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26/02/2001 | FRANCE | N°2000/00271

France | France, Cour d'appel d'Angers, 26 février 2001, 2000/00271


COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE FL/CG ARRET N 30 AFFAIRE N : 00/00271 AFFAIRE : X... C/ S.A. VERCHALY OPTIQUE Jugement du T.C. ANGERS du 17 Décembre 1999

ARRÊT RENDU LE 26 Février 2001

APPELANT : Monsieur Xavier X... 6 rue Nationale 162 49240 AVRILLE représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assisté de Me SULTAN, avocat au Barreau d'ANGERS, INTIMEE : S.A. VERCHALY OPTIQUE 8 bis Boulevard Foch 49100 ANGERS représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me BOISNARD, avocat au Barreau d'ANGERS COMPOSITION DE LA COUR

lors des débats et du délibéré : Monsieur LE GUILLANTON, Président de Ch...

COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE FL/CG ARRET N 30 AFFAIRE N : 00/00271 AFFAIRE : X... C/ S.A. VERCHALY OPTIQUE Jugement du T.C. ANGERS du 17 Décembre 1999

ARRÊT RENDU LE 26 Février 2001

APPELANT : Monsieur Xavier X... 6 rue Nationale 162 49240 AVRILLE représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assisté de Me SULTAN, avocat au Barreau d'ANGERS, INTIMEE : S.A. VERCHALY OPTIQUE 8 bis Boulevard Foch 49100 ANGERS représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Me BOISNARD, avocat au Barreau d'ANGERS COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Madame Y... et Monsieur MOCAER, conseillers GREFFIER lors des débats et du prononcé : Madame Z..., agent adminis-tratif assermenté faisant fonction de greffier DEBATS : A l'audience publique du 15 Janvier 2001 Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 26 Février 2001, date indiquée par le Président à l'issue des débats. ARRET :

contradictoire

* * * - 2 -

Par acte du 21 juin 1999, la Société VERCHALY OPTIQUE a assigné M. X... devant le Président du tribunal de commerce d'ANGERS, statuant en référé, aux fins essentiellement d'entendre :

- vu l'urgence,

vu les articles L 505 et L 508 du Code de la Santé Publique,

vu la jurisprudence afférente,

- dire et juger la Société VERCHALY OPTIQUE recevable et bien fondée en ses demandes,

- en conséquence, condamner M. X... à fermer le site internet par lui ouvert, sous le numéro WWW.CASHOPTIC.COM et ce sous astreinte de 10.000 F par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir,

Elle exposait principalement :

- que la Société VERCHALY OPTIQUE est une société d'optique et de lunetterie installée depuis de nombreuses années à ANGERS ;

- que M. X... exerce une activité totalement concurrente et s'est récemment installé dans le centre commercial "La Croix Cadeau" à AVRILLE où il exploite un commerce à l'enseigne CASHOPTIC ;

- qu'au mois de novembre 1998, elle a eu la surprise de découvrir que M. X... avait ouvert un site internet destiné à commercialiser à bas prix des produits d'optique de grandes marques et plus particulièrement des lentilles de contact ;

- que l'ouverture d'un tel site constitue un acte de concurrence déloyale à l'égard des commerçants d'ANGERS exerçant la même activité et notamment à l'égard de la Société VERCHALY OPTIQUE qui est dès lors bien fondée à demander qu'il soit enjoint à M. X... de le fermer purement et simplement ;

- qu'en effet, la vente à distance de produits d'optique, lunetterie et plus particulièrement de lentilles de contact, est strictement interdite par les dispositions combinées des articles L 505 et L 508 du Code de la Santé Publique et des impératifs de la santé publique ; - que la jurisprudence interdit depuis longtemps la vente à distance d'articles d'optique et de lunetterie.

Par ordonnance du 17 décembre 1999, le Juge des référés à :

- au principal, renvoyé les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront;

- débouté la Société VERCHALY de sa demande de fermeture complète du site Internet ouvert par M. X... sous le numéro WWW.CASHOPTIC.COM ;

- mais déclaré illicite l'offre commerciale sur Internet des lentilles de contact et dit que M. X... devra retirer cette offre

dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, et ce, sous astreinte de 1.500 F par jour de retard, à l'expiration du délai fixé ;

- débouté M. X... de sa demande tendant à ce que soit préalablement posée la question préjudicielle prévue par l'article 177 du Traité ;

- débouté M. X... de sa demande reconventionnelle ;

- débouté les deux parties de leurs demandes d'article 700 ;

- partagé les dépens ;

- rejeté toutes les autres demandes.

M. X... a interjeté appel de cette décision. - 3 -

Par conclusions déposées le 21 juin 2000, il demande à la Cour :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

- de dire la Société VERCHALY non recevable, subsidiairement non fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; l'en débouter ;

- de le décharger des condamnations prononcées contre lui ;

subsidiairement,

- de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse préjudicielle, par application de l'article 177 du traite CE; la CJCE étant saisie pour dire si les dispositions combinées des articles 30, 34 et 36 du traité CE doivent être interprétées en ce sens qu'elles excluent l'interdiction de vente à distance des lentilles de contact ou qu'elles s'opposent à l'application d'une jurisprudence ayant pour effet d'interdire la vente à distance des lentilles de contact ;

en conséquence,

- dire que le dossier sera transmis au Greffe de la Cour de Justice des Communautés Européennes ;

en tout hypothèse,

- de condamner la Société VERCHALY OPTIQUE à cesser la pratique de

vente consistant à offrir des transports gratuits à sa clientèle sous astreinte de 10.000 F par infraction constatée ;

- de condamner la Société VERCHALY OPTIQUE à lui verser la somme de 20.000 F au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

et rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables en tout cas non fondées,

- de condamner la Société VERCHALY OPTIQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Aux termes d'écritures déposées le 25 octobre 2000, la Société VERCHALY OPTIQUE conclut pour voir :

- confirmer l'ordonnance entreprise en son principe et en toutes ses dispositions non contraires aux présentes ;

- faire droit à son appel incident,

- condamner M. X... à lui verser la somme de 5.000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais d'instance ainsi qu'à supporter les dépens d'instance ;

- condamner M. X... à lui verser la somme de 10.000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel;

- condamner M. X... aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 janvier 2001. SUR CE :

La Société VERCHALY OPTIQUE et M. X... exercent une activité concurrente dans le domaine de la vente de produits d'optique. - 4 -

M. X... ne le conteste pas puisqu'il prétend que la procédure initiée par la Société VERCHALY OPTIQUE est destinée à nuire à l'un de ses concurrents, lui en l'espèce. La Société VERCHALY OPTIQUE soutient que son concurrent M. X... emploie un procédé illicite pour la concurrencer déloyalement à savoir un site internet de vente à distance de lentilles de contact, à "l'audience européenne" (cf. conclusions de M. X...) et donc ouvert à tous les clients potentiels de lentilles de contact y compris ceux du Maine et Loire. Elle justifie bien d'un intérêt légitime au succès de sa prétention tendant à faire cesser ce procédé. L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration par la société du bien fondé de l'action.

L'existence d'autres sites internet de vente de lentilles de contact ne supprime pas l'intérêt de la Société VERCHALY OPTIQUE à agir contre son proche concurrent d'AVRILLE.

Le procédé qui consiste pour une partie tenue au respect d'une règle obligatoire à s'en dégager de son propre chef crée un trouble manifestement illicite que le Juge des référés a compétence à faire cesser.

Sur le site litigieux, M. X... offre "une bonne vue à distance" en proposant à bas prix des produits d'optique et surtout des lentilles de contact (cf. Pièce 1 publicité pour le site Internet de CASHOPTIC)..

Les lentilles de contact destinées à corriger les défauts ou déficiences de la vue sont assimilées aux verres correcteurs en ce qui concerne le monopole des opticiens-lunetiers prévu par les articles L 505 et L 508 de la Santé publique, lesquels ont, dans l'exercice de leur profession, une obligation de contrôle et un devoir de conseil répondant aux impératifs de santé publique. La mise en oeuvre par M. X... du procédé sus-décrit de commercialisation à

distance de lentilles de contact au profit de clients physiquement absents ne répond pas aux exigences des articles L 505 et L 508 du code de la Santé Publique, faute de respecter l'obligation de contrôle et le devoir de conseil pesant sur lui en tant que professionnel diplômé bénéficiaire du monopole rappelé.

Les dispositions des articles L 505 et L 508 du code de la Santé Publique sont bien justifiées pour des raisons de protection de la santé des personnes qui, en l'occurrence, ne constitue pas un faux prétexte pour instaurer une discrimination ou une restriction déguisée dans le commerce entre les états membres de la Communauté Economique Européenne. Autrement dit, ces dispositions justifiées sur le fondement de l'exception relative à la protection de la santé publique figurant à l'article 36 du traité de Rome ne sont pas contraires au droit communautaire. C'est donc à bon droit que le Juge des référés a considéré que, sans qu'il soit nécessaire de poser la question préjudicielle souhaitée par M. X... qui ne s'imposait pas, y avoir lieu à faire cesser le trouble manifestement illicite généré par le procédé de vente mis en oeuvre par M. X..., concurrent de la Société VERCHALY OPTIQUE en suspendant, comme dit à la décision déférée, l'usage de ce procédé de commercialisation de lentilles de contact.

Reconventionnellement, M. X... reproche à sa concurrente la Société VERCHALY OPTIQUE de mettre à la disposition de sa clientèle un véhicule avec chauffeur, cette pratique étant interdite en application de l'article L 121-35 du code de la consommation. La recevabilité de sa demande n'est pas utilement discutée. - 5 -

Les services d'un véhicule avec chauffeur sont à priori licites à condition qu'aucune justification d'achat ne soit réclamée aux personnes transportées notamment au retour du point de vente. Si ces personnes étaient obligées d'acheter des produits pour bénéficier de

la gratuité du transport, l'opération s'analyserait en une vente avec prime, pratique interdite.

Or, en l'espèce, il n'est pas établi que les services d'un véhicule avec chauffeur aient été soumis par la Société VERCHALY OPTIQUE à une obligation d'achat imposée aux personnes transportées. A défaut de trouble manifestement illicite engendré par ces transports, c'est justement que le juge des référés n'a pas fait droit à la demande reconventionnelle de M. X... tendant à les faire cesser.

Succombant en première instance et en appel, M. X... sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. Par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, M. X... sera condamné à verser à la Société VERCHALY OPTIQUE une indemnité globale de 8.000 F pour ses frais irrépétibles en première instance et en cause d'appel.

Aucune considération d'équité ne commande de faire droit aux demandes d'indemnités formées en application de ce même texte par M. X... qui succombe. PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme la décision déférée en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt,

La réformant et y ajoutant,

Condamne M. X... à payer à la Société VERCHALY OPTIQUE une indemnité globale de 8.000 F pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. X... aux dépens de première instance et d'appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile par la SCP CHATTELEYN et GEORGE, avoués. LE GREFFIER

LE PRESIDENT C. Z...

Y. LE GUILLANTON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 2000/00271
Date de la décision : 26/02/2001

Analyses

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Concurrence déloyale ou illicite.

Une fois établi le fait que deux commerçants exercent une activité concurrente dans le domaine à monopole de la vente de produits d'optique et compte tenu des articles L.505 et L.508 du Code de la santé publique qui mettent à leur charge une obligation de contrôle et un devoir de conseil, le juge des référés peut considérer à bon droit qu'est constitutif d'un trouble manifestement illicite la vente à distance par le moyen d'un site Internet de lentilles de contacts, laquelle rend impossible le respect de la dite obligation légale

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives à l'importation.

L'interdiction de diffusion Internet des produits de la lunetterie au niveau Européen n'instaure nullement une discrimination ou une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres de la Communauté Européenne, dans la mesure où le devoir de conseil et l'obligation de contrôle sont justifiées par des considérations de protection de la santé publique qui constituent une exception expresse aux dispositions de l'article 36 du Traité de Rome relatif à la liberté de commerce

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Appréciation souveraine.

N'établissant pas que le fait pour un commerçant vendeur de produits d'optique de mettre à la disposition de sa clientèle un véhicule avec chauffeur, serait constitutif d'une obligation d'achat faite aux personnes transportées, ni même d'une vente avec prime prohibée par l'article L.121-35 du Code de la consommation, un concurrent ne saurait valablement solliciter en référé la cessation de ces services sur le fondement d'un trouble manifestement illicite non avéré


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2001-02-26;2000.00271 ?
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