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21/06/2000 | FRANCE | N°1999/00029

France | France, Cour d'appel d'Angers, 21 juin 2000, 1999/00029


COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B YM/OJ ARRET N AFFAIRE N :

99/00029 AFFAIRE : X... C/ Y... Décision du T.G.I. LE MANS du 15 Décembre 1998

ARRÊT DU 21 JUIN 2000

APPELANTE : Madame Gisèle X... épouse BECHU née le 28 Septembre 1932 à MAYET (72360) Garnache 72360 MAYET représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me MOINE, substituant Me PIGEAU, avocats au MANS Aide Juridictionnelle Partielle 70% du 22 Mars 1999 INTIME : Maître Jean-Louis Y... 26 boulevard René Levasseur 72000 LE MANS représenté par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, av

oués à la Cour assisté de Me HERON, avocat au MANS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES...

COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B YM/OJ ARRET N AFFAIRE N :

99/00029 AFFAIRE : X... C/ Y... Décision du T.G.I. LE MANS du 15 Décembre 1998

ARRÊT DU 21 JUIN 2000

APPELANTE : Madame Gisèle X... épouse BECHU née le 28 Septembre 1932 à MAYET (72360) Garnache 72360 MAYET représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Me MOINE, substituant Me PIGEAU, avocats au MANS Aide Juridictionnelle Partielle 70% du 22 Mars 1999 INTIME : Maître Jean-Louis Y... 26 boulevard René Levasseur 72000 LE MANS représenté par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assisté de Me HERON, avocat au MANS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Monsieur CHESNEAU, Président de Chambre, Monsieur MOCAER et Madame BARBAUD , Conseillers GREFFIER lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame PRIOU DEBATS : A l'audience publique du 24 Mai 2000 à 14 H 00 ARRET : contradictoire Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 21 Juin 2000, à 14 H 00 date indiquée par le Président à l'issue des débats. - 2 -

ACTE INTRODUCTIF D'INSTANCE

Par acte d'huissiers du 29 décembre 1997, Mme Gisèle X... veuve BECHU a assigné Me Jean-Louis Y..., aux fins de :

- dire et juger qu'en prêtant son concours à l'établissement de l'acte authentique du 30 octobre 1984, Me Jean-Louis Y... a engagé sa responsabilité professionnelle pour manquement à son devoir de conseil vis à vis de Mme X... veuve BECHU ;

- en conséquence, condamner Me Y... à réparer l'intégralité du préjudice subi par cette dernière ;

- condamner Mme Y... à verser à Mme X... veuve BECHU une somme de 334 330 F à titre de dommages-intérêts ;

- condamner également Me Y... à verser une indemnité de 15 000 F au

titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, et ce en toutes ses dispositions ;

- condamner d'autre part Me Y... en tous les dépens qui seront recouvrés par la SCP MEMIN PIGEAU BOUCHERON NOBILET BEAUDOUIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

DECISION DEFEREE A LA COUR

Par jugement du tribunal de grande instance du MANS du 15 décembre 1998, il a été statué en ces termes :

- déclare Gisèle X... veuve BECHU irrecevable en ses fins et conclusions ;

- la condamne aux frais et dépens qui seront recouvrés par la S.C.P. LORRAIN - HAY - LALANNE - GODARD - HERON, dans les conditions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. * * * - 3 -

Vu les dernières conclusions de Gisèle X... du 18 / 04 / 2000.

Vu les dernières conclusions de Jean-Louis Y... du 07 / 04 / 2000. Vu l'ordonnance de clôture en date du 02 / 05 / 2000.

MOTIFS

Gisèle X... était propriétaire d'un bâtiment ancien situé en la commune de MAYET. Elle l'a cédé le 30 octobre 1984 à Monsieur et Madame Z... par acte au rapport de Maître Jean-Louis Y... notaire au MANS, pour une somme de 176 000 francs, les frais, soit 26000 francs restant à sa charge. N'ayant pas été payée, elle a obtenu de la Cour d'appel d'ANGERS l'annulation de la vente mais n'a pu récupérer son bien qui avait été saisi par un créancier de l'acheteur, qui avait fait inscrire une hypothèque.

Reprochant à Maître Jean-Louis Y... un manquement à son devoir de conseil, elle l'a assigné devant le Tribunal de Grande Instance du MANS. Elle est appelante du jugement qui a déclaré son action prescrite et conclut à son infirmation, demande que son action soit déclarée recevable, et de condamner Maître Jean-Louis Y... à réparer l'entier préjudice subi. Elle forme enfin une demande de 15 000 francs sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Maître Jean-Louis Y... conclut à la confirmation du jugement et demande à la Cour de dire qu'il n'a commis aucune faute en relation avec le préjudice et subsidiairement de le décharger de toute responsabilité en raison de la faute commise par Gisèle X....

Sur la recevabilité

La responsabilité d'un notaire pour un manquement au devoir de conseil auprès d'un client est de nature contractuelle et non délictuelle car le devoir de conseil est une suite de l'obligation contractuelle consistant en l'espèce en la rédaction d'un acte de vente.

La prescription décennale de l'article 2270- 1 du Code civil ne s'appliquant qu'aux actions en responsabilité civile délictuelle ou quasi - délictuelle, l'action de Gisèle X... n'est donc pas prescrite et est recevable.

Au fond

Gisèle X... reproche à Maître Jean-Louis Y... de ne pas avoir prévu à l'acte un privilège de vendeur et une clause résolutoire en cas de défaut de paiement du prix. Elle lui reproche encore de ne pas avoir attiré son attention sur les risques que comportait cette opération dont il soupçonnait l'irrégularité. - 4 -

Mais le prix devait être réglé au jour de la vente comme le démontre l'acte notarié du 30 octobre 1984 dont les mentions dactylographiées

en ce sens ont été rayées et modifiées à la main. C'est ainsi qu'en page 8, avec renvoi en fin d'acte, on peut lire : " Lequel prix l'acquéreur a à l'instant payé comptant en dehors de la comptabilité du notaire au vendeur qui le reconnaît et lui en consent bonne et valable quittance", la modification essentielle ayant porté sur le paiement qui, prévu en la comptabilité du notaire, est devenu hors de cette comptabilité.

Gisèle X... a ainsi apposé sa signature au bas d'un acte où elle reconnaît de manière claire et dépourvue d'équivoque avoir reçu un prix alors qu'elle établit, notamment par un jugement de condamnation de Monsieur Z... pour escroquerie, qu'elle ne l'a jamais reçu. Elle n'explique aucunement cette attitude.

Maître Jean-Louis Y... écrira plus tard ( 06 / 05 / 1987 ) à Monsieur le Président de la Chambre des Notaires de la SARTHE qui l'interrogeait à la suite d'une démarche de Gisèle X... : " Il est certain que je ne me suis pas méfié d'une escroquerie et qu'au contraire je pensais que le prix payé était supérieur à celui indiqué dans l'acte ".

Gisèle X... affirme qu'elle avait déclaré au notaire que le prix de vente serait payé " par mensualités ", mais elle est contredite par l'assignation qu'elle a elle-même fait délivrer le 10 septembre 1985 aux époux Z... et qui contient une version très différente et parfaitement conforme à celle de Maître Jean-Louis Y... : " Attendu qu'en réalité, le jour de la signature les défendeurs n'ont effectué aucun versement, indiquant au tout dernier moment à la requérante qu'ils lui transmettraient celui-ci dans les jours qui suivraient, mais que pour ne rien changer à l'acte, il était préférable de porter dans celui-ci que le prix avait été réglé antérieurement.

Attendu que pleinement confiante en la promesse des défendeurs, la

requérante accéda à leur demande.

Attendu que c'est, dans ces conditions, que l'acte fut modifié au moment de la signature, en ce qui concerne les conditions de paiement."

Gisèle X... reconnaît ainsi clairement avoir affirmé au notaire qu'elle avait perçu directement le prix. Dès lors celui-ci, qui n'avait aucune raison de ne pas croire sa propre cliente dont il n'est ni démontré ni même soutenu qu'elle soit ou ait été à l'époque faible et influençable, a passé l'acte. - 5 -

Il ne peut-être sérieusement soutenu qu'il devait refuser de le faire sur un simple soupçon de dissimulation d'une partie du prix qui ne reposait sur aucun élément matériel, et qui d'ailleurs s'avérait non fondé. Le conseil qu'il se devait de donner, face à la situation qui lui était présentée par sa cliente, était donc, non pas d'inclure dans l'acte un privilège de vendeur qui apparaissait totalement inutile, mais d'éviter un complément de prix occulte.

Un tel conseil aurait été bien inutile.

Maître Jean-Louis Y... n'est donc pas à l'origine du préjudice subi par Gisèle X... qui a eu le tort de faire plus confiance aux époux Z... qu'elle connaissait ou croyait connaître qu'à son notaire, et sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement.

Infirme le jugement déféré.

Déclare Gisèle X... recevable en son action à l'encontre de Maître Jean-Louis Y....

Au fond l'en déclare mal fondée et la déboute de toutes ses demandes. La condamne aux entiers dépens et en autorise le recouvrement dans les conditions prévues par l'article 699 du nouveau Code de procédure

civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT D. PRIOU

J. CHESNEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 1999/00029
Date de la décision : 21/06/2000

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Action en responsabilité.

L'action en responsabilité intentée par la personne qui cède un bien immobilier contre le notaire, auteur de l'instrumentum, à raison du non respect de l'obligation de conseil de l'officier public, est de nature contractuelle et non délictuelle, dans la mesure où elle est une suite de l'obligation elle-même contractuelle du notaire relativement à la rédaction de l'acte. Par voie de conséquence, la prescription décennale de l'article 2270-1 du Code civil qui ne trouve à s'appliquer qu'aux seules actions en responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, ne saurait jouer en l'espèce et l'action du vendeur doit être dite recevable

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Vente - Immeuble.

Le devoir de conseil du notaire qui instrumente ne saurait comporter obligation pour celui-ci de prévoir les conséquences des irrégularités voulues par le vendeur d'un bien immobilier. Celui-ci ne saurait se plaindre de ce que le notaire n'aurait pas fait diligence en ne prévoyant pas à l'acte de vente un privilège de vendeur ainsi qu'une clause résolutoire en cas de défaut de paiement du prix, dés lors que les deux parties s'étaient mises d'accord pour retarder le paiement, sans pour autant faire apparaître cette modification des conditions de paiement sur l'acte notarié et même en affirmant au notaire que le prix de vente serait versé par mensualités. Il s'ensuit que le notaire n'étant pas à l'origine du préjudice subi par le vendeur, ce dernier devra être débouté de ses prétentions indemnitaires


Références :

Code civil, article 2270-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2000-06-21;1999.00029 ?
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