COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE PF/ IL ARRET N : 18 AFFAIRE N : 05/ 00706 Jugement du 15 Décembre 2004 Tribunal de Commerce de LAVAL no d'inscription au RG de première instance 03/ 00343
ARRET DU 10 JANVIER 2006
APPELANTS : LA SARL BEKOTO X...... 53240 SAINT JEAN SUR MAYENNE Monsieur Yves X...né le 05 Août 1926 à FOUGEROLLES DU PLESSIS (53) ... 53240 SAINT JEAN SUR MAYENNE Madame Denise Z... épouse X...née le 09 Février 1928 à FOUGEROLLES DU PLESSIS (53) ... 53240 SAINT JEAN SUR MAYENNE représentés par Maître VICART, avoué à la Cour INTIMEE : LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LAVAL ST TUGAL CHANGE 20 rue de Verdun 53000 LAVAL représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Maître FOUASSIER, avocat au barreau de LAVAL COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2005 à 14 H 15, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur FAU, Conseiller, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame FERRARI, Président de chambre
Madame LOURMET, Conseiller
Monsieur FAU, Conseiller Greffier lors des débats : Madame LEVEUF ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 10 janvier 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile ;
Signé par Madame FERRARI, Président, et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier.
DONNEES DU LITIGE
Le 7 janvier 1993 la Caisse de Crédit Mutuel de Laval Saint Tugal Change (le Crédit Mutuel) a consenti à la société Bekoto X...une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 300 000, 00 francs d'une durée indéterminée et au taux effectif global de 13, 60 %, garantie par le cautionnement solidaire des époux X...
Le 5 avril 2002 la société Bekoto X...a émis un billet à ordre, avalisé par les époux X..., d'un montant de 76 224, 00 euros à échéance du 5 juillet 2002.
La société Bekoto X...n'ayant pas respecté ses engagements, le Crédit Mutuel a fait assigner la société et les cautions en paiement des sommes dues au titre de l'ouverture de crédit et du billet à ordre. Les défendeurs ont opposé à ces prétentions la nullité des stipulations conventionnelles d'intérêts, les erreurs de la banque dans le fonctionnement du compte, la nullité pour vice du consentement du cautionnement de Madame X..., la disproportion du cautionnement par rapport aux capacités de remboursement, et le manquement de la banque dans son obligation d'information des cautions.
Par jugement rendu le 15 décembre 2004, le tribunal de commerce de Laval a :
sur l'ouverture de crédit en compte courant :- condamné la société Bekoto X...à payer au Crédit Mutuel la somme de 52 553, 85 euros avec intérêts au taux conventionnel de 13, 60 % à compter du 18 février 2003, et celle de 5 255, 38 euros au titre de l'indemnité forfaitaire avec les intérêts au taux légal à compter du 18 février 2003,
- condamné solidairement les époux X...à payer la somme de 45 734, 70 euros avec les intérêts conventionnels à compter du 18 février 2003, outre la somme de 4 573, 47 euros au titre de l'indemnité forfaitaire avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2003, sur le billet à ordre, condamné la société Bekoto X...et les époux X...au paiement de la somme de 76 224, 00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2002,
ordonné la capitalisation des intérêts,
ordonné l'exécution provisoire de la décision,
condamné solidairement la société Bekoto X...et les époux X...au paiement d'une indemnité de procédure de 500, 00 euros et aux dépens.
La société Bekoto X...et les époux X...ont relevé appel de ce jugement par déclaration d'avoué au greffe de la cour le 3 mars 2005, dans des conditions de délai qui ne sont pas discutées.
Pour l'exposé des prétentions formées et des moyens développés à leur soutien, la cour se réfère aux dernières conclusions signifiées le 3 octobre 2005 par les appelants et le 5 août 2005 par l'intimé.
Le magistrat chargé de la mise en état a clôturé l'instruction par ordonnance du 12 octobre 2005.
DISCUSSION
Devant la cour les appelants reprennent le moyen soutenu en première instance de l'annulation des stipulations d'intérêts conventionnels au titre de trois prêts et du découvert, et réclament le remboursement des sommes correspondant, selon eux, au trop perçu sur ces intérêts.
Contrairement à ce que prétend le Crédit Mutuel, les appelants ne sont pas irrecevables à soutenir cette nullité pour cause de tardiveté dès lors qu'agissant par voie d'exception à l'action en paiement engagée contre eux, la prescription quinquennale de l'action en nullité ne leur est pas applicable.
En ce qui concerne les trois prêts, souscrits en 1995, 1996 et 1997, les appelants prétendent que le taux effectif global qui y est mentionné serait inférieur à celui qui a été pratiqué par la banque. Ils se fondent en cela sur les études d'un analyste financier, non contradictoire et donc inopposable au Crédit Mutuel. En outre dans les trois études produites, le calcul du taux effectif global n'a été réalisé que pour le prêt de 100 000, 00 francs et ne révèle qu'une différence négligeable : 8, 507 % d'après l'analyste contre 8, 483 % mentionné par le contrat.
Pour ce qui est du taux effectif global de l'ouverture en compte courant, fixé conventionnellement comme étant le taux de base plus 3, 50 %, soit au jour du contrat 13, 60 %, les premiers juges, par des motifs pertinents que la cour adopte, ont écarté le moyen de nullité soulevé.
Enfin les appelants invoquent subsidiairement à l'appui de ce chef de contestation le dol, en affirmant que la banque a induit sciemment la société Bekoto X...en erreur, d'une part, en ne portant pas à sa connaissance les taux réellement pratiqués, d'autre part, en ne lui faisant pas connaître le taux effectif global avant chaque changement de taux, et donc en ne sollicitant pas son accord.
Mais, en premier lieu, les appelants ne démontrent pas que les taux pratiqués pour les trois prêts étaient supérieurs aux taux contractuellement fixés, en second lieu, le Crédit Mutuel n'avait pas à solliciter l'accord de la société Bekoto X...avant chaque variation du taux effectif global consécutive à la variation du taux de base, et, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il a régulièrement informé la société Bekoto X...en lui adressant des extraits de compte. Ces extraits faisaient apparaître le taux effectif global pratiqué pour la période considéré, comme le montrent les extraits produits en pièces no 21 et 22.
Ce premier moyen ne peut en conséquence qu'être jugé non fondé.
La société Bekoto X...et les époux X...reprochent ensuite au Crédit Mutuel de multiples carences dans ses obligations de dépositaire, et forment contre lui à ce titre une demande de réparation.
En ce qui concerne les délais de crédit en compte des cinq virements cités qualifiés d'anormaux, la faute de la banque n'est pas établie. La pièce no 13 versée aux débats par les appelants se réfèrent à des virements de clients de l'île Maurice et de Turquie, et les délais allégués n'apparaissent pas de ce fait anormalement longs.
Les autres erreurs invoquées ont trait à des crédits en compte soit pour des sommes supérieures à celles qui devaient être créditées, soit de lettres de change d'un autre client de la banque. Les perturbations de gestion qui en auraient été la conséquence selon les appelants, ne sont pas établies.
Les défaillances alléguées dans la gestion du compte tiennent dans le rejet de plusieurs chèques, à la suite d'insuffisances de trésorerie que les appelants prétendent consécutives aux irrégularités affectant la mention du taux effectif global. Mais cette contestation ayant été jugée non fondée, le préjudice invoqué ne peut se rattacher à aucune faute du Crédit Mutuel dans la gestion du compte de la société Bekoto X...£
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce chef de demande.
Les époux X...contestent également la validité de leurs engagements de caution.
Madame X...soutient que son consentement a été donné par erreur, tout en citant l'article 1116 du code civil relatif au dol. Elle fait valoir que, même si elle est l'épouse du dirigeant, elle n'était pas informée de la situation de la société, que femme au foyer et profane en matière financière, elle n'avait aucun intérêt personnel dans les dettes garanties. Cette seule affirmation, qui n'est étayée par aucun élément extérieur, ne suffit pas à rapporter le vice du consentement allégué, qu'il s'agisse d'erreur ou de dol. La forte incitation qui aurait été celle du Crédit Mutuel pour obtenir de Madame X...qu'elle cautionne la société dirigée par son mari, n'est pas la démonstration que la banque, comme il est affirmé, n'a agi que dans son seul intérêt aux fins de pouvoir appréhender le patrimoine du couple. Il n'est en effet ni prétendu, ni démontré que le Crédit Mutuel lorsqu'il a sollicité les engagements de caution de Madame X...savait que la situation de la société Bekoto X...était irrémédiablement compromise.
Les appelants reprochent en outre à la banque de leur avoir fait souscrire des engagements disproportionnés avec leur capacité de remboursement. Les premiers juges ont considéré que la preuve de cette disproportion n'était pas rapportée. Les époux X...se gardent de préciser la consistance de leur patrimoine, et ne versent à l'appui de leur affirmation qu'une pièce, un bilan émanant du Crédit Mutuel sur leurs avoirs financiers au sein de cet établissement bancaire. Ce seul document est insuffisant à rapporter la preuve de la disproportion alléguée, d'autant qu'à l'inverse, l'intimé produit une fiche de renseignements remplie le 28 novembre 1992 par Monsieur X...qui déclarait alors disposer d'un capital mobilier et immobilier de 4 180 000, 00 francs.
C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont rejeté la contestation de la validité des engagements de caution pris par les époux X...£
N'est pas plus fondé le moyen pris de ce que le Crédit Mutuel n'aurait pas respecté son obligation d'information des cautions depuis la mise en demeure, puisque la banque verse aux débats les lettres d'information qu'elle a adressées aux époux X...de 1998 à 2004. Il n'y a donc pas lieu de dire que le Crédit Mutuel est déchu du droit aux intérêts.
Les époux X...soutiennent qu'en ce qui concerne le billet à ordre ils disposent du bénéfice de discussion, et ne peuvent, en conséquence, être poursuivis en paiement qu'à défaut de la société Bekoto X...£
Cependant, aux termes de l'article L. 511-44 du code de commerce, applicable au billet à ordre en vertu des dispositions de l'article 512-3 du même code, tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change sont tenus solidairement envers le porteur. Les époux X...ayant tous deux avalisé le billet à ordre émis le 5 avril 2002 par la société Bekoto X...pour un montant de 76 224, 00 euros, le Crédit Mutuel n'était pas tenu de poursuivre préalablement la société, et était fondée à rechercher la condamnation solidaire des avaliseurs. Et les époux X...n'expliquant pas en quoi l'aval qu'ils ont donné devrait être requalifié en cautionnement, ils sont mal fondés à vouloir faire étendre l'obligation d'information de la banque envers la caution sur cet effet de commerce.
La cour n'ayant retenu aucune faute commise par le Crédit Mutuel dans ses rapports tant avec la société Bekoto X...qu'avec les époux X..., c'est sans fondement que ces derniers allèguent les multiples défaillances de la banque pour former contre elle une demande de dommages et intérêts d'un montant égal à celui du billet à ordre.
En définitive le jugement déféré mérite d'être confirmé en toutes ses dispositions, sans qu'il y ait lieu pour la cour d'ordonner la capitalisation des intérêts échus déjà prononcée par les premiers juges.
Succombant dans toutes leurs prétentions devant la cour les appelants seront tenus aux dépens de l'appel et devront en outre indemniser le Crédit Mutuel de ses nouveaux frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement et contradictoirement,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
CONDAMNE solidairement la société Bekoto X...et les époux X...à payer au Crédit Mutuel une indemnité de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Les CONDAMNE sous la même solidarité aux dépens de l'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER
D. BOIVINEAU
LE PRESIDENT
I. FERRARI