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08/10/2001 | FRANCE | N°2000/01390

France | France, Cour d'appel d'Angers, 08 octobre 2001, 2000/01390


COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE YLG/CG ARRET N AFFAIRE N :

00/01390 AFFAIRE : LES MUTUELLES DU MANS C/ S.A.R.L. L'ETAPE, E..., E..., E..., S.C.P. BROUARD Jugement du T.G.I. LE MANS du 12 Avril 2000

ARRÊT RENDU LE 08 Octobre 2001

APPELANTE : LES MUTUELLES DU MANS ... représentée par Me DELTOMBE, avoué à la Cour assistée de Me G..., avocat au barreau de PARIS INTIMES : S.A.R.L. L'ETAPE ... représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me C..., avocat au barreau de PARIS Monsieur Ali MAMI F... A... MAMI F... Mourad E... ... S

.C.P. BROUARD, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciair...

COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE YLG/CG ARRET N AFFAIRE N :

00/01390 AFFAIRE : LES MUTUELLES DU MANS C/ S.A.R.L. L'ETAPE, E..., E..., E..., S.C.P. BROUARD Jugement du T.G.I. LE MANS du 12 Avril 2000

ARRÊT RENDU LE 08 Octobre 2001

APPELANTE : LES MUTUELLES DU MANS ... représentée par Me DELTOMBE, avoué à la Cour assistée de Me G..., avocat au barreau de PARIS INTIMES : S.A.R.L. L'ETAPE ... représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me C..., avocat au barreau de PARIS Monsieur Ali MAMI F... A... MAMI F... Mourad E... ... S.C.P. BROUARD, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sté INFO-COMPTA ... assignés et réassignés, n'ayant pas constitué avoué. COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Madame D... et Monsieur MOCAER, conseillers - 2 - GREFFIER lors des débats et du prononcé : Madame Z..., agent administratif assermenté faisant fonction de greffier DEBATS : A l'audience publique du 10 Septembre 2001 Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 08 Octobre 2001, date indiquée par le Président à l'issue des débats. ARRET : réputé contradictoire

* * *

Par acte de cession de parts en date du 19 novembre 1991, la SARL L'ETAPE a acquis la totalité des parts sociales de la SARL LA PISSALADIERE dont les porteurs étaient les consorts E....

Cette société, constituée le 5 mars 1990, exploitait un fonds de commerce de restauration à ROMAINVILLE.

D'importantes sommes, n'apparaissant pas dans le bilan de la société cédée, se sont révélées au titre du passif, la SARL L'ETAPE a réglé

ces sommes.

Une clause de garantie du passif était stipulée en faveur de la SARL L'ETAPE.

Par jugement du 12 avril 2000, le tribunal de grande instance du MANS a condamné in solidum la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD, assureur de la Société INFO COMPTA en liquidation judiciaire, et les consorts E... à payer à la SARL L'ETAPE les sommes de 125 000 F et 410 430,17 F ainsi que 10 000F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD ont relevé appel de ce jugement.

La Compagnie LES MUTUELLES DU MANS estime que la Société INFO COMPTA tenue à une simple obligation de moyens, n'a pas commis de faute.

Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré et l'octroi d'une somme de 50 000F sur la base de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Société L'ETAPE conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf à élever à un montant de 25 000 et 20 000 F les frais non répétibles de première instance et d'appel ; - 3 -

Elle soutient que la Société INFO COMPTA qui a procédé à l'établissement du bilan de la SARL LA PILASSADIERE, a commis une faute professionnelle engageant sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil ;

Les consorts X..., A... et Mourad E... assignés et réassignés en mairie ont fait l'objet d'un procès verbal -article 659 du nouveau code de procédure civile

La SCP BROUARD, ès-qualité de liquidateur de la Société INFO COMPTA a été assignée à personne morale et réassignée à domicile, aucun de ces intimés n'a constitué avoué ; il sera statué par arrêt réputé contradictoire. Pour un plus ample exposé du litige, il est fait

expresse référence aux écritures de la Compagnie LES MUTUELLES DU MANS en date du 5 décembre 2000 et de la Société L'ETAPE en date du 24 août 2001 ;

La procédure a été communiquée au Ministère Public qui l'a visée ; MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que la Société L'ETAPE est fondée à mettre en cause, sur la base de l'action directe et en application de l'article L 124-3 du code des assurances, la compagnie d'assurances de la Société INFO COMPTA, les MUTUELLES DU MANS, dès lors qu'elle démontre que cette société a commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle et la garantie de son assureur ;

Que la mise en oeuvre d'une garantie de passif, en l'occurrence vis à vis des consorts E..., n'est pas exclusive d'une action en responsabilité professionnelle à l'encontre de la Société INFO COMPTA et d'une action directe contre son assureur ;

Attendu que la Société INFO COMPTA prétend qu'elle n'aurait pas commis de faute dans l'exécution de la mission qui lui était confiée ;

Attendu que la circonstance que la Société INFO COMPTA n'ait pas établi de bilan ne suffit pas à exonérer cette professionnelle de sa responsabilité ;

Que dès lors que la Société INFO COMPTA est intervenue dans l'établissement des chiffres figurant sur la situation comptable de la SARL LA PISSALADIERE, elle est responsable de cette intervention, fondement de la cession souscrite par la SARL L'ETAPE ;

Que la Société LA PISSALADIERE a été créée le 5 mars 1990 et non 1991, comme l'allègue la compagnie LES MUTUELLES DU MANS ;

Que la Société INFO COMPTA reconnaît avoir établi la situation comptable de la Société PISSALADIERE à compter de sa création et arrêtée au mois de septembre 1991 ; - 4 -

Que dans la lettre recommandée adressée le 23 décembre 1991 par la société comptable à Me Y..., séquestre du prix de vente des titres, il est expressément indiqué :

"Cession de parts : SARL PISSALADIERE / SCI E...

Maître,

Vous avez été nommé en qualité de séquestre pour les affaires sus-nommées. Nous vous rappelons que nous avons effectué pour le compte de celles-ci des travaux de comptabilité depuis leur création jusqu'à l'arrêté des comptes au 30 septembre 1991" ;

Attendu que la compagnie LES MUTUELLES DU MANS ne saurait se prévaloir d'une urgence dans l'établissement de la situation de la Société LA PISSALADIERE ;

Que la Société INFO COMPTA était informée de l'objet de la situation comptable établie au 30 septembre 1991 ; à savoir l'acquisition par la Société L'ETAPE des parts sociales de la SARL LA PISSALADIERE ; que c'est sur le fondement de cette situation que les accords ont été passés entre les cédants et cessionnaires ;

Que si la Société INFO COMPTA avait estimé que cette situation provisoire n'était pas adaptée pour établir une valeur probante, elle devait soit refuser de fournir un tel document, soit émettre expressément des réserves ;

Qu'elle ne l'a pas fait et n'a nullement indiqué que la situation établie était seulement approximative ;

Que cette professionnelle a manqué à ses obligations ainsi qu'à son devoir d'information et de conseil, au cours de l'établissement et de la remise d'un document qu'elle savait être la base d'un futur contrat entre son client et un tiers ; que sa faute est caractérisée ;

Attendu que la compagnie LES MUTUELLES DU MANS n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle la SARL

L'ETAPE n'aurait eu connaissance de la situation arrêtée au 30 septembre 1991 que le 19 décembre suivant, jour de la signature de l'acte de cession ;

Que cependant, cette compagnie d'assurances dans son rappel des faits précise que la Société INFO COMPTA était restée étrangère tant à la signature du 15 octobre 1991 qu'à celle de l'acte de cession du 19 décembre 1991 ;

Attendu que c'est bien sur la base de la situation comptable établie par la Société INFO COMPTA que la valeur des parts a été déterminée ; Que les documents comptables ont été remis matériellement aux acquéreurs avant la signature intervenue le 19 décembre 1991 et que c'est sur leur fondement que la cession a eu lieu ; - 5 -

Que la constatation de la remise, à l'occasion du rendez-vous de signature, démontre la simple présence de ce document lors de la signature ;

Que les chiffres ont été préalablement communiqués aux cédants avant la signature de l'acte ;

Attendu que les prétendues rétentions d'informations des consorts E... dont excipe la compagnie LES MUTUELLES DU MANS, ne sont pas opposables à la Société L'ETAPE ;

Que cette société a subi un préjudice trouvant incontestablement son origine dans la situation comptable établie par la Société INFO COMPTA ;

Que celle-ci doit répondre de ce préjudice, à charge pour elle de se retourner contre les consorts E... dans le cadre d'une action en garantie ;

Attendu que contrairement aux assertions de l'appelante, le passif de la SARL LA PISSALADIERE n'a pas été découvert dans le courant de l'année 1992 ;

Qu'il résulte des pièces et éléments du dossier que le prix de la cession a été fixé sur la base de la situation comptable arrêtée au 30 septembre 1991 ;

Qu'il est indiqué à la page 3 de l'acte de cession :

"Les soussignés de première part et de seconde part déclarent que le prix des présentes cessions a été fixé sur la base de la situation active et passive de la Société et compte tenu que tout le passif est connu à ce jour."

et à la page suivante :

"Remise de titres : M. Ali E...... a à l'instant remis à Mme B..., ès-qualités (gérante de L'ETAPE SARL) qui le reconnait :

- un exemplaire des statuts à jours de la Société "LA PISSALADIERE", - une copie de la situation arrêtée au 30 SEPTEMBRE 1990..." (situation établie en réalité au 30 septembre 1991 et versée aux débats par la compagnie d'assurances appelante) ;

Qu'ainsi, c'est bien en considération du travail réalisé par la société comptable que le prix de la cession a été déterminé et réglé le 19 décembre 1991, soit 2 mois 1/2 après cette situation ;

Qu'en tout état de cause c'est le passif au jour de la cession, soit le 19 décembre 1991, ne correspondant pas à la réalité, qui correspond au passif découvert ;

Attendu que le rapport dressé par l'expert comptable de la Société L'ETAPE est détaillé et circonstancié quant aux postes et aux montants non pris en compte dans le passif de la Société LA PISSALADIERE au 18 décembre 1991 ; - 6 -

Attendu que la présence d'une garantie de passif n'est pas de nature à exonérer la Société INFO COMPTA de sa responsabilité, en qualité de professionnel comptable;

Qu'une garantie de passif n'est pas une garantie de solvabilité et

que les cédants n'ont pas respecté leurs engagements ; qu'il ne se sont jamais manifestés depuis le début de la procédure ;

Qu'il existe ainsi un lien de causalité certain et direct entre la présentation de la situation comptable approximative et erronée et le préjudice subi par le cessionnaire des titres de la Société LA PISSALADIERE ;

Attendu que la Société INFO COMPTA avait été mandatée pour examiner la situation comptable avant la signature de l'acte et déterminer le prix de la cession ;

Attendu que la SARL L'ETAPE n'a commis aucune faute ;

Attendu qu'il convient de confirmer la disposition du tribunal ayant prononcé une condamnation in solidum à l'encontre des consorts E... et des MUTUELLES DU MANS, la SCP BROUARD, ès-qualités de mandataire liquidateur de la Société INFO COMPTA, étant tenue in solidum au paiement du montant de cette condamnation, constituant une créance de la Société L'ETAPE à l'encontre de la procédure collective;

Qu'il y a unité de préjudice, même si les responsabilités ne sont pas de même nature ;

Que la responsabilité des consorts E... à l'égard de la Société L'ETAPE est de caractère contractuel et la responsabilité de la Société INFO COMPTA vis à vis de l'intimée de nature quasi délictuelle ;

Qu'à tort, les MUTUELLES DU MANS affirment que la Société L'ETAPE ne peut obtenir une indemnisation qu'après avoir vainement mis en cause les consorts E... ;

Que dans la réalité, les consorts E... ont déménagé sans laisser d'adresse, et n'ont jamais comparu en justice, pas plus que la SCP BROUARD, mandataire liquidateur de la Société INFO COMPTA ;

Attendu qu'il convient dans ces conditions de confirmer, par adoption de ses motifs, le jugement déféré ;

Attendu que la somme allouée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à la Société L'ETAPE est adéquate en son montant ;

Attendu que la compagnie LES MUTUELLES DU MANS qui succombe, doit supporter les dépens et être déboutée de sa réclamation en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - 7 -

Attendu que l'équité commande d'allouer à la SARL L'ETAPE une somme de 20 000 F en compensation de ses frais non répétibles d'appel ;

Attendu que le présent arrêt sera déclaré commun à la SCP BROUARD et vaudra fixation de la créance de la Société L'ETAPE à l'encontre de la Société INFO COMPTA; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne in solidum LES MUTUELLES DU MANS Assurances IARD et MM. X..., A..., Mourad E... à payer à la Société L'ETAPE une somme de 20 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Déclare le présent arrêt commun à la SCP BROUARD, ès-qualités de mandataire liquidateur de la Société INFO COMPTA et dit qu'il vaudra fixation de la créance de la Société L'ETAPE à l'encontre de la Société INFO COMPTA, en tant que de besoin ,

Condamne les MUTUELLES DU MANS Assurances IARD, MM. X..., A..., Mourad E... et la SCP BROUARD, ès-qualités de liquidateur de la Société INFO COMPTA, aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du nouveau code de procédure civile,

Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER

LE PRESIDENT C. Z...

Y. LE GUILLANTON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 2000/01390
Date de la décision : 08/10/2001

Analyses

EXPERT-COMPTABLE ET COMPTABLE AGREE - Responsabilité - Tenue de comptabilité - Bilan

Doit être confirmé le jugement condamnant une société d'expertise comptable pour faute professionnelle de nature quasi-délictuelle envers le cessionnaire des titres alors qu'en dehors de toute urgence et sans la moindre indication que la situation établie était seulement indicative, elle a omis d'importantes sommes dans le bilan de la société cédée, correspondant au passif découvert, manquant ainsi à ses obligations et à son devoir d'information et de conseil au cours de l'établissement et de la remise d'un document qu'elle savait être et qui s'est révélé la base d'un futur contrat entre son client et un tiers , peu important qu'une clause de garantie du passif fut stipulée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2001-10-08;2000.01390 ?
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