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12/12/2006 | FRANCE | N°05/02038

France | France, Cour d'appel d'Angers, 12 décembre 2006, 05/02038


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE



IF/IL

ARRET N 364



AFFAIRE N : 05/02038



Jugement du 25 Novembre 1999

Tribunal d'Instance de BREST

no d'inscription au RG de première instance :

Arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 31 octobre 2001

Arrêt de la Cour de Cassation du 05 avril 2005





ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2006





APPELANT :



LE GAEC DES QUATRE VENTS

Saint Ibiliau

29830 SAINT PABU



représenté par la SCP DELTOMBE

ET NOTTE, avoués à la Cour

assisté de Maître Yann CHOUCQ, avocat au barreau de NANTES







INTIME :



LE COMITE ECONOMIQUE REGIONAL AGRICOLE DE FRUITS ET LEGUMES DE BRETAGNE (CERAFEL)

Rue Edouard B...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

IF/IL

ARRET N 364

AFFAIRE N : 05/02038

Jugement du 25 Novembre 1999

Tribunal d'Instance de BREST

no d'inscription au RG de première instance :

Arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 31 octobre 2001

Arrêt de la Cour de Cassation du 05 avril 2005

ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2006

APPELANT :

LE GAEC DES QUATRE VENTS

Saint Ibiliau

29830 SAINT PABU

représenté par la SCP DELTOMBE ET NOTTE, avoués à la Cour

assisté de Maître Yann CHOUCQ, avocat au barreau de NANTES

INTIME :

LE COMITE ECONOMIQUE REGIONAL AGRICOLE DE FRUITS ET LEGUMES DE BRETAGNE (CERAFEL)

Rue Edouard Branly

Zone Industrielle de Kérivin

29600 SAINT MARTIN DES CHAMPS

représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour

assisté de Maître Emmanuel CUIEC, avocat au barreau de BREST

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2006 à 14 H 15 en audience publique, Madame FERRARI, Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame FERRARI, Président de Chambre

Madame LOURMET, Conseiller

Monsieur FAU, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 12 décembre 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile ;

Signé par Madame FERRARI, Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~

Le GAEC des Quatre Vents est producteur de choux-fleurs, dans le Finistère, selon la méthode de l'agriculture biologique.

Le Comité économique régional agricole fruits et légumes de Bretagne (le Cerafel), l'a assigné, le 24 septembre 1999, en paiement des cotisations qu'il estimait dues au titre de la production des années 1996 et 1997.

Il s'est prévalu de l'arrêté d'extension rendant obligatoires, pour l'ensemble des producteurs de sa circonscription, les règles acceptées par ses membres et assujettissant les producteurs non adhérents, tel le GAEC, à cotisations.

Le GAEC des Quatre Vents a contesté la demande en faisant valoir que les produits biologiques avaient fait l'objet d'une réglementation communautaire spécifique (règlement CEE 2092/91 du 24 juin 1991) et que les règles de production et de commercialisation édictées par le Cerafel de Bretagne n'étaient pas applicables à ces produits.

Le tribunal d'instance de Brest, après avoir, dans un premier jugement, dit mal fondées les contestations et ordonné la production de pièces pour fixer le montant de la créance, a, le 4 mai 2000, condamné le GAEC des Quatre Vents à payer au Cerafel la somme de 55 827 francs avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Le GAEC a relevé appel du second jugement.

Par arrêt du 31 octobre 2001, la cour d'appel de Rennes, infirmant la décision, a rejeté toutes les demandes du Cerafel.

Le Cerafel a formé un pourvoi.

La Cour de cassation a, le 8 avril 2005, cassé l'arrêt en toutes ses dispositions.

La Cour d'appel d'Angers désignée comme cour de renvoi a été saisie le 25 août 2005 par le GAEC des Quatre Vents, appelant initial.

LA COUR

Vu les dernières conclusions, du 4 octobre 2006, par lesquelles le GAEC appelant, poursuivant l'infirmation du jugement, demande à la cour d'appel de débouter le Cerafel de ses demandes et le condamner à lui payer une indemnité de procédure de 4000 € ;

Vu les dernières conclusions du 28 septembre 2006, par lesquelles le Cerafel, intimé, sollicite la confirmation du jugement et une indemnité de procédure de 4000 €;

SUR CE,

Attendu qu'il résulte de l'arrêté ministériel du 18 juin 1992, portant extension des règles édictées par le Comité économique agricole fruits et légumes de Bretagne, que :

1o sont étendues à l'ensemble des producteurs de choux-fleurs établis dans les départements bretons, les règles de connaissance de la production, les règles de production, les règles de commercialisation, ainsi que l'obligation de respecter les modalités d'intervention et les prix de retrait, édictées par le Cerafel ;

2o le Cerafel est autorisé à prélever auprès des producteurs, qui ne sont pas adhérents de groupements de producteurs, des cotisations dont le montant est fixé annuellement par arrêté.

Attendu que ces cotisations sont destinées :

- d'une part, au fonds de gestion administrative mis en place par le Cerafel afin d'assurer son fonctionnement administratif

- d'autre part, au fonds de promotion, d'études et de recherches mis en place, le cas échéant, par le Cerafel afin de couvrir les actions générales bénéficiant à l'ensemble de la production de la région.

Attendu que cette réglementation interne est issue du règlement CEE no 1035/72 du 18 mai 1972, modifié, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes ;

Attendu que l'article 15 ter, paragraphe 1er, de ce règlement prévoit que :

"dans le cas où une organisation de producteurs ou une association d'organisations de producteurs ayant adopté les mêmes règles, opérant dans une circonscription économique déterminée, est considérée pour un produit donné comme représentative de la production et des producteurs de cette circonscription, l'Etat membre concerné peut, à la demande de cette organisation ou association et, au cours des trois premières années d'application, après consultation des producteurs de la circonscription, rendre obligatoires pour les producteurs établis dans la circonscription et non-adhérents à l'une des organisations précitées :

a) les règles de connaissance de la production...

b) les règles de production...,

c) les règles de commercialisation...,

d) pour les produits visés à l'annexe II, les règles adoptées par l'organisation ou l'association en matière de retrait du marché, à condition que ces règles soient d'application depuis au moins une année ".

Que l'article 15 ter, paragraphe 8 du règlement dispose quant à lui que :

"lorsqu'il est fait application du paragraphe 1, l'Etat membre concerné peut décider que les producteurs non-adhérents sont redevables à l'organisation ou, le cas échéant, à l'association, de tout ou partie des cotisations versées par les producteurs adhérents, dans la mesure où elles sont destinées à couvrir :

- les frais administratifs résultant de l'application du régime visé au paragraphe 1er,

- les frais résultant des actions de recherche, d'étude de marché et de promotion des ventes entreprises par l'organisation ou l'association et bénéficiant à l'ensemble de la production de la circonscription".

Attendu que, par ordonnance du 29 janvier 2004, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie à titre préjudiciel, a dit pour droit que :

"L'article 15 ter, paragraphes 1 et 8, du règlement no 1035/72 du Conseil, du 18 mai 1972, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, tel que modifié par le règlement no 3284/83 du Conseil, du 14 novembre 1983, doit être interprété de la manière suivante :

- un Etat membre qui a fait application dudit paragraphe 1, en rendant certaines règles de production et de commercialisation, édictées par une organisation de producteurs, obligatoires pour les producteurs établis dans la circonscription de cette organisation et non-adhérents à celle-ci, ne peut, sans méconnaître le principe de non discrimination, faire application du paragraphe 8 de ladite disposition en rendant ces derniers redevables de tout ou partie des cotisations versées par les producteurs adhérents, sans rechercher si les producteurs non-adhérents se trouvent ou non dans une situation objectivement différente de celle des producteurs adhérents,

- Les producteurs non-adhérents se trouvent dans une situation objectivement différente de celle des producteurs adhérents lorsque les règles adoptées par ladite organisation ne trouvent pas ou ne trouvent que marginalement à s'appliquer à leurs produits et que les actions entreprises par cette dernière ne bénéficient pas ou ne bénéficient que marginalement auxdits produits,

- Il appartient aux juridictions nationales d'apprécier les éléments de preuve présentés à cet effet".

Attendu que l'arrêt de cassation du 8 avril 2005, qui a renvoyé la présente affaire à la cour d'appel d'Angers, se référant expressément à cette interprétation de la Cour de justice des Communautés européennes, censure, notamment pour défaut de base légale, l'arrêt de débouté du Cerafel rendu par le cour d'appel de Rennes, dont les motifs sont "impropres à établir que les règles adoptées par le Cerafel ne trouvent pas ou ne trouvent que très marginalement à s'appliquer aux produits de l'agriculture biologique et que les actions entreprises par celui-ci ne bénéficient pas ou ne bénéficient que marginalement à ces produits".

Attendu qu'au regard des principes ci-dessus énoncés, la cour d'appel de renvoi doit, pour résoudre le litige, rechercher si le GAEC des Quatre Vents se trouve ou non dans une situation objectivement différente de celle des producteurs adhérents du Cerafel et pour ce faire déterminer si :

- 1o les règles adoptées par le Cerafel ne trouvent pas ou ne trouvent que marginalement à s'appliquer aux produits de l'agriculture biologique

- 2o les actions entreprises par le Cerafel ne bénéficient pas ou ne bénéficient que marginalement à ces produits,

Attendu que seule la réunion de ces deux conditions, qui sont cumulatives, permettra au GAEC d'échapper au régime général applicable, c'est à dire à l'obligation de cotisations ;

Attendu qu'en premier lieu, il appartient au GAEC, contrairement à ce qu'il soutient, d'apporter les éléments de preuve de nature à établir concrètement que les règles adoptées par le Cerafel sont sans application, ou d'application marginale, aux légumes biologiques qu'il cultive, destinés au marché des produits frais ;

Or attendu que le GAEC se borne, sur la base de considérations d'ordre général sur l'agriculture biologique, à affirmer que les règles édictées par le Cerafel ne lui profitent pas ou ne lui profitent que marginalement ;

Attendu, cependant, que le mode cultural spécifique des légumes biologiques n'a pas pour effet de rendre inapplicables aux producteurs de cette filière les règles de connaissance de la production édictées par le Cerafel concernant l'obligation de fourniture d'un état des superficies plantées, des prévisions de récolte par variété ainsi que des tonnages récoltés par variété et par période ;

Que les règles auxquelles sont soumis les producteurs biologiques, tenant essentiellement à l'interdiction d'utilisation de produits chimiques de synthèse et à l'apposition du marquage "AB", ne font pas obstacle à l'application des règles de production quant au choix des variétés défini par le Cerafel ou des règles de commercialisation relatives au conditionnement, à la présentation (sauf spécificités du marquage des produits biologiques) et à l'emballage qu'il a imposées ;

Attendu que le Cerafel a établi des cahiers des charges par sections de fruits et légumes et autres cahiers des charges transversaux, tels ceux concernant les apports de matières organiques ou encore la réglementation des stations de conditionnement ; que le cahier des charges "matières organiques", créé en 1997, contient des règles minimales, compatibles avec le mode de culture biologique ;

Que toutes ces règles sont applicable à l'ensemble des producteurs de légumes du Finistère et autres départements bretons, en vertu de l'arrêté d'extension précité, quel que soit le mode de production, étant observé que le règlement CEE 2092/91 prévoient que ses dispositions relatives aux produits de l'agriculture biologique s'appliquent sans préjudice des autres dispositions communautaires régissant la production, la préparation, la commercialisation, l'étiquetage et le contrôle des produits ;

Attendu qu'en second lieu, le GAEC soutient que les actions de recherche en agriculture biologique menées par le Cerafel, depuis seulement 1997, ses actions de promotion commerciale comme de soutien des cours de marché ne sont pas susceptibles de bénéficier à la production des agriculteurs biologiques ;

Attendu que, comme l'a relevé la commission européenne, si les règles de retrait du marché ne bénéficient pas directement aux producteurs de choux-fleurs biologiques (lorsque le volume de leur production est inférieure à la demande, ce qui n'est plus constamment le cas), elles permettent néanmoins que les cours des choux-fleurs conventionnés ne s'effondrent pas, favorisant ainsi un certain degré de concurrence entre ces choux-fleurs et les choux-fleurs biologiques, à défaut de quoi les consommateurs risqueraient de ne se tourner que vers les choux-fleurs conventionnels, de loin les moins chers ;

Attendu que les campagnes de promotion commerciale dans l'intérêt général des choux-fleurs de Bretagne entreprises par le Cerafel, sans distinction de mode de culture, bénéficient à tous les producteurs ; qu'il n'est pas exact de prétendre que leurs retombées positives ne concerneraient que la filière traditionnelle, faute de publicité sur le logo "AB" qui, selon l'appelant, serait seule de nature à bénéficier aux produits biologiques ;

Attendu qu'il résulte que tous ces éléments que l'appelant ne justifie pas remplir les deux conditions cumulatives rappelées ci-dessus pour être déchargé des cotisations qui lui sont réclamées ;que non seulement la plupart des règles adoptées par le Cerafel s'appliquent aux produits de l'agriculture biologique, mais encore les actions entreprises par le Cerafel leur bénéficient de manière non marginale ;

Attendu qu'il est dès lors indifférent que la section des productions légumières agrobioloqiques regroupant les organisations de producteurs qui proposent les choux-fleurs biologiques "carte tradition Prince de Bretagne" n'ait vu le jour au sein du Cerafel qu'en décembre 1998, et que les actions de recherche n'aient été entreprises qu'à partir de la fin 1997, postérieurement à la période d'exigibilité des cotisations en cause ;

Attendu qu'en outre l'allégation de l'appelant suivant laquelle l'utilisation du label du Cerafel "agriculture raisonnée" et de la marque "Carte tradition" aux côtés de "Prince de Bretagne" porterait tort à la filière biologique, en raison de la confusion qu'elle suscite, n'est nullement démontrée ;

Attendu que le jugement sera en conséquence confirmé, étant relevé que le calcul du montant des cotisations recouvrées n'est pas critiqué, non plus que le point de départ des intérêts de retard, soit, selon les conclusions du Cerafel, la mise en demeure du 22 décembre 1998 ;

Attendu que, pour des considérations d'équité, il n'y a pas lieu en la cause à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant sur renvoi après cassation, publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions (Tribunal d'instance de Brest, 4 mai 2000), sauf à préciser que la condamnation prononcée en francs doit être convertie en euros et que les intérêts au taux légal courent à compter du 22 décembre 1998 ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne le GAEC des Quatre Vents aux dépens d'appel, en ce compris ceux afférents à l'arrêt cassé ;

Autorise le recouvrement des dépens exposés devant la cour d'appel d'Angers dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

D. BOIVINEAUI.FERRARI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 05/02038
Date de la décision : 12/12/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Brest


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-12-12;05.02038 ?
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