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28/03/2006 | FRANCE | N°05/01537

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre commerciale, 28 mars 2006, 05/01537


COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE IF/ IL ARRET N 131 AFFAIRE N : 05/ 01537 Jugement du 01 Juin 2005 Tribunal de Commerce de LAVAL no d'inscription au RG de première instance : 03/ 4159
ARRÊT DU 28 MARS 2006
APPELANTE : LA SNC EUROVO LACTALIS INDUSTRIE " Les Placis " 35230 BOURGBARRE représentée par Maître DELTOMBE, avoué à la Cour assistée de Maître LECLERC, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC INTIMEE : LA SA SOGEVAL 200 avenue de Mayenne 53000 LAVAL représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Maître LE SON, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Février 2006 à ...

COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE IF/ IL ARRET N 131 AFFAIRE N : 05/ 01537 Jugement du 01 Juin 2005 Tribunal de Commerce de LAVAL no d'inscription au RG de première instance : 03/ 4159
ARRÊT DU 28 MARS 2006
APPELANTE : LA SNC EUROVO LACTALIS INDUSTRIE " Les Placis " 35230 BOURGBARRE représentée par Maître DELTOMBE, avoué à la Cour assistée de Maître LECLERC, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC INTIMEE : LA SA SOGEVAL 200 avenue de Mayenne 53000 LAVAL représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Maître LE SON, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Février 2006 à 14 H 15 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame FERRARI, Président de Chambre
Madame LOURMET, Conseiller
Monsieur FAU, Conseiller
qui en ont délibéré Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
ARRET :
contradictoire
Prononcé publiquement le 28 mars 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile ;
Signé par Madame FERRARI, Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier.]]
La société Eurovo Lactalis industrie SNC (la société Eurovo) fait engraisser des veaux de lait chez divers éleveurs.
Le vétérinaire X... de Villefranche-de-Rouergue, en charge du suivi sanitaire des lots de veaux dans plusieurs départements, leur a prescrit une spécialité pharmaceutique vétérinaire dénommée Doxyval 20 %, poudre orale, fabriquée par le Laboratoire Sogeval, à Laval.
Se plaignant de l'accroissement anormal de la mortalité des veaux traités par ce médicament, la société Eurovo, en juin 1999, a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Rodez une mesure d'expertise.
Après dépôt du rapport du professeur Lignereux, la société Eurovo a, le 9 novembre 2001, fait assigner en responsabilité la société Sogeval pour obtenir réparation de son préjudice, sur le fondement tant de l'article 1382 que 1386-1 du Code civil.
Le tribunal de grande instance de Laval, initialement saisi, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du même ressort.
Le tribunal de commerce de Laval, par jugement du 1er juin 2005, après avoir relevé que le produit en cause avait été mis sur le marché antérieurement à l'entrée en vigueur des articles 1386-1 et suivant du Code civil, qui n'étaient de ce fait pas applicables en la cause, et que la société Eurovo ne pouvait pas invoquer un manquement du fabricant à son obligation d'information, a dit l'action en responsabilité non recevable et condamné la société Eurovo à payer à la société Sogeval une indemnité de procédure de 1000 euros et aux dépens.
LA COUR
Vu l'appel formé contre ce jugement par la société Eurovo ;
Vu les dernières conclusions du 18 janvier 2006 par lesquelles l'appelante Eurovo, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour de condamner la société Sogeval à lui payer la somme de 18 573 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à compter de l'assignation, et celle de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions du 23 janvier 2006, par lesquelles la société Sogeval, intimée, sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
SUR CE,
Attendu que l'expert vétérinaire Lignereux constate dans son rapport du 22 décembre 2000 que des mortalités brutales sont apparues au printemps 1999 dans huit élevages, sur des veaux traités contre une broncho-pneumonie infectieuse enzootique à l'aide du Doxyval 20 %, qui est un antibiotique à large spectre ;
Qu'il relève que la mort soudaine des veaux de lait est due à un accès d'entérotoxémie hémorragique, affection mortelle en quelques heures, parfois avant même que la diarrhée hémorragique ne soit apparue ;
Qu'il conclut que le médicament incriminé, considéré comme excellent, s'est révélé conforme, mais qu'il existe une relation de cause à effet entre son utilisation et les troubles observés ; que le lien ne tient pas à une éventuelle toxicité du produit, mais dans le fait que des germes résistants, hautement pathogènes, ont eu l'opportunité de se multiplier sans être concurrencés par la flore digestive banale, détruite et non remplacée ;
Attendu qu'il résulte ainsi de l'expertise que la mortalité des veaux est consécutive au déséquilibre de la flore digestive, résultant de l'emploi de cet antibiotique dans un contexte d'élevage industriel sur des animaux malades ;
Attendu que ces conclusions techniques sur les causes du sinistre ne sont pas valablement contredites par le laboratoire Sogeval et seront entérinées par la cour ;
Attendu que l'expert estime par ailleurs que le vétérinaire prescripteur aurait dû prescrire simultanément des ferments lactiques de nature à maintenir ou rétablir la flore intestinale et que la notice d'utilisation du médicament, qui ne fait état d'aucune précaution particulière à cet égard, aurait dû comporter cette recommandation ;
Attendu que la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, codifiée dans le Code civil sous les articles 1386-1 et suivants, n'est applicable, selon l'article 21, qu'aux produits dont la mise en circulation est postérieure à la date de son entrée en vigueur ;
Attendu qu'un produit est mis en circulation au sens de cette loi lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement (article 1386-5 du Code civil) ;
Que la mise en circulation du Doxyval 20 % incriminé ne co'ncide donc pas avec l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament ; que la date où cette autorisation a été délivrée, le 17 février 1997, est dès lors indifférente quant à la question de savoir si la loi est applicable en la cause ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le produit en litige provient de lots commercialisés par le fabricant après le 22 mai 1998, date de l'entrée en vigueur de la loi ; qu'elle a dès lors vocation à s'appliquer au litige ;
Attendu que la responsabilité du fabricant est engagée sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil s'il est établi que la défectuosité de son produit consiste en un défaut de sécurité ayant causé un dommage ;
Qu'il incombe au demandeur en réparation d'établir le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage (article 1386-9) ;
Attendu que le Doxyval 20 % ne présente en lui-même aucun vice mais que la société Eurovo invoque un défaut d'information sur les précautions d'emploi ;
Attendu que le fabricant d'un produit doit fournir tous les renseignements indispensables à son usage ; qu'en particulier, il doit faire figurer sur la notice d'information ou sur l'emballage de tous les médicaments vétérinaires sans exception, les précautions d'emploi et les effets indésirables dans la mesure où ces informations sont nécessaires à l'utilisation du médicament, conformément à l'article R. 5146-49 du Code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que le Doxyval 20 % est indiqué chez le veau en phase lactée stricte pour soigner les affections respiratoires et digestives ; que les mentions figurant sur l'emballage, destinées tant au prescripteur qu'à l'éleveur qui utilise le médicament, ne précisent pas d'effet indésirable ; qu'elles ne comportent pas de mise en garde sur les troubles gastro-intestinaux infectieux susceptibles de survenir et sur la nécessité de reconstituer ou rééquilibrer la flore intestinale simultanément à l'emploi du médicament ;
Que la circonstance que les effets des antibiotiques sont notoirement connus ne dispensaient pas le fabricant d'indiquer le risque d'utilisation dans un contexte d'élevage industriel et de préciser les précautions à prendre dans le cas de veaux de lait élevés en batterie, particulièrement exposés à l'affection qui est à l'origine de leur mort ;
Attendu qu'au regard de l'insuffisance des informations résultant de la présentation du produit, de nature à causer un danger pour les animaux auquel il est administré, celui-ci n'a pas offert la sécurité auquel on pouvait légitimement s'attendre, même si le Doxyval 20 % n'est délivré que sur ordonnance et que le vétérinaire prescripteur doit savoir que l'administration de ferments lactiques compense les effets indésirables d'un anti-infectieux ; que le Doxyval, de par sa présentation, constitue ainsi un produit défectueux au sens de la loi ;
Attendu que le défaut de renseignement imputable au fabricant est en relation de causalité certaine avec le mode d'utilisation du médicament qui a causé les désordres digestifs, et partant, l'affection secondaire des veaux et leur mort subite ;
Attendu que le fait du vétérinaire, tiers par rapport aux parties au sens de l'article 1386-16, est sans effet même s'il a concouru à la réalisation du dommage ; qu'il n'exonère pas le fabricant de sa responsabilité à l'égard du propriétaire des veaux, victime du dommage ;
Attendu que la responsabilité de la société Sogeval est dès lors engagée à l'égard de la société Eurovo ;
Attendu que l'expert a procédé à l'évaluation du dommage en prenant en compte les pertes de la société Eurovo en fonction du prix des veaux morts, des dépenses de soins vétérinaires et du manque à gagner sur le produit final ; qu'au regard des éléments de preuve qui lui ont été soumis, il a proposé de fixer le préjudice à 121 832 francs soit 18 573, 17 euros ; que le caractère empirique de cette évaluation dénoncé par la société Sogeval est contredit par l'analyse à laquelle l'expert a procédé et qui n'est pas valablement remise en cause par l'intimée ;
Attendu qu'en conséquence la somme de 18 573, 17 euros sera allouée à l'appelante à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 novembre 2001, comme l'autorise l'article 1153-1, in fine, du Code civil
Attendu que la société Sogeval, qui n'obtient pas satisfaction, supportera tous les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais de procédure de la société Eurovo.
PAR CES MOTIFS,
statuant publiquement et contradictoirement,
Infirmant le jugement déféré ;
Dit la société Sogeval responsable du dommage subi par la société
Eurovo Lactalis industrie ;
Condamne la société Sogeval à payer à la société Eurovo Lactalis industrie la somme de 18 573, 17 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2001 ;
La condamne à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT D. BOIVINEAU
I. FERRARI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 05/01537
Date de la décision : 28/03/2006
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme FERRARI, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2006-03-28;05.01537 ?
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