COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE FL/CG ARRET N 67 AFFAIRE N : 99/02260 AFFAIRE : X..., Y... C/ BANQUE REGIONALE DE L'OUEST, DI MARTINO Jugement du T.C. LE MANS du 26 Avril 1999
ARRÊT RENDU LE 23 Avril 2001
APPELANTS : Monsieur Robert X... né le 29 Mars 1949 à MARCON (72340) Madame Joùlle Y... née xxxxxxxxxxxxxxxxxx à LE MANS (72000) xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx représentés par Me VICART, avoué à la Cour assistés de Me ASFAR, avocat au barreau d'ANGERS (Aide juridictionnelle du 21/02/2000 TOTALE) INTIMES :
BANQUE REGIONALE DE L'OUEST xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxreprésentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me BEAUFILS, substituant Me NOBILET avocats au barreau du MANS Maître DI MARTINO pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la STE H.T.S. 8 rue des Jacobins 72000 LE MANS assigné, n'ayant pas constitué avoué, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Madame Z... et Monsieur MOCAER, conseillers GREFFIER lors des débats et du prononcé : Madame A..., agent adminis-tratif assermenté faisant fonction de greffier - 2 - DEBATS : A l'audience publique du 26 Février 2001 Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 23 Avril 2001, date indiquée par le Président à l'issue des débats. ARRET : réputé contradictoire
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Par actes du 8 décembre 1997, la Société Anonyme la Banque Régionale de l'Ouest (la BRO) a assigné devant le tribunal de commerce du MANS la Société HAUTE TECHNOLOGIE SERVICES (la Société B...), M. Robert X... et Mme Joùlle Y... aux fins principalement de les entendre condamner solidairement et indivisi-blement à lui payer la somme de 69.488,59 F outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 31 août 1997 jusqu'à parfait règlement.
Elle exposait :
- que la SARL B... est titulaire d'un compte courant n° 59 001 61884 R ouvert sur les livres de la Banque Régionale de l'Ouest,
- qu'à la date du 31 août 1997, ce compte présentait un solde débiteur de 69.488,59 F,
- que suivant actes sous seing privé en date des 21 avril et 9 mai 1995, M. Robert X... et Mme Joùlle Y... se sont portés chacun caution solidaire de l'ensemble des engagements de la SARL B... à hauteur de CENT MILLE FRANCS en principal augmenté des intérêts, commissions, frais et accessoires ;
- que la BRO a été contrainte d'adresser tant à la SARL B... qu'à M. Robert X... et Mme Joùlle Y..., en leur qualité de cautions solidaires, diverses lettres de rappel dont notamment une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 juin 1997,
- que ces mises en demeure n'ont pas été réclamées par leurs destinataires.
Par jugement du 26 avril 1999, le tribunal a :
- déclaré recevable et bien fondée la BRO en ses demandes,
- condamné solidairement et indivisiblement la Société B..., M. X... et Mme Y... en leur qualité de caution à payer à la BRO la somme en principal de 69.488,59 F au titre du solde débiteur du compte n° 59.001.61.884 R,
- jugé qu'il appartiendra à la BRO de recalculer le montant des agios dûs par la Société B... pour les années 96 et 97 au taux légal en vigueur,
- dit que la différence obtenue avec les agios prélevés ainsi que les 3.080,44 F de frais viendront en déduction de la somme de 69.488,59 F et que le montant ainsi obtenu produira intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1997 date de l'assignation avec anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, - 3 -
- débouté la Société B..., M. X... et Mme Y... de leur demande reconventionnelle,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné solidairement et indivisiblement la Société B..., M. X... et Mme Y... à verser à la BRO la somme de 8.000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ,
- condamné conjointement et indivisiblement la Société B..., M. X... et Mme Y... au paiement des dépens.
M. X... et Mme Y... ont interjeté appel de cette décision contre la BRO et Me DI MARTINO pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société B.... *
Par conclusions déposées le 12 septembre 2000, la BRO demande à la Cour de :
- déclarer M. X... et Mme Y... irrecevables, en tout cas non fondés en leurs appel et prétentions, les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement entrepris, sauf à préciser que les condamnations interviennent à la charge solidaire de M. X... et Mme Y..., et font l'objet d'une constatation et fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la Société B... ;
- condamner en outre M. X... et Mme Y... in solidum à lui payer une somme de 10.000 F à titre de dommages-intérêts pour appel et résistance abusifs, outre celle de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes d'écritures déposées le 21 septembre 2000, M. X... et Mme Y... concluent pour entendre :
- infirmer le jugement entrepris,
quant à M. X...
- condamner la BRO à payer à M. X... une indemnité de réparation d'un montant égal à celui de la somme au paiement de laquelle il a été condamné savoir la somme de 69.488,59 F outre intérêts, frais et accessoires à parfaire, déduction faite des frais et agios indûment perçus par la banque, ceci en application de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 et 1382 du code civil ;
quant à Mme Y...
- prononcer l'annulation de l'action de cautionnement souscrit par Mme Y..., ceci en application des article 1108 et 1131 du code civil,
- pour le cas où la Cour dirait valable son cautionnement :
* dire la BRO avoir engagé sa responsabilité envers Mme Y... pour l'avoir sollicitée en un cautionnement manifestement disproportionné à ses ressources (articles 1135 et 1147 du code civil) ; - 4 -
* dire la BRO avoir engagé sa responsabilité envers Mme Y... en rompant, de manière abusive, en violation des prescriptions de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, le découvert dont bénéficiait le débiteur principal ;
* pour ces deux motifs, condamner la BRO à payer à Mme Y... à titre de dommages-intérêts une somme équivalente à celle qu'elle lui réclame, soit 69.488,59 F en principal outre intérêts, frais et accessoires, sauf à parfaire, déduction faite des frais et agios
indûment perçus par la banque, ceci en application de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 et 1382 du code civil ;
quant à M. X... et Mme Y...
- ordonner la compensation des condamnations qui seraient respectivement prononcées entre eux et la BRO ;
- condamner la BRO à payer 15.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ,
- condamner la BRO aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pour ces derniers seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Assigné à sa personne par acte du 29 juin 2000, Me DI MARTINO pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société B... n'a pas constitué avoué.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 octobre 2000. SUR CE M. X... et Mme Y... indiquent qu'il ne s'agit pas pour eux de contester l'existence ou le montant de la créance déclarée par la BRO contre le débiteur principal (la Société B...) mais d'engager la responsabilité de la BRO au titre de la rupture abusive du découvert dont bénéficiait le débiteur principal ainsi que, pour Mme Y..., de contester la validité de son engagement de caution.
Par actes sous seings privés en date respectivement du 21 avril 1995 et du 9 mai 1995, M. X... et Mme Y... sont, l'un et l'autre, portés caution solidaire de tous les engagements de la Société B... envers la BRO à hauteur de 100.000 F en principal augmenté de tous intérêts, commissions, frais et accessoires.
Mme Y... soutient que l'acte de cautionnement par elle souscrit en garantie du solde débiteur de la SARL B... est nul en application des articles 1108 et 1131 du code civil. Elle développe qu'étrangère à la gestion de la SARL B..., elle ne bénéficiait d'aucune contrepartie au
titre du cautionnement ainsi donné.
L'intérêt personnel de la caution dans l'affaire à l'occasion de laquelle elle s'engage, n'est pas une condition de validité de son engagement. - 5 -
Le cautionnement souscrit par Mme Y... n'est pas un contrat synallagmatique mais un contrat unilatéral. Un contrat est unilatéral lorsqu'une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières, il y ait d'engagement. Il s'ensuit que Mme Y... ne peut sérieusement arguer de l'absence de contrepartie à son profit de l'engagement de caution qu'elle a pris envers la BRO.
La cause de l'obligation de la caution est la considération du crédit accordé par le créancier au débiteur principal, qui a bien existé en l'espèce.
Le moyen tiré de la nullité du cautionnement, en application des articles 1108 et 1131 du code civil, ne peut donc prospérer.
Mme Y... prétend encore que la BRO a failli dans l'exécution de ses devoirs professionnels de conseil et de mise en garde, en ne procédant pas à un quelconque examen de sa situation financière et que, par suite, cette banque engage sa responsabilité sur le fondement des articles 1135 et 1147 du code civil, son cautionnement étant manifestement disproportionné eu égard à ses capacités financières.
Mme Y... ne se prévaut pas expressément des dispositions de l'article L313-10 du code de la consommation. En tout état de cause, il appartient à la caution Mme Y... de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement. La consistance de ses biens reste inconnu de même que l'ensemble de sa situation financière dont ne rendent pas compte, pour l'année 1995, l'avis de situation de l'ASSEDIC du 18 mai 1995 et l'avis
d'imposition. A compter de septembre 1993, Mme Y... est devenue propriétaire de 30 parts sociales sur 100 parts de la Société B... Il ressort des actes de cautionnement qu'elle avait le même domicile que M. X..., gérant de la Société B... Le caractère disproportionné de son engagement de caution limité à 100.000 F dans les termes sus rappelés, n'est pas rapporté. Par suite, elle ne prouve pas que la banque a manqué à ses obligations envers elle. C'est donc à tort que Mme Y... prétend obtenir de la banque une somme égale à 50 % du montant de la somme réclamée.
M. X... et Mme Y... arguent de la faute commise par la BRO à laquelle ils reprochent d'avoir procédé à la rupture abusive du concours bancaire dont bénéficiait le débiteur principal, en méconnaissant ainsi les prescriptions d'ordre public édictées par l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984. Ils s'estiment fondés à obtenir sa condamnation, en application de l'article 1382 du code civil, à réparer leur préjudice évalué au montant de la somme qu'elle leur réclame en leur qualité de caution.
Le non respect des dispositions de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit.
C'est en vain que la BRO oppose aux cautions l'autorité de la chose jugée attachée à l'admission de sa créance au passif du débiteur principal la Société B... laquelle porte uniquement sur l'existence et le montant de cette créance. La banque ne peut sérieusement déduire de l'admission de sa créance au passif de la Société B... qu'il ait acquis qu'elle n'a pas commis d'infraction à l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984. - 6 -
Il est établi que le compte de la Société B... a fonctionné en position débitrice en 1996 et en 1997. Par lettre du 13 septembre 1996, la banque lui a rappelé que pour le renouvellement de son
découvert, il lui appartenait ainsi qu'elle lui avait réclamé à maintes reprises de lui communiquer ses documents comptables, faute de quoi elle serait amenée à lui réclamer le remboursement de son découvert dans un délai de deux mois maximum. Par courrier du 27 janvier 1997, la BRO a demandé à la Société B... de régulariser dans les meilleurs délais sa situation, son compte présentant un solde débiteur de 79.530,23 F pour une ligne de caisse de 50.000 F seulement "validité fin mars 1997", faute de quoi, elle ne pourra pas maintenir ses concours ni honorer les sommes présentées en paiement. Par nouveau courrier du 15 avril 1997, la banque a avisé M. X... gérant de la Société B... que le solde débiteur du compte était de 93.103,34 F non compris les agios courus depuis le 1er avril 1997, situation non convenue entre eux et que, dans l'impossibilité de le joindre, elle se voyait dans l'obligation de rejeter deux chèques. Par ce courrier, elle le priait de prendre contact avec elle pour entretien sur le fonctionnement du compte. Ce courrier a été doublé de l'envoi le même jour d'une télécopie priant M. X... B... de prendre contact avec elle, demande déjà faite au moyen de messages téléphoniques. Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 mai 1997 adressée à M. X... B... et non réclamée par ce dernier, la banque a confirmé sa lettre du 15 avril et ses messages laissés sans réponse et l'a informé que le compte litigieux présente un solde débiteur de 72.087,57 F non compris les agios courus depuis le 1er avril 1997 et après passation des achats carte bleue au 30 avril 1997 pour 5.937,71 F sans accord de sa part. Elle lui a demandé de prendre contact avec elle pour convenir d'un rendez-vous. Suite à l'entretien du 12 mai 1997 relatif au fonctionnement du compte de B..., la banque a, par courrier du 13 mai 1997, écrit à M. X... - gérant de cette société, pour prendre bonne note qu'il versera une somme de 30.000 F représentant les provisions de deux chèques et pour lui confirmer
qu'elle reste dans l'attente de la somme de 99.000 F par lui annoncée pour le 20 mai 1997. Suite à la remise du bilan de B... arrêté au 31 décembre 1996, elle l'a avisé qu'après étude de ce document, elle l'informera de la suite réservée au renouvellement de son concours. Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juin 1997 adressée à la Société B..., la banque a constaté qu'en dépit de ses démarches, il ne lui a pas été possible d'obtenir la régularisation de la position du compte en question débiteur de 74.922,86 F outre les agios depuis le 1er avril 1997 et sauf à obtenir une régularisation immédiate, elle l'a informée qu'elle serait dans l'obligation de dénoncer son compte courant au plus tard le 30 juin 1997. Cette lettre n'a pas été réclamée par la Société B... Copie de cette lettre a été adressée le même jour, par lettre recommandée avec avis de réception, aux cautions qui ne les ont pas réclamées. Le 27 août 1997, la banque a fait délivrer à la Société B... une sommation de payer.
En l'occurrence, les lettres de la banque relatives au découvert autorisé et aux conditions de maintien de son concours ne permettent pas de soutenir qu'elle a tacitement accepté des découverts supérieurs à la ligne de découvert rappelée dans son courrier du 27 janvier 1997 non contesté par B... Il est établi qu'au cours de l'année 1997, la Société B... a fait fonctionner son compte à découvert sans tenir compte des demandes de régularisation de la banque laquelle s'est heurtée à maintes reprises à sa carence pour donner suite à ses diverses demandes qui n'avaient rien d'illicites. Au cours de l'année 1997, la Société B... a donc manifesté un comportement gravement répréhensible. Dans ces conditions, la rupture du crédit après l'envoi de la lettre recommandée avec avis de - 7 - réception du 10 juin 1997 n'est pas abusive comme le soutiennent les cautions qui sont malvenues à soutenir que la banque a
artificiellement créé les conditions de mise en oeuvre de leur cautionnement. M. X... et Mme Y... sont mal fondés à obtenir des dommages et intérêts consécutivement à la rupture du crédit intervenue dans les conditions sus relatées qui ne constitue pas un abus de droit susceptible d'engager la responsabilité pécuniaire de la banque. Partant, leur demande de compensation n'est pas fondée.
En définitive, la décision déférée mérite d'être confirmée sauf à préciser, eu égard à l'admission de la créance de la BRO au passif de la Société B..., que les condam-nations prononcées le sont à la charge solidaire de M. X... et Mme Y...
Il n'est pas établi que M. X... et Mme Y... ont abusé d'un droit d'appeler et opposé une résistance abusive aux demandes de la banque, qui sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile , M. X... et Mme Y... seront condamnés in solidum à payer à la BRO une indemnité de 5.000 F pour ses frais irrépétibles en cause d'appel.
L'équité ne commande pas de faire droit au surplus des demandes formées au titre des frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement déféré, sauf à préciser que les condamnations prononcées le sont à la charge solidaire de M. X... et Mme Y..., Y ajoutant,
Condamne in solidum M. X... et Mme Y... à payer à la Société Banque Régionale de l'Ouest une somme de 5.000 F pour ses frais irrépétibles en cause d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne in solidum M. X... et Mme Y... aux dépens d'appel dont le recouvrement s'effectuera conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT C. A...
Y. LE GUILLANTON