux révisable de 8,60 % (taux de référence,8,13 %), remboursable par annuités de 9 538,26 francs pour la première et de 8 423,80 francs pour les suivantes ;

2) suivant offre préalable de prêt personnel habitat no 804, acceptée le 13 juillet 1995, d'un montant de 60 000 francs, destiné à financer des travaux dans une maison à usage de résidence principale, d'une durée de 120 mois, productif d'intérêts au taux révisable de 7,95 % (taux de référence,8,52 %), remboursable par mensualités de 672,10 francs chacune ;

3) suivant acte sous seing privé du 23 avril 1996, un contrat de prêt professionnel agricole no 805, d'un montant de 100 000 francs, destiné à financer la trésorerie-fonds de roulement-, d'une durée de 84 mois, productif d'intérêts au taux variable de 7,55 %, remboursable par semestrialités de 9 330,81 francs chacune ;

4) suivant acte sous seing privé du 22 mai 1997, un contrat de prêt professionnel agricole no 810, d'un montant de 108 500 francs, destiné à financer l'accroissement du cheptel bovins d'embouche pour achat, d'une durée de 84 mois, productif d'intérêts au taux révisable de 6 % (taux de référence,6,61 %), remboursable par annuités de 19 440,15 francs chacune ;

5) suivant acte sous seing privé du 6 mars 1998, un contrat de prêt professionnel agricole no 812, d'un montant de 96 000 francs, destiné à financer l'achat de matériel neuf, d'une durée de 60 mois, productif d'intérêts au taux de 6,90 % l'an, remboursable par semestrialités de 11 518,10 francs chacune ;

6) suivant acte sous seing privé du 14 avril 1999, un contrat de crédit agricole no 818, d'un montant de 99 000 francs, destiné à financer l'achat d'animaux, productif d'intérêts au taux annuel de 5,750 %, remboursable en cinq échéances annuelles à compter du 15 novembre 2000 (de 26 940,95 francs pour la première, de 23 778,45 francs pour les trois suivantes et de 23 362,65 francs pour la dernière) ;

7) suivant acte sous seing privé du 21 avril 2000, un contrat de prêt professionnel ou agricole no 820, d'un montant de 100 000 francs, destiné à financer la construction d'un bâtiment professionnel, productif d'intérêts au taux annuel de 6,900 %, remboursable en quinze échéances annuelles dont deux différé (la première de 9 469,59 francs, la deuxième de 1 055,01 euros et les treize suivantes de 1 816,85 euros) ;

8) suivant acte sous seing privé du 20 mai 2000, un contrat de prêt professionnel ou agricole no 823, d'un montant de 19 000 francs, destiné à financer l'achat de matériel d'occasion, productif d'intérêts au taux annuel de 5,400 %, remboursable en
quatre annuités de 5 408,09 francs chacune, révisées pour la durée restant à courir à 820,32 euros à l'échéance du 15 novembre 2003 et à 823,44 euros à l'échéance du 15 novembre 2004, au taux de 4,9000 % ;

9) suivant acte sous seing privé du 23 mai 2000, un prêt no 824 de 24 000 francs, destiné à financer l'achat d'une faucheuse, productif d'intérêts au taux de 5,60 % l'an, remboursable en sept annuités (la première en mai 2001 de 4 370,20 francs, les cinq suivantes de 666,79 euros chacune et la dernière en mai 2007 de 649,23 euros ;

10) suivant acte sous seing privé du 7 janvier 2001, un prêt no 834 d'un montant de 100 000 francs, destiné à financer l'achat d'un tracteur, productif d'intérêts au taux de 4,95 % l'an, remboursable en sept échéances annuelles (la première de 3 209,25 euros, les six suivantes de 2 706,17 euros chacune et la dernière de 2 632,99 euros) ;

11) suivant acte sous seing privé du 21 avril 2001, une ouverture de crédit personnalisée d'une durée indéterminée et d'un montant de 50 000 francs au taux variable de 7,60 % ;

12) suivant acte sous seing privé du 22 mai 2001, un contrat de prêt professionnel ou agricole no 831, d'un montant de 12 882 francs, destiné à financer du matériel agricole neuf, productifs d'intérêts au taux annuel de 5,700 %, remboursable en soixante mensualités de 38,38 euros chacune ;

13) suivant acte sous seing privé du 6 février 2002, un prêt no 835 d'un montant de 2988 euros, destiné à financer la TVA sur un tracteur, productif d'intérêts au taux de 4,80 % l'an, remboursable le 30 avril 2003 à hauteur de 3 157,28 euros.

Le 28 juin 2002, il a, en outre, souscrit solidairement avec Madame Y..., un prêt no 837 de 10 000 euros pour financer un besoin en trésorerie, productif d'intérêts au taux de 6,100 %, remboursable le 15 décembre 2002.

Des échéances de prêts étant restées impayées, le Crédit agricole, après vaines mises en demeure de payer, a assigné Monsieur X... et Mademoiselle Y... en paiement des sommes dues au titre des crédits accordés.

Reconventionnellement, Monsieur X... a demandé à être dispensé de verser les intérêts produits par les prêts à lui consentis par le Crédit agricole, dont la responsabilité civile est engagée pour manquement à son obligation de conseil et octroi excessif de crédit.

Par jugement du 1er décembre 2006, le tribunal de grande instance de Saumur a :

-condamné Monsieur X... au paiement au Crédit agricole des sommes respectives de :

-au titre du prêt no 803, la somme de 3 448,20 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 8,60 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 804, la somme de 3 065,51 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,95 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 805, la somme de 1 600,79 euros, outre les intérêts au taux de 10,60 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 810, la somme de 5 966,16 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 7,40 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 812, la somme de 1 996,04 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 9,90 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 818, la somme de 7 371,47 euros, outre les intérêts au taux contractuel en vigueur de 8,75 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 820, la somme de 17 477,04 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 9,90 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 823, la somme de 1 696,77 euros, outre les intérêt au taux contractuel de 7,90 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 824, la somme de 3 128,21 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 7,27 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 831, la somme de 1 605,82 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 8,70 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 834, la somme de 17 322,19 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 7,27 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du prêt no 835, la somme de 3 438,91 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 7,27 % l'an à compter du 16 juillet 2004,

-au titre du solde débiteur de l'ouverture de crédit, la somme de 4 771,80 euros au 28 février 2005, outre les intérêts postérieurs à compter du 1er mars 2005 au taux de 6,10 % l'an ;

-condamné solidairement Monsieur X... et Mademoiselle Y... à payer au Crédit agricole, au titre du prêt no 837, la somme de 11 777,62 euros, outre les intérêts au taux contractuel en vigueur de 9,10 % l'an à compter du 16 juillet 2004 ;

-dit que les intérêts du prêt pourront être capitalisés, année par année, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

-rejeté les demandes du Crédit agricole en paiement des indemnités de résiliation ;

-rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur X... tendant à être dispensé du paiement des intérêts ayant couru et à courir sur les crédits consentis par le Crédit agricole ;

-ordonné l'exécution provisoire à hauteur de moitié des condamnations prononcées au principal en paiement des soldes de crédits ;

-condamné Monsieur X... et Mademoiselle Y... au paiement au Crédit agricole de la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

-rejeté toute autre ou plus ample demande.

Monsieur X... et Mademoiselle Y... ont interjeté appel de ce jugement.

*

Vu les dernières conclusions :

-de Monsieur X... et Mademoiselle Y... du 11 juin 2007 par lesquelles ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré ; de dire que le Crédit agricole a commis une faute dans l'octroi excessif de crédit et a, de ce fait, engagé sa responsabilité civile ; de juger, qu'en réparation du préjudice subi, Monsieur X... sera dispensé de verser les intérêts produits par les prêts consentis par le Crédit agricole et que le montant définitif des intérêts viendra " en compensation du préjudice subi par Monsieur X... " ; de condamner le Crédit agricole à verser, à ce dernier, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

-du Crédit agricole du 14 septembre 2007 tendant à entendre dire Monsieur X... et Mademoiselle Y... non fondés en leur appel et non recevables et en tout cas non fondés en leurs demandes ; à voir réformer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux indemnités contractuelles ; dire que les indemnités contractuelles, par lui sollicitées, ne présentent pas la nature d'une clause pénale et, en toute hypothèse, qu'elles n'ont pas à être réduites ; à voir condamner Monsieur X... au paiement des sommes suivantes, au titre de l'indemnité contractuelle : * du prêt no 803,320,79 euros, * du prêt no 804,227,22 euros, * du prêt no 805,146,94 euros, * du prêt no 810,560,84 euros, * du prêt no 812,184,86 euros, * du prêt no 818,684,93 euros, * du prêt no 820,1 608,93 euros, * du prêt no 823,158,75 euros, * du prêt no 831,149,32 euros ; condamner solidairement Monsieur X... et Mademoiselle Y... au paiement de la somme de 1 096,20 euros au titre de l'indemnité contractuelle du prêt no 837 ; dire que les intérêts au taux légal sur les indemnités contractuelles sont dûs à compter de l'assignation ; à entendre confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions ; ordonner une nouvelle capitalisation des intérêts à la date du 1er décembre 2007, et à voir condamner Monsieur X... et Mademoiselle Y... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

SUR CE,

Les appelants ne critiquent pas les condamnations prononcées à leur encontre au titre du solde des crédits considérés. Monsieur X... s'oppose cependant à la capitalisation des intérêts dont il demande le rejet, compte tenu de la faute de la banque ayant entraîné pour lui une situation de surendettement irréparable. Il s'oppose également aux demandes du Crédit agricole d'indemnité contractuelle au titre des prêts.

Le Crédit agricole soutient que les indemnités contractuelles qu'il demande au titre des prêts numéros 803,805,810,812,818,820,823,831 et 837 correspondent à des indemnités de recouvrement, qui n'ont pas le caractère de clause pénale susceptible de réduction en cas d'excès manifeste.

Comme le soutient le Crédit agricole, les prêts numéros 803,805,810,812,818,820,823,831 et 837 comportent, chacun, une clause intitulée " indemnité (s) de recouvrement ".

Dans les prêts numéros 803,805,810 et 812, cette clause prévoit : Dans le cas où pour parvenir au recouvrement de sa créance en capital, intérêts et accessoires, le prêteur se trouverait contraint d'avoir recours à un mandataire de justice, d'exercer des poursuivre ou de produire à un ordre, l'emprunteur s'oblige à lui payer outre les dépens mis à sa charge une indemnité égale à 10 pour cent des sommes exigibles avec un minimum de mille francs pour le couvrir des pertes d'intérêts, frais et dommages de toutes sortes occasionnés par la nécessité du recours, de la procédure ou de l'ordre. Il en serait de même en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.

Dans les prêts numéros 818,820,823,831, et 837, la clause " indemnité de recouvrement " est rédigée comme suit : Au cas où le prêteur serait obligé de recouvrer sa créance par quelque moyen que ce soit et notamment par voie judiciaire, il aurait droit, outre les frais et dépens éventuels, à une indemnité de 10 % calculée sur les sommes restant dues en capital et intérêts et fixée à forfait pour couvrir des pertes d'intérêts et dommages de toutes sortes occasionnés par ce fait.

Dans le prêt numéro 818, cette clause ajoute : En aucun cas, cette indemnité ne pourra être inférieure à 1000 francs.

Les clauses sus rappelées n'ont pas pour objet de faire assurer par l'une des parties l'exécution de son obligation. Elles n'ont pas le caractère de clause pénale. Partant, les indemnités réclamées par la banque, par application de ces clauses de recouvrement, ne sont pas susceptibles de réduction. C'est donc à tort que le Crédit agricole a été débouté de ses demandes au titre de l'indemnité contractuelle pour les prêts numéros 803,805,810,812,818,823,831 et 837.

Le Crédit agricole réclame, au titre de l'indemnité contractuelle du prêt numéro 804, la somme de 227,22 euros.

Le prêt numéro 804 comporte, au titre de la défaillance de l'emprunteur avec déchéance du terme, pour les crédits soumis à la loi du 10 janvier 1978, la clause selon laquelle le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés... En outre, le prêteur pourra réclamer à l'emprunteur une indemnité égale au plus à 8 % du capital dû à la date de la défaillance.

Cette clause a été stipulée comme un moyen de contraindre le débiteur à l'exécution. Elle constitue donc une clause pénale susceptible de modération, par application de l'article 1152 alinéa 2 du Code civil, en cas d'excès.

La somme réclamée, en vertu de cette clause, n'est pas manifestement excessive. Il n'y a pas lieu de la réduire. C'est donc à tort que le Crédit agricole a été débouté de ce chef de demande.

En définitive, il sera fait droit aux demandes du Crédit agricole au titre de l'indemnité contractuelle due relativement aux prêts numéros 803,804,805,810,812,818,820,823,831, et 837, comme dit au dispositif du présent arrêt.

Les condamnations prononcées à ce titre au profit du Crédit agricole s'ajouteront à celles, non critiquées et par conséquent confirmées, prononcées par le jugement déféré, à l'encontre de Monsieur X... et de Mademoiselle Y....

Rien ne s'oppose à ce que les indemnités contractuelles dues produisent des intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

*

La faute de la banque invoquée par Monsieur X..., pour s'opposer à la capitalisation des intérêts prévue à l'article 1154 du Code civil, n'a aucun rapport avec la liquidation de la dette. Dès lors, elle ne fait pas obstacle à la capitalisation des intérêts.

Dans la mesure où le jugement déféré a dit que les intérêts pourront être capitalisés, année par année, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle capitalisation des intérêts à la date du 1er décembre 2007.

Sur la capitalisation des intérêts échus des sommes dues au titre des crédits litigieux, le jugement entrepris sera confirmé.

***

Monsieur X... réitère sa demande reconventionnelle afin d'être déchargé des intérêts produits par les prêts consentis par le Crédit agricole, dont il sollicite la compensation avec la dette principale dont il est débiteur.

Il soutient que la banque a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil pour avoir méconnu, en sa qualité de professionnel averti envers lui, simple profane, son obligation de conseil et d'information sur la portée de ses engagements et, pour avoir, avec légèreté, accordé un crédit excessif.

Le Crédit agricole s'en défend.

*

Monsieur X... est exploitant agricole à titre individuel. Comme il a été rappelé ci-dessus, le Crédit agricole lui a accordé quatorze crédits, au cours des années 1995 à 2002.

Envers cet agriculteur, emprunteur non averti, cette banque était tenue d'un devoir de mise en garde lors de la conclusion des contrats de crédit.

La simple consultation des résultats d'exploitation établis par le centre de gestion de Maine et Loire et produits aux débats par les parties, pour les exercices comptables de l'exploitation de Monsieur X..., renseignent utilement sur ses résultats et aussi, entre autres, sur son taux d'endettement et sa trésorerie.

Dés avant l'octroi, le 13 juillet 1995, des premiers prêts 803 et 804, il ressort des résultats d'exploitation établis par le centre de gestion, pour l'exercice du 1er février 1994 au 31 janvier 1995 (cf pièce 19 de M X...), que l'exploitation X... avait certes un résultat net positif de 136 316 francs mais que son taux d'endettement (emprunts et dettes par rapport au total du bilan) était de 55 % et que sa trésorerie était négative de-253 298 francs. Son revenu agricole était de 121 138 francs pour cet exercice. Dans la synthèse des résultats économiques, le centre de gestion a signalé par des " clignotants ", la trésorerie fortement négative de l'exploitation (cf page 5 des résultats).

Au cours de l'exercice suivant, exercice du 1er février 1995 au 31 janvier 1996 (cf pièce 20 de M X...), le résultat de l'exploitation X... était négatif (-242 francs), sa trésorerie fortement négative (-254 938 francs) et son endettement de 63 %. Dans sa synthèse des résultats économique de l'exercice, le centre de gestion a marqué de " clignotants " : le revenu agricole par hectare de l'exploitation (-2 289 francs) et sa trésorerie.

Nonobstant, la situation d'endettement important de l'exploitation X... manifeste dès l'exercice du 1er février 1994 au 31 janvier 1995 et un revenu agricole insuffisant, le Crédit agricole a octroyé à Monsieur X... les trois premiers prêts, dont celui destiné à financer la trésorerie-fonds de roulement.

Lors de l'exercice du 1er Février 1996 au 31 janvier 1997, le revenu agricole par hectare de l'exploitation X... était négatif de-4 355 francs, son taux d'endettement de 79 % et sa trésorerie négative de-391 384 francs (cf pièce 21 de M X...). Son résultat net était également négatif de-197 751 francs. Dans sa synthèse des résultats économiques de cet exercice, le centre de gestion a marqué de " clignotants ", outre le revenu agricole par hectare de l'exploitation et son taux d'endettement, la possibilité de faire face aux prélèvements familiaux et au remboursement des emprunts.

A cet endroit, il importe d'observer à la lecture des résultats d'exploitation établis par le centre de gestion, que les prélèvements familiaux opérés par Monsieur X... restent très en-dessous de ce que le centre de gestion désigne, dans sa synthèse, comme la " moyenne du groupe ". Il n'est pas prouvé que le centre de gestion a écrit que les prélèvements familiaux de Monsieur X... étaient excessifs.

Malgré l'endettement de l'exploitation de Monsieur X... atteignant 79 % au 31 Janvier 1997, le Crédit agricole, qui devait se renseigner sur les capacités financières de son client et l'alerter sur les risques d'endettement né de l'octroi des crédits, lui a accordé un autre prêt, le 22 mai 1997, d'un montant de 108 500 francs.

Pour l'exercice du 1er février 1997 au 31 janvier 1998, le résultat de l'exploitation X... a été négatif de-9 988 francs (cf page 17 des résultats d'exploitation établis par le centre de gestion-pièce 22 de M X...).

S'agissant de l'exercice du 1er février 1998 au 31 janvier 1999, le centre de gestion a maintenu les " clignotants " relativement à la trésorerie fortement négative de l'exploitation X... (-296 304 francs) et à sa possibilité d'assurer les échéances des emprunts L. M. T (640 164 francs d'emprunts à rembourser en fin de situation cf page 13 pièce 22 de M X...) et ce, même si le résultat de l'exploitation est devenu positif à cet exercice de 83 801 francs. Son taux d'endettement restait élevé (68 %).

Dans cette situation financière peu favorable au remboursement de nouveaux crédits, le Crédit agricole a accordé à Monsieur X... deux nouveaux prêts (812 et 818).

Au cours de l'exercice du 1er février 2000 au 31 janvier 2001, le taux d'endettement de l'exploitation est resté important (57 %). Le centre de gestion a maintenu les " clignotants " pour sa trésorerie négative de 28 186 euros et pour sa possibilité d'assurer les échéances des emprunts, bien que le résultat de l'exercice soit positif de 20 148 euros. Dans ce contexte, trois prêts ont encore été accordés à Monsieur X... par le Crédit agricole (no 820,824 et 834). Le prêt 834 n'a jamais été remboursé.

Pour l'exercice du 1er février 2001 au 31 janvier 2002, le centre de gestion a, dans sa synthèse des résultats de l'exercice, noté quatre " clignotants " à savoir le revenu agricole par hectare de l'exploitation insuffisant (-592 euros), sa trésorerie négative (-30 251 euros) et la possibilité de l'agriculteur de faire face aux prélèvements familiaux et aux échéances des emprunts. Les prêts accordés en février 2002 et en juin 2002 (prêts no835 et no 837 à Monsieur X... par le Crédit agricole, en sus de l'ouverture de crédit du 21 avril 2001, n'ont pas été remboursés.

De ce qui précède, il ressort que les difficultés financières de Monsieur X... (trésorerie fortement négative et endettement important) sont anciennes et existaient au moment de l'octroi des crédits par la banque.

Eu égard à l'endettement important de l'exploitation individuelle de Monsieur X..., qui a perduré durant les années où il lui a octroyé les crédits litigieux, le Crédit agricole ne peut sérieusement soutenir qu'il n'y avait pas surcharge de crédits. Il peut d'autant moins le prétendre que le centre de gestion, dans ses travaux de résultats d'exploitation accessibles à la banque, pour peu qu'elle les ait demandés à son client, dont les réticences à cet égard, ne sont pas établies, s'est interrogé à maintes reprises, par le biais de " clignotants ", sur la possibilité de Monsieur X... à faire face au remboursement des échéances des emprunts. Dans son budget de trésorerie du 1er juin 2003 au 31 mai 2004, le centre de gestion a d'ailleurs préconisé un réétalement des prêts court terme sur

7 ans et des investissements " minimisés à leur plus stricte nécessité jusqu'à la fin 2005 " (cf pièce 4 de M X...).

Les quatorze crédits considérés ont été accordés au mépris des capacités financières de Monsieur X... sur lesquelles le Crédit agricole devait se renseigner, et des risques de l'endettement né de l'octroi de ces prêts multiples, dont elle devait alerter son client. La banque a octroyé, avec cet ensemble de prêts, un crédit excessif à Monsieur X..., sans rapport avec ses facultés contributives. Il est justifié qu'en l'espèce, le Crédit agricole a manqué envers Monsieur X..., emprunteur non averti, à son devoir de mise en garde.

Le crédit agricole ne peut se libérer de son obligation de mise en garde envers Monsieur X..., emprunteur non averti, en arguant que ce dernier était entouré de conseil en gestion et en comptabilité dans la marge de son affaire ou encore qu'il connaissait son entreprise et la situation de celle-ci. Il ne peut sérieusement invoqué, pour se dégager de son obligation, le fait que Monsieur X... a bénéficié en 2003 d'une procédure Agridif réservée aux agriculteurs en difficulté.

Les intérêts payés par Monsieur X... et mis à sa charge au titre des crédits litigieux octroyés par la banque, sans respecter son obligation de mise en garde, sont bien en relation l de cause à effet avec la faute commise par cette dernière.

Au vu des pièces produites (historiques des remboursements, décomptes des créances et récapitulatifs produits-pièces 40,43,44,45,46,47,48,49,50,51,52,53,54,55,56,57,58,59,60,61,62,63,64,65,66), le préjudice réparable de Monsieur X..., au titre des intérêts payés et mis à sa charge, ressort à la somme totale de 33 682,31 euros.

Monsieur X... est bien fondé à obtenir qu'une compensation s'opère entre cette somme à lui due par le Crédit agricole en réparation de son préjudice, et la dette dont il est débiteur envers cette banque. Le jugement déféré sera réformé en conséquence.

***

Compte tenu de l'équité, il n'y a pas lieu à condamnations au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

Au vu de la succombance partielle des parties en cause d'appel, les dépens d'appel seront compensés, comme dit au dispositif du présent arrêt.

Les dépens de première instance resteront à la charge de Monsieur X... et de Mademoiselle Y..., qui restent débiteurs envers le Crédit agricole.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;

Le Réformant et Y ajoutant ;

Condamne Monsieur X... à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (dite ci-après le Crédit agricole), au titre de l'indemnité contractuelle du prêt :

-no 803, la somme de 320,79 euros,

-no 804, la somme de 227,22 euros,

-no 805, la somme de 146,94 euros,

-no 810, la somme de 560,84 euros,

-no 812, la somme de 184,86 euros,

-no 818, la somme de 684,93 euros,

-no 820, la somme de 1 608,93 euros,

-no 823, la somme de 158,75 euros,

-no 831, la somme de 149,32 euros.

Condamne solidairement Monsieur X... et Mademoiselle Y... à payer au Crédit agricole la somme de 1 096,20 euros au titre de l'indemnité contractuelle du prêt no 837 ;

Dit que les intérêts au taux légal sur les indemnités contractuelles sont dûs à compter de l'assignation du 16 septembre 2004 ;

Déclare le Crédit agricole responsable du préjudice de Monsieur X... consécutif à son manquement à son devoir de mise en garde ;

Dit qu'une compensation s'opérera entre le montant du préjudice de Monsieur X... d'un montant de 33 682,31 euros, dont le Crédit agricole lui doit réparation, et la dette dont Monsieur X... est redevable envers cette banque ;

Dit n'y avoir lieu à condamnations au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit que les dépens d'appel seront compensés et que chaque partie supportera la charge de ceux par elle exposés.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

D. BOIVINEAUI. FERRARI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 07/00294
Date de la décision : 18/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saumur


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-18;07.00294 ?
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