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28/01/2003 | FRANCE | N°2001/02130

France | France, Cour d'appel d'Angers, 28 janvier 2003, 2001/02130


COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE A SC/IM/MFB ARRET N N : 01/02130 AFFAIRE : X... C/ COMPAGNIE PREDICA Y..., Z..., A... Décision du TGI LE MANS du 04 Septembre 2001

ARRET DU 28 JANVIER 2003

APPELANTE : Madame Gisèle X... épouse B... La C... - 17 rue Adolphine Lambert - 72000 LE MANS représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me Boris MARIE, avocat au barreau du MANS INTIMES : COMPAGNIE PREDICA 50-56 rue de la Procession - 75015 PARIS représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me LETU, avocat au barreau de

PARIS

Monsieur André Y... 31 avenue Jules Ferry - 91420 MORANGIS représ...

COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE A SC/IM/MFB ARRET N N : 01/02130 AFFAIRE : X... C/ COMPAGNIE PREDICA Y..., Z..., A... Décision du TGI LE MANS du 04 Septembre 2001

ARRET DU 28 JANVIER 2003

APPELANTE : Madame Gisèle X... épouse B... La C... - 17 rue Adolphine Lambert - 72000 LE MANS représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me Boris MARIE, avocat au barreau du MANS INTIMES : COMPAGNIE PREDICA 50-56 rue de la Procession - 75015 PARIS représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me LETU, avocat au barreau de PARIS

Monsieur André Y... 31 avenue Jules Ferry - 91420 MORANGIS représenté par Me VICART, avoué à la Cour assisté de Me Philippe GRUNBERG, avocat au barreau du MANS

Madame Alice Z... 13 rue des Rosiers - 72700 ETIVAL LES LE MANS assignée, n'ayant pas constitué avoué INTIME SUR APPEL PROVOQUE : Monsieur Jean A... 13 avenue de Parderborn - 72000 LE MANS représenté par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assisté de Me Catherine FARCY-RENAULT, avocat au barreau du MANS COMPOSITION DE LA COUR En application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, L'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 Décembre 2002 sans opposition des avocats devant Madame CHAUVEL, Conseiller rapporteur, en présence de Madame BLOCK, Conseiller. Le Magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame CHAUVEL, Conseiller, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 10 décembre 2001, pour exercer les fonctions de Président, Monsieur D... et

Madame BLOCK, Conseillers.

GREFFIER présent lors des débats et du prononcé : C. LEVEUF DEBATS :

A l'audience publique du 10 Décembre 2002 ARRET : réputé contradictoire Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 28 Janvier 2003, date indiquée par le Président à l'issue des débats.

Martine PASQUET veuve X..., née le 23 septembre 1907, est décédée au MANS le 9 JUILLET 1996, laissant pour lui succéder Gisèle X... épouse B..., sa fille et Alice DROUARD épouse Z..., désignée comme légataire universelle aux termes d'un testament olographe du 25 mai 1989.

Alors qu'elle avait été placée sous curatelle par décision du Juge des Tutelles du MANS en date du 28 juillet 1995, elle avait souscrit seule, le 1er septembre 1995, auprès de la Société PREDICA, un contrat dit "PREDIGE" en effectuant un versement de 200.000 francs et en désignant comme bénéficiaire André Y....

En mai 2000, Gisèle B... a fait assigner la Société PREDIC, André Y... et Alice Z... aux fins principales d'annulation de ce contrat sur le fondement de l'article 510.1 du code civil et subsidiairement de requalification en une donation susceptible de réduction en vertu des articles 913 et suivants du même code. André Y... a appelé à la cause Jean A..., qui avait été le curateur de Martine X....

Par jugement du 4 septembre 2001, le Tribunal de Grande Instance du MANS a débouté Gisèle B..., Alice Z... et Jean A... de leurs prétentions respectives, a écarté toute application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et a condamné Gisèle B... aux dépens.

Gisèle B... a interjeté appel de cette décision aux fins d'infirmation en concluant comme suit :

"Vu les dispositions des articles 489, 510-1 et 513 du code civil ;

Ordonnant avant dire droit la transmission du dossier de Tutelle et Curatelle, avec invitation des parties à formuler leurs observations au vu de celui-ci sur les facultés mentales de la défunte lors de la souscription du contrat ;

Déclarer nul et de nul effet le contrat d'assurance-vie souscrit par Madame Martine X..., le 1er Septembre 1995, sous le numéro 6000 1805472 ;

Condamner la société PREDICA à rembourser la somme perçue de 200 000 francs, laquelle somme sera réintégrée dans la masse active à partager dans la liquidation de la succession de Madame X... ;

A titre subsidiaire, dire y avoir lieu à rapport à la succession ainsi qu'à réduction du produit du contrat, à tout le moins de la prime versée, en application des articles 913 et suivants du Code Civil ;

Désigner, Maître OLLIVIER, notaire au MANS, pour accomplir un supplément à l'acte de liquidation de la succession de Madame X... ;

Condamner la société PREDICA in solidum avec tous contestants à verser à la concluante la somme de 1220 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;

Et condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel."

André Y... demande à la Cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris avec rejet de toute demande dirigée à son encontre, à titre subsidiaire, de condamner la Société PREDICA et /ou Jean A... à le garantir, ou en cas d'accueil de la demande de Gisèle B... de rapport à la succession et de réduction, de mettre à la charge de ces derniers les frais afférents. Il réclame en sus à Gisèle B..., Jean A... et la Société PREDICA la somme de 1600 ä

en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société PREDICA conclut comme suit :

"DECLARER non recevables et mal fondées toutes les demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la Société PREDICA ;

CONFIRMER le jugement entrepris du Tribunal de Grande Instance du MANS en date du 4 septembre 2001 ;

CONSTATER l'absence de toute faute de la Société PREDICA ;

DONNER ACTE à la Société PREDICA du fait qu'elle s'en rapporte à Justice sur le mérite de la demande formée par Madame Gisèle B..., née X... tendant à voir annuler purement et simplement le contrat d'assurance-vie souscrit par Madame Martine X... le 1er septembre 1995 ;

DEBOUTER Monsieur Y... et Madame Z... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Dans l'hypothèse où la Cour prononcerait la nullité du contrat, DONNER ACTE à la Société PREDICA de sa demande reconventionnelle à l'encontre de Monsieur André Y... ;

Y faisant droit :

CONDAMNER Monsieur André Y... à rembourser à la Société PREDICA la somme de 189.301,61 francs ;

Dans l'hypothèse où la Cour ferait droit à la demande de réduction formée par Madame Gisèle B... née X... :

DIRE que le retour à la masse de la succession sera à la charge de André Y... ;

DIRE ET JUGER que le contrat PREDIGE n° 87936115983730 souscrit par Martine X... le 1er septembre 1995 est un contrat d'assurance vie ;

EN CONSEQUENCE :

DEBOUTER Madame B... née X... de ses demandes fins et

conclusions ;

Sur le caractère manifestement excessif de la prime litigieuse :

CONSTATER que la Société PREDICA s'en rapporte à Justice concernant le rapport de la prime litigieuse à la succession de Madame Martine X...;

EN TOUTES HYPOTHESES :

CONDAMNER toutes parties succombantes à payer à la Société PREDICA une somme de 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER toutes parties succombantes aux entiers dépens de première instance et d'Appel recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile."

Intimé par André Y... sur appel provoqué, Jean A... conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de André Y... ou de tout autre succombant au paiement des sommes de 1.600 ä à titre de dommages intérêts et de 2.500 äuros au titre de ses frais irrépétibles.

Assignée et réassignée, Alice Z... n'a pas constitué avoué.

* * *

Vu les dernières conclusions des parties en date des 25 novembre 2002 (Gisèle B..., Alice Z..., Jean A...) et 28 novembre 2002

(Société PREDICA) ;

Vu les assignations régulièrement délivrées à Alice Z..., les 13 mars 2002 et 2 avril 2002 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 novembre 2002 ;

MOTIFS

Sur la demande en annulation du contrat d'assurance

Gisèle B... fonde son action sur les articles 489 alinéa 1 et 510-1 du code civil, qui disposent, le premier que "pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit" mais que "c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte", ce qu'elle ne fait pas, "le second que si le majeur en curatelle a fait seul un acte pour lequel l'assistance du curateur était requise, lui-même ou le curateur peuvent en demander l'annulation", ce qui est plus approprié.

Feue Martine X... a passé le contrat litigieux alors qu'elle était placée sous le régime de la curatelle simple, prévu à l'article 508 du code civil et réservé au cas où le majeur, sans être hors d'état d'agir lui-même, a besoin d'être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile. Aux termes de ce contrat, d'une durée dite "vie entière", l'intéressée a effectué un versement de 200.000 francs, soit 190.000 francs nets, investis avec une rémunération minimale garantie de 3,50 % et en désignant comme bénéficiaire à son décès, André Y... Il s'agit là à la fois d'un acte de gestion, destiné à valoriser son capital dans un cadre fiscal avantageux de l'assurance-vie (par prélèvement forfaitaire libératoire), cette valorisation ayant eu lieu, selon lettre de l'organisme financier en date du 9 janvier 1996, à hauteur de 7,10 % net pour l'année 1995 avec organisation de retraits trimestriels d'un montant brut de 3.500

francs,(cf lettre du même organisme en date du 28 septembre 1995) et d'un acte de disposition en ce qu'il désigne un bénéficiaire en cas de décès. En cette dernière caractéristique, il peut être considéré que l'assistance du curateur était nécessaire. Ainsi que l'a rappelé le tribunal et qu'il n'est d'ailleurs pas discuté, la nullité encourue est facultative et soumise à l'appréciation du juge. Or, et sans qu'il soit besoin de recourir à la production du dossier de curatelle, le contrat en cause ne peut être désavoué en considération du patrimoine de la de cujus (tel qu'il résulte de l'état de sa succession et avoisinant bien 800 000 francs) et des revenus que le placement pouvait lui procurer. L'appelante, dont tout laisse à croire qu'elle était en mésintelligence avec sa mère, n'apporte aucun élément contraire, ni même sur les conditions matérielles de vie de celle-ci, de nature à considérer que le placement en cause n'était pas conforme aux intérêts et aux voeux de l'intéressée et qu'il n'aurait pas été avalisé par son curateur.

Sur la requalification du contrat

Contrairement aux allégations de Gisèle B..., les premiers juges ont bien examiné sa prétention subsidiaire pour la rejeter au regard des dispositions par eux rappelées de l'article L.132-3 du Code des Assurances et des éléments de la cause, spécialement de ceux déjà évoqués, à savoir que le versement opéré n'était pas excessif en considération du patrimoine de son auteur. Pour aller plus avant, et au vu des documents produits, le contrat litigieux ne peut être analysé comme un contrat de capitalisation qui a pour but la constitution, au moyen de versements successifs, d'un capital déterminé et devant être remboursé soit à la date fixée, soit par anticipation par voie de tirage au sort. Il s'agit bien en l'espèce d'un contrat d'assurance dit à durée vie entière, dès lors que l'assureur s'est engagé envers le souscripteur, moyennant le

versement par celui-ci d'une prime, à payer à son décès une somme déterminée au bénéficiaire désigné que l'exécution d'une telle obligation dépend de la durée de vie de l'assuré, qu'il y a alors aléa lié à la date du décès et au montant du capital dû par l'assureur.

Gisèle B... sera par suite déboutée de son appel et de toutes ses demandes accessoires.

Il y a lieu à nouvelle application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile dans les conditions du dispositif ci-après mais non à allocation de dommages- intérêts au profit de Jean A..., dont l'appel à la cause n'était ni inutile, ni frustatoire et qui ne justifie pas suffisamment d'un préjudice autre que celui réparé par l'allocation d'une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

STATUANT publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

- CONFIRME le jugement entrepris ;

- CONDAMNE Gisèle B... à verser, en application de l'article 700 du NCPC, la somme de 1500 äuros à chacun des intimés, André Y..., Jean A..., Société PREDICA;

- DEBOUTE les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

- CONDAMNE Gisèle B... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT

C. LEVEUF

S. CHAUVEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 2001/02130
Date de la décision : 28/01/2003

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Curatelle.

Ne saurait aboutir dans sa demande d'annulation d'un contrat d'assurance-vie, la fille d'une personne qui a souscrit de son vivant, alors qu'elle était placée sous curatelle, un tel contrat ayant pour bénéficiaire une personne extérieure à la famille, même s'il ne s'agit pas là simplement d'un acte de gestion mais également d'un acte de disposition en ce qu'il désigne un bénéficiaire en cas de décès et même si dans ce cadre l'assistance du curateur est par principe obligatoire, au terme des dispositions de l'article 510-1 du Code civil. En effet, la nullité encourue dans cette hypothèse est facultative et soumise à l'appréciation du juge. Or, dans la mesure où la mésentente entre le de cujus et sa fille justifiait une telle opération financière, il n'y avait pas lieu de considérer que le placement n'était pas conforme aux intérêts et aux voeux de l'intéressée et qu'il n'aurait pas été avalisé par son curateur

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Décès - Décès du souscripteur - Sommes dispensées de rapport à la succession.

Doit bien être analysée en un contrat d'assurance dit "à vie entière", la convention dont l'exécution dépend de l'aléa de la durée de vie du souscripteur et au terme de laquelle l'assureur s'engage envers ledit souscripteur, moyennant le versement par celui-ci d'une prime, à payer à son décès une somme déterminée au bénéficiaire désigné et dès lors non soumis en application des articles L 132-12 et L 132-13 du Code des assurances aux règles du rapport à succession et de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Dès lors, ne saurait aboutir la prétention de requalification émanant de la fille du souscripteur qui échoue dans la démonstration de ce qu'il s'agirait d'un contrat de capitalisation ayant pour but la constitution, au moyen de versements successifs, d'un capital déterminé et devant être remboursé soit à la date fixée, soit par anticipation par voie de tirage au sort


Références :

Code civil, article 510-1 Code des assurances, articles L. 132-12 et 132-13

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2003-01-28;2001.02130 ?
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