COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B YM/ALH ARRET N AFFAIRE N :
99/01378 AFFAIRE : Françis X... Y..., Philippe X... Y... C/ Aline Z... épouse X... Y... A... du T.G.I. SAUMUR du 30 Avril 1999
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2000
APPELANTS : Monsieur Françis X... Y... né le xxxxxxxxxxxxxxxxà ROYAN (17200) xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx 13122 VENTABREN Monsieur Philippe X... Y... né xxxxxxxxxxxxxxxxxxx à BORDEAUX (33000) xxxxxxxxxxxxxxxxxx 75001 PARIS représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour, assistés de Maître PASCAL, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE, INTIMEE : Madame Aline Z... épouse X... Y... née le xxxxxxxxxxxxxxxxANNECY (74000) xxxxxxxxxxxxxxxx49400 SAUMUR représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour, assistée de Maître de ROMANS, avocat au barreau de SAUMUR, COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Monsieur CHESNEAU, Président de Chambre, Monsieur B... et Madame BARBAUD, Conseillers, GREFFIER lors des débats et du prononcé de l'arrêt :
Madame C..., DEBATS : A l'audience publique du 18 Octobre 2000 à 14 H 00, ARRET : contradictoire, Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 29 Novembre 2000, à 14 H 00 date indiquée par le Président à l'issue des débats. *** ACTE INTRODUCTIF D'INSTANCE
Par acte d'huissiers du 24 décembre 1997, Monsieur Françis D... a assigné Madame Aline Z... épouse X... -Y..., aux fins de :
Entendre ordonner le partage de la succession de Monsieur Franck D... né le 27 novembre 1910, décédé à SAUMUR le 28 janvier 1995.
Voir constater que le testament olographe du défunt en date du 27 mai 1993 par lequel il lègue à sa seconde épouse le tiers de l'ensemble
de ses biens et l'usufruit des meubles meublants, constitue un dépassement de la quotité disponible entre époux en présence de 2 enfants légitimes d'un premier lit.
Entendre dire et juger que les avantages matrimoniaux résultant du contrat de mariage, conformément à l'article 1527 du Code Civil, sont des donations réductibles.
Entendre dire et juger que l'actif successoral comprend, outre l'actif retenu par Me MARTINEAU, l'ensemble des fonds mis à disposition de son épouse par le défunt pour l'achat et la restauration d'un immeuble situé 33, rue d'Alsace à Saumur, l'achat d'un immeuble aux Baléares et la constitution du portefeuille de titres et valeurs dont l'épouse est seule titulaire auprès du CIO et de la Caisse d'Epargne sous réserve d'amplier à l'issue des opérations d'investigations en cours, soit une somme de 3.073 406,75 F (à parfaire).
Entendre renvoyer devant tel notaire qu'il plaira au Tribunal de désigner pour les opérations de comptes et partages et pour dresser inventaire au domicile du défunt.
Ordonner à Madame veuve D... de délivrer le legs dont il bénéficie à Monsieur Philippe D....
Entendre dire et juger que les souvenirs de famille constitués par les tableaux exécutés par le grand-père des requérants seront remis à ces derniers à charge de se les partager.
Voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
S'entendre condamner au paiement de la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût des constats de Me GLOTIN et GRISILLON et le coût de l'inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire sur l'immeuble 33, rue de Saumur, inscription volume 1997 V n°1532 - dépens distraits au profit de Me FUHRER, avocat, sur
son affirmation de droit.[* A... DEFEREE A LA COUR
Par jugement du Tribunal de Grande Instance de SAUMUR du 30 avril 1999, il a été statué en ces termes :
Dit que le sort des créances entre époux est soumis à la règle édictée par l'article 60 de la loi du 23 décembre 1985.
Invite les parties à s'expliquer sur les conséquences de l'applicabilité du contrat de mariage au sort des immeubles et des valeurs et titres dont Madame D... est titulaire.
Enjoint également à Madame Z... veuve D... de conclure sur l'ensemble des questions soulevées par les demandeurs.
Renvoie devant le Juge de la Mise en Etat à la conférence du 12 mai 1999 à 14 heures.
Réserve les dépens. *]
Vu les dernières conclusions de Aline Z... du 25 / 05 / 2000 ;
Vu les dernières conclusions de Francis et Philippe X... Y... du 26 / 10 / 1999 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 / 09 / 2000 ; RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Franck X... Y... et Claudine PATOU se sont mariés le 28 janvier 1927. De cette union sont nés deux enfants, Francis et Philippe X... Y... Le Tribunal civil de Nice a prononcé le divorce des époux X... Y... / PATOU le 23 mai 1957.
Le 12 août 1957, Franck X... Y... épousait Aline Z..., le mariage étant précédé d'un contrat par lequel ils optaient pour le régime de séparation de biens. Aucun enfant n'est issu de cette union. Franck X... Y... est décédé le 28 janvier 1995, laissant un testament en faveur de Aline Z....
Le 24 décembre 1997 Francis et Philippe X... Y... ont assigné Aline Z... en partage de la succession demandant notamment de
calculer la créance de leur père sur Aline Z... pour avoir mis à sa disposition les fonds nécessaires pour l'acquisition et la restauration d'un immeuble à Saumur, et ce conformément aux articles 1543, 1469 et 1479 du Code civil. Aline Z... a conclu à l'irrecevabilité de cette demande au motif que ces textes ne seraient pas applicables.
Francis et Philippe X... Y... sont appelants du jugement qui a dit que le sort des créances entre époux est soumis à la règle édictée par l'article 60 de la loi du 23 décembre 1985 et a invité les parties à s'expliquer. Ils demandent à la Cour de l'infirmer, de dire qu'en application de l'article 59 de la loi du 23 décembre 1985 et en l'absence de disposition particulière dans le contrat de mariage du 10 août 1957, les créances dont le de cujus était titulaire sur son épouse sont soumises aux articles 1469, 1479 et 1543 du Code civil.
Aline Z... conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande la condamnation des appelants à lui payer la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts.
Chacune des parties forme une demande d'indemnisation sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS
La loi du 23 décembre 1985 a introduit dans le Code civil un certain nombre de textes et notamment l'article 1543 ainsi rédigé :
" Les règles de l'article 1479 sont applicables aux créances que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre ",
l'article1479 ainsi rédigé :
Les créances personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre sont, sauf convention contraire des parties, " évaluées selon les règles de l'article 1.469 troisième alinéa dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation ",
et l'article 1469 en son troisième alinéa, qui donne les modalités de calcul de la récompense, laquelle ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur.
Quant à l'application de ce texte aux contrats de mariage antérieurement conclus, l'article 59 de la loi du 23 décembre 1985 est ainsi rédigé :
" Sous réserve des accords amiables déjà intervenus et des décisions judiciaires passées en force de chose jugée, les règles nouvelles relatives aux récompenses, aux prélèvements et aux dettes entre époux seront applicables dans tous les régimes matrimoniaux non encore liquidés à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi ".
L'article 60 de la même loi est ainsi rédigé :
" Si les époux avaient fait un contrat de mariage avant l'entrée en vigueur de la présente loi, les stipulations de leur contrat non contraires aux dispositions des articles 1er à 6 de la présente loi demeurent applicables ".
Aline Z... soutient que l'article 60 s'applique, puisqu'il a été fait un contrat de mariage, et que cet article exclut l'application de l'article 59, de sorte que sont seules applicables les dispositions du contrat de mariage, celles des articles 1453,1469 et 1479 ne l'étant pas. Francis et Philippe X... Y... soutiennent au contraire que les règles nouvelles sont applicables à tous les régimes non liquidés à l'entrée en vigueur de la loi, et donc à celui-ci. *
Il résulte de la combinaison des articles 59 et 60 de la loi du 23 décembre 1985 précités que tous les régimes matrimoniaux non liquidés sont soumis à la loi nouvelle, hormis ceux qui contiennent des dispositions contraires au texte de la loi nouvelle même, et
seulement pour ces dispositions, à quelques exceptions près qui sont hors du présent litige.
Faire de l'article 60 en effet, qui vise les contrats de mariage, une exception à l'article 59 revient à limiter l'application de ce dernier au seul régime légal, ce qui est incompatible avec le texte même de celui-ci qui vise "tous les régimes matrimoniaux non liquidés ", et qui a donc une portée générale. L'article 60 exclut seulement de l'application de l'article 59 les dispositions contractuelles antérieures qui seraient contraires aux dispositions nouvelles . Il ne contient aucune ambigu'té.
La question se pose donc seulement de savoir si le contrat de mariage des époux X... Y... / Z... contient des dispositions contraires aux articles 1469, 1479 et 1543 introduits dans le Code civil par la loi du 23 décembre 1985.
Aline Z... soutient l'affirmative en se basant sur le paragraphe 3 du contrat de mariage ainsi rédigé :
" Chacun des époux sera réputé propriétaire des vêtements, linges, bijoux et autres objets à usage personnel, et la reprise en sera exercée par lui ou ses héritiers et représentants, lors de la dissolution du mariage quelle que soit leur importance.
" ( . ) À titre de convention de mariage, et pour le cas seulement de dissolution de mariage par le décès de l'un ou l'autre des époux, tous les meubles et objets corporels, existant dans le ou les logements communs des époux y compris vêtements, linge, bijoux autres objets à usage personnel seront réputés appartenir au survivant qu'il y ait ou non des enfants et sans que les héritiers et représentants de l'époux prédécédé puisse réclamer quoi que ce soit de ce chef.
" Les valeurs nominatives, les créances ou immeuble appartiendront à celui des époux qui en sera titulaire.
" Les biens de même nature qui seront au nom des deux seront réputés
appartenir à chacun pour moitié.
" Quant aux espèces, billets de banque ou valeur au porteur, en sera propriétaire celui des époux qui les aura en sa possession dans son portefeuille ou dans des meubles à son usage particulier ou au nom duquel ils seraient déposés dans un établissement de crédit ou une banque ".
Ce texte contient des dispositions relatives aux présomptions de propriété, mais n'en contient aucune relative aux modalités de calcul des récompenses ou d'évaluation des créances entre époux. Il ne contient donc aucune disposition contraire aux articles 1469, 1479 et 1543 qui concernent uniquement ces modalités de calcul et qui sont donc applicables.
Le jugement déféré sera en conséquence réformé, et les parties invitées à conclure au fond devant la Cour en raison de l'effet dévolutif de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement.
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau
Dit que le sort des créances entre les époux X... Y... / Z... est soumis aux règles édictées par l'article 59 de la loi du 23 décembre 1985 et les articles 1469, 1479 et 1543 du Code civil, dans leur rédaction issue de la même loi. Constate que par l'effet dévolutif de l'appel, le litige est transféré en sa totalité à la Cour et invite en conséquence Aline Z... à conclure sur les demandes présentées par Francis et Philippe X... Y... et contenues dans leur assignation du 24 Décembre 1997, et ces derniers à y répondre. Renvoie la cause et les parties à la mise en état. Réserve les autres demandes.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT D. C...
J. CHESNEAU