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04/09/2024 | FRANCE | N°23/02700

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 septembre 2024, 23/02700


ARRET







[R]





C/



S.C.E.A. PISCICULTURE SOHIER

































































copie exécutoire

le 04 septembre 2024

à

Me DARRAS

Me DUPONCHELLE

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 SEPTE

MBRE 2024



*************************************************************

N° RG 23/02700 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZP6



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 31 MAI 2023 (référence dossier N° RG 22/00219)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [H] [S] [T] [R]

née le 14 Février 1986 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]
...

ARRET

[R]

C/

S.C.E.A. PISCICULTURE SOHIER

copie exécutoire

le 04 septembre 2024

à

Me DARRAS

Me DUPONCHELLE

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024

*************************************************************

N° RG 23/02700 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZP6

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 31 MAI 2023 (référence dossier N° RG 22/00219)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [H] [S] [T] [R]

née le 14 Février 1986 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et concluant par Me Annick DARRAS, avocat au barreau d'AMIENS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/001788 du 27/07/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)

ET :

INTIMEE

S.C.E.A. PISCICULTURE SOHIER

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et concluant par Me Patrice DUPONCHELLE de la SCP VAN MARIS-DUPONCHELLE, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 19 juin 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 04 septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 septembre 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [R], née le 14 février 1986, a été embauchée à compter du 4 mai 2021 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée  par la société Pisciculture Sohier (la société ou l'employeur), en qualité d'ouvrier piscicole. La relation contractuelle a cessé le 31 octobre 2021.

La société Pisciculture Sohier emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle des personnels des élevages aquacoles.

Mme [R] a fait l'objet d'arrêts de travail du 3 au 11 juillet 2021 inclus et du 18 septembre au 3 octobre 2021 inclus.

Demandant la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de son contrat de travail, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens, le 14 janvier 2022.

Par jugement du 31 mai 2023, le conseil a :

dit et jugé Mme [R] recevable et partiellement fondée en ses demandes fins et prétentions ;

débouté Mme [R] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

débouté Mme [R] de sa demande d'indemnité de fin de contrat et de toutes les demandes afférentes à ce titre ;

condamné la société Pisciculture Sohier au paiement d'une somme de 400 euros pour nullité de la clause de non-concurrence ;

débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de suivi médical auprès d'un service de santé au travail ;

débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts consécutifs à la violation d'information et de conseil sur les régimes de prévoyance et de retraite ;

débouté Mme [R] de sa demande de remboursement des frais de transport d'un chien ;

ordonné à la société Pisciculture Sohier de remettre à Mme [R] le certificat de travail pour la période concernée et a condamné la société Pisciculture Sohier à lui verser 50 euros à titre de dédommagement pour la non remise dudit certificat ;

débouté Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts consécutifs à la remise de documents de fin de contrat non-conformes ;

débouté Mme [R] de sa demande d'exécution provisoire ;

débouté la société Pisciculture Sohier de ses demandes ;

débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Mme [R], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 mars 2024, demande à la cour de :

la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

En conséquence,

infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau,

juger que son contrat de travail à durée déterminée sera requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ;

En conséquence,

condamner la société Pisciculture Sohier à lui verser les sommes suivantes :

- 1 589,47 euros brut au titre de l'indemnité légale d'un mois de requalification ;

- 1 589,47 euros brut au titre de dommages - intérêts pour licenciement abusif (1 mois) ;

- 1 589,47 euros brut au titre de l'indemnité de préavis d'un mois ;

- 158,95 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

- 965,88 euros brut au titre de l'indemnité de fin de contrat ;

- 96,59 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

- 35 euros au titre du remboursement des frais de transport d'un chien ;

- 500 euros au titre de dommages-intérêts consécutifs au préjudice moral afférent au non-respect des obligations de sécurité ;

- 1 907,34 euros brut au titre de dommages-intérêts consécutifs au respect d'une clause de non-concurrence illicite du 1 er novembre 2021 au 31 octobre 2022 ;

- 300 euros au titre de dommages-intérêts consécutifs à la violation de l'obligation d'information et de conseil sur les régimes de prévoyance et de retraite ;

En tout état de cause,

débouter la société Pisciculture Sohier de son appel incident ;

condamner la société Pisciculture Sohier aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Pisciculture Sohier, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 avril 2024, demande à la cour de :

débouter Mme [R] de son appel principal ;

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de ses demandes en paiement :

- 1 589,47 euros au titre de l'indemnité de requalification ;

- 1 589,47 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 589,47 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

- 158,95 euros au titre des congés payés ;

- 965,88 euros au titre de l'indemnité de précarité ;

- 96,59 euros au titre des congés sur indemnité de précarité ;

- 35 euros pour le transport d'un chien ;

- 500 euros pour préjudice moral non-respect obligation de sécurité ;

- 300 euros pour non-respect obligation d'information sur régimes prévoyance ;

débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes ;

faisant droit à son appel incident, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 400 euros pour nullité de la clause de non concurrence et 50 euros pour non remise du certificat de travail ;

condamner Mme [R] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leurs moyens et argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS,

1/ Sur la demande de requalification du CDD en CDI :

Mme [R] soutient, en substance, que le motif du recours au contrat à durée déterminée n'étant pas mentionné au contrat et la société étant dans l'incapacité de prouver l'existence d'un accroissement temporaire d'activité, la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée doit être prononcée.

La société affirme, en substance, que l'embauche de Mme [R] en CDD était motivée par un accroissement temporaire d'activité tel que mentionné sur la déclaration préalable à l'embauche.

Sur ce,

L'article L. 1242-1 du code du travail précise qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L. 1242-2 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, dispose que, sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement notamment en remplacement d'un salarié en cas d'absence et d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Selon l'article L. 1245-1, dans sa version applicable au litige, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11 alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

L'accroissement temporaire d'activité est entendu comme une augmentation inhabituelle ou cyclique de la charge de travail de l'entreprise que celle-ci ne peut absorber avec ses effectifs habituels.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du motif invoqué dès lors que celui-ci est contesté.

En l'espèce, l'employeur ne justifie d'aucun motif de recours à un contrat à durée déterminée se bornant à invoquer « un besoin de personnel compte tenu des variations de l'activité mais aussi de mouvements de personnel dans l'entreprise compte tenu de départs » sans plus de précision.

Il y a lieu par conséquent de requalifier le CDD en CDI, le jugement, qui a rejeté la demande pour un motif tout à fait inopérant, étant infirmé de ce chef.

Compte tenu de la requalification du CDD en CDI, Mme [R] peut prétendre, sur le fondement de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail, à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire soit 1 589,47 euros.

De plus, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse permettant au salarié de prétendre aux indemnités de rupture lui revenant à ce titre. Mme [R] est donc en droit de réclamer une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents et des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la cause.

Les droits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents justifiés dans leur principe et non contestés spécifiquement dans leur quantum, seront précisés au dispositif de l'arrêt.

Mme [R] peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre zéro et un mois de salaire.

Elle n'apporte pas d'élément concernant sa situation professionnelle et financière postérieure à son licenciement.

En considération des circonstances de la rupture la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation à la somme de 800 euros.

2/ Sur l'indemnité de fin de contrat :

Mme [R] conteste que la société lui ait formellement proposé de poursuivre la relation en CDI.

La société affirme avoir proposé à Mme [R] un CDI qu'elle a refusé au motif qu'elle préférait rester au chômage le temps de résoudre ses problèmes de santé.

Selon l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destiné à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

Elle n'est cependant pas due en cas de refus d'accepter la conclusion d'un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, en cours ou à l'issue de son CDD. La requalification de la relation contractuelle ne prive pas le salarié de son droit à l'indemnité de fin de contrat.

En l'espèce, il résulte des échanges de SMS entre la salariée et l'employeur que celui-ci lui a proposé un CDI mais que Mme [R] l'a refusé. En effet, elle explique le 27 octobre, que si elle est payée à 50% par la MSA elle préfère « finir vendredi et rester au chômage » le temps de savoir si elle serait opérée, indiquant que si elle n'était pas opérée avant l'année suivante, elle reviendrait travailler en décembre. Elle rappelle, le 5 novembre, qu'ils étaient d'accord pour un chômage le temps de sa maladie et écrit qu'elle a peur que finalement l'employeur ne lui fasse pas signer du tout de CDI après son opération. Ces messages n'ont de sens que si l'employeur a effectivement proposé à Mme [R] de poursuivre la relation de travail sous forme d'un CDI. La dernière mention du compte rendu d'entretien préalable « CDI=OK » confirme la version de l'employeur.

Dans ces conditions, il est indifférent que ce dernier n'ait pas formalisé son offre par écrit connaissant d'avance la réponse de Mme [R] qui était sans lien avec le contenu du contrat.

La salariée ne peut prétendre à une indemnité de fin de contrat.

3/ Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité :

A ce chapitre Mme [R] invoque des manquements à l'obligation de suivi médical, de vérification d'aptitude et d'adaptation au poste de travail, ainsi que « la précarité » des plannings.

Toutefois, d'une part, la visite d'embauche n'était plus obligatoire à la date de son embauche et elle n'a pas été en arrêt-maladie assez longtemps pour obliger l'employeur à l'organisation d'une visite de reprise et, d'autre part, s'agissant des autres manquements allégués, elle se borne à citer des textes, sans préciser sa demande ni produire de pièce.

Elle fait valoir également, en revanche, l'absence de repos hebdomadaire et le travail dominical.

L'employeur répond que dans le secteur de la pisciculture le travail le dimanche est inévitable et prévu par la convention collective, mais qu'il « y a eu des périodes de repos ».

L'employeur tenu d'une obligation de sécurité en application de l'article L.4121-1 du code du travail doit en assurer l'effectivité.

En application des articles L.3132-1 et 3132-2 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine et le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévues au chapitre 1er.

L'article 36 de la convention collective applicable prévoit que « Chaque semaine, le salarié a droit à un repos, à prendre le dimanche, d'une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les 11 heures consécutives de repos quotidien.
Lorsque le travail du dimanche est indispensable au fonctionnement de l'entreprise, le repos hebdomadaire peut être donné pour tout ou partie du personnel, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement, suivant l'une des modalités suivantes :
1.'Un autre jour que le dimanche sous réserve que le jour de repos tombe le dimanche au moins 1 fois sur 4 ;
2.'Une demi-journée le dimanche avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ;
3.'Par roulement à condition que le jour de repos tombe le dimanche au moins 2 fois par mois.
L'employeur est admis de plein droit à donner le repos hebdomadaire selon la modalité prévue 3 ci-dessus pour le personnel employé aux soins du cheptel et aux opérations qui doivent être effectuées quotidiennement et ne peuvent être différées.
En dehors des cas prévus à l'alinéa précédent, l'employeur qui veut faire usage de l'une de ces dérogations au repos hebdomadaire prévues aux 1, 2 et 3 ci-dessus doit, au préalable, en obtenir l'autorisation auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) compétente ».

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

En l'espèce, la société n'apporte pas d'élément établissant que les dispositions conventionnelles sur le travail dominical et le repos hebdomadaire ont été respectées.

Au vu du préjudice nécessairement causé à la salariée comme affectant notamment sa sécurité et compte tenu de la faible durée de la relation contractuelle, il convient de condamner l'employeur au paiement de la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts.

4/ Sur la demande au titre du transport d'un chien :

L'employeur ne conteste pas les allégations de la salariée selon lesquelles elle a conduit à ses frais un chien à [Localité 6], bien que cela n'entre pas dans ses fonctions, mais affirme, d'une part qu'elle s'est elle-même proposée pour effectuer cette tâche, réalisée pendant ses heures de travail et, d'autre part, qu'il était prévu à son contrat de travail qu'elle se déplace sur les trois sites de l'entreprise.

Le contrat prévoit que Mme [R] devait être mobile et pouvait être amenée à travailler sur les trois sites de l'entreprise dont [Localité 6], sans dédommagement kilométrique.

Toutefois, les conventions doivent être exécutées de bonne foi et, par conséquent, la société ne peut utiliser les termes du contrat pour permettre que Mme [R] expose des frais pour une tâche qui ne lui incombait pas, peu important qu'elle se soit proposée de le faire compte tenu du lien de subordination.

Au vu du coût du transport, tel que démontré par la production d'une impression d'écran du site internet Viamichelin, la société sera condamnée au paiement de la somme de 7 euros de ce chef.

5/ Sur la demande au titre de la clause de non-concurrence :

Mme [R] expose que la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail est illicite comme disproportionnée au regard du poste occupé, qu'elle s'est astreinte à la respecter en ne postulant pas, ni n'envoyant de candidature spontanée aux entreprises du secteur de l'aquaculture en eaux douces de France et plus particulièrement dans la Somme et le Pas de Calais, que cela lui cause un préjudice matériel, moral et financier et que la contrepartie doit être fixée à 10% du salaire brut de base pour les mois de novembre 2021 à octobre 2022.

La société convient de l'illicéité de la clause de non-concurrence pour défaut de contrepartie financière mais argue de l'absence de démonstration d'un préjudice.

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Au moins l'une de ces conditions n'étant pas remplie en l'espèce en l'absence de contrepartie financière, la clause de non-concurrence insérée au contrat est illicite.

Toutefois, à défaut pour la salariée de fournir des informations et justificatifs sur sa situation professionnelle et ses capacités à trouver un autre emploi à l'issue du CDD, l'existence d'un préjudice n'est pas établie.

Le jugement qui a alloué une somme de ce chef sera infirmé en conséquence.

6/ Sur la demande au titre de l'information sur la prévoyance :

La salariée affirme qu'elle n'a pas été informée de ses droits en termes de prévoyance ce qui lui a causé un préjudice certain.

La société conteste tant le défaut d'information que l'existence d'un préjudice.

Le contrat précise que la salariée sera affiliée à la caisse de retraite AGRR de [Localité 7]. Il n'est justifié de la délivrance d'aucune autre information. Toutefois, Mme [R] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice en découlant.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

7/ Sur la demande de dommages-intérêts relative aux documents de fin de contrat :

La société ne disconvient pas que l'attestation Pôle emploi n'est pas correctement remplie ni que le certificat de travail n'a pas été remis, toutefois, elle fait valoir à juste titre que la salariée ne justifie d'aucun préjudice.

Il y a lieu par conséquent, infirmant en cela le jugement, de rejeter la demande de ce chef.

8/ Sur les demandes accessoires :

La société, qui perd le procès pour l'essentiel, doit en supporter les entiers dépens et sera condamnée à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] de ses demandes en paiement de l'indemnité de fin de contrat, de dommages et intérêts pour absence de suivi médical, de dommages et intérêts consécutifs à la violation de l'obligation d'information et de conseil sur les régimes de prévoyance et de retraite, de dommages et intérêts consécutifs à la remise de documents de fin de contrat non-conformes, a ordonné la remise d'un certificat de travail et a débouté la société Pisciculture Sohier de ses demandes ;

L'infirme pour les surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le contrat à durée déterminée du 4 mai 2021 en contrat à durée indéterminée,

Condamne la société Pisciculture Sohier à payer à Mme [H] [R] les sommes de :

- 1 589,47 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 589,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 158,95 euros au titre des congés payés afférents,

- 7 euros au titre des frais de transport,

- 300 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Pisciculture Sohier aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/02700
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.02700 ?
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