ARRET
N°
Association BTP CFA PICARDIE
C/
[U]
copie exécutoire
le 14 août 2024
à
Me Dore
Me Piat
LDS/IL/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 14 AOUT 2024
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N° RG 23/02016 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IYDQ
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 27 MARS 2023
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Association BTP CFA PICARDIE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et concluant par Me Christophe DORE de la SELARL DORE-TANY-
BENITAH, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Isabelle LESPIAUC, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMEE
Madame [S] [U]
née le 15 Février 1984 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
concluant par Me Geneviève PIAT de la SELARL VAUBAN AVOCATS BEAUVAIS, avocat au barreau de BEAUVAIS
DEBATS :
A l'audience publique du 29 mai 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 14 août 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 14 août 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
L'association BTP CFA Picardie (l'association ou l'employeur) exerce des activités de formation professionnelle dans les domaines du bâtiment et des travaux publics.
Elle a embauché Mme [U], née le 15 février 1984, à compter du 24 août 2009 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, en qualité de médiatrice. La relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2009.
L'association BTP CFA Picardie emploie plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle du bâtiment.
D'octobre 2018 à juillet 2019, Mme [U] a bénéficié du congé individuel de formation afin de suivre un cursus universitaire.
La salariée a observé un arrêt de travail continu à compter du 25 mai 2021.
Demandant la résiliation judiciaire du contrat de travail et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 7 juillet 2021.
Par avis d'inaptitude du 1 er septembre 2021, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste sans possibilité de reclassement, en précisant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Par courrier du 18 septembre 2021, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 septembre 2021.
Par lettre du 30 septembre 2021, elle a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 27 mars 2023, le conseil a :
- dit et jugé recevables les demandes d'indemnités pour licenciement nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre secondaire formulées par Mme [U] lors de l'audience du bureau de jugement du 4 juillet 2022 ;
- dit et jugé les autres demandes de Mme [U] recevables et partiellement fondées ;
- reconnu l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [U] ;
- condamné l'association BTP CFA Picardie au paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- dit et jugé que l'association BTP CFA Picardie avait manqué à son obligation de santé et de sécurité ;
- condamné l'association BTP CFA Picardie au paiement de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de santé et de sécurité ;
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] à la date du 7 juillet 2021 ;
- dit et jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] produisait les effets d'un licenciement nul ;
- condamné l'association BTP CFA Picardie au paiement de la somme de 27 692 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité de son licenciement ;
- condamné l'association BTP CFA Picardie au paiement de la somme de 4 816 euros d'indemnités de préavis et 481,6 euros de congés payés afférents ;
- ordonné l'abondement du compte personnel de formation de Mme [U] à hauteur de 3 000 euros ;
- ordonné la remise de documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour à compter de quinze jours suivants de la mise à disposition du jugement et s'est réservé le droit de liquider l'astreinte ;
- fixé le salaire de référence à 2 408 euros ;
- condamné l'association BTP CFA Picardie à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association BTP CFA Picardie aux dépens ;
- débouté les parties de leurs plus amples demandes.
L'association BTP CFA Picardie, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 mars 2024, demande à la cour de :
- dire Mme [U] irrecevable en ses demandes tendant à obtenir la nullité de son licenciement ou à ce que ledit licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse ;
Au fond,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande de rappels de salaire au titre d'une nouvelle classification et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail ;
- l'infirmer pour le surplus ;
Par conséquent,
- dire que Mme [U] n'a pas fait l'objet de faits de harcèlement moral de la part de son employeur et la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de santé et de sécurité et débouter Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité et de santé ;
- dire qu'elle a satisfait à l'ensemble de ses obligations contractuelles et qu'aucun manquement grave ne peut lui être reproché ;
- à titre principal, dire n'y avoir pas lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] ;
Par conséquent,
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, et des dommages et intérêts pour licenciement nul ;
- à titre subsidiaire, débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Si la cour venait à considérer que Mme [U] n'est pas irrecevable en ses demandes tendant à obtenir la nullité de son licenciement ou à ce que ledit licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse, dire le licenciement pour inaptitude de Mme [U] bien fondé ;
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, et des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
- à titre infiniment subsidiaire, constater que les demandes de Mme [U] sont manifestement excessives et les réduire, le cas échéant, à de plus justes proportions ;
- débouter Mme [U] de sa demande d'abondement correctif du CPF manifestement mal fondée ;
En tout état de cause,
- condamner Mme [U] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme [U], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 octobre 2023, demande à la cour de :
- juger l'appel de l'association BTP CFA Picardie recevable mais mal fondé ;
- la juger recevable et fondée en son appel incident ;
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives :
à un rappel à compter du mois de juin 2018 ;
à la fixation de son salaire de référence à 2 938,94 euros ;
à un rappel d'indemnité de licenciement compte tenu de la revalorisation hiérarchique ;
à l'octroi de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
et en ce qu'il a retenu la date du 7 juillet 2021 au titre de la date de résiliation judiciaire et non la date du 30 septembre 2021 ;
Statuant à nouveau,
- juger que son emploi de médiatrice relève de la grille de salaire classe F conformément à l'accord collectif du 30 juin 2015 portant statut du personnel des associations et condamner l'association BTP CFA Picardie à lui verser la somme de 16 032,84 euros brut à titre de rappels de salaire, outre 1 603,28 euros de congés afférents ;
- condamner l'association BTP CFA Picardie à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
- condamner l'association BTP CFA Picardie à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le manquement de son obligation de santé et de sécurité ;
- condamner l'association BTP CFA Picardie à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur ;
Sur la demande de résiliation judiciaire,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à effet au 30 septembre 2021 ;
- à titre principal, juger que la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement nul et condamner l'association BTP CFA Picardie à lui verser la somme de 32 328,34 euros (11 mois de salaire) si le salaire moyen retenu est de 2 938,94 euros bruts, et, subsidiairement, la somme 27 561,82 euros si le salaire moyen retenu est de 2 505,62 euros bruts ;
- à titre subsidiaire juger que la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association BTP CFA Picardie au paiement des mêmes sommes ;
Sur le licenciement,
- juger que le licenciement est nul ou à tout le moins ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse
- condamner l'association BTP CFA Picardie à lui verser la somme de 32 328,34 euros (11 mois de salaire) si le salaire moyen retenu est de 2 938,94 euros brut, et, subsidiairement, la somme 27 561,82 euros si le salaire moyen retenu est de 2 505,62 euros brut ;
En tout état de cause,
- condamner l'association BTP CFA Picardie à lui payer :
5 877,88 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois) si le salaire moyen retenu est de 2 938,94 euros brut, ainsi que 587,78 euros brut au titre des congés payés afférents et, subsidiairement, 5 0 11,24 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis si le salaire moyen retenu est de 2 505,62 euros brut, ainsi que 501,12 euros brut au titre des congé payés afférents ;
2 132 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement compte tenu de la revalorisation hiérarchique ;
- ordonner à l'association BTP CFA Picardie de lui remettre l'ensemble de ses documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi et certificat de travail) sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document passé un délai de 15 jours à compter du 15 avril 2023 ;
- ordonner à l'association BTP CFA Picardie d'abonder son compte personnel de formation à hauteur de 3 000 euros ;
- condamner l'association BTP CFA Picardie à lui verser une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS :
1. Sur l'exécution du contrat de travail
1.1 Sur la demande de rappel de salaire
Mme [U] expose que le poste de médiatrice qu'elle occupait relève de la classification d'emploi F au sens de l'accord collectif du 30 juin 2015, dès lors que ses missions incluaient, à l'instar d'un conseiller jeunes et entreprises, l'insertion professionnelle des apprentis, le conseil et l'accompagnement des entreprises, le recrutement des apprentis, et le handicap. Elle ajoute que l'employeur, en dépit de sa demande de révision, a maintenu sa rémunération de base sur celle d'un emploi classé D et qu'il lui est redevable, pour la période de septembre 2018 à septembre 2021, de la différence entre sa rémunération et celle d'un emploi classé F.
L'association BTP CFA Picardie réplique que la salariée a été embauchée sur un poste d'animateur avec pour mission principale la médiation, laquelle est justement prévue par le répertoire des métiers établi par le CCCA-BTP. Elle précise que le contenu de la fiche de poste de médiateur, qui n'a jamais été remise en cause par la salariée, prévoit que ses missions consistent essentiellement à repérer les jeunes en difficulté et à leur venir en aide et qu'elles sont conformes à la description de l'emploi d'animateur classé D. Elle ajoute que Mme [U] n'était pas en charge de la gestion du recrutement des apprentis pas plus que du conseil aux entreprises sur le contrat de travail et son exécution, ni même de la gestion de la rupture du contrat de travail des apprentis.
Sur ce,
La qualification professionnelle d'un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert au regard de la convention collective applicable.
Lorsqu'elle figure au contrat de travail, la qualification du salarié doit lui être reconnue sans égard aux fonctions qu'il exerce réellement.
En l'espèce, il ressort du contrat à durée indéterminée conclu le 1er décembre 2009 que Mme [U] a été embauchée en qualité de médiatrice au deuxième échelon coefficient 230 de la grille des animateurs.
L'accord collectif du 30 juin 2015 conclu entre le comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA-BTP) et les organisations syndicales, portant statut du personnel des associations chargées de la gestion des centres de formation d'apprentis (CFA), distingue, dans la catégorie des techniciens, l'emploi d'animateur classé D, et les emplois de chargé de relations entreprises, de conseiller jeunes et entreprises (CJE), de responsable de CRAF, et de formateur classés F.
Or, le témoignage de Mme [P], la conseillère jeunes et entreprises, la documentation interne sur la procédure de traitement des candidatures des apprentis, le compte-rendu de l'entretien d'évaluation qui s'est tenu en 2020, mais aussi la fiche de poste établie en 2004 versée a ux débats par l'employeur démontrent utilement que Mme [U] participait, conjointement avec la conseillère jeunes et entreprises, à toutes les étapes du processus de recrutement des apprentis.
Alors que le répertoire métiers établi par le CCCA-BTP n'inclut aucune mission particulière liée au processus de recrutement dans la fiche descriptive de l'emploi d'animateur, cette mission est, au contraire, présente dans la fiche du CJE.
Tandis que les missions dévolues aux animateurs se bornent essentiellement à accueillir, encadrer et suivre les apprentis pour, le cas échéant, proposer les moyens et les interlocuteurs appropriés à la résolution des problèmes pendant la période d'apprentissage, il est relevé, d'une part, que la fiche de poste de médiateur établie par Mme [P] avait fixé l'objectif de « favoriser l'insertion professionnelle des jeunes pendant et après leur apprentissage », et, d'autre part, que la salariée exerçait la mission de référente insertion auprès des partenaires de l'emploi et des missions locales telle qu'énoncée dans le compte-rendu de l'entretien d'évaluation professionnelle de l'année 2020.
A ce titre, le répertoire métiers établi par le CCCA-BTP précise que le CJE a justement en charge d'assurer « le contact avec les entreprises et les institutions en charge de l'emploi ».
Dans ces conditions, la salariée démontre que les fonctions exercées ne se bornaient pas à un simple rôle d'identification des problématiques et d'orientation des apprentis vers un interlocuteur idoine, mais bien d'intermédiaire actif entre les apprentis, les entreprises et les institutions en charge de l'emploi.
De plus, l'argumentation soutenue par l'employeur selon laquelle les tâches de la salariée liées aux ruptures de contrats se limitaient à établir un tableau récapitulatif est contredite par le compte-rendu de l'entretien d'évaluation professionnelle qui indique que la salariée s'était vue confier la « gestion » du dispositif de reprise des apprentis par le conseil régional et qu'elle devait rendre compte des résultats obtenus sur le taux de rupture.
Les informations contenues dans la fiche de poste versée aux débats par l'employeur ainsi que le témoignage de Mme [P] démontrent que cette gestion consistait à la recherche des stages, la mise en relation, et la rédaction des conventions de stage.
Ces missions apparaissent sans rapport avec celles décrites dans la fiche métier d'animateur établie par le CCCA-BTP contrairement à celles de CJE qui a notamment en charge de « faciliter le rapprochement entre les entreprises et les jeunes pour la signature des contrats d'apprentissage ».
S'agissant du conseil aux entreprises dont la réalité est contestée par l'employeur, le compte-rendu de l'entretien d'évaluation professionnelle qui s'est tenu en 2020 évoque pourtant cette mission comme composante de la fonction de médiateur.
Enfin, s'il ressort des fiches métiers dressées par le CCCA-BTP que les missions de médiation sont centrales dans l'exercice des fonctions d'animateur, elles n'en sont pas pour autant exclusives dès lors que le CJE « peut, ponctuellement, avoir un rôle de médiateur ».
Ainsi, outre la fonction d'accompagnement adapté des jeunes handicapés qui relève de la fonction d'animateur mais qui s'exerce en étroite collaboration avec le CJE, les éléments de preuve présentés démontrent que les missions principales exercées par Mme [U] relèvent essentiellement de l'emploi de conseiller jeunes et entreprises classé F par l'accord collectif du 30 juin 2015.
Dès lors, par infirmation du jugement déféré, il conviendra de faire droit à la demande de rappel de salaire de Mme [U] compte-tenu de la classification de son emploi, dont le calcul et le montant exposés ne sont pas spécifiquement contestés par l'employeur, et de lui octroyer à ce titre la somme de 16 032,84 euros, outre 1 603,28 euros de congés payés afférents.
1.2 Sur l'abondement du compte personnel de formation
Mme [U] soutient ne pas avoir bénéficié d'au moins trois entretiens professionnels au cours des six dernières années, de sorte que l'employeur est tenu d'abonder son compte personnel de formation à hauteur de 3 000 euros.
L'association expose quant à elle que la tenue de ces entretiens a été empêchée par la salariée compte-tenu de ses absences.
Sur ce,
Selon le II de l'article L.6315-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, tous les six ans, l'entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.
Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d'apprécier s'il a :
1° Suivi au moins une action de formation ;
2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.
Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins une formation autre que celle mentionnée à l'article L. 6321-2, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l'article L. 6323-13.
Pour l'application du présent article, l'effectif salarié et le franchissement du seuil de cinquante salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.
En l'espèce, nonobstant le fait que les éléments présentés par Mme [U] démontrent la tenue d'un nombre insuffisant d'entretiens professionnels au cours des six années précédant son départ de l'entreprise, les éléments produits de part et d'autre, notamment le compte-rendu de l'entretien du 12 novembre 2020, permettent de relever que la salariée a bénéficié du congé individuel de formation durant l'année universitaire 2018/2019 en vue de l'obtention d'un diplôme de Master.
Alors que l'abondement du compte personnel de formation par l'employeur au sens du texte précité est conditionné à l'absence d'entretiens professionnels réguliers et, cumulativement, à l'absence de suivi d'au moins une formation autre que celle mentionnée à l'article L. 6321-2 du code du travail, la situation de Mme [U], qui ne soutient pas avoir été privée d'une telle formation, n'ouvre pas droit à l'abondement de son CPF.
Dès lors, par infirmation du jugement déféré, la demande de la salariée, tendant à l'abondement de son compte CPF à hauteur de 3 000 euros, est rejetée.
1.3 Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [U] soutient avoir subi, avec des conséquences lourdes sur sa santé, un harcèlement moral de la part de son employeur qui, à compter de son retour de formation en septembre 2019 et dans un contexte de réorganisation du point-conseil, lui aurait retiré certaines de ses fonctions au profit des conseillers en insertion professionnelle, l'aurait écartée de certains projets, ne l'aurait pas informée de la réouverture du CFA en juin 2020, lui aurait refusé de poursuivre son activité professionnelle en télétravail, et aurait usé de pratiques humiliantes et dégradantes à son égard.
Or, le témoignage de M. [D], salarié affecté au point-conseil, qui se borne à affirmer que Mme [U] « était surprise » d'apprendre la date de réouverture du CFA au début du mois de juin 2020, ne constitue pas un élément suffisamment précis permettant d'établir matériellement, comme elle le soutient, qu'elle avait été laissée dans l'ignorance par l'employeur.
Nonobstant le fait confirmé par l'employeur de ce qu'une réunion avait été effectivement organisée le 22 septembre 2020 et qu'à cette occasion la réorganisation du point-conseil et la possibilité de réaffecter Mme [U] dans un bureau à proximité du foyer avaient été évoquées, la demande d'explication de l'inspecteur du travail à l'adresse de l'employeur sur le vote à main levée qui serait alors survenu ne se fonde que sur les déclarations préalablement transmises par la salariée elle-même.
L'association, quant à elle, verse aux débats un échange de messages entre Mme [U] et Mme [R], salariée présente à cette réunion, qui affirme ne pas « se souvenir de cette main levée ».
De plus, si Mme [U] soutient que son employeur est demeuré inerte à sa demande d'entretien avec M. [H], le directeur général, pour évoquer ses conditions de travail, Mme [L], qui témoigne en ce sens, a pourtant déclaré lors de la réunion exceptionnelle du CSE du 15 septembre 2021, qu'un entretien lui avait été proposé avec M. [C], le directeur adjoint et son supérieur hiérarchique direct. L'employeur démontre, après le refus de la salariée de s'entretenir avec M. [C], avoir organisé un nouvel entretien en décembre 2020.
S'agissant de son exclusion des réunions afférentes au projet prépa-apprentissage dénommé « parcours 2 », la salariée n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la poursuite de son activité professionnelle pendant son congé de formation qui a pris fin en septembre 2019. Elle n'établit donc pas matériellement son exclusion de ce dispositif pendant cette période.
Pour la reprise de ces fonctions à compter de septembre 2019, la salariée présente les témoignages contradictoires de M. [D] qui affirme qu'elle n'était plus intégrée aux réunions et celui de Mme [P] qui indique que, si Mme [U] n'avait pas été conviée à une réunion en septembre 2019, « la direction avait jugé utile de la faire venir car elle avait besoin d'elle ».
La salariée présente également la fiche de poste qui lui a été adressée en juin 2021 par Mme [W], gestionnaire ressources humaines, dans laquelle figure son intervention dans le projet « parcours 2 ».
Les faits dénoncés par Mme [U], relatifs à l'absence d'information sur la date de réouverture du CFA, le vote à main levée durant la réunion du 22 septembre 2020, l'inertie de l'employeur pour organiser un entretien sur ses conditions de travail, et son exclusion du dispositif « parcours 2 », ne sont donc pas matériellement établis.
Toutefois, Mme [L], secrétaire du CSE décrit, aux termes de son témoignage, un « déclassement » du poste de médiatrice occupé par Mme [U] à un poste d'animatrice et un transfert de sa mission de médiation au profit du poste de conseiller en insertion professionnelle nouvellement créé.
M. [D], quant à lui, témoigne de son « isolement » à son retour de congé de formation et affirme avoir entendu, en juin 2020, Mme [T], nouvellement nommée au poste de conseillère jeunes et entreprises, dire à Mme [U] que « M. [B] souhaitait qu'elle retourne à ses missions d'origine ».
Ces témoignages sont confirmés par M. [O], représentant du personnel, qui affirme que « la direction du CFA avait décidé sans avertir le CSE que Mme [U] changeait de métier », que « de médiatrice, la direction du CFA voulait qu'elle devienne surveillante », et que « sa charge de travail en tant que médiatrice était donnée à de nouveaux embauchés ».
De plus, outre la communication d'une nouvelle fiche de poste en juin 2021 par l'intermédiaire de Mme [W], gestionnaire ressources humaines, excluant les missions qu'elle exerçait jusqu'alors pour le recrutement des apprentis, il ressort du compte-rendu de l'entretien d'évaluation qui s'est tenu en novembre 2020 que M. [C], le directeur adjoint, avait relevé l'incompréhension de la salariée de ce que « certaines des missions qu'elle assumait jusqu'alors relevaient désormais d'autres personnes ».
Il est aussi observé que l'employeur et la salariée s'accordent sur le fait qu'à compter de l'année 2020, elle a été chargée de la gestion administrative des cartes générations du conseil régional.
La salariée établit également avoir, pendant la période de fermeture du CFA en raison des mesures d'urgence liées à l'épidémie de Covid-19, sollicité Mme [W] afin de poursuivre son activité professionnelle en télétravail, laquelle, par courriel du 30 avril 2020, lui a indiqué qu'elle serait placée en chômage partiel au motif que ses missions étaient « difficilement réalisables dans le cadre du télétravail ».
S'agissant de la réunion du 22 septembre 2020, il n'est pas contesté qu'elle a eu pour objet l'affectation de Mme [U] dans un bureau situé en dehors du point-conseil.
Enfin, Mme [U], qui a observé plusieurs arrêts de travail à compter du mois de juillet 2020, présente un certain nombre de documents médicaux constatant l'apparition de troubles anxieux pendant cette période et la prescription d'un traitement anxiolytique.
La salariée présente ainsi des éléments de fait matériellement établis qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l'employeur se doit d'établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Alors que Mme [U] a été embauchée en qualité de médiatrice selon la classification d'emploi des animateurs sans précision particulière sur ses missions dans son contrat de travail, l'association BTP CFA Picardie démontre, à l'appui des fiches métiers dressées par le CCCA-BTP, que les tâches de travail qu'elle a exercées pour le recrutement des apprentis ne relevaient pas de la classification de l'emploi d'animateur tel que visé par le contrat de travail.
Il n'est pas davantage contesté que le retrait de cette unique tâche de travail est intervenu concomitamment à l'embauche de conseillers en insertion professionnelle financée par des aides européennes sans pour autant modifier ni le lieu de travail, ni la qualification, ni la rémunération de la salariée qui, à la lecture de la fiche de poste établie en juin 2021, conservait l'intégralité de ses fonctions relatives à la médiation.
Il en est de même pour l'ajout dans ces fonctions de la gestion administrative des cartes générations du conseil régional dont il est justifié, d'une part, qu'il est conforme à l'emploi d'animateur au sens de l'accord collectif du 30 juin 2015, et, d'autre part, qu'il s'inscrit en cohérence avec le rôle d'intermédiaire entre les apprentis et les organismes extérieurs tel que décrit dans la fiche de poste que la salariée avait elle-même rédigée.
Etant relevé, d'une part, que les modifications imposées sur les conditions de travail de la salariée relevaient du pouvoir de direction de l'employeur, et n'étant pas contesté, d'autre part, que ces mêmes modifications se justifiaient par le financement public à l'embauche de personnel exerçant sur ce périmètre, l'association BTP CFA Picardie démontre que ce fait est étranger à tout harcèlement moral.
L'association justifie également avoir consulté le CSE lors de la réunion extraordinaire du 11 mai 2020 sur le placement en activité partielle du personnel affecté aux services médiation et animation de nuit en raison de la fermeture du CFA à l'ensemble du personnel et aux apprentis.
S'agissant de la demande particulière de Mme [U] de poursuivre son activité professionnelle en télétravail et du refus qui lui a été opposé par la direction, le CSE a émis un avis favorable à l'unanimité de ses membres présents à la réunion extraordinaire du 11 mai 2020.
Sans être contestés par la salariée, les témoignages de M. [C], Mme [T] et M. [F] décrivent la réunion du 22 septembre 2020 comme un temps d'échange sur la réorganisation du point-conseil à l'issue duquel M. [C], tenant compte de l'avis de la salariée, a décidé de la maintenir dans ce service en proposant le réaménagement d'un espace et que cette solution convenait à Mme [U].
Dans ces conditions, l'association BTP CFA Picardie démontre que les faits matériellement établis par Mme [U] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, Mme [U] sera déboutée de sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
1.4 Sur le manquement à l'obligation de sécurité et de prévention
Mme [U] soutient que l'employeur, en dépit de ses alertes sur la dégradation de ses conditions de travail, n'a pas non plus pris les mesures adéquates pour mettre un terme à la souffrance au travail qu'elle subissait et a donc manqué à son obligation de sécurité la concernant.
L'association BTP CFA Picardie réplique que la salariée ne démontre nullement avoir fait l'objet d'agissements répréhensibles de sa part ni même que ses conditions de travail seraient à l'origine de son état d'anxiété.
Sur ce,
En vertu des dispositions des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité.
L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de ces textes, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L.1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
En l'espèce, il a été précédemment retenu que le retrait des missions afférentes au recrutement des apprentis ainsi que l'ajout de tâches administratives constituent des modifications des conditions de travail de la salariée qui relevaient du pouvoir de direction de l'employeur.
Mme [U], qui avait pourtant reçu une réponse à sa lettre du 9 juillet 2020, n'a pas donné suite à la proposition d'entretien avec M. [C], le directeur adjoint, afin d'évoquer la dénonciation de ses conditions de travail. La salariée n'a réitéré cette demande que le 23 octobre 2020, et l'employeur lui a une nouvelle fois proposé un entretien en décembre 2020.
En l'état des éléments de preuve présentés à la cour, il ne peut être identifié aucun fait ou circonstance particulière caractérisant un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention.
Mme [U], par infirmation du jugement déféré, est déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts de ce chef.
1.5 Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Mme [U] expose que l'employeur n'a pas respecté les termes de son contrat de travail en lui retirant ses fonctions sans son approbation pour les octroyer à d'autres salariés. Elle ajoute que le poste de médiatrice a été supprimé à la suite d'une réorganisation régionale comme en témoignent les fiches de contacts de l'association et l'offre d'emploi en octobre 2021 pour le recrutement d'un animateur.
En réponse, l'association BTP CFA Picardie soutient que l a salariée avait retrouvé son poste à l'issue de sa formation, qu'elle avait toute latitude pour effectuer les tâches qui lui étaient dévolues et qu'elle n'a jamais été exclue de l'activité du point-conseil auquel elle était rattachée.
Sur ce,
Selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l'espèce, il a été observé que Mme [U] a été embauchée en qualité de médiatrice selon la classification d'emploi des animateurs sans précision particulière sur ses missions dans son contrat de travail.
Alors que les éléments de preuve versés aux débats démontrent que la modification de ses missions à son retour de formation en 2019 s'est limitée au retrait de ses tâches relatives au recrutement des apprentis, qui n'étaient pas prévues dans la classification de son emploi, et à l'ajout de certaines tâches administratives qui, au contraire, s'inscrivaient en cohérence avec les missions d'un animateur au sens des fiches métiers dressées par le CCCA-BTP, la salariée a conservé ses missions essentielles en lien avec la médiation, la participation au projet « parcours 2 » et la rupture des contrats.
Ces modifications mineures, qui n'ont eu aucun effet sur le lieu de travail, la qualification, ou la rémunération de la salariée, ne constituent pas une modification du contrat de travail nécessitant l'approbation de Mme [U], mais une modification des conditions de travail que l'employeur pouvait légitimement imposer.
L'absence de mention d'un médiateur dans une fiche de contacts non datée ou le choix de l'employeur de recruter un animateur postérieurement au licenciement de la salariée, sont aussi des éléments impropres pour caractériser une exécution déloyale du contrat.
Dans ces conditions, Mme [U], par confirmation du jugement entrepris, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur ce point.
2. Sur la rupture du contrat de travail
2.1 Sur la recevabilité des demandes afférentes au licenciement pour inaptitude
L'association BTP CFA Picardie soutient que, la règle de l'unicité de l'instance ayant été abrogée à compter du 1er août 2016, seule la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, figurant dans la requête de saisine du conseil de prud'hommes, pourra être examinée. Elle ajoute que les demandes de la salariée tendant à dire son licenciement pour inaptitude nul ou sans cause réelle et sérieuse sont irrecevables dès lors que ses prétentions en ce sens ont été présentées postérieurement à l'audience de conciliation.
Mme [U] réplique que sa demande initiale de résiliation judiciaire devait évoluer et être précisée du fait du licenciement intervenu après la saisine du conseil de prud'hommes, et que ses demandes sur ce point se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires.
Sur ce,
Le décret 2016-660 du 20 mai 2016, réformant la procédure devant le conseil de prud'hommes, a abrogé les articles R 1452-6, relatif à l'unicité d'instance, et R 1452-7 du code du travail, permettant des demandes nouvelles en appel.
Dans les instances introduites depuis le 1er août 2016, le régime des demandes nouvelles dans la procédure prud'homale obéit aux règles du droit commun, telles qu'elles résultent des articles 562 et suivants du code de procédure civile.
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En application de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La salariée ayant saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 7 juillet 2021, les nouvelles dispositions prévues par le décret du 20 mai 2016 sont applicables à l'espèce.
Toutefois, étant relevé qu'elles se justifient par la prise en compte d'un fait nouveau survenu en cours d'instance et qu'elles tendent aux mêmes fins que celles découlant de la demande de résiliation judiciaire, les demandes de la salariée, tendant à dire son licenciement pour inaptitude nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, sont recevables comme étant, au sens de l'article 564 du code de procédure civile, nées de la survenance d'un fait en cours d'instance.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
2.2 Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Mme [U] soutient qu'ayant été victime d'un harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'association. Elle ajoute que cette résiliation judiciaire doit, en conséquence, produire les effets d'un licenciement nul ou, subsidiairement, d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'association BTP CFA Picardie réplique que la salariée n'a subi aucun harcèlement moral pendant l'exécution de son contrat de travail et qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité et de prévention.
Sur ce,
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
En cas de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ayant entrainé la dégradation de l'état de santé de la salariée, le juge doit prononcer la résiliation.
En l'espèce, il a été retenu que Mme [U] n'avait pas subi de harcèlement moral lorsqu'elle exerçait son activité professionnelle au sein de l'association BTP CFA Picardie et que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité et de prévention.
La demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que les demandes indemnitaires subséquentes, étant exclusivement fondées sur ses deux motifs, seront, par infirmation du jugement entrepris, rejetées.
De surcroît, la salariée ne développant aucun autre moyen au soutien de ses demandes afférentes à la nullité ou l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il conviendra également de dire que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse. Ses demandes indemnitaires subséquentes sont également rejetées.
2.3 Sur le reliquat d'indemnité de licenciement
Mme [U] soutient que l'employeur lui est redevable d'un reliquat d'indemnité de licenciement compte-tenu de son salaire revalorisé selon classification d'emploi F.
L'association BTP CFA Picardie ne répond pas sur ce point.
Sur ce,
Alors que la salariée n'est pas spécifiquement contredite par l'employeur sur le salaire de référence qu'elle fixe à 2 938,94 euros brut compte-tenu de la revalorisation hiérarchique sur un emploi classé F au sens de l'accord collectif du 30 juin 2015, la cour évalue l'indemnité de licenciement due par l'association à 9 551,56 euros.
Après déduction de la somme de 7 990,42 euros déjà payée à la rupture du contrat de travail, il sera alloué à Mme [U], par infirmation du jugement entrepris, la somme de 1 561,14 euros à tire de solde d'indemnité de licenciement.
2.4 Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Mme [U] soutient avoir été injustement privée du paiement de l'indemnité compensatrice de préavis compte-tenu du prononcé de son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle.
L'association BTP CFA Picardie ne répond pas sur ce point.
Le troisième alinéa de l'article L.1226-4 du code du travail prévoit qu'en cas de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.
A l'inverse, selon l'article L.1226-14 du même code, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5.
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
En l'espèce, il est établi que Mme [U] a observé un certain nombre d'arrêts de travail pour maladie du 7 au 10 juillet 2020, du 4 au 18 décembre 2020, le 15 février 2020, et du 25 mai au 9 juillet 2021, dont il est justifié, à l'appui des certificats médicaux établis par le Dr [A] pendant cette période, qu'ils avaient été motivés par le constat de troubles anxieux à compter du mois de juin 2020.
Outre l'apparition concomitante de cette pathologie avec la modification de certaines missions qu'elle exerçait jusqu'alors, le courrier rédigé le 3 août 2021 par le Dr [J], médecin du travail, s'avère particulièrement explicite sur le lien entre la « grande fragilité psychologique » constatée en visite de pré-reprise et l'inaptitude qu'il envisageait de prononcer consécutivement à la visite de reprise prévue en septembre 2021.
Ces éléments démontrent suffisamment le lien, au moins partiel, entre les troubles anxieux observés médicalement et le contexte professionnel, mais aussi entre l'inaptitude prononcée le 1er septembre 2021 et la maladie dont souffrait Mme [U].
Toutefois, alors que l'avis d'inaptitude ne porte aucune mention sur l'origine professionnelle de cette inaptitude et que les arrêts de travail ponctuels de l'intéressée étaient restés dans le cadre de la simple maladie, aucun élément versé aux débats ne permet de retenir que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.
Dans ces conditions, la situation de Mme [U], licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle, n'ouvre pas droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de sorte que, par infirmation du jugement entrepris, sa demande de ce chef est rejetée.
3. Sur les autres demandes
Compte-tenu de ce qui précède, il conviendra d'ordonner à l'association BTP CFA Picardie sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte, de remettre à Mme [U] les bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.
La solution du litige conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
L'équité commande de laisser aux parties la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance et en appel et de les débouter de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties, succombant partiellement en leurs prétentions, supporteront chacune la charge de leurs propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a dit recevables les demandes indemnitaires de Mme [U] pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, et a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que l'emploi occupé par Mme [U] relève de la classification conventionnelle F,
Condamne l'association BTP CFA Picardie à payer à Mme [U] :
- 16 032,84 euros à titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2018 à septembre 2021, outre 1 603,28 euros de congés payés afférents,
- 1 561,14 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,
Rejette la demande de Mme [U] tendant à l'abondement de son compte personnel de formation,
Rejette les demandes indemnitaires de Mme [U] en réparation d'un harcèlement moral, et d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention,
Rejette la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
Dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé à l'égard de Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,
Rejette les demandes indemnitaires subséquentes,
Rejette la demande de Mme [U] tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,
Ordonne à l'association BTP CFA Picardie de remettre à Mme [U] les bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,
Laisse aux parties la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance et en appel,
Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel,
Laisse aux parties la charge de leurs propres dépens.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.