ORDONNANCE
N° 73
COUR D'APPEL D'AMIENS
RÉFÉRÉS
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 26 JUILLET 2024
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A l'audience publique des référés tenue le 27 Juin 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 21 décembre 2023,
Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00054 du rôle général, dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00055 du rôle général, dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00056 du rôle général,dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00057 du rôle général, dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00058 du rôle général et dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00059 du rôle général
APRÈS COMMUNICATION DU DOSSIER AU MINISTÈRE PUBLIC
ENTRE :
Madame [P] [T] épouse [B]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Monsieur [L] [B]
[Adresse 2]
[Localité 5]
La société LITTLE AMERICA (SAS) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
La société ML DISTRIBUTION ( SAS) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés et plaidant par Me Eric KRAMER de la SCP FABIGNON,LARDON-GALEOTE,EVEN,KRAMER,REBOURCE, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160
Assignant en référé suivant exploits de la SELARL GOURDEAU & Associés, Commissaires de Justice Associés à AMIENS, en date du 05 Juin 2024 et suivant exploits de la SELARL OLLAGNON-MARA-COULON-SOUYAH-MEDEUF, Commissaires de Justice Associés à CREIL, en date du 07 juin 2024, d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Compiègne, en date du 28 Février 2024
ET :
Madame LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS
[Adresse 1]
[Localité 7]
Non comparante, non représentée
La S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Maître [K] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LILY PATISSERIE
[Adresse 4]
[Localité 6]
La S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Maître [K] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame [P] [T] épouse [B]
[Adresse 4]
[Localité 6]
La S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Maître [K] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [L] [B]
[Adresse 4]
[Localité 6]
La S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Maître [K] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LITTLE AMERICA
[Adresse 4]
[Localité 6]
La S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Maître [K] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ML DISTRIBUTION
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentées et plaidant par Me Frédéric GARNIER, avocat au barreau de SENLIS
DEFENDERESSES au référé.
Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.
Après avoir entendu :
- en son assignation et sa plaidoirie : Me Kramer, conseil de M. et Mme [B], de la société Little America et de la société ML Distribution
- en ses conclusions et sa plaidoirie : Me Garnier, conseil de la SCP Alpha Mandataires Judiciaires
L'affaire a été mise en délibéré au 26 Juillet 2024 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe.
Vu le jugement en date du 28 février 2024 du tribunal de commerce de Compiègne qui a :
- étendu à Madame [P] [B] et Monsieur [L] [B], les sociétés ML DISTRIBUTION et LITTLE AMERICA, les opérations de liquidation judiciaire ouvertes le 12 octobre 2022 à l'encontre de la société LILY PATISSERIE ;
- dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun ;
- maintenu Madame [W] en qualité de juge commissaire et Maître [F] en qualité de liquidateur judiciaire ;
- dit que les créanciers de Madame [P] [B] et Monsieur [L] [B], des sociétés ML DISTRIBUTION, et LITTLE AMERICA devront déclarer leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication au BODACC du jugement ;
- ordonné les publicités prescrites par l'article L.621-8 du code de commerce ;
- constaté que le jugement est exécutoire de plein droit ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.
Madame [P] [B] et Monsieur [L] [B], la SAS LITTLE AMERICA et la SAS ML DISTRIBUTION ont formé appel de ce jugement par déclaration reçue le 3 avril 2024 au greffe de la cour.
Par acte de commissaire de justice délivré les 5 et 7 juin 2024, Madame [P] [B] et Monsieur [L] [B], la SAS LITTLE AMERICA et la SAS ML DISTRIBUTION ont fait assigner madame le procureur général près la cour d'appel d'Amiens (procédure enregistrée sous le numéro RG 24/00054), la SCP Alpha mandataires judiciaires prise en la personne de Maître [K] [R] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LITTLE AMERICA (procédure enregistrée sous le numéro RG 24/00055), monsieur [L] [B] (procédure enregistrée sous le numéro RG 24/00056), madame [P] [B] (procédure enregistrée sous le numéro RG 24/00057), la SAS LM DISTRIBUTION (procédure enregistrée sous le numéro RG 24/00058) la SARL Lily Pâtisserie (procédure enregistrées sous le numéro RG/00059) en vue de leur comparution à l'audience du 27 juin 2024 devant madame la première présidente de la Cour d'appel d'Amiens et demandent au visa de l'article R.661-1 du Code de commerce de :
- accueillir les époux [B], la SAS LITTLE AMERICA et la SAS ML DISTRIBUTION en leurs explications, les y dire recevables et bien fondés ;
- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 28 février 2024 ;
- dire que les dépens du référé seront joints aux dépens de l'instance au fond.
Ils soutiennent pour l'essentiel qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement dont appel dans la mesure où :
- la simple lecture des termes du jugement permet de constater que les premiers juges n'ont absolument pas motivé leur décision. En effet, celle-ci consiste quasi exclusivement en une reproduction, au mot près, des conclusions de Maître [R] ;
- il leur est reproché d'avoir laissé apparaître au bilan une somme de l'ordre de 200.000 euros en caisse alors que cette somme ne se retrouvait pas en trésorerie sur les comptes de la société LILY PATISSERIE, cette écriture résultant d'une erreur. Pour autant, celle-ci ne saurait justifier une quelconque confusion de patrimoine, ni même présumer d'un détournement de cette somme, dont au demeurant le liquidateur ne justifie pas. Si la société LILY PÂTISSERIE disposait d'une telle somme en trésorerie, certainement celle-ci n'aurait pas sollicité l'ouverture d'une liquidation judiciaire de sa propre initiative ;
- à la faveur d'un changement de directeur de banque, et alors que la société LILY PATISSERIE commençait à ressentir les effets de la crise des gilets jaunes qui impactait durement son activité, la Banque Populaire Rive de [Localité 9] a mis un terme aux facilités de caisse qui étaient accordées à la société. De ce fait, les époux [B] ont dû pallier, sur leurs fonds personnels, aux problèmes de trésorerie rencontrés par la société LILY PATISSERIE en réglant certaines échéances des prêts que la trésorerie de la société ne lui permettait pas de régler. La productions des décomptes versés aux débats démontre qu'ils ont par ailleurs apporté des fonds personnels en compte courant d'associés. Dès lors, si des prélèvements ont pu intervenir à leur profit, ceux-ci ont reçu un traitement comptable puisqu'il s'agisssait de rembourser les avances en compte courant qu'ils avaient précédement effectuées ;
- aucun mouvement qui n'aurait une justification comptable ne peut leur être reproché pour les sommes qui auraient été versées à leur profit personnel. Notamment, Maître [R] omet de rappeler les avances en compte courant effectuées, pendant la période Covid ;
- les règlements qui peuvent apparaître au débit du compte QONTO au profit d'entreprises situées à proximité de leur domicile ne justifient pas pour autant que ces règlements ont été effectués au profit personnel des époux [B]. En effet, ils se sont fournis auprès des supermarchés locaux, notamment pour y acheter la crème nécessaire à la confection de leurs desserts, dont le prix était inférieur à celui pratiqué par des fournisseurs en gros. De même, les concluants justifient que ces achats prétendument faits pour la subsistance des époux [B], concernent en réalité les frais d'essence et de péage entre le lieu de fabrication et les établissements des clients de la société LILY PATISSERIE qu'ils devaient livrer ;
- cela est également justifié par le fait que la production des pâtisseries était faite dans le laboratoire situé dans les dépendances de leur résidence ;
- le véhicule Volkswagen de la société a bien été restitué tel qu'il est justifié par la production du procès-verbal de remise volontaire du 6 juillet 2022 ;
- concernant le réglement de factures de la SICAE qui correspondrait aux fluides du domicile, il s'agit de remboursement de charges acquittées par la société LILY PATISSERIE en vertu du bail conclu pour l'occupation du laboratoire situé à leur domicile. Celles-ci n'incluent pas celles affèrentes au domicile, qui sont par ailleurs acquittées. Il en va de même des loyers acquittés par la société LILY PATISSERIE en vertu du même bail, pour lesquels des quittances ont été dûment établies et comptabilisées ;
- des aménagements ont été faits, ceux-ci l'ont été dans le cadre du bail commercial conclu, et sont parfaitement justifiés ;
- les opérations critiquées essentiellement au cours des exercices 2017 et 2018, sont justifiées comptablement. La seule existence de flux finnanciers ne suffit pas à justifier une confusion de patrimoine et l'extension de la procédure collective. Il appartient à Maître [R] ès qualités, de rapporter la preuve du caractère anormal de ces flux financiers ;
- concernant l'existence dans la comptabilité sociale d'un compte caisse de 213.542, 81 euros alors que cette somme ne se trouvait pas au crédit des comptes bancaires de la société, Maître [R] n'est pas en mesure de justifier de la moindre opération apparaissant au débit du compte démontrant qu'une telle somme a été virée au profit de telle ou telle société ou des époux [B]. Cette somme résulte d'une erreur d'écriture comptable qui se vérifie aisément par la seule lecture des relevés de comptes versés aux débats par le liquidateur ;
- les règlements de loyers effectués par la société LILY PATISSERIE au profit de la société LITTLE AMERICA trouvent une justification contractuelle dans le bail commercial conclu entre la société LILY PATISSERIE et Mme et M. [G] ;
- il n'est pas justifié d'un flux anormal de trésorie, au demeurant entre deux comptes, certes affectés à des établissements différents, mais dépendants tous de la seule et même entité juridique qu'est la société LILY PÂTISSERIE ;
- les multiples opérations à chiffres ronds identifiées par Maître [R] constituent des virements internes;
- la société ML DISTRIBUTION n'a pas détourné la clientèle de la société LILY PATISSERIE, la situation géographique des établissements de ces deux sociétés ne le permettant pas à l'évidence et elle n'a jamais été cessionnaire de l'un des établissements de la société LILY PATISSERIE. Celle-ci a toujours eu une activité qui lui été propre. Au demeurant il n'est pas démontré le contraire.
Par conclusions en défense transmises le 18 juin 2024, la SCP Alpha mandataires judiciaires ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LITTLE AMERICA, des époux [B], de la SAS LM DISTRIBUTION et de la SARL LILY PATISSERIE soulève in limine litis la nullité de l'assignation délivrée à la requête des époux [B] et des sociétés LITTLE AMERICA et LM DISTRIBUTION en ce qu'elle ne mentionne pas l'indication du domicile des époux [B] et ce en méconnaissance des articles 54, 3a) et 648, 2a) du code de procédure civile.
Au surplus, la SCP Alpha mandataires judiciaires demande à madame la première présidente de bien vouloir :
- rejeter les demandes de M. et Mme [B], la SAS LITTLE AMERICA et la SAS ML DISTRIBUTION;
- les condamner in solidum aux dépens et au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP Alpha mandataires judiciaires ès qualité fait valoir que si des moyens d'annulation devaient être articulés, la cour serait toujours tenue par l'effet dévolutif de l'appel de statuer de nouveau sur l'extension de la procédure collective ;
- les moyens opposés n'ont pas le sérieux suffisant ;
- ce qui importe du point de vue des flux anormaux de trésorie c'est exclusivement l'anormalité civile des mouvements patrimoniaux entre le débiteur visé initialement par la procédure et le défendeur à l'extension, peu importe l'incription effective des mouvements dans les comptes sociaux ;
-le fait de ne pas avoir tenu de comptabilité entre l'exercice clos le 31 décembre 2018 et la liquidation judiciaire du 12 octobre 2022 n'est évidemmment pas de nature à rasséréner sur le terrain de la confusion des comptes sociaux ;
- l'extension de la liquidation est fondée sur l'indistinction patrimoniale des deniers sociaux sans que les époux [B] qui font état du remboursement d'avances en comptes courants ne soient en mesure de justifier de la position exacte de ces derniers, ce qui est caractéristique d'une confusion des comptes, les prélèvements opérés dans des proportions manifestement supérieures à ce qu'ils ont pu apporter étant caractéristiques de flux anormaux de trésorerie même si cela avait été dûment retracé dans la comptabilité ce qui n'est pas le cas;
- dans le contexte d'activité fantomatique, les époux [B] ne peuvent sérieusement prétendre ne pas avoir utilisé des deniers sociaux pour assurer leur subsistance ;
- l'actif de la société LILY PATISSERIE a tout simplement été utilisé pour augmenter la valeur du patrimoine immobilier personnel de la dirigeante sans contrepartie civile. Par suite, une fois cet actif capté, l'activité a été détournée vers la société ML DISTRIBUTION ;
- la société ML DISTRIBUTION s'est en effet vu conférer le bail commercial des locaux précédemment exploités par LILY PATISSERIE avant qu'elle ne soit précipitée dans les liens de la liquidation judiciaire et sans que le bail qu'elle avait elle-même signé n'ait par ailleurs été formellement rompu. Ainsi, ML DISTRIBUTION a eu la jouissance économique du laboratoire de pâtisserie, qui est l'outil de production financé sur les deniers sociaux de LILY PATISSERIE, la société ML DISTRIBUTION ayant récupéré les aides Covid de LILY PATISSERIE pour abonder sa trésorerie et assurer la même activité;
- enfin, la société LILY PATISSERIE s'est défaite de tout son actif social sans contrepartie réelle au profit de la société LITTLE AMERICA, ce qui ne peut être sérieusement contesté.
Par conclusions en réponse transmises le 26 juin 2024, les époux [B], la société LITTLE AMERICA et la société ML DISTRIBUTION ont entendu réfuter l'ensembles des moyens sur lesquels la mandataire liquidateur s'est fondé notamment pour demander la nullité de l'assignation en date du 7 juin 2024 à comparaître devant le juridiction du Premier Président.
Ainsi, les époux [B] font valoir qu'ils ont entendu, aux termes de leur exploit introductif d'instance, se domicilier pour les besoins de la procédure à leur domicile situé [Adresse 2] à [Localité 5], dont ils ont fait l'acquisition en 2018 ce dont ils justifient par la production de factures notamment de restauration scolaires et péri-scolaires pour leurs enfants et de relevés de taxes foncières et d'habitation.
Pour le surplus, les époux [B], la société LITTLE AMERICA et la société ML DISTRIBUTION réfutent les moyens opposés pour conclure à la confusion des patrimoines et demandent le bénéfice de leur assignation.
Le Ministère Public auquel le dossier a été communiqué a transmis son avis écrit et conclut à la confirmation de la décision dont appel.
SUR CE
Sur la jonction des procédures
Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction de l'ensemble des procédures qui se poursuivront sous le seul numéro RG : 24/00054.
Sur la nullité de l'assignation devant le Premier Président
L'article 54 du code de procédure civile , dans sa version en vigueur depuis le 1 janvier 2021 suite à sa modification par décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020 - art. 1, prévoit que : "'La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.
A peine de nullité, la demande initiale mentionne :
1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
2° L'objet de la demande ;
3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ";
L' article 648 du même code prévoit que : " Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :
1. Sa date ;
2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance".
Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.
L' article 649 du même code prévoit que : " La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ."
L' article 114 du même code prévoit que : "Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public."
En l'espèce, la SCP Alpha mandataires judiciaires ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LITTLE AMERICA, des époux [B], de la SAS LM DISTRIBUTION et de la SARL LILY PATISSERIE fait valoir que l'assignation à comparaître devant la juridiction du premier président ne comporte pas l'indication du domicile réel des époux [B], ce qu'elle entend démontrer par la production de l'assignation qui a été délivrée le 31 mai 2023 aux époux [B], [Adresse 2] à [Localité 5], en vue de l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société LILY PATISSERIE.
Cette assignation a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses, le commissaire de justice chargé de la signification de l'acte ayant indiqué que sur la boîte aux lettres il est fait mention du nom [I] [E], les intéressés y étant inconnus, la fille de M.et Mme [I], rencontrée sur place ayant indiqué que Mme [P] [B] et M. [L] [B] sont propriétaires de la maison à cette adresse mais qu'ils ont quitté les lieux suite à la mise en location de leur bien aux époux [I] depuis mars 2023, n'ayant pas connaissance d'une autre adresse et ne possédant pas le numéro de téléphone des intéressés, l'enquête de voisinage ainsi que les démarches auprès de la mairie n'ayant pas permis d'avoir connaissance d'une éventuelle adresse, pas plus que les démarches entreprises auprès du mandant, de la poste et par recherches sur les sites internet pour les département de l'Oise et de la région Picardie.
Par ailleurs, la société Alpha Mandataires judiciaires, ès qualité, justifie que l'acte de signification du jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 6 mars 2024 à M. et Mme [B], a été effectué à la requête du greffe à l'adresse [Adresse 3], le commissaire de justice chargé de la signification ayant indiqué dans l'acte que le domicile est certain en ce que le nom du destinataire est inscrit sur la boîte aux lettres et sur l'interphone, personne n'ayant toutefois répondu à ses appels de telle sorte que l'acte a été délivré dans les formes de l'article 656 du code de procédure civile.
Pour s'opposer à la demande tendant à la nullité de l'assignation devant le premier président, les époux [B] produisent leurs avis de taxe foncière 2022 et 2023 et pour les éléments les plus récents, une facture de frais de restauration et périscolaires de la commune de [Localité 5] pour deux enfants nés en 2016 et 2018, pour la période du novembre 2023 (régularisation) au 30 avril 2024, outre une facture Veolia concernant la consommation d'eau en date du du 22 avril 2024 correspondant au domicile indiqué dans l'assignation délivrée les 5 et 7 juin 2024.
Ainsi, les époux [B] justifient que l'assignation saisissant le premier président comporte l'indication de leur domicile actuel et réel, la société Alpha mandataires judiciaires ayant lieu d'être déboutée de sa demande de nullité de l'assignation.
Sur la demande de suspension de l'exécution provisoire
Il résulte de l'article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d'appel permettent de suspendre l' exécution provisoire attachée au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Pour faire droit à la demande de mandataire liquidateur de la société LILY PATISSERIE tendant à l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de cette société à M. et Mme [B] et aux sociétés LITTLE AMERICA et ML DISTRIBUTION, le tribunal a retenu ce qui suit :
' Au vu du rapport de Maître [F], et en application de l'article L.621-2 du code de commerce, qui prévoit que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne morale peut être étendue à une autre personne morale ou physique et ce, soit en cas de fictivité, soit en cas de confusion de patrimoine.
Qu'au regard de cette situation, Maître [F], ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl LILY PÂTISSERIE, est bien fondé à solliciter du tribunal qu'il étende la procédure de liquidation judiciaire à Madame [P] [B], Monsieur [L] [B], la société ML DISTRIBUTION et LITTLE AMERICA.
Qu'il est constant que la confusion des patrimoines de la société LILY PATISSERIE, Madame [P] [B], Monsieur [L] [B], la société ML DISTRIBUTION et LITTLE AMARINA est caractérisée.
Le tribunal prononcera donc, conformément aux dispositions de l'article L.621-2 du code de commerce, l'extension à Madame [P] [B], Monsieur [L] [B], la société ML DISTRIBUTION et LITTLE AMERICA de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société LILY PÂTISSERIE.'
Or, l'affirmation selon laquelle il est constant que la confusion de patrimoine est caractérisée équivaut à une absence de motif, le rappel des conclusions prises dans l'intérêt de la liquidation judiciaire, fondé sur le rapport de Maître [F], étant insuffisant en ce qu'il ne distingue pas les motifs qui ont été déterminants pour le tribunal pour se prononcer ; qu'il ne comporte aucune analyse des pièces permettant de conclure à la confusion des patrimoines personnels des époux [B] et des trois sociétés qu'ils ont créée successivement aucune réponse n'étant apportée aux moyens des défendeurs à l'action, la reproduction des conclusions du mandataire liquidateur ne pouvant servir de motivation au jugement.
Le moyen tiré de l'absence de motivation du jugement est sérieux et il n'appartient pas au Premier Président saisi sur le fondement de l'article R.661-1 du code de commerce de procéder à la recherche des motifs pertinents qui pourraient être retenus pour statuer sur la demande d'extension de la procédure de liquidation dont la cour est saisie.
Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède de prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement dont appel.
Sur les frais et dépens
Compte tenu de la situation des parties il y a lieu de dire qu'elles conserveront chacune à leur charge les dépens dont elle ont fait l'avance, ceux-ci étant pris en charge au titre de la liquidation judiciaire s'agissant de la société LILY PATISSERIE prise en la personne de la société Alpha Mandataires judiciaires.
Par ailleurs, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les sommes qu'elles ont exposées non comprises dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
Ordonnons la jonction des procédures RG 24/00054, RG 24/00055, RG 24/00056, RG 24/00057, RG 24/00058 et RG 24/00059 qui se poursuivront sous le seul numéro RG 24/00054,
Déboutons la société Alpha Mandataires judiciaires, ès qualité, de sa demande d'annulation de l'assignation à comparaître devant la juridiction du premier président,
Ordonnons la suspension de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 28 février 2024;
Disons que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ceux-ci étant pris en charge au titre de la liquidation judiciaire s'agissant de la société LILY PATISSERIE prise en la personne de la société Alpha Mandataires judiciaires.
A l'audience du 26 Juillet 2024, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme MANTION, Présidente et Mme CHAPON, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,