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26/02/2001 | FRANCE | N°2000/00037

France | France, Cour d'appel d'Angers, 26 février 2001, 2000/00037


COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE YM/CG ARRET N

AFFAIRE N : 00/00037 AFFAIRE : SERE DE LANAUZE C/ BELLON, Société SCP X... B..., B... Jugement du T.G.I. LE MANS du 30 Novembre 1999

ARRÊT RENDU LE 26 Février 2001

APPELANT : Monsieur Thierry E... Rue de la Butte 72240 TENNIE représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me F..., avocat au barreau du MANS INTIMES : Monsieur Jacques X... ... 13460 SAINTE MARIE DE LA MER Société SCP "Jacques X... - Denis B... ... 72240 TENNIE représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à l

a Cour assistés de Me Bernard A..., avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur Deni...

COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE COMMERCIALE YM/CG ARRET N

AFFAIRE N : 00/00037 AFFAIRE : SERE DE LANAUZE C/ BELLON, Société SCP X... B..., B... Jugement du T.G.I. LE MANS du 30 Novembre 1999

ARRÊT RENDU LE 26 Février 2001

APPELANT : Monsieur Thierry E... Rue de la Butte 72240 TENNIE représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me F..., avocat au barreau du MANS INTIMES : Monsieur Jacques X... ... 13460 SAINTE MARIE DE LA MER Société SCP "Jacques X... - Denis B... ... 72240 TENNIE représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistés de Me Bernard A..., avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur Denis B... né le 10 Mars 1957 ... 83270 ST CYR SUR MER représenté par Me VICART, avoué à la Cour assisté de Me Y..., avocat au barreau du MANS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS : Monsieur MOCAER, conseiller, a tenu seul l'audience conformément aux articles 786, 910 et 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile. - 2 - GREFFIER lors des débats et lors du prononcé : Madame Z..., agent administratif assermenté, faisant fonction de greffier, COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Madame D... et Monsieur MOCAER, Conseillers, DEBATS : A l'audience publique du 29 Janvier 2001 ARRET : contradictoire Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 26 Février 2001, date indiquée par le Président à l'issue des débats. * * *

Vu les dernières conclusions de Thierry E... du 27 / 10 / 2000

Vu les dernières conclusions de Jacques X... et de la S.C.P. X... B... du 02 / 01 / 2001

Vu les dernières conclusions de Denis B... du 09 / 01 / 2001

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 / 01 / 2001 RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La S.C.P. X... B..., titulaire d'un office notarial à TENNIE ( 72 ), s'est engagée par acte sous-seing privé du 13 janvier 1993 à présenter sa clientèle et céder ses biens matériels à Thierry E... pour une somme globale de 2 700 000 francs. Thierry E... a été nommé notaire à la résidence de TENNIE par arrêté de Monsieur C... en date du 22 janvier 1993.

Le 21 janvier 1998 Thierry E... a assigné Denis B... et Jacques X... en paiement d'une somme de 717.446 francs. Il est appelant du jugement qui l'a débouté de ses demandes et conclut à son infirmation. Il demande à la Cour de dire et juger que le prix de l'office notarial est sujet à réduction comme excessif, de dire que Jacques X... et Denis B..., ès nom et ès qualité, sont responsables d'un manquement à leur devoir d'information et de retard dans la constitution du dossier de nomination et de condamner la S.C.P. X... B..., Denis B... et Jacques X... à lui payer diverses sommes au titre de restitution du prix et de droits d'enregistrement y afférents et de dommages et intérêts. - 3 -

La S.C.P. X... B... et Jacques X... demandent à la Cour de prononcer la nullité de l'appel de Thierry E... à l'encontre de la S.C.P. X... B..., de dire irrecevables et mal fondées son appel et ses demandes et de le condamner à leur payer la somme de 300.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Denis B... demande à la Cour de déclarer irrecevables et infondées l'appel et les demandes de Thierry E... et de le condamner à lui payer la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Chacune des parties forme une demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS Sur la

procédure

Thierry E... a assigné Jacques X... et Denis B... en remboursement du prix payé à la S.C.P. X... B..., mais le 23 novembre 1998 Jacques X... et la S.C.P. X... B... ont fait délivrer des assignations en garantie et les deux procédures ont été jointes à la mise en état. Thierry E... a conclu le 10 septembre 1999 contre la S.C.P. X... B.... Si la jonction ne crée pas en elle-même de lien procédural entre les parties en cause, il n'en va pas de même des conclusions contenant des demandes présentées par l'une des parties contre l'autre au cours d'une instance rendue unique du fait de la jonction.

Dès lors que Thierry E... et la S.C.P. X... B... étaient parties à la même instance pendante devant le Tribunal de grande instance du Mans, qui a rendu en conséquence un seul jugement, que Thierry E... y avait conclu en demandant la condamnation de la S.C.P. X... B..., son appel de ce jugement contre la S.C.P. X... B... est recevable par application de l'article 546 du nouveau Code de procédure civile, et les demandes présentées devant la Cour d'appel, qui sont les mêmes que celles contenues dans les conclusions du 10 septembre 1999, ne sont pas nouvelles et sont donc recevables.

L'acte d'appel est dirigé contre Jacques X..., Denis B... et contre la S.C.P. X... B.... Il en résulte à l'évidence que les intimés sont ceux dont les noms figurent sur l'acte d'appel et qu'ils sont ainsi identifiés avec certitude et à ce titre l'acte d'appel ne peut encourir la nullité.

L'exemplaire de la déclaration d'appel a été renvoyée par la Poste, la S.C.P. X... B... n'étant plus domiciliée à l'adresse figurant au Registre du commerce ; en une telle hypothèse, et en vertu des dispositions des articles 903 et 908 du nouveau - 4 - Code de

procédure civile, une assignation doit être délivrée aux intimés qui n'ont pas constitué avoué ; mais la S.C.P. X... B... l'a fait et en conséquence aucune assignation ne devait lui être délivrée, le but de cette assignation étant de porter à la connaissance de l'intimé l'existence de la procédure de manière à lui permettre d'organiser sa défense, ce qui était déjà fait.

La S.C.P. X... B... fait encore grief à Thierry E... de l'avoir assignée à la personne de son gérant alors qu'elle se trouvait en liquidation et que seul le liquidateur avait qualité pour recevoir l'acte. Même si la S.C.P. X... B... n'avait pas rempli ses obligations de publicité, sa dissolution était connue de Thierry E... puisqu'il lui a adressé le 9 février 1993 un chèque en le précisant ; l'acte aurait donc dû indiquer le liquidateur comme représentant de la S.C.P. X... B... et non pas le gérant.

Mais la personnalité morale de la S.C.P. X... B... survit pendant cette dissolution, de sorte que la seule question posée est celle de la personne physique habilitée à la représenter. Or le liquidateur étant l'un de ses gérants et les deux gérants étant à la cause, et la S.C.P. X... B... ayant constitué et conclu, il en résulte qu'elle a été informée et n'a subi aucun grief de l'erreur commise sur la personne habilitée à la représenter. La nullité ne sera donc pas prononcée. Sur la recevabilité de l'action à l'égard de Jacques X... et Denis B...

Il résulte des dispositions de l'article 1858 du Code civil que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. Aucune action préalable n'a été engagée contre la S.C.P. X... B... dont la personnalité morale survit pendant sa liquidation.

La qualité de liquidateur de l'un des associés ne suffit pas

permettre à Thierry E... de diriger valablement contre lui personnellement une demande de paiement de dettes sociales.

La demande de Thierry E... de restitution du prix par la S.C.P. X... B... est en conséquence irrecevable à l'encontre de ses associés, par contre sa demande en dommages et intérêts, dirigée contre Jacques X... et Denis B... personnellement est recevable. Sur la demande en révision du prix Le droit pour un notaire de présenter à l'agrément de l'autorité publique son successeur est de nature patrimoniale et peut faire l'objet d'une convention comportant une contrepartie financière. Il n'existe aucune règle spécifique et impérative de détermination de cette contrepartie qui dépend donc de la seule volonté des parties. - 5 -

Le Garde des Sceaux conserve cependant le pouvoir de refuser son agrément à la cession d'un office dont le prix lui apparaît anormal par rapport aux usages de la profession et aux conditions économiques locales ( circulaire du 21 mai 1976). Il ne découle nullement de ce principe, contrairement à ce que soutient l'appelant, que les parties à l'acte de cession ont la possibilité de demander la révision du prix pour le mettre en conformité avec ces usages et ces considérations. La même circulaire rappelle de surcroît que le prix de ce type de cession est libéralisé, et l'interprétation par Thierry E... de cette même circulaire va manifestement à l'encontre de ce principe. Entre les parties à la cession, ce sont les règles habituelles en matière de contrats qui s'appliquent, et aucune règle ne permet de réviser un prix, sans invoquer ni de lésion ni de vice du consentement, ce que fait pourtant l'appelant.

Thierry E... sera donc débouté de sa demande en révision du prix. Sur le devoir d'information

L'appelant soutient que les intimés ont manqué à leur devoir d'information et qu'il en est résulté une erreur d'appréciation qui

leur serait imputable et justifierait la condamnation solidaire de la S.C.P. X... B..., de Jacques X... et Denis B... à la restitution du prix et à la réparation de tout dommage.

La demande de dommages et intérêts de Thierry E... à l'encontre de Jacques X... , Denis B... et la S.C.P. X... B... s'analysant, selon Thierry E... en une action en responsabilité délictuelle, ne se prescrit que par dix ans. Selon Thierry E... , le fait dommageable s'est déroulé en 1993, l'action engagée en 1998 n'est donc pas prescrite.

Thierry E... soutient que le prix de la cession est surestimé du fait de la réalisation par la S.C.P. X... B... d'actes en dehors du département de la Sarthe, ce qu'il ignorait et qui entraîné de sa part une erreur d'appréciation. Il ne forme cependant aucune demande en annulation de l'acte pour erreur viciant son consentement, mais soutient que la responsabilité pré contractuelle des intimés est engagée.

Or d'une part un notaire a compétence sur l'ensemble du territoire national et il est donc normal qu'un certain nombre d'actes soient conclus hors du département du siège de l'étude, et d'autre part ces actes ne représentent en l'espèce qu'une faible partie du chiffre d'affaires ( 5,3 % en 1990, 8,3 % en 1991, 6,2 % en 1992 ), de sorte qu'il n'est nullement démontré ni le caractère anormal et inattendu de ce chiffre par rapport à une étude de ce type, ni le préjudice qu'en aurait subi Thierry E... . - 6 -

De surcroît Thierry E... avait l'obligation de se renseigner et il ne soutient ni a fortiori ne démontre que les registres de l'étude auraient été mal tenus ou qu'il n'y aurait pas eu accès de sorte qu'il lui aurait été impossible de s'apercevoir du chiffre d'affaires réalisé hors du département de la Sarthe.

Professionnel avisé d'autre part, ancien clerc de notaire, ancien

Conseil juridique en droit des sociétés, docteur en droit, il disposait de toutes les compétences requises pour examiner la comptabilité et les registres de l'étude, et en appréhender les caractéristiques avant de contracter.

Il ne démontre par aucun document que l'accès à une information quelconque à un registre quelconque, à un acte quelconque lui ait été refusé ou qu'il ait été empêché d'opérer les vérifications qui lui semblaient nécessaires. Certes le vendeur a un devoir d'information à l'égard de l'acquéreur, mais ce devoir porte non sur les caractères de la chose vendue dont l'acheteur diligent doit lui-même se rendre compte, mais sur les particularités qui resteraient normalement cachées si son attention n'avait été particulièrement attirée sur elles. En l'espèce, il n'existe aucune de ces particularités. Sur le prétendu retard dans la constitution du dossier

Il résulte des pièces produites que dans un premier temps la cession a été prévue sous forme de vente des parts sociales de la S.C.P. X... B..., ce que le Garde des Sceaux a refusé le 9 juillet 1982. Le projet avait été préparé tant par S.C.P. X... B... que par Jacques X... et Denis B... , tous professionnels aguerris du droit des affaires, et ce projet n'avait rien aberrant dans la mesure où il résulte de l'article 1844 - 5 du code civil que la réunion de toutes les parts sociales dans une même main n'entraîne pas sa dissolution.

Il appartient cependant au Garde des sceaux d'exercer, dans le cadre de l'agrément à la cession, et dans les conditions qui lui paraissent opportunes, son contrôle. Ainsi le refus d'agrément relève-t-il des seules prérogatives de la puissance publique et ne saurait être imputé aux intimés. A la suite de ce refus, la cession de l'office a été préparée dans les conditions de diligence normales.

Thierry E... sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts. * - 7 -

Il n'est pas démontré que Thierry E... , en engageant cette procédure a commis une faute engageant sa responsabilité et en conséquence Jacques X... , Denis B... et la S.C.P. X... B... sont déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Thierry E... sera condamné à payer à Jacques X... et à la S.C.P. X... B... la somme globale de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, et à Denis B... la somme de 8 000 francs même titre. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement

Déclare irrecevable Thierry E... en ses demandes de condamnation de Jacques X... et Denis B... au paiement des dettes sociales

Confirme pour le surplus le jugement déféré

Additant

Déboute la S.C.P. X... B... de sa demande en dommages et intérêts Condamne Thierry E... à payer à Jacques X... et à la S.C.P. X... B... la somme globale de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à Denis B... la somme de 8.000 francs au même titre

Condamne Thierry E... aux dépens d'appel et en autorise le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile LE GREFFIER

LE PRESIDENT C. Z...

Y. LE GUILLANTON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 2000/00037
Date de la décision : 26/02/2001

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Société civile professionnelle titulaire d'un office notarial

Doit être débouté le notaire sollicitant la révision judiciaire du prix versé à son prédécesseur au titre du droit patrimonial de présentation, alors même que n'est pas avancée l'existence d'un vice du consentement ni d'une lésion et qu'il y a lieu d'appliquer les règles habituelles en matière de contrat, où la volonté est la loi des parties. Et c'est également en vain que l'acquéreur se prévaut du prétendu droit pour les parties à l'acte de vente de demander la révision judiciaire du prix de cession de l'office notarial sur le fondement d'une réglementation au terme de laquelle le garde des Sceaux seul conserve la possibilité de refuser son agrément à la cession d'un office dont le prix lui paraît anormal, étant précisé que cette réglementation rappelle le principe de la libéralisation des prix de ce type de cession


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2001-02-26;2000.00037 ?
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