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15/05/2000 | FRANCE | N°1998/02498

France | France, Cour d'appel d'Angers, 15 mai 2000, 1998/02498


COUR D'APPEL D'ANGERS 3ème CHAMBRE YLG/SM ARRET N

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AFFAIRE N : 98/02498 AFFAIRE : STE DIMAC C/ X... Jack Jugement du Tribunal de Commerce d'ANGERS du 07 Octobre 1998

ARRÊT RENDU LE 15 Mai 2000

APPELANTE : STE DIMAC Rue de la Bate 49380 CHAVAGNES LES EAUX Représentée par la SCP CHATTELEYN et GEORGE, avoués, Assistée de Maître BUFFET, avocat au barreau d'ANGERS. INTIME : Monsieur Jack X... 18 route de Gée 49250 BEAUFORT EN VALLEE Représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués, Assisté de Maître Christian BEUCHER,

avocat au barreau d'ANGERS. COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIB...

COUR D'APPEL D'ANGERS 3ème CHAMBRE YLG/SM ARRET N

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AFFAIRE N : 98/02498 AFFAIRE : STE DIMAC C/ X... Jack Jugement du Tribunal de Commerce d'ANGERS du 07 Octobre 1998

ARRÊT RENDU LE 15 Mai 2000

APPELANTE : STE DIMAC Rue de la Bate 49380 CHAVAGNES LES EAUX Représentée par la SCP CHATTELEYN et GEORGE, avoués, Assistée de Maître BUFFET, avocat au barreau d'ANGERS. INTIME : Monsieur Jack X... 18 route de Gée 49250 BEAUFORT EN VALLEE Représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués, Assisté de Maître Christian BEUCHER, avocat au barreau d'ANGERS. COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur LE GUILLANTON, Président de Chambre, Monsieur JEGOUIC et Monsieur GUILLEMIN, Conseillers GREFFIER : Madame LECOMTE DEBATS : A l'audience publique du 03 Avril 2000 Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 15 Mai 2000, date indiquée par le Président à l'issue des débats. ARRET : contradictoire

EXPOSE DU LITIGE

PROCEDURE

Pour l'exposé du litige, il est fait référence à l'arrêt avant dire droit en date du 31 janvier 2000 ainsi qu'aux écritures des parties en dates des 29 mars et 3 avril 2000 ; MOTIFS DE LA DECISION SUR LA DEMANDE PRINCIPALE DE MONSIEUR X...

Attendu que Monsieur X..., Président du Conseil d'Administration de la Société DIMAC, n'établit pas que sa révocation soit constitutive d'un abus de doit pour avoir été prononcée dans des circonstances manifestement brutales, abusives et vexatoires

Qu'il n'y a pas eu en l'espèce, publicité donnée à la mesure de

révocation, ni à ses motifs, brusquerie ou hâte pouvant laisser croire à des agissements malhonnêtes du mandataire social ;

Qu'en particulier, nulle information n'a été fournie au personnel de l'entreprise; que le véhicule de fonction de Monsieur X... et les autres effets appartenant à l'entreprise n'ont pas été repris ni même réclamés, celui-ci ayant choisi lui-même la date et les modalités de leur restitution ; qu'il était ainsi exclu que l'on pu croire à des agissements indélicats de sa part, la Société DIMAC ayant consentie à ce qu'il conserve les avantages de sa fonction jusqu'à la date qu'il lui conviendrait ;

Que la mesure de révocation a été exécutée dans des conditions normales, sans brutalité particulière ni intention ou volonté quelconque de dénigrement ;

Qu'aucun élément du dossier ne laisse présumer que la réputation de l'appelant ait été atteinte;

Que du reste, ce dernier a adressé une correspondance à la Société DIMAC, seulement deux mois après les faits ; que s'il jugeait alors sa révocation contestable, il ne mentionnait nullement l'existence de circonstances injurieuses ni d'une atteinte à sa réputation ou à son honnêteté ;

Que sa révocation a été précédé de négociations et que la Société DIMAC a même motivée la décision prise alors qu'elle n'en était pas tenue ;

Que la seule ancienneté de Monsieur X... au sein de l'entreprise ne lui donnait pas un droit acquis à bénéficier d'un "préavis" ;

Qu'afin de n'occasionner aucun préjudice à celui-ci, la Société DIMAC a pris le soin d'utiliser le terme de"changement d'Administrateur" lors de l'Assemblée Générale Ordinaire du 14 octobre 1997 ; que le changement d'Administrateur impliquait nécessairement la révocation de l'appelant, comme ce dernier ne pouvait l'ignorer ;

Attendu qu'au demeurant, la Société DIMAC avait de justes motifs de vouloir se séparer de Monsieur X..., compte tenu de la difficulté relative aux contrats d'assurance lui bénéficiant exclusivement (souscription sans autorisation du Conseil d'Administration dont fait état la décision de révocation ) ;

Attendu que dès lors, les Premiers Juges ont estimé à tort qu'il y avait eu "révocation brutale prévue à l'avance" de Monsieur X..., de nature à jeter la suspicion sur lui auprès du personnel de l'entreprise et de son entourage ;

Que la révocation ad nutum des mandataires sociaux est par essence d'application immédiate ; qu'elle n'a pas à faire l'objet d'un préavis, d'un délai de prévenance ou s'accompagner de mesure de préparation du personnel de l'entreprise et de l'entourage ;

Que seules les circonstances, dans lesquelles elle a été prononcée, pourraient être considérées comme constitutives d'un abus de droit ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, ainsi qu'il a été sus-démontré ;

Attendu que Monsieur X..., qui n'a adressé une mise au point à la Société intimée que deux mois seulement après sa révocation, ne rapporte pas la preuve d'un abus de droit ni d'un préjudice moral pour atteinte à sa réputation ou à son honnêteté;

Qu'il ne justifie pas non plus d'un préjudice financier en relation avec la perte d'une rémunération qu'il n'avait pas vocation à conserver indéfiniment en raison du principe de révocabilité ad nutum des mandataires sociaux ; qu'il n'avait aucun droit acquis à bénéficier de revenus et cotisations de retraites qui n'étaient versés qu'à raison seulement de fonctions révocables à tout moment ; Attendu que par ailleurs, l'appelant ne saurait se prévaloir du bénéfice d'une prime de résultat ;

Que lors de sa réunion du 28 janvier 1997, le Conseil d'Administration de la Société DIMAC a décidé et voté la suppression de la prime de bilan auparavant versée au Président du Conseil d'Administration ; qu'à l'occasion de la même réunion, le Conseil d'Administration a retenu le principe d'une prime de résultat, calculée de la même façon que pour les Directeurs Généraux, selon les modalités prévues par délibération de l'Assemblée Générale des actionnaires en date 23 avril 1998 ;

Que toutefois, cette dernière délibération en date du 23 avril 1998 mentionnait l'existence d'une prime exceptionnelle accordée à chacun des administrateurs et non d'une prime de résultat ; que cette prime exceptionnelle n'était pas d'un montant identique pour chacun des deux Directeurs Généraux concernés ; qu'elle a été également versée à deux autres administrateurs qui n'exerçaient pas les fonctions de Directeur Général ;

Que dans ces conditions, Monsieur X... ne saurait, se prévaloir du versement d'une prime exceptionnelle aux administrateurs pour pouvoir prétendre bénéficier d'une prime identique à celle des administrateurs exerçant en outre des fonctions de Directeur Général ; qu'il ne peut y avoir généralisation à son profit d'avantages bien particuliers et spécifiques, ne correspondant pas à son cas ni à son statut;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIETE DIMAC

Attendu qu'en ce qui concerne cette demande, Monsieur X... soutient que lors de l'Assemblée Générale du 23 avril 1997 les comptes de l'exercice clos au 31 octobre 1996, révélant les cotisations versées à son bénéfice au titre du contrat Record III, ont été approuvés ;

Que cependant, la pièce versée aux débats par l'appelant qualifiée de"compte rendu d'Assemblée Générale ordinaire du 23 avril 1997,"est

dépourvue de toute force probante comme n'étant pas signée du( Président) X..., du Scrutateur Monsieur CHUPIN et du secrétaire Monsieur FILLON ;

Que la seule signature de l'un des deux scrutateurs (Madame COUTELEAU ) ne saurait rendre ce document valide ; qu'il en est de même de son annexion au registre de la Société DIMAC, cette simple formalité matérielle ne suffisant pas à authentifier ou ratifier son contenu ;

Que n'étant pas signé des parties qui auraient du l'approuver, ce "procès-verbal" d'Assemblée Générale ne saurait être tenu comme relatant la réalité des débats et des décisions ;

Que le défaut de signature de ce document par l'un des scrutateurs, le Président et le secrétaire démontrent précisément son inexactitude ;

Que cette inexactitude ressort notamment des attestations de Messieurs CHUPIN et Y... qui, produites par la Société intimée sont ainsi libellées :

"Je certifie qu'à l'Assemblé Générale du 23 avril 1997 une discussion houleuse s'est déroulée sur le RECORD III de Monsieur X... présentée pour la première fois par Madame Z... dans son rapport spécial.

Cette proposition fut rejetée à l'unanimité "(Attestation de Monsieur CHUPIN en date du 4 juin 1998).

"Je certifie qu'à l'Assemblée Générale du 23 avril 1997 un accrochage a eu lieu entre Monsieur X... et l'ensemble des actionnaires au sujet d'un contrat d'assurance "RECORD III" dont tout le monde ignorait l'existence ;

Madame Z... voulait faire adopter l'acceptation du contrat par l'ensemble des actionnaires, mais tout le monde a violemment refusé" (attestation de Monsieur Y... en date du 4 juin 1998) ;

Que les procès-verbaux de délibération ne font foi que jusqu'à preuve contraire ;

Attendu que contrairement au Procès-verbal litigieux, tous les procès-verbaux d'Assemblée Générale annexés au registre de la Société DIMAC comportent les différentes signatures requises (du Président, du Secrétaire, des scrutateurs...) ;

Que ceci, pas plus d'ailleurs que le montant des sommes en jeu, n'est directement contesté par l'appelant ;

Que Monsieur X... aurait parfaitement pu signer le procès-verbal de l'Assemblée Générale des actionnaires en date du 23 avril 1997, puisqu'il n'a pas été révoqué que le 23 juillet suivant ;

Attendu que la souscription du contrat d'assurance "RECORD III" n'a pas fait l'objet de la procédure prévue par l'article 105 de la loi du 24 juillet 1966 ; (confère Cassation Commerciale 24 mars 1998) ;

Que c'est seulement en application des dispositions de ce texte qu'une ratification valide de la convention irrégulièrement passée par Monsieur X... aurait pu avoir lieu ;

Qu'il en est de même de la prétendue ratification du contrat "RECORD II" n'ayant pas non plus fait l'objet de la procédure prévue par le même texte (article 105 de la loi du 24 juillet 1966) ; que la stipulation de ce contrat n'a également donné lieu à nulle mention dans le rapport spécial du Commissaire aux comptes avant celui du 2 avril 1997, au titre de l'exercice 1995-1996 ;

Qu'il a bien eu en l'espèce violation des articles 101 et 105 de la dite loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu que les conventions litigieuses sont nulles et ont été préjudiciables pour la Société, ayant réglé irrégulièrement des sommes dispendieuses ;

Attendu qu'il appartient éventuellement à l'appelant, excipant de la mission de contrôle du Commissaire aux Comptes, de tirer les

conséquences au plan judiciaire d'une éventuelle carence de ce dernier ;

Attendu que la nullité des deux conventions (contrat RECORD II et III) n'aurait pu être couverte que dans les conditions de l'article 105 alinéa 3 de la loi du 24 juillet 1966 et non pas une quelconque ratification tacite ;

Que n'est pas intervenu un vote de l'Assemblée Générale sur un rapport spécial du Commissaire aux Comptes, susceptible de couvrir la nullité ;

Attendu qu'en tout état de cause, aucune ratification tacite n'est intervenue en l'espèce ;

Que l'existence d'un contrat d'assurance au bénéfice de certains salariés n'était pas de nature à faire présumer l'existence d'un contrat différent au bénéfice du Président du Conseil d'Administration ; qu'un tel contrat nécessitait une délibération spéciale de l'Assemblée Générale des actionnaires sur rapport du Commissaire au Comptes, ce qui n'était pas le cas des contrats souscrits au profit des salariés ;

Que le montant des cotisations versées figuraient dans les comptes de la Société sans que soient individualisés les contrats y afférents ; qu'ainsi , la seule existence de cotisations ne pouvait pas laisser présumer que certaines d'entre elles concernaient un contrat bénéficiant au Président du Conseil d'Administration et non soumis au vote des associés ;

Qu'il était nécessaire d'avoir examiné la totalité des bordereaux de cotisations émis à l'occasion de l'exercice et de rechercher la cause de chacun des versements considérés ; qu'une vérification de cette nature n'était pas possible pour les associé, même à l'occasion de l'approbation des décomptes ;

Que les associés n'ont donc pu être au courant de l'existence des contrats RECORD II et III, au travers de l'inscription en compte de sommes globales, quelqu'en aient été le montant ;

Attendu que par conséquent, la Société DIMAC est fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait de non-respect des dispositions de l'article 105 de la loi du 24 juillet 1966 par elle évaluée de façon circonstanciée à un montant de 382.896,22 Francs au titre du contrat RECORD III et de 28.349,96 Francs au titre du contrat RECORD II ;

Que la première somme portera intérêts au taux légal à compter des conclusions de première instance en date du 16 mars 1998 formalisant cette demande, et la seconde à compter des conclusions d'appel du 29 mars 2000 formulant pour la première fois la réclamation de ce chef ; SUR LE SURPLUS

Attendu que le jugement déféré sera infirmé, Monsieur X... se voyant débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens en raison de sa succombance ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à la Société DIMAC une somme de 14.000 Francs au titre de ses frais non répétibles de procédure (7.000 Francs pour ceux de première instance et 7.000 Francs pour ceux d'appel) ; PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau ;

Déboute Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes ;

Le condamne à payer à la Société Anonyme DIMAC la somme de 382.896,22 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1998 et celle de 28.349,96 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2000 ;

Le condamne également au paiement d'une somme de 14.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile ;

Le condamne aux dépens qui, pour ceux d'appel, pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 1998/02498
Date de la décision : 15/05/2000

Analyses

SOCIETE ANONYME - Président du conseil d'administration - Révocation - Révocation ad nutum.

Sauf abus, la révocation ad nutum des dirigeants sociaux, par essence discrétionnaire, n'a ni à être motivée ni à prendre en compte l'ancienneté du dirigeant éconduit. Ce type de remerciement de dirigeant social n'a nullement à s'encombrer de délais de prévenance ni de toute autre formalité, et, faute pour le dirigeant révoqué de parvenir à démontrer l'abus de droit commis dans les circonstances de la révocation par le conseil d'administration de la société qui l'employait, il ne saurait valablement réclamer des dommages-intérêts : il n'y a eu en effet en l'espèce ni publicité des motifs de la révocation, ni atteinte à la réputation du dirigeant révoqué, ni caractère brutal ou vexatoire lors de la révocation

SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Convention réglementée (article 101) - Autorisation préalable - Absence.

Un dirigeant social qui n'a pas régulièrement informé le Conseil d'administration de la société qui l'emploie de ce qu'il avait contracté une assurance-vie ne saurait se prévaloir d'une quelconque ratification de la convention par les actionnaires, sur le fondement hasardeux et démenti d'un compte rendu irrégulier en la forme. Bien qu'annexé au registre de la société, ce compte rendu n'a en effet été signé ni par le président, ni par un des scrutateurs, ni par le secrétaire de l'Assemblée, et le contenu même du document est plus que sujet à caution dans la mesure où des attestations produites par la société démontrent le rejet "unanime" par l'Assemblée générale de la proposition évoquant une validation du contrat d'assurance-vie. Ainsi, viole les articles 101 et 105 de la loi du 24 juillet 1966, la convention prise dans l'intérêt personnel du dirigeant social, lorsqu'elle ne respecte pas le principe de l'autorisation préalable par l'Assemblée des actionnaires faute donc d'avoir été régulièrement ratifiée (le président du conseil d'administration ne pouvant avancer de ratification tacite), et faute également d'avoir été postérieurement validée par vote spécial de l'Assemblée sur rapport du commissaire aux comptes. Il résulte de ces agissements irréguliers du dirigeant un préjudice pour la société qui l'employait et dont elle est en droit de se faire indemniser


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2000-05-15;1998.02498 ?
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