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21/05/2001 | FRANCE | N°2000/00756

France | France, Cour d'appel d'Angers, 21 mai 2001, 2000/00756


COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE YM/CG ARRET N AFFAIRE N :

00/00756 AFFAIRE : X... C/ S.A. GOYER ET FILS Jugement du T.C. LE MANS du 06 Décembre 1999

ARRÊT RENDU LE 21 Mai 2001

APPELANTE : Madame Annie X... épouse Y... née le 21 Décembre 1946 à BORDEAUX (77410) 5 rue du Haut de Villeneuve 72500 DISSAY SOUS COURCILLON représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me CROSS, avocat au barreau de TOURS INTIMEE : S.A. GOYER ET FILS Rue H. Goyer 41120 FOUGERES SUR BIEVRE représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cou

r assistée de Me CHAMPETIER DE RIBES, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE ...

COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE YM/CG ARRET N AFFAIRE N :

00/00756 AFFAIRE : X... C/ S.A. GOYER ET FILS Jugement du T.C. LE MANS du 06 Décembre 1999

ARRÊT RENDU LE 21 Mai 2001

APPELANTE : Madame Annie X... épouse Y... née le 21 Décembre 1946 à BORDEAUX (77410) 5 rue du Haut de Villeneuve 72500 DISSAY SOUS COURCILLON représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me CROSS, avocat au barreau de TOURS INTIMEE : S.A. GOYER ET FILS Rue H. Goyer 41120 FOUGERES SUR BIEVRE représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assistée de Me CHAMPETIER DE RIBES, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Madame Z... et Monsieur MOCAER, conseillers GREFFIER lors des débats et du prononcé : Madame A..., agent adminis-tratif assermenté faisant fonction de greffier DEBATS : A l'audience publique du 23 Avril 2001 Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 21 Mai 2001, date indiquée par le Président à l'issue des débats. ARRET : contradictoire

* * * - 2 -

Vu les dernières conclusions d'Annie X..., épouse Y... du 02 / 04 / 2001

Vu les dernières conclusions de la S.A. GOYER et Fils du 12 / 04 / 2001

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 / 04 / 2001 RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Les sociétés SOMI, exerçant l'activité de conseil en informatique, et ISIS qui lui a succédé, avaient pour client la S.A. GOYER et Fils de 1980 à 1989. SOMI était gérée par Annie X..., épouse Y... et ISIS par Guy Y..., son époux. En juin 1990 la S.A. GOYER et Fils a obtenu

du juge des référés une expertise sur les conditions d'exécution du contrat. Lionel BECQUEREAU, expert désigné, a déposé son rapport le 29 juillet 1991. Sur la base de ce rapport la S.A. GOYER et Fils a assigné ISIS et SOMI, mais aussi Guy Y... en invoquant le caractère fictif des sociétés SOMI et ISIS, en paiement d'une somme de 877.870 francs correspondant au prix payé pour une prestation qui n'a pas été fournie. Le Tribunal de commerce de Tours, par jugement du 14 mars 1995, a fait droit intégralement à cette demande et de surcroît a fait porter aussi la condamnation sur Annie X..., épouse Y.... Par arrêt du 20 avril janvier 1998, la Cour d'appel d'ORLEANS a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions hormis celles relatives à Annie X..., épouse Y... qui ont été annulées.

La S.A. GOYER et Fils a alors assigné Annie X..., épouse Y... en paiement. Cette dernière est appelante du jugement qui a déclaré recevable et bien-fondé cette société en son action, constaté qu'elle avait eu un rôle actif aux côtés de son époux et que l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans en date du 29 janvier 1998 a retenu le principe de sa responsabilité, condamné cette dernière conjointement et solidairement avec Guy Y..., à payer à la S.A. GOYER et Fils la somme en principal de 877 870 francs avec intérêts et celle de 8.000 francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, avec exécution provisoire.

Annie X..., épouse Y... demande à la Cour d'annuler et subsidiairement d'infirmer le jugement déféré, de la décharger des condamnations prononcées, de condamner la S.A. GOYER et Fils a lui payer la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts et subsidiairement d'ordonner une expertise. La S.A. GOYER et Fils conclut à la confirmation du jugement déféré..

Chacune des parties forme une demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS

Contrairement à ce que soutient Annie X..., épouse Y..., le jugement déféré est parfaitement et longuement motivé et il ne saurait donc encourir l'annulation pour défaut de motivation. - 3 - Sur le caractère fictif des sociétés SOMI et ISIS

La créance de la S.A. GOYER et Fils sur les sociétés SOMI et ISIS a été arrêtée par la Cour d'appel d'Orléans qui, pour condamner Guy Y... in solidum avec elles, a estimé qu'elles étaient fictives. La S.A. GOYER et Fils soutient que cet arrêt a autorité de la chose jugée à l'égard d'Annie X..., épouse Y..., ce que celle-ci conteste.

Ni l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans en date du 29 janvier 1998 ni le jugement qu'il confirme ne tranchent explicitement en leur dispositif la question de savoir si SOMI et ISIS sont des sociétés fictives, mais la condamnation de Guy Y... ne peut s'expliquer que par une disposition implicite tranchant cette question dans le sens d'une réponse affirmative, puisque la créance a pour origine l'inexécution d'un contrat passé entre ces sociétés d'une part et la S.A. GOYER de l'autre, ce que les motifs confirment. L'autorité de la chose jugée est réservée au dispositif d'un jugement, mais elle s'attache aussi aux dispositions implicites mais certaines que ce dispositif renferme et tel est le cas du caractère fictif des sociétés SOMI et ISIS.

Annie X..., épouse Y... était partie à cet arrêt en qualité d'appelante. Elle n'a pas été assignée en première instance et le jugement qui l'a condamnée a été de ce fait annulé en ses dispositions la concernant, mais sa présence à la cause en appel, parce qu'elle lui permettait de faire valoir ses moyens, fait d'elle une partie au procès. L'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans du 29 janvier 1998 a en conséquence à son égard l'autorité de la chose jugée ce qui ne lui permet pas aujourd'hui de contester ce qui y a

été définitivement tranché, à savoir le caractère fictif des sociétés SOMI et ISIS et leur dette à l'égard de la S.A. GOYER et Fils. . Sur les conséquences

Une société fictive est une société qui n'a que l'apparence de la réalité et résulte d'une simulation. Il importe de rechercher la réalité qui se dissimule sous cette apparence.

La Cour d'appel d'Orléans a motivé ainsi son arrêt : " Attendu que, pour ISIS comme pour SOMI, la réalité d'une quelconque affectio societatis entre les différentes parties ayant pour volonté commune de constituer une société fait défaut ; qu'en fait toute l'activité professionnelle est dirigée par le seul Guy Y... et non par SOMI ou ISIS qui n'avaient aucune autonomie financière, administrative, fiscale ou commerciale ". Ces motifs ne bénéficient pas de l'autorité de la chose jugée et la S.A. GOYER et Fils peut soutenir aujourd'hui qu'Annie X... a participé, au même titre que son mari à la création de ces sociétés et y a joué un rôle important et même indispensable en sa qualité notamment de gérante, puis de liquidatrice amiable de SOMI, et de directrice générale administrative puis liquidatrice amiable de ISIS. La S.A. GOYER et Fils reconnaît cependant que les carences informatiques et l'inexécution de la commande litigieuse ne sont pas du fait d'Annie X.... - 4 -

Mais la réalité dissimulée par la création de ces deux sociétés fictives est celle d'une activité personnelle de Guy Y..., qui est le seul interlocuteur de la S.A. GOYER et Fils comme le démontrent le rapport d'expertise de Lionel BECQUEREAU et les différentes lettres et documents produits qui sont tous signés par Guy Y... et non par son épouse. Le rapport d'expertise de Lionel BECQUEREAU n'évoque à aucun moment un rôle quelconque qu'elle aurait joué et il est ainsi conclu ( pages 28 et 30 ) :

" Guy Y..., au travers des sociétés SOMI puis ISIS (.) prétend que

la S.A. GOYER et Fils lui a confié une mission de redressement économique et que sa prestation ne peut être appréciée que sur un critère économique ( ... ). Il est fort probable que les programmes ( qui ont fait l'objet ) des livraisons partielles ne puissent être utilisés efficacement que par leur auteur, Guy Y... ".

Il en résulte clairement que c'est Guy Y... qui a négocié et contracté avec la S.A. GOYER et Fils, puis conçu et livré les programmes litigieux. La réalité dissimulée derrière les sociétés écrans est donc celle de relations contractuelles entre la S.A. GOYER et Fils et Guy Y..., ce qui a permis à la S.A. GOYER et Fils d'agir à la fois contre l'apparence ( SOMI et ISIS ) et la réalité ( Guy Y... ), mais ne lui permet pas d'agir aujourd'hui à l'encontre d'Annie X..., épouse Y... dont le rôle n'a été qu'administratif au sein des sociétés fictives, du moins sur un fondement contractuel, faute de contrat entre eux.

Il sera fait observer que le caractère fictif des sociétés SOMI et ISIS rend inapplicable la législation sur les sociétés et en particulier les règles de prescription qui en découlent et qui sont invoquées à tort par Annie X..., épouse Y...

Celle-ci étant un tiers au contrat, la S.A. GOYER et Fils ne peut agir contre elle que sur un fondement délictuel ; elle lui reproche d'avoir aidé Guy Y... à créer les sociétés SOMI et ISIS et le rôle qu'elle y a joué, mais le seul préjudice qui pouvait en découler n'a pas été subi puisque l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans a déclaré ces sociétés fictives et a condamné Guy Y...

La S.A. GOYER et Fils reproche aussi à Annie X..., épouse Y... sa gestion de ces sociétés et notamment de les avoir dissoutes et de ne pas avoir, dans le cadre de ses fonctions de liquidatrice amiable, payé la dette. Mais si ces sociétés ont été déclarées fictives, c'est notamment parce qu'elle ne possédaient, comme le souligne justement

la S.A. GOYER et Fils elle-même, aucune autonomie financière. Dès lors Annie X..., épouse Y... ne pouvait commettre de faute ni en provoquant leur dissolution ni en ne réglant pas leur passif et en toute hypothèse ne pouvait créer ce faisant aucun préjudice à leurs créanciers.

La S.A. GOYER et Fils sera donc déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de Annie X..., épouse Y... * - 5 -

La procédure de la S.A. GOYER et Fils à l'encontre de Annie X..., épouse Y..., en raison notamment de la complexité de la situation, n'était nullement abusive et celle-ci sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La S.A. GOYER et Fils qui succombe en ses prétentions supportera les dépens de la procédure. PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement

Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement déféré

Infirme le jugement déféré

Statuant à nouveau

Déboute la S.A. GOYER et Fils de l'ensemble de ses demandes

Déboute Annie X..., épouse Y... de l'ensemble de ses demandes

Condamne la S.A. GOYER et Fils aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT C. A...

Y. LE GUILLANTON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 2000/00756
Date de la décision : 21/05/2001

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Société fictive.

Une première série de décisions devenues définitives se prononçant sur la simulation, a reconnu un caractère fictif à deux sociétés qui ont été créées par une personne, et a condamné cette dernière à rembourser à une autre société les sommes versée au titre d'un contrat non exécuté. Par la suite, désirant augmenter la surface patrimoniale de son débiteur, la société, créancière par décision de justice de la somme qu'elle avait versé au titre du contrat non exécuté, a sollicité la condamnation du conjoint de la personne condamnée lors de la première instance. Le conjoint, partie au litige du fait de sa présence en cause d'appel, peut se voir opposer comme ayant l'autorité de la chose jugée ce qui a été définitivement tranché, savoir le caractère fictif des sociétés et leur dette à l'égard du cocontractant abusé par la simulation. En effet, les décisions sont recouvertes de l'autorité de la chose jugée, non seulement pour ce qui concerne le dispositif, mais également pour ce qui a trait aux dispositions implicites mais certaines contenues dans ledit dispositif

SOCIETE (règles générales) - Société fictive.

Une fois la fictivité d'une société établie, il importe de rechercher la réalité qui se dissimule sous l'apparence. Dans une instance qui a à se prononcer sur l'obligation du conjoint du créateur d'une société reconnue fictive, le rôle de ce conjoint doit donc être au centre des investigations judiciaires. Cependant, la qualité de gérant ou de directeur général, puis celle de liquidateur amiable d'une société fictive ne signifie pas nécessairement que le conjoint soit impliqué dans les opérations qui ont été à l'origine de la condamnation du créateur de la société dont il s'agit. La réalité est celle d'une activité personnelle du créateur de la société fictive, en tant que négociateur et contractant, et parallèlement d'un cantonnement du conjoint à un simple rôle administratif au sein de la société dont il s'agit. Enfin, la responsabilité délictuelle du conjoint, seul fondement envisageable puisqu'il est tiers au regard des contrats passés par la société fictive, ne peut être envisagée dans la mesure où la responsabilité d'une autre personne a déjà été judiciairement retenue


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2001-05-21;2000.00756 ?
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